GUENDALINA réalisé par Alberto Lattuada, disponible en Combo Blu-ray + DVD le 20 octobre 2020 chez Tamasa Diffusion.
Acteurs : Jacqueline Sassard, Raffaele Mattioli, Sylva Koscina, Leda Gloria, Lili Cerasoli, Fanny Landini, Loretta Capitoli, Leonardo Botta…
Scénario : Leonardo Benvenuti, Piero De Bernardi, Alberto Lattuada, Jean Blondel d’après une histoire originale de Valerio Zurlini
Photographie : Otello Martelli
Musique : Piero Piccioni
Durée : 1h41
Date de sortie initiale : 1957
LE FILM
Dans la station balnéaire de Viareggio, Guendalina, fille libre mais timide d’un couple de bourgeois, voit se prolonger indéfiniment ses vacances en compagnie de sa mère. Ses parents sont au bord de la séparation. Restée seule, elle fréquente Oberdan, un jeune homme d’humble origine sociale, issu d’une famille d’anarchistes locaux…
Méconnu dans nos contrées et personnalité atypique du cinéma transalpin, Alberto Lattuada (1914-2005), l’un des fondateurs de la cinémathèque de Milan, demeure un cinéaste éclectique et inclassable. S’il reste celui qui aura mis le pied à l’étrier à Federico Fellini avec Les Feux du music-hall (signé par les deux réalisateurs en 1950), le réalisateur aura également signé une superbe adaptation de la nouvelle de Gogol, Le Manteau – Il Cappotto (1952), et offrira aussi à l’immense Alberto Sordi l’un de ses plus grands rôles dans Mafioso (1962). Dans cette impressionnante filmographie qui compte une quarantaine de longs-métrages, de documentaires et de séries télévisées, se démarquent quelques portraits consacrés aux jeunes filles, notamment deux films qui forment comme qui dirait un diptyque, Guendalina (1957) et Les Adolescentes – I Dolci inganni (1960). Pour le premier, Alberto Lattuada sera récompensé par le Prix du meilleur scénario, décerné par le SNCCI à Rome en 1958. Ce film sensuel et languissant rappelle le chef d’oeuvre absolu de Colette, Le Blé en herbe, écrit en 1923. Comme dans ce roman, Guendalina raconte l’éducation sentimentale d’une jeune fille, le temps d’un été prolongé. Et c’est merveilleux. Dans le rôle-titre, Jacqueline Sassard (Accident de Joseph Losey, Les Biches de Claude Chabrol) subjugue par sa beauté, sa rage de vivre et sa sensibilité à fleur de peau. Souvent sous-estimé, voire complètement négligé quand on évoque le cinéma transalpin, Alberto Lattuada connaît heureusement un regain de popularité depuis quelques années dans l’Hexagone. Si vous désirez vous pencher sur sa carrière, démarrez immédiatement par Guendalina, très justement considéré comme l’un des plus grands films du cinéaste.
À Viareggio, station balnéaire, l’été touche à sa fin : Guendalina, jeune adolescente de quinze ans, flirte avec Oberdan, le fils du maître-baigneur, sans grande conviction et surtout pour dissiper son ennui. Ses parents milliardaires s’apprêtent, quant à eux, à divorcer… Cette situation préoccupe beaucoup Guendalina, qui s’efforce de rapprocher ses parents. Elle finit également par aimer Oberdan, qui fait preuve de bonté et de constance.
Ce qu’il y a de fascinant dans Guendalina, c’est cette façon avec laquelle Alberto Lattuada filme la jeunesse, tel un essaim d’abeilles. Des insectes volants et qui bourdonnent, qui ne tiennent pas en place, qui se suivent quand un membre du groupe décide d’aller ailleurs, qui regardent dans la même direction, sans savoir où aller, mais dans un mouvement incessant. Ces jeunes hommes et ces jeunes femmes, juchés sur leurs vélos, rient, se chamaillent, s’observent, se font du charme, dans un bruit continu. Le réalisateur capture ces instantanés de vies qui s’entrecroisent et se rentrent dedans, les jupes des filles volent au vent et dévoilent des jambes longues et fuselées qui n’échappent ni aux yeux des mâles aux hormones en ébullition, ni aux spectateurs. Pourtant, quand le film commence, Guendalina ne fait pas partie cette colonie. Pas encore du moins. Elle les rejoint cependant très vite pour le Good-Bye Day, une réunion des adieux, où tous doivent aller profiter du dernier jour des vacances, pour aller pique-niquer sur la plage, danser et se baigner. En toute innocence bien sûr.
Nous sommes à Viareggio, petite ville de Toscane, située sur la mer de Ligurie. C’est la fin des vacances et les plages, magnifiquement capturées par Alberto Lattuada et son chef opérateur Otello Martelli (La Dolce Vita, La Strada) avec un ciel lourd omniprésent, se vident peu à peu des estivants. Guendalina, notre héroïne, qui doit son prénom à l’une des dames des Chevaliers de la Table ronde, est une adolescente de quinze ans, qui s’apprête à partir en Suisse avec ses parents. C’est alors qu’elle apprend leur prochain divorce. Esseulée, elle se prend d’amitié pour le neveu d’un maître nageur, Oberdan. Très attentionné, le jeune homme ne recueille pas, au début, les fruits de sa patience. Guendalina se montre cruelle avec lui, puis finit par tomber amoureuse. Les deux tourtereaux apprennent petit à petit la valeur de l’attachement. Le père de Guandalina, impeccablement interprété par Raf Vallone, révélé dans Riz amer – Riso Amaro de Giuseppe De Santis en 1949, un homme d’affaires volage et toujours en déplacement, peut-il revenir à la maison ou la jeune fille doit-elle se rendre à l’évidence et accepter sa future nouvelle vie ? Sa relation avec Oberdan (Raf Mattioli, qui mourra prématurément à l’âge de 23 ans des suites d’une maladie) sera non seulement la première histoire d’amour de Guendalina, mais aussi une échappatoire pour finalement faire le deuil de sa famille qui vient d’éclater. Etre dans les bras d’Oberdan lui permet de fuir la maison tenue par sa mère (la sublime Sylva Koscina, qui venait d’exploser dans l’extraordinaire Disque rouge – Il ferroviere de Pietro Germi), qui de son côté doit affronter les multiples infidélités de son époux, mais aussi continuer à élever sa fille du mieux qu’elle peut.
Que l’on soit enfant de prolétaires ou de bourgeois, nous sommes tous égaux face aux premiers émois et au sentiment amoureux. Si elle a déjà tout, Guendalina n’échappe pas à la règle. Lors d’une chasse aux cailles ou d’une escapade à Pise où ils flirtent dans le célèbre monument de la ville, Guendalina et Oberdan, même si séparés par une barrière sociale, ne peuvent lutter et dissimuler ce qu’ils ressentent. Sur une histoire originale de Valerio Zurlini (1926-1982), metteur en scène des mythiques Eté violent – Estate violenta (1959) et de La Fille à la valise – La Ragazza con la valigia (1961) dont on retrouve indéniablement la griffe, Alberto Lattuada observe ce premier passage de l’enfance vers l’âge adulte, une chrysalide incontournable. Quant à savoir ce que le destin réserve à son héroïne, il faudra pour cela vous jeter sur ce chef d’oeuvre absolu, tendre et amer, mélancolique et parfois drôle, qui apparaît donc comme un premier volet sur l’épanouissement adolescent, à la fois intimiste et universel, à compléter avec Les Adolescentes, qui abordera le désir et la première relation sexuelle. Nous en parlerons très prochainement.
A Stéphanie Lacaze.
LE COMBO BLU-RAY + DVD
Tamasa Diffusion avait déjà mis Alberto Lattuada en valeur à travers ses éditions en DVD de Venez prendre le café chez nous (1970) et Mafioso (1962). Guendalina fait son apparition dans les bacs dans un superbe combo Blu-ray + DVD qui se présente sous la forme d’un Digipack très élégant, comprenant également un livret passionnant de 24 pages écrit par Aldo Tassone, historien du cinéma. Ce dernier revient entre autres sur quelques-uns des films les plus emblématiques du cinéaste. Le menu principal est fixe et musical.
En guise de supplément en vidéo, Tamasa Diffusion propose une présentation du film par l’éminent Jean-François Rauger (9’30), qu’on ne présente plus, mais qu’on a toujours beaucoup de plaisir à retrouver. Le critique de cinéma et directeur de la programmation de la Cinémathèque française se penche sur cette « première partie » d’un diptyque consacré aux portraits de jeunes filles par Alberto Lattuada, composé de Guendalina et des Adolescentes. L’invité de Tamasa replace Guendalina dans la carrière du réalisateur, revient brièvement sur la carrière de ce dernier, puis analyse à la fois sur le fond et sur la forme du film qui nous intéresse aujourd’hui. Les partis-pris et les intentions, ainsi que le casting sont aussi abordés.
L’interactivité se clôt sur les bandes-annonces française et italienne de 1957, ainsi que le film-annonce de la ressortie en 2020 et celui des Adolescentes.
L’Image et le son
Guendalina a été restauré en 4K à partir du négatif original. Les travaux numériques et photochimiques ont été réalisés par le laboratoire de L’Image Retrouvée (Paris/Bologne) en 2019. Ce master restauré au format respecté, qui n’était disponible qu’en DVD chez LCJ Editions (et seulement en français), est on ne peut plus flatteur pour les mirettes. Tout d’abord, le splendide N&B du directeur de la photographie Otello Martelli retrouve une densité inespérée dès l’ouverture. La restauration est indéniable, aucune poussière ou scorie n’a survécu au scalpel numérique, l’image est d’une stabilité à toutes épreuves. Les contrastes sont fabuleux et le piqué n’a jamais été aussi tranchant. Le grain original est présent, sans lissage excessif, ce qui devrait rassurer les puristes. Le cadre fourmille de détails, les fondus enchaînés n’entraînent pas de décrochages et cette très belle copie participe à la redécouverte de ce superbe film.
Comme le veut la tradition, la version italienne a été entièrement postsynchronisée. Elle est ici proposée en LPCM 2.0, équilibrée, douce, fluide, sans aucun souffle et dynamique quand il le faut. La piste française Dolby Digital 2.0 se focalise trop sur le report des voix, parfois au détriment des effets annexes. Mais les deux options acoustiques ont subi un vrai dépoussiérage à partir du négatif son original et cela s’entend. Dans la langue de Molière ou de Dante, les deux mixages s’en sortent haut la main. L’éditeur joint également une piste française en Audiodescription, ainsi que les sous-titres français destinés aux spectateurs sourds et malentendants.