CHARLIE MON HÉROS (All Dogs Go to Heaven) réalisé par Don Bluth, disponible en Combo Blu-ray + DVD le 6 juillet 2022 chez Rimini Editions.
Acteurs : Burt Reynolds, Dom DeLuise, Judith Barsi, Melba Moore, Charles Nelson Reilly, Vic Tayback, Rob Fuller, Anna Manahan, Loni Anderson, Ken Page, Godfrey Quigley…
Scénario : Don Bluth, Ken Cromar, Gary Goldman, Larry Leker, Linda Miller, Monica Parker, John Pomeroy, Guy Shulman, David J. Steinberg, David N. Weiss
Musique : Ralph Burns
Durée : 1h21
Date de sortie initiale : 1989
LE FILM
Charlie, un chien un rien roublard, est assassiné par le gangster Carcasse. Il n’a jamais fait grand-chose de bien au cours de sa vie, mais il est pourtant accepté au paradis des chiens. Décidé à se venger, Charlie trouve le moyen de ressusciter et de revenir sur Terre. Mais il va devoir choisir : continuer à vivre comme avant ou venir en aide à Anne-Marie, une orpheline poursuivie par Carcasse.
Brisby et le secret de NIMH (1982), Fievel et le Nouveau Monde (1986) et Le Petit dinosaure et la vallée des merveilles (1988) ont été de très grands succès pour Don Bluth (né en 1937), transfuge des studios Disney (où il aura officié pendant près d’une dizaine d’années, en oeuvrant sur Robin des Bois ou bien encore Rox et Rouky), qui a très longtemps placé en digne héritier de l’ami Walt, mais aussi en concurrent direct des productions Disney. En novembre 1989, Charlie, mon héros connaît un certain revers au box-office. Si les résultats ne sont pas catastrophiques (le film rapporte 27 millions aux Etats-Unis pour un budget de 13 millions), ils sont loin d’égaler ceux des deux précédents. Cette fois, sa é avec La Petite Sirène de John Musker et Ron Clements, sortie deux jours plus tard sur les écrans américains, ne fera pas à un pli, puisque le 36e long-métrage d’animation des studios Disney engrangera de son côté près de 200 millions de billets verts, ce qui n’était plus arrivé à l’empire Mickey depuis Les Aventures de Bernard et Bianca, sur lequel avait aussi travaillé Don Bluth. Le temps a fait son office, rapidement d’ailleurs, car Charlie mon héros a bénéficié d’une exploitation triomphale en VHS, entraînant une suite en DTV, une série d’animation télévisée et même un téléfilm de Noël. Pourtant, rétrospectivement, All Dogs Go to Heaven est loin d’être l’opus de son auteur auquel on pense instantanément. En fait, on n’a de cesse de redécouvrir ce pastiche des films de gangsters et de mafia, où les chiens errants font leurs petites affaires dans le dos des humains, pour la première fois bien présents dans une œuvre de Don Bluth, en particulier une petite fille adorable qui répond au doux nom d’Anne-Marie. D’une étonnante maturité, dans le sens où les situations, la motivation des protagonistes et même les dialogues détonnent pour un divertissement dit familial, Charlie mon héros est un bijou mené à cent à l’heure, magnifiquement réalisé, drôle, émouvant et incitant à la réflexion sur la notion du bien et du mal. À savourer sans plus tarder avec votre progéniture.
En 1939, à La Nouvelle-Orléans, Charlie B. Barkin, un chien roublard, espiègle et avec un charme d’escroc, travaille avec son partenaire d’affaires et gangster Carcasse dans un casino construit à même une épave de pétrolier. Carcasse, peu disposé à partager les bénéfices, fait emprisonner Charlie à la fourrière, mais Charlie s’échappe avec l’aide de son meilleur ami Gratouille. Pour rayer Charlie du décor pour de bon, Carcasse et son acolyte, Zigouille, organisent son assassinat. Après sa mort, Charlie va au ciel par défaut, en dépit de ne pas avoir fait une seule bonne chose dans sa vie. On lui explique que les chiens étant de nature bonne et serviable, ils ont toujours droit au paradis. Charlie triche avec la mort en volant sa montre de vie (une montre de poche dorée) et en la remontant, lui permettant de revenir sur Terre malgré les supplications de son ange qui lui crie qu’il ne pourra jamais plus revenir. Désormais, si sa montre s’arrête, il mourra à nouveau, mais n’aura plus droit au paradis. Toutefois, aussi longtemps que sa montre de vie continuera de tourner, Charlie sera immortel. De retour sur Terre, Charlie renoue avec Gratouille et planifie sa vengeance contre Carcasse en mettant en place une entreprise rivale. Carcasse garde une petite fille orpheline nommée Anne-Marie à cause de sa capacité à communiquer avec les animaux, lui donnant un avantage lors de paris sur les courses. Charlie sauve Anne-Marie, lui promettant qu’ils vont aider les pauvres et il va retrouver sa famille, mais il exploite son don comme son rival l’avait fait, pour faire de l’argent sur des compétitions animales diverses, chose qu’elle remarque bientôt et qui la bouleverse. Charlie l’utilise de la même manière que Carcasse, mais Charlie la persuade de rester pour l’aider car il la traite réellement plus justement et plus gentiment que Carcasse.
Pas facile, très ambitieux et culotté de rendre attachant un chien gangster, fourbe et avide de richesse, qui sera le protagoniste de l’histoire. Et surtout de le faire assassiner brutalement dans les premières minutes, par Carcasse (Carface en version originale, ce qui renvoie bien sûr directement à Scarface) le bouledogue et son comparse Zigouille. Mais c’était sans compter sur à la fois le génie de Don Bluth et sa dizaine de scénaristes, dont les fidèles Gary Goldman et John Pomeroy (coréalisateurs), mais aussi sur celui du casting vocal des deux côtés de l’Atlantique. Burt Reynolds et de son complice Dom DeLuise (Tu fais pas le poids, shérif !, Le Shérif est en prison, La Folle Histoire du monde, L’Équipée du Cannonball), ont enregistré leurs répliques ensemble et non pas séparément comme il est de coutume de faire et sont allés bien plus loin que leurs dialogues imposés en improvisant. De ce fait, les auteurs ont dû changer quelques éléments de l’intrigue originale, pour se caler aux pitreries du fameux tandem, qui livrent une prestation sensationnelle de fraîcheur. Anne-Marie est quant à elle interprétée par la petite Judith Barsi, actrice américaine d’origine hongroise, qui multipliait les apparitions à la télévision et commençait aussi à se produire au cinéma (Les Dents de la mer 4 – La Revanche), qui sera lâchement et sauvagement assassinée par son propre père avant la sortie dans les salles de Charlie mon héros, mais également du Petit Dinosaure et la Vallée des merveilles dans lequel elle doublait Becky (Ducky en VO). En France, nous sommes on ne peut plus gâtés, avec rien de moins que Richard Darbois (trois ans avant de prêter sa voix légendaire au Génie d’Aladdin et cinq ans avant l’arrivée de Toy Story), explosif dans le rôle principal, Jacques Frantz, impérial en Gratouille, Céline Monsarrat en Annabelle, Philippe Peythieu en Zigouille, Claude Joseph en Carcasse, que des cadors.
All Dogs Go to Heaven ne recherche pas l’empathie immédiate ou aisée. Charlie est d’ailleurs montré avec ses mauvais côtés et penchants, la violence n’est pas adoucie (on a même plusieurs « Ta gueule ! » en VF) et Don Bluth laisse au spectateur le temps de connaître Charlie, de lui faire confiance, pour ensuite lui donner une seconde chance, celle de se racheter. Histoire de rédemption, Charlie mon héros s’intéresse donc à la psychologie sombre et complexe d’un personnage au premier abord peu amical et ambigu, qui va s’humaniser au contact d’une orpheline attendrissante et en manque d’amour, qui a le don de parler aux animaux.
Avec ses superbes décors, son rythme effréné, son montage cyclonique, sa musique délirante et son festival de couleurs, Charlie mon héros n’a pas volé son statut culte et demeure une valeur sûre de l’animation.
LE COMBO BLU-RAY + DVD
Après Fievel et le nouveau monde en septembre 2021 et Rock-O-Rico en avril 2022, Rimini Editions continue sur sa lancée et propose cette fois Charlie mon héros en combo Blu-ray + DVD. Un titre qui avait déjà bénéficié d’une sortie en DVD, en 2002, chez Swift productions, puis chez Opening en 2009 et chez Filmedia en 2013. La jaquette arbore un superbe visuel et se voit glissée dans un boîtier Amaray classique transparent, lui-même disposé dans un fourreau cartonné. Le menu principal est animé et musical.
Les passionnés du travail de Don Bluth seront heureux de retrouver une formidable et complète présentation du film par Xavier Kawa-Topor (27’), spécialiste du cinéma d’animation, auteur de l’ouvrage Le Cinéma d’animation en 100 films (Édictions Capricci). Il remet Charlie mon héros dans son contexte et surtout dans la carrière de Don Bluth, très largement évoquée, de ses débuts chez Disney à la fin des années 1970, jusqu’à son envol personnel. Xavier Kawa-Topor parle des deux succès colossaux de Fievel et le nouveau monde (1986) et Le Petit Dinosaure et la Vallée des merveilles (1988), qui ont réussi à faire de l’ombre aux productions Disney, avant d’en venir plus spécifiquement à Charlie mon héros. La genèse du film, les intentions du réalisateur (faire une parodie des films de gangsters et de mafia, avec des chiens), ses références (Un nommé Joe de Victor Fleming, Little Miss Marker d’Alexander Hall, La Vie est belle de Frank Capra), les partis-pris audacieux (une noirceur indéniable, des personnages peu recommandables, faire mourir le personnage principal au début du film, un vocabulaire parfois violent) pour lesquels Don Bluth s’est battu auprès des producteurs sont les points abordés. L’invité de Rimini Editions en vient ensuite à l’étroite collaboration du metteur en scène avec Gary Goldman et John Pomeroy, le casting vocal original (Burt Reynolds, Dom DeLuise, la petite Judith Barsi, qui allait être assassinée par son père…), la parenté du personnage d’Anne-Marie (le premier personnage humain de premier plan chez Don Bluth) et de Blanche-Neige, sans oublier la sortie marquée par la concurrence avec La Petite Sirène des studios Disney, contre qui Charlie mon héros devra s’incliner au box-office, en dépit d’une sortie conséquente sur plus de mille écrans sur le sol américain. Ce qui n’empêchera pas le film de rentrer dans ses frais, même si le succès sera moindre que Fievel et Le Petit Dinosaure. Une suite sera créée malgré tout, destinée uniquement au marché de la vidéo et à laquelle Don Bluth n’a pas participé, contrairement à la série télévisée d’animation, 40 épisodes de 22 minutes, réalisés entre 1996 et 1998.
Sur le Blu-ray, les amoureux de l’animation traditionnelle et du travail de Don Bluth trouveront un document exceptionnel, une visite des studios Sullivan Bluth à Dublin, diffusée le 12 février 1990 (et non pas septembre comme l’indique la jaquette) sur la chaîne RTBF (43’). Nous allons à la rencontre de Don Bluth, alors âgé de 52 ans (et 48 ans de vocation comme il l’avoue, depuis qu’il avait découvert Blanche-Neige et les 7 Nains à l’âge de 4 ans), qui revient sur les grandes étapes de sa carrière, tandis que les animateurs du studio (venus de Belgique, du Canada, également interviewés) dévoilent leurs missions respectives pour donner vie à Charlie mon héros. Don Bluth se souvient de sa rencontre avec Walt Disney, de ses diverses collaborations avec lui, sur ses premières œuvres personnelles, sur son association avec Steven Spielberg, les triomphes rencontrés par Fievel et Le Petit Dinosaure, la différence entre l’animation européenne et américaine, les nouvelles difficultés rencontrées sur la création de Charlie mon héros (donner vie à des humains, ce qui a nécessité le recours à la rotoscopie), l’utilisation des storyboards, l’élaboration des décors (964 pour Charlie), la mise en couleurs, la photographie image par image…Cette archive fantastique se termine sur les premiers travaux effectués pour ce qui deviendra Rock-O-Rico, puisque trois films étaient en cours dans les studios Sullivan Bluth au moment de la réalisation du reportage de Hugues Dayez pour l’émission Le Monde du cinéma. Bravo encore une fois au spéléologue Jérôme Wybon pour avoir exhumé ce trésor.
L’interactivité se clôt sur la bande-annonce (version originale).
Les collectionneurs trouveront aussi quatre cartes postales disponibles dans le boîtier.
L’Image et le son
Alors oui Charlie mon héros ne bénéficiera jamais du même soin qu’un Disney et le master HD proposé ici montre ici quelques limites, mais le film de Don Bluth n’a vraisemblablement jamais été aussi étincelant à l’écran. Il faut toutefois accepter un usage conséquent du DNR et donc la suppression du beau grain argentique original qui manque cruellement ici…La définition est belle, les couleurs primaires profitent de cette promotion en Haute-Définition, la copie est propre (un peu de poussières), les détails affûtés, les contrastes élégants et le master stable. Divers plans flous ici et là, de très légères saccades, mais rien de bien méchant. Blu-ray au format 1080p.
La version originale bénéficie d’un remixage DTS-HD Master Audio 5.1. Cette option acoustique séduisante permet à la musique d’environner le spectateur pour mieux le plonger dans l’ambiance du film. Les effets latéraux ajoutés ne tombent jamais dans la gratuité ni dans l’artificialité, tandis que le caisson de basses rugit aux moments opportuns. De plus, les dialogues ne sont jamais noyés et demeurent solides, la balance frontale assurant de son côté le spectacle acoustique, riche et dynamique. Mais que les puristes se rassurent, un excellent mixage DTS-HD Master Audio 2.0 est également disponible. Cette piste se révèle d’ailleurs plus percutante et propre que son homologue, la version française disposant d’un encodage DTS-HD Master Audio 2.0 aux voix plus décollées. Les sous-titres français ne sont pas imposés.