
ACTION MUTANTE (Acción mutante) réalisé par Álex de la Iglesia, disponible en Combo 4K Ultra HD & Blu-ray chez Le Chat qui fume.
Acteurs : Antonio Resines, Álex Angulo, Frédérique Feder, Juan Viadas, Karra Elejalde, Saturnino García, Fernando Guillén Cuervo, Jaime Blanch, Ion Gabella…
Scénario : Jorge Guerricaechevarría & Álex de la Iglesia
Photographie : Carles Gusi
Musique : Def Con Dos
Durée : 1h33
Date de sortie initiale : 1993
LE FILM
Dans le futur, la société ne prend en compte que les personnes favorisées et marginalise tous les autres. Action Mutante, un groupuscule réunissant des personnes handicapées, décide de passer à… l’action. Emmené par Ramon Yarritu, le groupe kidnappe la fille d’un riche industriel…

En 1991, Álex de la Iglesia réalise son premier court-métrage, Mirindas asesinas, qu’il parvient à présenter à Pedro Almodóvar. Ce dernier tombe sous le charme de cette histoire, une série de meurtres qui se déroule dans un bar, en raison d’un homme qui refuse de payer son soda. Les cadavres s’accumulent sur les lieux, tandis que les clients routiniers passent sans se rendre compte des corps qui les entourent. Résultat des courses, ce cher Pedro, alors en plein tournage de Talons aiguilles – Tacones lejanos, accepte de produire le premier long-métrage de ce trublion qui semble en avoir sous le capot. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’Almodóvar a eu du pif ! Action Mutante voit le jour et ce coup d’essai s’avère un véritable coup de maître ! TOUT de la Iglesia est déjà dans Acción mutante, une hystérie unique et reconnaissable, une ode au mauvais goût, un chaînon manquant entre les opus du tandem Caro/Jeunet et ceux de John Waters. Si Action Mutante devait être un manège dans une fête foraine, ce serait une attraction hybride, entre le rollercoaster et le train-fantôme. On en ressort comme si on avait ingurgité des packs de Redbull, le sourire aux lèvres, les yeux révulsés (ça bouge dans tous les coins), la tête agitée de tics nerveux, mais on est heureux, rassasiés et on en redemande. Cela tombe bien, car après avoir reçu trois Goyas (meilleurs effets spéciaux, meilleur maquillage et meilleure direction de production), Álex de la Iglesia allait enchaîner avec Le Jour de la bête – El día de la bestia, pour un délire encore plus grand. Un auteur est né, un immense cinéaste aussi.


L’an 2012, dans un monde où les marginaux et les handicapés sont exclus – Après avoir tué accidentellement une personnalité qu’ils voulaient kidnapper pour en tirer une rançon, les membres d’Action mutante, groupe terroriste dont le leader, Ramon Yarritu, vient de sortir de prison, projettent d’enlever Patricia Orujo, la fille d’un riche industriel. Les kidnappeurs profitent d’une réception pour s’emparer d’elle, après avoir massacré la plupart des invités. Puis ils prennent la fuite à bord de leur vaisseau vers la planète Axturias, où la rançon doit être versée…


El Deseo présente…Action Mutante est ni plus ni moins l’oeuvre d’un sale gosse, décidé à dynamiter les codes en vigueur, y compris ceux que Pedro Almodóvar avait explosé dès son vrai premier long-métrage Pepi, Luci, Bom et autres filles du quartier – Pepi, Luci, Bom y otras chicas del montón (Folle… folle… fólleme Tim! n’ayant pas trouvé de distributeur). L’action démarre d’entrée de jeu, avec un kidnapping qui foire et où les deux victimes qui devaient être enlevées, passent finalement de vie à trépas en raison des méthodes brutales de leurs agresseurs. Puis, présentation des personnages, un « triste sire », un reporter taré, un bossu maléfique (un nain difforme, juif, franc-maçon, communiste et homosexuel…), des frères siamois, un sourd-muet (qui possède l’un des Q.I. les plus bas du monde et une force inouïe), nous sommes en pleine relecture de Freaks. Tout ce « moche » petit monde s’agite devant la caméra sans cesse inventive d’Álex de la Iglesia, qui défie les lois de la gravité, qui joue avec les objectifs, les lentilles, les angles, l’ombre et la lumière, épaulé pour cela par le directeur de la photographie Carles Gusi.


Sur une musique directement tirée de la série Mission Impossible, on suit cette organisation terroriste, menée par l’inquiétant Ramón Yarritu (Antonio Resines, vu dans Cell 211), qui profite de la faiblesse de ses compagnons handicapés qu’il surnomme « affectueusement » les rebuts de l’hosto, pour pouvoir se refaire après cinq ans passés en prison. Prenant pour cibles les éphèbes et les fils à papa qui dominent le monde, ils se pointent à un mariage où ils massacrent tout le monde, tout en enlevant la jeune mariée « super bien sapée » comme l’indiquait le générique. C’est là qu’Action Mutante démarre réellement, après la tuerie sanglante du mariage, des « noces rouges » marquées par un bossu armé jusqu’aux dents planqué dans la pièce montée. Le cinéaste y va à fond dans la crasse, dans le sang, dans le gore aussi, avant d’emmener le spectateur dans un vaisseau spatial (oui oui) qui annonce un peu avant l’heure Les Gardiens de la Galaxie, puis dans un désert indéterminé.


Nous sommes en plein mélange des genres, science-fiction, épouvante, western, comédie…Si on ne sait plus sur quel pied danser, il faut se laisser guider par Álex de la Iglesia, qui sait lui pertinemment où il désire nous emmener, autrement dit en terre inconnue. Action Mutante impressionne par ses effets visuels optiques et directs (mention spéciale au véhicule en lévitation du cul-de-jatte), par ses décors stylisés et recherchés, par son hémoglobine « décontractée » aussi, puisque les scènes violentes sont tellement « hénaurmes » et donc graphiques, qu’elles renvoient directement à la bande dessinée et ne peuvent par conséquent qu’arracher quelques rires francs (tout ce qui touche aux frères siamois est purement et simplement du génie) ou sourires nerveux.


C’est dire si le réalisateur a de l’humour (noir) à revendre et il y va à fond, en offrant aux spectateurs un divertissement inattendu, unique, singulier, qui impose immédiatement une griffe qui n’aura de cesse d’être acérée et où la satire sociale sera de plus en plus virulente.


LE COMBO BLU-RAY + 4K UHD
En fouinant un peu, on découvre qu’Action Mutante avait été exploité en DVD en France, chez LCJ Éditions & Productions, en 2006. Une galette qui visiblement ne proposait que la version française et…aucun supplément. Oubliez cette édition caduque (euphémisme), car vous possédez enfin celle que l’on attendait tous. Le Chat qui fume dépasse même toutes les espérances, puisque le premier long-métrage d’Álex de la Iglesia apparaît en Combo Blu-ray + 4K Ultra-Haute Définition, limité à 1000 exemplaires ! Deux disques solidement harnachés dans un Digipack à trois volets, glissé dans un fourreau cartonné du plus bel effet. Le menu principal est animé et musical.


La section des suppléments est on ne peut mieux remplie.
On démarre avec un montage d’images filmées directement sur le plateau (34’). Des instants bruts, qui dévoilent l’envers du décor, l’emploi des effets spéciaux, la direction d’acteurs d’Álex de la Iglesia, les maquillages, la préparation et la répétition de certaines séquences, la création des décors et des accessoires dans les ateliers des artistes FX.












Ce bonus est excellemment complété par le making of officiel d’époque (28’30). Un document qui donne la parole à l’équipe (sans parfois mentionner le nom de l’intervenant), qui montre encore des images filmées sur le plateau, avec le réalisateur à l’oeuvre avec ses acteurs et son équipe technique. Pedro Almodóvar, en tant que producteur, s’invite sur le plateau et donne son avis sur le film de ce jeune homme prometteur qu’il a pris sous son aile. La confection des décors, des costumes, la création des maquillages et des effets spéciaux sont aussi au coeur de ce module.









Place à Álex de la Iglesia, qui revient sur Action Mutante, au cours d’une interview réalisée à l’occasion de cette sortie française HD/UHD d’Action Mutante (21’). Comme à son habitude, le réalisateur est peu avare en anecdotes de tournage et aborde la genèse, puis la production de son premier long-métrage. Forcément, le nom de Pedro Almodóvar arrive très rapidement et le cinéaste ne tarit pas d’éloges sur celui qui lui a donné sa chance (après avoir découvert son court-métrage Mirindas asesinas), en expliquant d’ailleurs que ce dernier lui a quasiment laissé carte blanche, en intervenant à peine dans son processus créatif. Álex de la Iglesia parle des conditions de prises de vues (drastiques, en raison d’u budget somme toute limité), de la création des effets spéciaux, de ses références (Qu’est-ce que j’ai fait pour mériter ça ? de Pedro Almodóvar, le cinéma de Luis Buñuel, John Waters, Ópera prima de Fernando Trueba), de ses intentions (« On voulait faire du moche, du très moche »), des thèmes qu’il a voulu aborder et de l’accueil critique à la sortie du film, dont il reste très fier sur certains aspects (sa démence surtout), tout en déclarant qu’il le referait volontiers aujourd’hui, une préquelle surtout.

L’interactivité se clôt sur un clip vidéo de Def Con Dos et la bande-annonce.
L’Image et le son
Nouveau master 4K et présentation UHD pour Action Mutante ! Les fans d’ Álex de la Iglesia vont être aux anges, surtout qu’on ne s’attendait pas à pareil traitement pour ce film souvent et injustement mal considéré dans la filmographie du réalisateur. Un lifting de premier choix qui ravit constamment les yeux et permet d’apprécier à nouveau les partis pris du talentueux directeur de la photographie Carles Gusi. Le résultat est bluffant. La restauration – réalisée à partir du négatif original – laisse pantois, c’est très élégant (dans la crasse voulue par le réalisateur), les nombreux gros plans étonnent par leur précision, la clarté est plaisante et le piqué joliment acéré sur les séquences diurnes comme l’atteste le relief des textures et des matières. Le grain original est conservé, fin, l’encodage costaud, la colorimétrie ravivée, le cadre stabilisé, et même les nombreuses scènes sombres s’avèrent aussi soignées avec des contrastes denses. Action Mutante est présenté en HEVC, 2160p, en HDR Dolby Vision.

La version originale est proposée en DTS-HD Master Audio Mono 5.1, une piste exemplaire et limpide, restituant les dialogues avec minutie, ainsi que la B.A. survoltée de Def Con Dos. Les effets sont solides, le confort acoustique largement assuré et nous découvrons même quelques ambiances inédites qui avaient pu échapper à nos oreilles jusqu’à maintenant. La piste française 2.0 se focalise un peu trop sur les dialogues (le doublage est d’ailleurs particulièrement gratiné avec entre autres à la barre le cador Richard Darbois) au détriment des effets annexes, plus saisissants en espagnol. Le mixage français est certes moins riche, mais contentera les habitués de cette version. Que les puristes soient rassurés, la VO est aussi proposée en Stéréo, également percutante en son genre.



Crédits images : © Le Chat qui fume / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr