KOMPROMAT réalisé par Jérôme Salle, disponible en DVD et Blu-ray le 5 janvier 2023 chez M6 Vidéo.
Acteurs : Gilles Lellouche, Joanna Kulig, Michael Gor, Mikhail Safronov, Sasha Piltsin, Ausra Giedraityte…
Scénario : Jérôme Salle & Caryl Ferey
Photographie : Mathias Boucard
Musique : Guillaume Roussel
Durée : 2h07
Date de sortie initiale : 2022
LE FILM
Russie, 2017. Mathieu Roussel est arrêté et incarcéré sous les yeux de sa fille. Expatrié français, il est victime d’un « kompromat », de faux documents compromettants utilisés par les services secrets russes pour nuire à un ennemi de l’Etat. Menacé d’une peine de prison à vie, il ne lui reste qu’une option : s’évader, et rejoindre la France par ses propres moyens…
Remarqué dès son premier long-métrage, Anthony Zimmer, qui attirera plus de 800.000 spectateurs en 2005 et connaîtra même un remake américain cinq ans après (The Tourist) réalisé par Florian Henckel von Donnersmarck (La Vie des autres), avec Angelina Jolie et Johnny Depp, le réalisateur Jérôme Salle montrera très vite son savoir-faire « à l’américaine ». Ce sera le cas sur les deux opus cinématographiques de Largo Winch avec Tomer Sisley dans le rôle-titre, même s’ils n’ont pas autant cartonné qu’espéré en France, deux films d’action survitaminés qui n’ont sûrement pas à rougir face aux blockbusters US. 2013, on retrouvait son efficacité avec Zulu, confortable production adaptée du roman à succès de Caryl Férey, filmée en Afrique du Sud, portée par un casting solide mené par Forest Whitaker et Orlando Bloom. Trois ans plus tard, il bénéficie d’un budget de 20 millions d’euros qui lui permettent de concrétiser un projet de longue date, L’Odyssée, biopic sur le Commandant Jacques-Yves Cousteau, qui connaît un succès mitigé. Jérôme Salle revient à ses premières amours avec Kompromat, qui mêle à la fois le thriller psychologique et l’action, très librement inspiré de l’histoire de Yoann Barbereau, écrivain français (Dans les Geôles de Sibérie) et ancien directeur de l’Alliance française d’Irkoutsk, connu pour avoir été victime d’un kompromat (littéralement « dossier compromettant ») russe, fabriqué de toutes pièces pour lui nuire. Sur ce postulat de départ, le réalisateur signe un formidable divertissement, puissamment interprété par Gilles Lellouche, qui depuis Le Sens de la fête semble touché par la grâce et signe une nouvelle performance impressionnante après Plonger, Pupille, BAC Nord, Adieu Monsieur Haffman et Goliath.
En 2017, Mathieu Roussel, un expatrié français, travaille en Russie à Irkoutsk (Sibérie) en tant que directeur de l’Alliance française. Sa femme Alice lui reproche lourdement d’avoir quitté la France et veut y retourner avec leur petite fille Rose, ce que Mathieu refuse. Lors d’un violent échange verbal, Alice dit à Mathieu qu’elle ne l’aime plus. Un soir, une représentation artistique est donnée au centre culturel français en présence de Mathieu et de M. Ivanovich, le donateur russe qui a permis de restaurer la salle de spectacle. Mais la représentation, qui montre deux hommes nus s’embrasser sur scène, est un fiasco ; le public n’est pas du tout intéressé et même choqué. Plus tard, Mathieu apprendra lors d’une partie de chasse avec Ivanovich que la mentalité russe est incompatible avec une telle décadence des mœurs sous couvert de liberté et de création artistique ; et que lui, Mathieu Roussel, symbolise tout ce que la Russie méprise en Occident. A la sortie de la représentation, Mathieu rencontre Svetlana, ancienne professeure à l’Alliance française. Ce soir-là, les deux se retrouvent dans un bar et se mettent à danser, avant que Svetlana ne parte brusquement, ayant reconnu quelqu’un qui la surveille. Un des employés de Mathieu lui fait discrètement comprendre qu’elle est la belle-fille de Dimitri Rostov, le chef local du FSB, le puissant service de renseignement russe. Peu de temps après, Mathieu est brutalement arrêté chez lui par la police, sous les yeux de sa fille terrifiée, sans aucun motif ni explication. Il est immédiatement envoyé chez un juge d’instruction qui lui apprend le motif de son incarcération : diffusion de contenu pédopornographique sur Internet, et maltraitance de sa fille. Mathieu est envoyé en prison, où il est immédiatement confronté à l’hostilité des autres détenus, surtout lorsque ceux-ci apprennent la raison de sa condamnation. Mathieu est violemment battu, puis exfiltré par les gardiens qui le transfèrent dans une cellule d’isolement. Lors de sa première visite autorisée, Mathieu rencontre son avocat, maître Borodin, accompagné de Michelle, membre de l’ambassade de France à Moscou. Il apprend que Rose et Alice sont rentrées en France, et que celle-ci a fait une déposition contre lui où elle l’accuse de maltraitance envers elle et leur fille, et a demandé la protection de la police. Victime d’un kompromat, Mathieu est effondré, mais ne peut rien faire.
Un kompromat est donc un terme russe désignant des documents compromettants, authentiques ou fabriqués, habituellement de faux papiers, utilisés pour nuire à une personne publique, en créant ainsi un scandale public retentissant et donc une véritable affaire judiciaire. Le film de Jérôme Salle n’est pas l’adaptation du livre de Yoann Barbereau. Nous sommes ici plus proche d’un épisode de Jason Bourne que de L’Aveu de Costa-Gavras, même si la psychologie des personnages n’est jamais oubliée, tout comme l’émotion qui demeure omniprésente et ce encore une fois grâce à l’intense prestation de Gilles Lellouche (déjà présent dans Anthony Zimmer), qui crève l’écran et à qui cela sied de prendre de la bouteille, de l’épaisseur, du charisme, désormais à l’aube de ses 50 ans, dans un rôle finalement proche de celui qu’il tenait dans l’excellent A bout portant de Fred Cavayé, ou quand un homme ordinaire se trouve plongé dans une histoire qui le dépasse totalement.
Si une partie de la presse aura critiqué les rebondissements parfois improbables du récit, Kompromat n’a pas pour vocation d’être réaliste, mais d’offrir aux spectateurs un spectacle riche en retournements de situation, tout en jouant avec les nerfs du début à la fin. La merveilleuse comédienne polonaise Joanna Kulig (La Femme du Vème, Elles, Ida, Les Innocentes, Cold War) se démarque une fois de plus dans le rôle de l’ambiguë, complexe et évanescente Svetlana, qui aidera Mathieu dans sa cavale, tout en risquant sa propre vie. Peu importe donc que le comportement de certains personnages puisse paraître irréfléchi ou que l’ensemble reste très manichéen, Jérôme Salle enchaîne les péripéties durant la course-poursuite de son personnage principal, à la façon du Fugitif avec Harrison Ford, auquel on ne peut s’empêcher de penser.
Ceci n’est pas un mince compliment, puisque Kompromat possède cette intensité formelle héritée du cinéma d’action américain, qui n’oublie pas ses personnages en cours de route. Une sensation d’immersion étouffante (superbe photographie de Matias Boucard, Eiffel) ne lâche jamais l’audience jusqu’à la toute dernière image. Un beau tour de force, haletant, palpitant et romanesque, très largement recommandé.
LE BLU-RAY
Très beau succès dans les salles avec plus de 600.000 entrées, Kompromat débarque en DVD et Blu-ray chez M6 Vidéo. Le visuel reprend celui de l’affiche d’exploitation. Le menu principal est animé et musical.
Cette édition HD propose les interviews croisées de Jérôme Salle, Gilles Lellouche et Joanna Kulig (16’). A tour de rôle, ils évoquent les conditions de tournage (le film a été réalisé en Lituanie, pendant le confinement…autant dire que c’était pas la joie), l’histoire vraie à l’origine de Kompromat, la psychologie des personnages, l’investissement physique de Gilles Lellouche, le travail avec le metteur en scène et les partis-pris. Dommage de ne pas disposer d’images de tournage ou même d’un commentaire audio de Jérôme Salle, comme cela avait déjà été le cas sur certains de ses autres titres.
Une petite scène coupée (2’) dévoile en réalité le rêve fantasmé de Mathieu au moment de son affrontement dans les marécages, dans lequel sa fille lui apparaît un peu plus.
L’Image et le son
Les contrastes affichent une densité impressionnante, le piqué est ciselé, peut-être moins sur les scènes très sombres, certaines séquences apparaissent un peu douces avec des visages légèrement cireux. En dehors de cela, la profondeur de champ demeure fort appréciable, les détails se renforcent et abondent en extérieur jour, le cadre large est idéalement exploité et la colorimétrie froide, presque désaturée est très bien rendue. La définition est solide, l’ensemble reste la plupart du temps probant et restitue avec classe les partis pris de la photographie signée Matias Boucard, y compris un léger grain. Un transfert immaculé.
Le confort acoustique est total grâce à une piste française DTS-HD Master Audio 5.1. souvent très percutante. Les voix sont claires et limpides sur la centrale, la spatialisation musicale est systématique, les basses énergiques et la balance frontale dynamique. Les latérales assurent tout du long en distillant constamment de nombreux effets et ambiances naturelles. La piste DTS-HD Master Audio 2.0 saura aisément satisfaire celles et ceux qui ne seraient pas équipés sur la scène arrière. Les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant sont également disponibles, ainsi qu’une piste Audiodescription.