Test Blu-ray / La Chimère, réalisé par Alice Rohrwacher

LA CHIMÈRE (La Chimera) réalisé par Alice Rohrwacher, disponible en DVD & Blu-ray le 6 avril 2024 chez Ad Vitam.

Acteurs : Josh O’Connor, Carol Duarte, Vincenzo Nemolato, Isabella Rossellini, Alba Rohrwacher, Lou Roy-Lecollinet, Giuliano Mantovani, Gian Piero Capretto…

Scénario : Alice Rohrwacher, Carmela Covino & Marco Pettenello

Photographie : Hélène Louvart

Musique : Nelly Quettier

Durée : 2h05

Date de sortie initiale : 2023

LE FILM

Chacun poursuit sa chimère sans jamais parvenir à la saisir. Pour certains, c’est un rêve d’argent facile, pour d’autres la quête d’un amour passé… De retour dans sa petite ville du bord de la mer Tyrrhénienne, Arthur retrouve sa bande de Tombaroli, des pilleurs de tombes étrusques et de merveilles archéologiques. Arthur a un don qu’il met au service de ses amis brigands : il ressent le vide. Le vide de la terre dans laquelle se trouvent les vestiges d’un monde passé. Le même vide qu’a laissé en lui le souvenir de son amour perdu, Beniamina.

S’il y a bien une réalisatrice qui se démarque dans le cinéma italien contemporain, essentiellement marqué par des comédies dont l’unique but est de remplir le tiroir-caisse, c’est Alice Rohrwacher (née en 1980), découverte en 2011 avec Corpo celeste, présenté à la Quinzaine des réalisateurs lors du Festival de Cannes. C’est d’ailleurs sur la Croisette que sa carrière débutera réellement, puisque son second long-métrage, Les Merveilles, y sera récompensé par le Grand Prix en 2014, puis ce sera au tour de Heureux comme Lazzaro Lazzaro Felice, Prix du scénario ex æquo avec le film iranien Trois visages quatre ans plus tard. S’il n’a rien reçu en 2023, La Chimère confirme une fois de plus la singularité de l’univers d’Alice Rohrwacher, œuvre sensorielle, contemplative, qui se place dans la droite ligne du septième art transalpin d’antan, comme un chaînon manquant entre Roberto Rossellini et Federico Fellini. Les fantômes rôdent dans La Chimère, qui convoque le spectre d’un cinéma disparu, qui montre des personnages piller des tombes (doit-on y voir une métaphore ?), leur seul moyen de subsister, où ceux qui restent essaient de s’en sortir comme ils le peuvent, tandis qu’une mère (sublime Isabella Rossellini) attend le retour de sa fille pourtant décédée. Magnifiquement interprété, en particulier par le britannique Josh O’Connor, formidable comédien vu dans la série The Crown dans laquelle il incarnait Charles III et dernièrement dans le très beau Entre les lignes Mothering Sunday d’Eva Husson, La Chimère est un présent pour les cinéphiles, qui se laisseront envoûter et emporter par la poésie qui se dégage de ce drame délicat et à fleur de peau.

Dans l’Italie des années 1980, Arthur est un jeune Britannique qui met ses dons de medium au service d’une bande loufoque de pilleurs de sépultures étrusques. Les artéfacts sortis de terre en toute illégalité sont ensuite vendus à un réseau international de trafiquants d’antiquités dirigé par une Allemande. Arthur est lié à une ancienne chanteuse d’opéra qui vit dans une grande demeure qui tombe en ruines. Il a été naguère amoureux de l’une des filles de la vieille dame, à présent harcelée par ses filles et ses petites filles. Sous le prétexte de lui donner des cours de chant, la vieille dame emploie comme domestique une jeune femme mère célibataire qui cache ses deux enfants dans la demeure. Celle-ci va peu à peu s’intéresser à Arthur et essayer de le détourner de ses activités de pillage archéologique.

Si La Chimère n’a reçu aucun prix à Cannes, Alice Rohrwacher a su créer une complicité avec les passionnés de cinéma, qui lui réserver un bel accueil, comme la critique française. Voici ce qui est annoncé comme étant le dernier volet de la trilogie de la cinéaste consacrée à la vie rurale, monde qu’elle connaît pour avoir grandi en Ombrie, région d’Italie centrale, l’un des centres de la civilisation étrusque. Alice Rohrwacher parle donc en connaissance de cause et livre un « chapitre final » en allant encore plus loin dans le quasi-surnaturel lié aux traditions et aux superstitions. Le poids du passé est cette fois encore au centre de La Chimère, qui empêche les protagonistes d’avancer, d’aller de l’avant, de penser à eux-mêmes, de se détacher de racines qui non seulement les retiennent, mais les ramènent toujours à leur point de départ. Avec son costume couleur crème qui aurait bien besoin d’un bon lavage, d’être essoré plusieurs fois et surtout d’être repassé, Arthur, anglais de son état, paumé dans une région reculée de la Botte et balbutiant quelques mots de la langue de Dante, est une anomalie. Mais celui-ci a un don, celui de sentir le vide sous ses pieds comme un sourcier débusque l’eau avec sa baguette, un pouvoir utilisé par des pilleurs de tombes étrusques, qui sont très nombreuses dans le coin. Après tout, s’il n’y a pas d’avenir, pourquoi ne pas se tourner vers le passé et essayer d’en vivre comme on le peut ? Mais Arthur est toujours hanté par le souvenir de celle qui avait volé son coeur, Beniamina, interprétée par Yile Yara Vianello, déjà vue dans Corpo celeste.

La Chimère agit comme une séance d’hypnose, fascine par ses magnétiques images, par le changement de la texture du grain argentique en raison de l’usage multiple du Super 16, du 16mm et du 35mm, par la beauté des décors, par ses apartés oniriques, jusqu’à son final aussi bouleversant qu’inattendu où le fil des pensées d’Arthur le conduira à celui de son Ariane. Alice Rohrwacher atteint ici une pleine maturité dans son art, dirige ses somptueux acteurs (dont sa sœur Alba et la splendide comédienne brésilienne Carol Duarte) dans une nature qui reprend ses droits, dans des paysages où le temps s’est arrêté, où seuls les souvenirs demeurent et s’opposent aussi bien à l’ennui qu’à la mort.

LE BLU-RAY

Alors que Corpo Celeste n’est jamais sorti en DVD en France, c’est la première fois qu’un long-métrage réalisé par Alice Rohrwacher bénéficie d’une sortie en Haute-Définition dans nos contrées. Ainsi, après les éditions standards des Merveilles et Heureux comme Lazzaro, Ad Vitam se charge une fois de plus du « service après-vente » d’un film de la cinéaste. Le visuel du DVD et du Blu-ray de La Chimère reprend celui de l’affiche d’exploitation. Le menu principal est animé et musical.

L’éditeur propose une succession d’interviews de l’équipe du film, à l’occasion de la présentation de La Chimère au Festival de Cannes. Alice Rohrwacher (8’), Josh O’Connor (6’), Isabella Rossellini (4’45) et Carol Duarte (3’35) répondent ainsi aux questions d’Olivier Père, visiblement sous le charme de cette dernière. La genèse de La Chimère, les partis-pris, les intentions de la réalisatrice, ce qui a nourri le scénario, le rapport au temps et à l’espace, le casting sont les sujets abordés au fil de ces entretiens.

En plus de la bande-annonce et du dossier de presse disponible en partir ROM, nous trouvons aussi une scène coupe de six minutes, qui évoque le mythe d’Orphée et Eurydice.

L’Image et le son

Que voilà un beau master ! La copie est évidemment exempte de défauts. L’image est stable et s’accompagne d’un grain argentique élégant, les contrastes sont soignés, les couleurs vives, l’ensemble restituant à merveille les partis pris de la directrice de la photographie Hélène Louvart (Disco Boy, Les Tournesols sauvages). Le film est présenté dans son format original 1.85.

En ce qui concerne le mixage italien DTS-HD Master Audio 5.1 (nous ne parlerons pas de la version française), la centrale délivre avec énergie les dialogues, tandis que les ambiances naturelles, qui ne manquent pas, sont subtilement spatialisées. L’éditeur joint également les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant, deux pistes Stéréos dynamiques, ainsi qu’une piste Audiodescription pour les spectateurs aveugles et malvoyants.

Crédits images : © Copyright 2023 – tempesta srl – ad vitam production – amka films productions – arte france cinema / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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