Test Blu-ray / Fort Yuma, réalisé par Lesley Selander

FORT YUMA réalisé par Lesley Selander, disponible en DVD et Combo Blu-ray + DVD le 6 janvier 2022 chez Sidonis Calysta.

Acteurs : Peter Graves, Joan Vohs, John Hudson, Joan Taylor, Abel Fernández, James O’Hara.…

Scénario : Danny Arnold

Photographie : Gordon Avil

Musique : Paul Dunlap

Durée : 1h19

Date de sortie initiale: 1955

LE FILM

Lorsque le chef apache Colorado est assassiné, son fils et sa tribu préparent sa vengeance. A Fort Yuma, la tension monte, et un messager finit par être envoyé à Fort Apache pour demander du renfort. Mais quand ce dernier est tué pendant sa mission, la terreur s’empare des autres soldats.

Lesley Selander (1900-1979) n’est sans doute pas le réalisateur américain le plus connu (euphémisme), pourtant moult de ses films demeurent appréciés par les aficionados du western de série B, genre dont il reste l’un des plus prolifiques en la matière, puisqu’il en aura signé plus de cent en trente ans de carrière. On peut citer en vrac El Texican (1966) avec Audie Murphy, Fort Courage (1965) avec Fred Beir, Shotgun ! (1955) avec Sterling Hayden, L’Heure de la vengeance (1952) avec Richard Conte, Le Justicier de la Sierra et La Ruée vers l’or noir, deux opus réalisés en 1948 avec Rod Cameron. On lui doit aussi un certain Destination Mars Flight to Mars (1951), petite production de l’illustre Walter Mirisch, chérie par les amateurs de SF vintage. Évidemment, une filmographie aussi foisonnante ne peut pas receler que de bons métrages. Celui qui nous intéresse aujourd’hui, Fort Yuma, s’inscrit définitivement dans le peloton de tête. Ce western étonnamment violent, sec, où l’intrigue se trouve resserrée sur 80 minutes, détonne au milieu des années 1950 et rencontrera d’ailleurs de multiples problèmes avec la censure, qui entraîneront plusieurs coupes au montage (un écartèlement ici, quelques pendaisons par là) en raison de « sadisme et d’horreur excessive ». Mais incontestablement, Fort Yuma est l’un des westerns rétros américains les plus brutaux que vous aurez l’occasion de voir dans votre vie de cinéphile.

L’illustre chef apache Colorado vient de décider de déterrer la hache de guerre. Rien n’aurait poussé les Indiens à préparer de terribles représailles si le père de Colorado n’avait été lâchement assassiné par un blanc. A Fort Yuma, les rumeurs d’une attaque des Apaches enflent chaque jour davantage. Afin de rassurer ses hommes, le commandant de la garnison envoie un messager jusqu’au Fort Apache pour y demander du renfort. Victime d’une embuscade, l’émissaire meurt avant d’avoir pu remplir sa mission…

Voilà ce qui arrive quand un chef Apache, qui venait parler de paix, se fait abattre sans raison (ou par peur…) par un blanc armé. Dès les premières minutes, cette agressivité contraste avec les magnifiques couleurs de la photographie de Gordon Avil (Billy the Kid de King Vidor), les splendides décors naturels étant tout simplement souillés par le sang et le carnage qui règnent alors depuis des années. Fort Yuma est une réaction en chaîne de la violence qui ne s’arrête jamais durant 1h20. Après le meurtre de Colorado, son fils Mangas (Abel Fernández, le légendaire William Youngfellow de la série Les Incorruptibles) ne vit plus que pour le venger. Conscient que toute la région sera bientôt mise à feu et à sang, le commandant de Fort Yuma envoie à Fort Apache un messager demander l’assistance d’autres soldats. Mais c’était sans compter sur la présence de Mangas et de ses hommes, qui interceptent cet émissaire. Parallèlement, une colonne de ravitaillement fait route vers Fort Yuma. Son commandant, le lieutenant Keegan, ignore encore que lui et ses soldats se jettent dans la gueule du loup. Nous sommes donc en plein western, tourné en Arizona et dans l’Utah, avec un budget comme toute limité, mais qui peut compter non seulement sur le professionnalisme de son metteur en scène, ainsi que sur un scénario malin et concis, écrit par Danny Arnold (Escale à Tokyo de Jack Arnold).

Un an après La Hache sanglanteThe Yellow Tomahawk, Lesley Selander retrouve le comédien Peter Graves, déjà aperçu dans Stalag 17 de Billy Wilder. Le futur Jim Phelps de la série Mission impossible, âgé d’à peine trente ans, enchaîne alors les westerns, les polars et les films d’aventure à petit budget réalisés par les solides Budd Boetticher, Hugo Fregonese, Jacques Tourneur, Roger Corman, Allan Dwan et s’apprête même à tourner chez John Ford (Ce n’est qu’un au revoir), Charles Laughton (La Nuit du chasseur) et Otto Preminger (Condamné au silence). Dans Fort Yuma, il est remarquable dans un rôle peu sympathique, qui voue – sans raison – une haine farouche pour les Indiens, alors que celui-ci entretient une relation avec Francesca (superbe Joan Taylor, la même année que La Femme apache de Roger Corman), la sœur de son éclaireur en chef, le Sgt. Jonas (John Hudson, vu dans le fantastique Quatre étranges cavaliers Silver Lode d’Allan Dwan), lui-même Apache.

C’est cette ambiguïté qui participe à l’immense réussite de Fort Yuma, qui rend compte des desseins des Indiens d’un côté, sans pour autant justifier leurs actes, ainsi que de l’animosité qui anime l’ensemble des personnages principaux. Sur la route, le lieutenant Ben Keegan (Peter Graves donc) ne cessera d’être partagé entre sa mission, aveuglée par son aversion pour ses adversaires, et son amour pour Francesca, qui a décidé de l’accompagner. Peu évident et par ailleurs très culotté de prendre pour « héros » un officier xénophobe et cruel, qui aura peut-être la chance d’être « pardonné » grâce à l’amour. Même chose pour le personnage atypique du Sgt. Jonas, qui aux côtés de la missionnaire Melanie Crown (Joan Vohs), jeune femme instruite et éclairée sur les conflits de l’Est et qui méprise les préjugés, apprendra que tous les êtres humains peuvent, s’ils le décident, vivre ensemble en harmonie.

Marqué par diverses batailles sanglantes et frontales, Fort Yuma se clôt sur un dernier assaut explosif et nerveux, durant lequel l’émotion n’est jamais oubliée. Tous ces ingrédients merveilleusement « cuisinés » contribuent à faire du film de Lesley Selander un vrai bijou du western.

LE BLU-RAY

Fort Yuma appartient au catalogue de Sidonis Calysta depuis dix ans. Après une première édition en DVD sortie en septembre 2012, le film de Lesley Selander revient en édition Standard, ainsi qu’en combo Blu-ray + DVD dans la collection Silver. Le menu principal est animé et musical.

Dans un premier temps, l’éditeur reprend la présentation du film par Patrick Brion (10’) dispo sur l’ancienne édition DVD. Ici, l’historien du cinéma évoque la carrière prolifique et constituée « d’oeuvres très curieuses » du réalisateur Lesley Selander, en parlant notamment de Shotgun !. Puis, il parle du caractère extrêmement violent de Fort Yuma, qui a subi beaucoup de problèmes avec la censure avant la sortie du film et qui reste d’ailleurs très brutal après les coupes imposées. Patrick Brion aborde aussi le casting et la psychologie des personnages, tout comme les deux couples interraciaux qui participent à l’originalité de Fort Yuma.

Pour cette édition 2022, Sidonis Calysta a demandé à son dernier poulain en date, Jean-François Giré, de nous donner son avis sur Fort Yuma (11’30), qu’il a d’ailleurs découvert à l’occasion de cette sortie en Blu-ray. L’occasion pour lui de parler et de défendre les films de Lesley Selander, expert de la série B, dont Fort Yuma est selon-lui représentatif du style du réalisateur. La plupart des arguments avancés font malheureusement trop souvent écho avec ceux de Patrick Brion et n’apportent finalement pas grand-chose de neuf.

L’Image et le son

Ce master HD permet aux spectateurs de redécouvrir Fort Yuma dans de superbes conditions techniques. Les volontés artistiques du chef opérateur Gordon Avil sont respectées, tout comme le grain original heureusement conservé et élégant. Les noirs sont concis, la clarté fabuleuse, le piqué vif et acéré (plus probant après le générique), la restauration impressionnante même si diverses tâches subsistent ici et là, les détails sur le cadre sont légion et les contrastes pointus, y compris sur les séquences en intérieur. Les gammes chatoyantes sont harmonieuses (un Technicolor flamboyant), le soleil cuisant se fait ressentir tout du long, et seuls quelques plans rapprochés plus ouatés témoignent d’une légère perte de la définition. Blu-ray au format 1080p.

L’éditeur ne propose pas un remixage inutile, mais encode la version originale en DTS-HD Master Audio mono 2.0. Passons rapidement sur la version française DTS 2.0, qui se concentre essentiellement sur le report des voix parfois au détriment des effets annexes. Les dialogues sont d’ailleurs trop élevés sur certaines séquences, même à faible volume, mais l’écoute demeure propre et nette. Elle n’est pas en revanche aussi fluide et homogène que la version originale, où les dialogues sont excellemment plantés. Dans les deux cas, aucun souffle n’est à déplorer, les séquences de fusillades sont merveilleusement restituées, dynamiques et vives, tout comme le score de Paul Dunlap qui profite d’une excellente exploitation. Les sous-titres français ne sont pas imposés.

Crédits images : © Sidonis Calysta / MGM / Captures du Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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