ENRAGÉ (Unhinged) réalisé par Derrick Borte, disponible en DVD et Blu-ray le 19 décembre 2020 chez M6 Vidéo.
Acteurs : Russell Crowe, Jimmi Simpson, Gabriel Bateman, Caren Pistorius, Anne Leighton, Austin P. McKenzie, Michael Papajohn, Lucy Faust…
Scénario : Carl Ellsworth
Photographie : Brendan Galvin
Musique : David Buckley
Durée : 1h30
Date de sortie initiale : 2020
LE FILM
La Nouvelle-Orléans. Mauvaise journée pour Rachel : en retard pour conduire son fils à l’école, elle se retrouve coincée au feu derrière un pick-up qui ne redémarre pas. Perdant patience, elle klaxonne et passe devant. Quelques mètres plus loin, le même véhicule s’arrête à son niveau. Son conducteur, Tom Cooper, la somme de s’excuser, mais elle refuse. Furieux, il commence à la suivre…Enragé, cet homme est prêt et ne craint pas de mourir et parle même de suicide par police interposée. Si la journée de Rachel s’annonçait compliquer, celle-ci se transforme en véritable cauchemar.
Mine de rien, Russell Crowe n’a pas l’air de tourner tant que ça, mais signe quelques coups d’éclat tous les deux ou trois ans, histoire de rappeler que l’on peut, ou plutôt que l’on doit encore compter sur lui. L.A. Confidential de Curtis Hanson, Révélations – The Insider de Michael Mann et Gladiator de Ridley Scott ont beau avoir plus de vingt ans, le comédien néo-zélandais n’a jamais cessé de tourner et même si les années 2010 n’ont pas été pour lui aussi inspirées, on sauvera évidemment ses prestations dans Noé – Noah de Darren Aronofsky, The Nice Guys de Shane Black et même sa participation à Man of Steel de Zack Snyder, dans lequel il supplantait tout le reste du casting dans la peau de Jor-El. 2020 est déjà un très bon cru pour Russell Crowe qui vient d’être récompensé par le Golden Globe du meilleur acteur pour la mini-série The Loudest Voice, et livre aussi une prestation impressionnante dans Enragé – Unhinged, sixième long-métrage du méconnu Derrick Borte, remarqué en 2009 avec son premier film indépendant, La Famille Jones – The Joneses, interprété par Demi Moore, David Duchovny et Amber Heard. Si ses autres opus sont passés sous le radar en France, y compris son film sur les Clash intitulé London Town (2016) avec un Jonathan Rhys Meyers sous substances (pléonasme) dans la peau de Joe Strummer, Enragé s’impose comme un modèle de série B, bien bourrin dans son genre, mené tambours battants et surtout porté par les larges épaules de Russell Crowe. Ce dernier est absolument monstrueux, tout en bedaine saillante et le front constellé de sueur, et en fait voir de toutes les couleurs à sa partenaire, Caren Pistorius, l’une des plus belles révélations de l’année 2020.
« Vous savez pas ce qu’est une salle journée ! »
Décliné par Nicolas Cage (dommage, même si on n’y perd rien au change), Enragé est tout d’abord un scénario solide de Carl Ellsworth, auteur de l’excellent Red Eye: Sous haute pression (2005) de Wes Craven, Paranoïak – Disturbia (2007) de D.J. Caruso, mais aussi de deux remakes inutiles (pléonasme encore), La Dernière maison sur la gauche (2009) et L’Aube rouge (2012). Oublions ces derniers, car même si l’on peut supposer qu’il s’inspire grandement du thriller néerlandais Le Tueur de l’autoroute – Bumperkleef (2019) de Lodewijk Crijns, Enragé est un vrai et bon divertissement. Dans Le Tueur de l’autoroute, le conducteur d’une mystérieuse camionnette était quelque peu provoqué par un père de famille agressif au volant, car il ne roulait pas assez vite. Ce dernier était ensuite poursuivi par l’homme qu’il avait invectivé. Comme dans ce film, la situation dégénère dans Enragé et Rachel, accompagnée de son fils, terrorisés, commencent à craindre pour leur vie.
Enragé restera l’un des films américains à bénéficier d’une sortie au cinéma au moment du déconfinement, l’acteur principal n’ayant pas hésité à participer à la promotion du film, afin de donner envie aux spectateurs de retourner dans les salles. En France, Enragé aura réussi à comptabiliser 350.000 entrées et à engranger 40 millions de dollars dans le monde pour un budget de 33 millions. Autant dire qu’Unhinged s’en est pas trop mal tiré, même si on espère très sincèrement que le film connaisse une belle seconde vie en DVD, Blu-ray et VOD.
Avec sa voix caverneuse, son imposant mètre 82 et son tour de taille proéminent, Russell Crowe enflamme l’écran et on est très heureux de le revoir aux affaires. La première scène, terrifiante, donne le ton. Particulièrement brutale, cette séquence présente le personnage de Tom Cooper, qui un soir de pluie frappe à la porte, non pas avec le poing, mais avec un marteau, d’une belle maison située dans un quartier riche. Très vite, la personne qui y habite ouvre la porte et se voit sauvagement assassinée par Cooper, qui s’en prend ensuite à la femme de ce dernier, avant de partir et d’incendier la demeure. On retrouvera Cooper un peu plus tard, la chemise tâchée de sang, patientant au volant de son véhicule, aux côtés de celui de Rachel. Si quelques éléments permettent de comprendre un peu plus ce qui a pu plonger Cooper dans cet état, le fait est que le mec pète un câble du même acabit que celui de William Foster aka D-FENS, le personnage de Michael Douglas dans Chute libre – Falling Down (1993) de Joel Schumacher. La violence arrive parfois sans qu’on s’y attende dans Enragé et les sursauts sont assez fréquents. Aux côtés de Russell Crowe, Caren Pistorius (Le Procès du siècle, Une vie entre deux océans) apporte à la fois ce mélange de force, d’authenticité et de fragilité qu’on attendait, et affronte son adversaire comme si elle combattait une force venue d’ailleurs, un bulldozer indestructible que rien ni personne ne peut arrêter. Pas étonnant que le réalisateur ait comparé Cooper au requin des Dents de la mer, l’un des tueurs les plus imprévisibles du cinéma.
Alors plutôt que d’inspirer les personnages d’un prochain thriller psychologique qui se passe sur le bitume, réfléchissez-y à deux fois avant de klaxonner comme un taré celui qui ne démarrerait pas assez vite à votre goût et n’hésitez surtout pas à découvrir Enragé, l’un de nos coups de coeur de 2020 !
LE BLU-RAY
L’édition HD d’Enragé arrive chez M6 Vidéo. Le disque repose dans un boîtier classique de couleur bleue, glissé dans un surétui cartonné. Le menu principal est animé et musical.
Un seul supplément au programme, en l’occurrence un making of (27’), classique, mais efficace, constitué d’images de tournage et surtout d’interviews de l’équipe. La productrice Lisa Ellzey, les comédiens Russell Crowe et Caren Pistorius, le réalisateur Derrick Borte et le directeur de la photographie Brendan Galvin reviennent sur la genèse du film, sur les conditions de tournage et sur les thèmes d’Enragé. C’est aussi l’un des premiers documentaires à évoquer le déconfinement du mois de mai 2020, puisque le film de Derrick Borte restera l’un des premiers à être proposé aux spectateurs au moment de la réouverture des cinémas. Russell Crowe apparaît d’ailleurs au cours d’un spot promo pour inciter l’audience à reprendre le chemin des salles.
L’interactivité se clôt sur la bande-annonce.
L’Image et le son
M6 Vidéo livre un très beau Blu-ray d’Enragé. D’entrée de jeu, les couleurs clinquantes et un léger grain sont magnifiquement restitués. Les décors fourmillent de détails (merci au cadre large), la profondeur de champ est toujours appréciable, les contrastes sont denses et les séquences sombres chiadées. Si le film se déroule essentiellement sur la route, les couleurs grisâtres, froides et métalliques, chromées pourrait-on dire, demeurent lumineuses, avec un piqué ciselé. Les gros plans sur la tronche burinée de l’ami Russell ne manquent pas de mordant. Le codec AVC consolide l’ensemble, le relief est constamment palpable. Une édition HD française très élégante.
L’ensemble des enceintes sur les pistes anglaise et française DTS-HD Master Audio 5.1 est mis à contribution aux quatre coins cardinaux. Les ambiances fusent, la musique de David Buckley (The Town de Ben Affleck, La Chute du Président – Angel Has Fallen de Ric Roman Waugh) bénéficie d’un traitement de faveur avec une belle ouverture, plongeant constamment le spectateur dans l’ambiance. Seuls les dialogues sur la version originale manquent un peu d’ardeur sur la centrale par rapport à la piste française qui de son côté délivre les voix avec plus de peps. Les effets sont souvent balancés de gauche à droite, et des enceintes avant vers les arrières. N’oublions pas le caisson de basses, qui se mêle ardemment à ce petit spectacle acoustique sur les séquences opportunes avec un beau fracas des taules froissées. Les mixages DTS-HD Master Audio 2.0. assurent également avec « un vacarme de tous les diables », avec brio quoi ! L’éditeur joint aussi une piste Audiodescription, ainsi que les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant.