
LA MAISON AU FOND DU PARC (La Casa sperduta nel parco) réalisé par Ruggero Deodato, disponible en Blu-ray chez Le Chat qui fume.
Acteurs : David Hess, Annie Belle, Christian Borromeo, Giovanni Lombardo Radice, Marie Claude Joseph, Gabriele Di Giulio, Lorraine De Selle, Karoline Mardeck, Brigitte Petronio…
Scénario : Gianfranco Clerici & Vincenzo Mannino
Photographie : Sergio D’Offizi
Musique : Riz Ortolani
Durée : 1h32
Date de sortie initiale : 1980
LE FILM
Alex, voyou et violeur, tient sous sa coupe Ricky, un peu simplet. Tous deux travaillent dans un garage aux affaires douteuses. Alors qu’ils s’apprêtent à sortir en boîte, ils dépannent la voiture d’un couple de jeunes bourgeois qui, pour les remercier, les invite à une soirée dans leur villa. Si Ricky s’y amuse, Alex réalise vite que l’assemblée cherche à les humilier. Énervé, il sort son rasoir et prend la soirée en main…

La Maison au fond du parc – La Casa sperduta nel parco est né de l’argent qui restait à disposition aux deux producteurs Franco Di Nunzio et Franco Palaggi, après le tournage de Cannibal Holocaust. En effet, le réalisateur Ruggero Deodato ayant été encore plus radical et rapide que prévu en Colombie, celui-ci se voit proposer d’emballer un autre film avec ce qui reste alors dans la tirelire mise à disposition. Seule recommandation, le metteur en scène doit filmer lui-même quelques scènes à New York, afin d’y ancrer l’histoire de son nouvel opus, les scènes d’intérieur étant prévues en studio en Italie. Le montage prendra le relais pour faire croire que tout se déroule à New York et dans ses environs. Gianfranco Clerici (La Longue nuit de l’exorcisme, MurderRock, L’Éventreur de New York) et Vincenzo Mannino (Formule pour un meurtre, Les Prédateurs du futur, L’Antéchrist), se mettent à l’écriture et livrent ce qui sera La Maison au fond du parc, qui appartient au genre rape & revenge, tout droit hérité de La Dernière maison sur la gauche (1972) de Wes Craven. Non seulement la trame narrative et l’intrigue sont très proches de ce film devenu immédiatement une référence et un modèle à plagier, mais David Hess, qui incarnait le fameux Krug Stillo, tient également le haut de l’affiche dans cette Casa sperduta nel parco. Le sieur Deodato devait démarrer les prises de vue alors que son odyssée sanglante dans la forêt amazonienne n’était pas encore sortie sur les écrans, avec le scandale qui allait l’accompagner. Rétrospectivement, La Maison au fond du parc est sans doute l’un des meilleurs opus du maestro. Impeccablement emballé, ce thriller demeure une oeuvre très violente, sans concession, morbide, cruelle, dérangeante, à l’érotisme malsain, mais génialement réalisée, photographiée, cadrée, montée et interprétée, le tout en trois semaines seulement et dont la rapidité (pour ne pas dire l’urgence) d’exécution se ressent à l’écran. À ne pas mettre devant tous les yeux toutefois. Il faut dire que Ruggero Deodato n’y va pas de main-morte et met souvent tout humour de côté, aucune soupape permettant au spectateur de reprendre son souffle devant ce spectacle transgressif, sulfureux et subversif. Un chaînon manquant, toutes proportions gardées bien sûr, ne hurlez pas, entre La Maison des otages – The Desperate Hours (1955) de William Wyler (que refera Michael Cimino au début des années 1990) et Orange mécanique – A Clockwork Orange (1971) de Stanley Kubrick.



Alex travaille comme homme à tout faire dans un parking souterrain de New York avec son ami Ricky, légèrement handicapé mental. Un soir, Tom et sa petite amie, Liza, arrivent au parking. Ils se rendent à une fête dans la villa de Tom, en périphérie de la ville, mais leur voiture tombe en panne. Alex répare rapidement la voiture et, en guise de remerciement, Tom les invite tous les deux à la fête. Alex accepte, non sans avoir glissé un rasoir dans la poche de sa veste. Arrivés à la villa, ils trouvent les invités, deux couples de la classe moyenne, déjà installés. Alex tente, sans succès, de séduire Liza, qui prend même une douche devant lui, tandis que Ricky danse et joue au poker avec les autres. La situation dégénère lorsqu’Alex comprend que Ricky et lui ont été invités pour faire les pitres, Ricky commençant à avoir une dette importante au poker, et c’est Alex qui découvre que les autres trompent son ami. Dès lors, Alex instaure un règne de terreur dans la maison, avec la complicité erratique de Ricky, parfois sceptique face à la violence extrême des actes d’Alex. Menant tout le monde à distance avec un rasoir, Alex frappe à plusieurs reprises les garçons présents et viole Liza.


En 1972, le réalisateur Wes Craven signe son premier long métrage, La Dernière maison sur la gauche. Film d’horreur d’une extrême violence, cette histoire d’assassins qui séquestrent et torturent à mort deux jeunes filles fait polémique à travers le monde, ce qui ne l’empêche pas d’être un très grand succès. Avide de reprendre une recette qui fonctionne, le cinéma italien s’engouffre dans la brèche et participe alors à ce sous-genre baptisé Rape & Revenge, autrement dit le viol et la vengeance. Suivront donc des copies, des ersatz, à l’instar des formidables La Dernière maison sur la plage – La Settima donna (1978) de Franco Prosperi et Les Tueurs sont nos invités – Gli assassini sono nostri ospiti (1974) de Vincenzo Rigo. La Maison au fond du parc est un film anxiogène, qui prend le spectateur à la gorge pendant 1h30, de l’impressionnante scène d’ouverture, celle du viol, interprété par David Hess et sa véritable compagne, jusqu’aux diverses séquences d’humiliation et d’autres viols, parfois troublants, car presque « consentis ».


Le twist, car il faut bien assurer le côté « revenge », passe au forceps et fait quelque peu pièce rapportée, mais cela passe et ce grâce à l’investissement toujours imposant de David Hess. Passé à la postérité avec le film de Wes Craven, mais aussi avec le remarquable La Proie de l’autostop – Autostop rosso sangue (1977) de Pasquale Festa Campanile, dans lequel il interprète l’un des plus grands sadiques de l’histoire du cinéma italien, David Hess livre une fois de plus un grand numéro et emporte tout sur son passage comme un typhon humain. Les autres acteurs tirent aussi leur épingle du jeu, les superbes Annie Belle (croisée chez Jean Rolin et chez une multitude de cinéastes transalpins), qui rappelle beaucoup Sylvia Kristel, Marie Claude Joseph (dans son unique apparition au cinéma) et Lorraine De Selle (Les Bêtes féroces attaquent, Les Contrebandiers de Santa Lucia), l’étonnant Christian Borromeo (Ténèbres, Intervista), l’excellent Giovanni Lombardo Radice (Cannibal Ferox, Sanctuaire, La Secte) et le reste de la distribution, forcément limitée, comme il s’agit d’un huis clos.


Redoutablement immersif, impression renforcée par l’utilisation récurrente d’une caméra portée (par ailleurs, très belle photo de Sergio D’Offizi), La Maison au fond du parc reste une expérience traumatisante et glaçante, qui joue sérieusement avec les nerfs des spectateurs et ne les lâche plus du début à la fin, comme si ceux-ci étaient invités à la « fête » et donc consentants quant au déroulé des festivités. Impossible de prendre la poudre d’escampette (tout comme d’imaginer un film pareil en 2025), Ruggero Deoadato étant loin d’être un manchot et surtout capable de créer comme un état d’hypnose auprès de son public. Et on en redemande, malades que nous sommes.



LE BLU-RAY
Octobre 2006, Neo Publishing propose La Maison au fond du parc en DVD, avec sa jaquette au visuel tranchant, agrémentée d’une accroche directe « La torture, une jouissance ! La violence, un plaisir ! ». Le Chat qui fume récupère ce titre dans son catalogue et le propose cette fois en Haute-Définition. Très belle jaquette, glissée dans un boîtier Scanavo (toujours classe), surmonté d’un fourreau cartonné au visuel aussi somptueux qu’inattendu pour La Maison au fond du parc, sans doute hérité d’une des affiches d’exploitation originales. Le menu principal est animé et musical.


En plus de la bande-annonce, Le Chat qui fume présente un documentaire rétrospectif consacré à La Maison au fond du parc (87’). Nous avons droit à une succession d’entretiens croisés avec le réalisateur Ruggero Deodato (mort en 2022), du directeur de la photographie Sergio d’Offizi, du décorateur Antonello Geleng (qui critique beaucoup son propre travail, allant même jusqu’à dire « qu’il est difficile de faire pire ») et de l’acteur Giovanni Lombardo Radice (disparu en 2023). De nombreuses anecdotes et souvenirs sont partagés au fil de ce formidable module, sans langue de bois (on y parle ouvertement des problèmes de drogue d’une bonne partie de la distribution) et qui donne de précieuses informations sur la genèse du film, ainsi que sur les conditions de tournage. Le casting est aussi passé au peigne fin, Giovanni Lombardo Radice se taillant la part du lion en parlant de la direction de Ruggero Deodato, ainsi que de ses partenaires, parfois décontenancés de jouer en anglais, surtout face à l’imprévisible David Hess. La musique, le montage et même le sujet d’une suite envisagée (avec le personnage de Ricky) sont les derniers points abordés.




L’Image et le son
Comme à son habitude, Le Chat qui fume présente une copie entièrement restaurée de La Maison au fond du parc. Force est de constater que le film de Ruggero Deodato n’a probablement jamais été aussi éclatant. Les couleurs sont lumineuses (aaaah les yeux d’Annie Belle), la stabilité jamais prise en défaut, le piqué pointu sur les scènes diurnes, mais aussi (et c’est sans doute sur ce point que se voit le plus le lifting) sur les séquences tamisées ou sur les séquences de nuit, où la texture argentique demeure solidement équilibrée. Il y a de quoi s’extasier devant la magnificence de ce master Haute-Définition, qui offre un confort de visionnage total pour apprécier la composition des plans du réalisateur. Blu-ray au format 1080p.

La Maison au fond du parc est proposé en français et en italien, malgré un tournage réalisé en anglais. La première piste dispose d’un doublage bas de gamme, le mixage s’avérant souvent chuintant et étouffé, en misant aussi trop souvent sur le report des voix au détriment des effets annexes. La version italienne s’en sort mieux. Fluide et dynamique, propre, elle instaure un bon confort acoustique.



Crédits images : © Le Chat qui fume / Rewind / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr
