Test Blu-ray / Bernie, réalisé par Richard Linklater

BERNIE réalisé par Richard Linklater, disponible en DVD le 12 mars 2025 chez Extralucid Films.

Acteurs : Jack Black, Shirley MacLaine, Matthew McConaughey, Brady Coleman, Richard Robichaux, Rick Dial, Brandon Smith, Larry Jack Dotson…

Scénario : Richard Linklater & Skip Hollandsworth

Photographie : Dick Pope

Musique : Graham Reynolds

Durée : 1h36

Année de sortie : 2011

LE FILM

À Carthage, petite bourgade du Texas, dans les années 1990, Bernie Tiede, assistant croque-mort, est aimé de tous les habitants. Véritable maître de l’embaumement et des animations d’enterrements, chanteur hors pair, Bernie va se lier d’amitié avec Marjorie Nugent, une riche veuve, à l’inverse, détestée car désagréable. Très vite, ils deviennent inséparables, voyagent à travers le monde et ne peuvent plus se passer l’un de l’autre. Mais la vieille femme possessive maintient Bernie sous son emprise…

Richard Linklater (né en 1960) rappelle Robert Wise ou Richard Fleischer. Un artisan touche-à-tout, qui a oeuvré dans moult genres, un réalisateur insaisissable, prolifique, éclectique, mais aussi et avant tout un auteur à part entière. Alors forcément, découvrir une de ses œuvres jamais sorties dans nos contrées est toujours un immense plaisir, d’autant plus que le film qui nous intéresse ici, Bernie, aura longtemps intrigué le cinéphile français. Et le résultat est jubilatoire, pour ne pas dire carrément jouissif. À la base de Bernie, il y a un fait divers réel, que Richard Linklater découvre dans les années 1990, à travers un article du magazine Texas Monthly de Skip Hollandsworth. Le cinéaste y voit très vite un sujet formidable pour un long-métrage et pense déjà à Jack Black, avec lequel il tourne finalement l’un de ses opus les plus célèbres, Rock Academy. Les années passent, Linklater attend que le comédien prenne de la bouteille et les deux hommes se retrouvent enfin en 2011 pour Bernie. À cette occasion, Jack Black rencontre le véritable Bernie Tiede en prison. Quand il se met dans la peau de ce dernier, Jack Black sort de deux échecs commerciaux sur le sol américain, Les Voyages de Gulliver de Rob Letterman et L’An 1 : Des débuts difficiles d’Harold Ramis. Cette prestation lui vaudra tous les éloges et l’acteur sera nommé dans beaucoup de festivals. Honteusement oublié aux Oscars, Bernie a pourtant tout d’un grand film sous ses apparences modestes et s’inscrit parfaitement dans la filmographie de Richard Linklater, qui à travers sa comédie dresse en réalité une radiographie implacable du Texas (où il est né), comme un faux documentaire extraordinaire. Sauf que l’histoire qui est narrée est absolument vraie, ce qui fait encore plus froid dans le dos. IN-DIS-PEN-SA-BLE.

1996, dans la petite ville de Carthage, au Texas, l’assistant du croque-mort, Bernie Tiede, un membre bien-aimé de la communauté, devient le seul ami de la riche Marjorie Nugent, récemment veuve. Les citadins la considèrent froide et désagréable. Tiede, bientôt 40 ans et la vieille Nugent ne se quittent plus, voyageant et déjeunant fréquemment ensemble. Puis Tiede assassine Nugent, lassé de sa possessivité.

La question se pose alors. Comment un être docile, qui fait parfaitement son travail et même plus, qui est apprécié de tous, a pu commettre l’irréparable ? Comment Bernie Tiede, connu pour son charisme, son extrême charité et son engagement communautaire, qui s’était rapproché volontairement de Marjorie Nugent (Shirley MacLaine, immense), que tout le monde méprisait, en est venu à abattre froidement cette dame âgée de plus de 80 balais, de quatre balles dans le dos ? De ce fait, comment faut-il juger Bernie Tiede (rien à voir avec un certain Bernie Noël, qui lui aussi aimait les hyènes), que toute la population défend bec et ongles et « faisait de cette Terre, un endroit bienveillant » ?

Richard Linklater dissèque cette histoire et tente de percer le mystère (s’il y a) de son personnage principal, magistralement interprété par un Jack Black exceptionnel, qu’on a malheureusement peu revu ainsi par la suite. Ainsi, d’emblée, le cinéaste donne la parole aux habitants (certains jouant leur propre rôle), qui n’y vont pas par quatre chemins pour dire leur immense affection pour Bernie et pour enfoncer encore plus dans l’humus celle qu’ils ont toujours détestée. Dès son arrivée à Carthage, Tiede s’adapte rapidement grâce à son sens de la vente, son flair lors des funérailles et sa propension à s’occuper des veuves âgées pendant et après les obsèques. Ce dernier point fait croire à certains habitants que Tiede est attiré par les femmes âgées, tandis que d’autres, dont le procureur Danny Buck Davidson (Matthew McConaughey, plus vrai que nature), arrogant et dur à cuire, le croient plutôt homosexuel. Arrive le mois de mars 1990. Tiede organise les funérailles d’un pétrolier et banquier local, où il rencontre sa riche veuve, Marjorie Nugent, qui a très mauvaise réputation en ville, se montrant incroyablement irritable et sadique envers tous ceux qu’elle rencontre, y compris sa propre famille, tout en rejetant la faute sur le reste du monde et en l’accusant de l’avoir abandonnée. Lorsque Tiede commence à s’attacher à Nugent, elle se prend d’affection pour lui, et bientôt Nugent retrouve sa joie de vivre en devenant ami improbable. Cependant, au fil du temps, les exigences de Nugent envers Tiede se durcissent considérablement. Elle fait de lui son unique héritier testamentaire et son gestionnaire financier. En 1993, Tiede est contraint de quitter son emploi de croque-mort pour devenir l’assistant à temps plein de Nugent. Tiede devient incapable de gérer sa vie privée, car Nugent exige constamment son attention, lui crie dessus même lorsqu’il fait tout correctement et devient de plus en plus hostile envers tout le monde.

Le 19 novembre 1996, après que Nugent ait refusé d’assister à une représentation locale de The Music Man que Tiede met en scène et dans laquelle il joue, ce dernier, impulsivement, tire quatre balles dans le dos de Nugent, la tuant. Il dissimule son corps dans un grand congélateur, espérant gagner du temps. Au cours des neuf mois suivants, Tiede multiplie les excuses pour l’absence de Mme Nugent auprès de ses associés. Devenu son gestionnaire de fortune, sa charité habituelle s’accentue encore : il dépense 600 000 dollars de l’argent de Nugent dans des commerces locaux et des cadeaux raffinés. Cela renforce l’admiration de la ville, mais Lloyd Hornbuckle, courtier en valeurs mobilières de la famille Nugent, longtemps éprouvé, voit ses soupçons éveillés lorsqu’il découvre que Nugent, par l’intermédiaire de Tiede, a négligé de verser les paiements convenus à sa famille éloignée…

Le réalisateur s’octroie l’aide du journaliste Skip Hollandsworth, les deux hommes livrant un bijou de scénario, toujours sur le fil entre la comédie de mœurs (macabre) et le documentaire, qui rappelle souvent l’excellent Fast Food Nation, sorti cinq ans plus tôt. Si Bernie se situe dans la carrière de Richard Linklater entre le très conseillé Orson Welles et moi et le magnifique Before Midnight, celui-ci rend compte une fois de plus de la science des dialogues de leur auteur, quand bien même les trois longs-métrages paraissent diamétralement opposés. Indéniablement la griffe d’un metteur en scène au sommet de son art, qui a toujours des choses à dire, même s’il use pour cela de subterfuges et de récits qui ont l’air différents, mais qui s’intéressent avant tout à l’humain dans toutes ses contradictions.

Tourné avec les moyens du bord, autrement dit rien ou pas grand-chose, sur une période de trois semaines, Bernie s’impose tout simplement comme l’un des meilleurs films de Richard Linklater.

LE COMBO BLU-RAY + DVD

En parallèle de sa première sortie dans les salles françaises le 8 janvier 2025, Bernie bénéficie d’une formidable édition Blu-ray + DVD grâce aux bons soins d’Extralucid Films. Les deux disques reposent dans un boîtier Amaray classique de couleur noire, glissé dans un épais sur-étui cartonné. La jaquette reprend celui de l’affiche d’exploitation américaine. Le menu principal est animé et musical.

À l’occasion de son passage au Centre Pompidou en 2024 (qui lui avait déjà consacré une rétrospective complète cinq ans auparavant), Richard Linklater, qui présentait alors quatre films inédits en France, revenait sur Bernie (35’). La genèse du projet (basé sur un article relatant la véritable histoire de Bernie Tiede), remontant à 1998, sa passion pour le procès original, ses partis-pris (l’approche documentaire), le casting, les conditions de tournage et de postproduction (« personne n’a voulu financer le film et aucun studio n’en voulait par la suite »), le succès du film aux Etats-Unis (Bernie ne s’est pas vendu à l’étranger) sont ainsi longuement évoqués. Enfin, Richard Linklater déclare que « Bernie est un chouette flm, qui peut plaire à plein de gens […] un reflet amusant du Sud des Etats-Unis ».

L’équipe d’Extralucid Films s’est ensuite entretenue avec Jack Black lui-même ! Pendant près de vingt minutes, le comédien, visiblement enchanté de revenir sur Bernie pour cette sotie française, évoque tout d’abord Richard Linklater, avec lequel il avait déjà fait Rock Academy, que Jack Black considère comme étant son meilleur film. Il détaille son cinéma minimaliste et naturaliste, puis comment le réalisateur lui a proposé le rôle principal de Bernie. Jack Black parle de sa préparation, de sa visite en prison au vrai Bernie Tiede, dont nous apercevons quelques images rapides dans le générique de fin. L’acteur aborde aussi sa complicité avec Shirley MacLaine, puis, après avoir cherché longtemps sur son téléphone un titre de film avec la comédienne sur IMDB, déclare être très fier de Bernie.

L’éditeur s’est tourné vers le journaliste-critique Mathieu Macheret (25’), pour nous parler de Bernie. Le film de Richard Linklater est donc posément passé en revue, aussi bien sur le fond que sur la forme, replacé dans la carrière du réalisateur, tandis que le fait divers réel est disséqué. Le casting est aussi passé en revue.

Nous trouvons une poignée de featurettes originales. Fiction et réalité (9’), Amazing Grace (7’) et Les Commères (12’30) donnent ainsi la parole à toute l’équipe du film, aux comédiens, au réalisateur, au journaliste Skip Hollandsworth, aux habitants de Carthage, qui abordent le fait divers à l’origine de Bernie, en tentant de dresser le portrait complexe de Bernie Tiede. Des images de plateau et des répétitions sont dévoilées.

Un montage de scènes coupées (10’), montre un peu plus le quotidien de Bernie auprès de la communauté (durant un barbecue, à la radio, en prison, au théâtre, au procès).

L’interactivité se clôt sur la bande-annonce.

L’Image et le son

Près de quinze ans après sa sortie au cinéma outre-Atlantique, Bernie débarque dans les salles et en Combo Blu-ray+DVD, tout cela grâce à l’équipe d’Extralucid Films ! Il semblerait que le master soit identique à celui sorti aux Etats-Unis en 2012chez Millenium Media. Une galette HD (au format 1080p) très stable, lumineuse, aux couleurs chaudes et regorgeant de détails, autant sur les visages que les vêtements. On apprécie la netteté, la palette chromatique, le piqué acéré, le rendu des matières. La copie impressionne, la définition est exemplaire.

La piste unique anglaise DTS HD Master Audio 5.1 met en avant les formidables dialogues du film. La spatialisation est classique, offre un bel écrin à la composition de Graham Reynolds (Before Midnight, A Scanner Darkly), avec suffisamment d’ardeur, sans en faire trop. Les effets annexes sont évidemment dynamiques, le caisson de basses est discret, mais sait faire parler de lui aux moments opportuns.

Crédits images : © Extralucid Films / Medusa Films / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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