Test Blu-ray / La Corruption de Chris Miller, réalisé par Juan Antonio Bardem

LA CORRUPTION DE CHRIS MILLER (La Corrupción de Chris Miller) réalisé par Juan Antonio Bardem, disponible en Blu-ray chez Le Chat qui fume.

Acteurs : Jean Seberg, Marisol, Barry Stokes, Perla Cristal, Rudy Gaebel, Gérard Tichy, Alicia Altabella, Mariano Vidal Molina…

Scénario : Santiago Moncada

Photographie : Juan Gelpí

Musique : Waldo de los Ríos

Durée : 1h53

Date de sortie initiale : 1973

LE FILM

Années 1970, dans le Pays basque espagnol – Ruth Miller réside dans sa propriété avec sa belle-fille, Chris, psychologiquement instable à la suite d’un viol. Ruth, quant à elle, souffre de névrose après avoir été abandonnée par son mari. Les deux femmes vivent dans un climat de peur, d’autant que, depuis plusieurs mois, la région est le théâtre d’une série de meurtres. Lors d’une nuit d’orage, un vagabond, Barney Webster, vient se réfugier dans la grange des Miller. Après un moment d’hésitation, Ruth l’engage comme homme à tout faire…

Quelle étrange filmographie que celle de Jean Seberg…Après les années 1960 où elle a collaboré avec Claude Chabrol, Philippe de Broca, Robert Rossen, Jean Becker et Jacques Besnard, la comédienne s’exporte à l’international et apparaît dans Airport de George Seaton, La Kermesse de l’Ouest Paint Your Wagon de Joshua Logan, dans lequel elle pousse la chansonnette auprès de Clint Eastwood (énorme four au box-office). Après deux films mis en scène par son compagnon Romain Gary (Les Oiseaux vont mourir au Pérou et Kill), Jean Seberg se promène aussi bien en Italie (Un amour insolite Questa specie d’amore d’Alberto Bevilacqua, Les Tueurs à gages Camorra de Pasquale Squitieri) qu’en Espagne, où elle tourne La Corruption de Chris Miller La Corrupción de Chris Miller, réalisé par Juan Antonio Bardem. Ce giallo ibérique, rejeté par Jean Seberg qui n’accepta le film que pour le gros cachet qu’on lui proposait, est une grande découverte et s’avère même marquant à plus d’un titre. D’une part pour son ambiance étouffante et immersive, d’autre part pour la prestation de son trio vedette, Jean Seberg donc, peu importe ce qu’elle a pu en dire par la suite, Josefa Flores González, plus connue sous le pseudo de Marisol, chanteuse très célèbre dans son pays, et Barry Stokes, impeccable dans la peau de l’énigmatique Barney Webster, qui va s’immiscer dans le quotidien de Ruth Miller et de sa belle-fille Chris…Une expérience cinématographique à part entière, à mi-chemin entre le film de genre et le film d’auteur expérimental.

Dans sa propriété, dans le Pays Basque, Ruth Miller y passe l’été avec sa belle-fille Chris, qui souffre de troubles psychiatriques depuis qu’un haltérophile l’a violée dans les douches d’un gymnase, après avoir éteint la lumière. Depuis, Chris est devenue fragile, prise de peur panique dès que la pluie se met à tomber et ne supporte pas l’obscurité. Névrosée depuis le départ de son mari, un artiste itinérant, Ruth a du mal à la calmer et la protéger. La nuit tombée, les deux femmes prennent bien soin de cloîtrer portes et fenêtres de la propriété. Mais elles espèrent ensemble le retour de l’homme de la maison, sans doute parti définitivement. Pourtant, Ruth semble avoir des sentiments incestueux envers Chris qui, pour fuir ses gestes trop affectueux, se réfugie chez un jeune châtelain désargenté, Louis, amateur de chevaux. Et puis, un soir d’orage, un vagabond vient se réfugier dans la grange des Miller. Au petit matin, Ruth le trouve couché nu dans la paille. A la fois troublée et agacée, elle le somme de quitter la propriété. Mais ce dernier, à la fois jeune et bel homme, parvient à convaincre Ruth de l’engager comme homme à tout faire. Son arrivée trouble immédiatement les Miller. Séducteur expérimenté, Barney séduit Ruth, couche avec elle puis charme sa belle-fille et souhaite lui faire l’amour. Seulement, il ignore tout du traumatisme que Chris a subi dans le passé mais il paraît déterminé à aller jusqu’au bout. Mais en dehors des deux femmes, Barney semble également s’intéresser à autre chose dans la propriété.

La Corruption de Chris Miller entretient son mystère du début à la fin, tout en conservant une atmosphère poisseuse (il pleut d’ailleurs tout du long, ou presque) et malaisante. Pourquoi Barney se met-il à fouiller la demeure des Miller, mais paraît décontenancé quand il ne trouve pas ce qu’il semble chercher ? Tandis que les soupçons pèsent de plus en plus sur ce jeune homme, surtout avec un tueur en série (déguisé en Charlot ou vêtu d’un ciré) qui rôde dans les environs et vient de massacrer une ancienne vedette de la chanson, retrouvée sauvagement assassinée dans sa propriété, les Miller apprennent qu’une famille entière a été décimée dans leur ferme voisine de leur maison. Hormis Chris, âgée d’une vingtaine d’année, attachante car innocente, malade, les personnages de La Corruption de Chris Miller sont repoussants, en premier lieu Ruth, qui non seulement appuie son emprise sur sa belle-fille en la cloîtrant en quatre murs, mais abuse également d’elle au moment de ses crises de panique.

Une tension sexuelle imprègne le récit et à ce jeu-là, la relation entre Ruth et Barney donne au film un caractère peu aimable et donc forcément passionnant, surtout quand Chris devient l’objet de convoitise des deux individus. L’homme en prend plein la tronche dans La Corrupción de Chris Miller, jugé méprisable, mesquin, ambitieux, sans aucun scrupule, cruel, violent…et malgré tout charmant comme l’indique Ruth. Le père de Chris étant parti depuis belle lurette, sa fille attendant patiemment son retour, sa femme en profite allègrement jusqu’à l’arrivée inattendue de ce type, nu comme un ver dans la paille, qui va justement gâter la pomme d’amour qu’entretenait Ruth avec sa belle-fille.

D’entrée de jeu, les scènes de séduction laissent place à un meurtre sec, brutal, comme le sera le massacre sadique de la famille un peu plus tard. Remarquablement emballé par Juan Antonio Bardem (1922-2002), cinéaste engagé (il revendiquait ouvertement son appartenance au parti communiste) et frontal du fabuleux Mort d’un cycliste Muerte de un ciclista (1955), qui critiquait déjà ouvertement la bourgeoisie sous le régime franquiste et également bien écrit par Santiaga Moncada (Une hache pour la lune de miel, Toutes les couleurs du vice), La Corruption de Chris Miller n’est certes pas l’opus le plus représentatif du cinéaste, mais n’en reste pas moins un savoureux tour de force, largement influencé par Alfred Hitchcock.

LE BLU-RAY

C’est chez Le Chat qui fume que débarque La Corruption de Chris Miller. Une édition Blu-ray magnifique, qui se présente sous la forme d’un boîtier Scanavo, le visuel de la jaquette étant particulièrement chiadé. Le menu principal est animé et musical. Édition limitée à 1000 exemplaires.

Seule la bande-annonce (en anglais) est proposée en guise de supplément.

L’Image et le son

Le Chat qui fume reprend le master restauré 4K édité en avril 2019 chez Vinegar Syndrome. On retrouve effectivement les mêmes poussières et rayures verticales passées à travers les mailles du filet de ce lifting, ainsi que la dernière bobine endommagée, mais aussi et surtout les bons points. La texture argentique est présente, organique, équilibrée et élégante, les contrastes solides restituent les superbes partis-pris du directeur de la photographie Juan Gelpí (Les Crocs du diable d’Antonio Isasi-Isasmendi, Le Paria de Claude Carliez) et la stabilité est de mise. Le piqué est également acéré et les détails abondent aux quatre coins du cadre large, sur les décors, les matières, mais aussi sur les visages souvent capturés en gros plan. Un service princier, qui en dehors de quelques légers couacs offre au film de Juan Antonio Bardem une vraie résurrection.

Privilégiez évidemment la version espagnole, plus claire et équilibrée que la piste française également présentée. Les dialogues sont clairs et propres en VO et la langue plus appropriée pour l’atmosphère de La Corruption de Chris Miller. Belle place de la musique signée Waldo de los Ríos (Les Révoltés de l’an 2000, Les Brutes dans la ville, La Pampa sauvage).

Crédits images : © Le Chat qui fume / Victory / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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