LA FILLE DU DIABLE réalisé par Henri Decoin, disponible en Édition Collector Blu-ray + DVD le 30 mars 2022 chez Pathé.
Acteurs : Pierre Fresnay, Fernand Ledoux, Thérèse Dorny, Andrée Clément, Pierre Juvenet, Robert Seller, Paul Frankeur, Nicolas Amato, André Wasley…
Scénario : Alex Joffé, Henri Decoin & Marc-Gilbert Sauvajon
Photographie : Armand Thirard
Musique : Henri Dutilleux
Durée : 1h39
Année de sortie : 1946
LE FILM
Célèbre criminel en fuite, Saget est pris en voiture par Ludovic Mercier, un homme qui revient dans son village natal après 25 ans d’exil fructueux aux Etats-Unis. Mais Mercier est ivre et le véhicule dérape. Si l’automobiliste meurt dans l’accident, Saget survit et décide d’usurper l’identité du mort. Accueilli en fanfare par tous les villageois, il trompe ses compatriotes à l’exception de la mystérieuse Isabelle, surnommée « Fille du Diable »…
Les films d’Henri Decoin (1890-1969) se suivaient et ne se ressemblaient pas. Cet éclectisme a longtemps été sa force et sa faiblesse, puisque la critique, bien plus que les cinéphiles, ne savait pas comment « cataloguer » ce réalisateur, qui aura signé une cinquantaine de longs-métrages en un peu plus de trente ans, en terminant sa carrière en 1964 sur Nick Carter va tout casser! avec Eddie Constantine. Nous avons déjà parlé de la filmographie riche, précieuse, impressionnante, attachante, élégante et sans fin d’Henri Decoin, à travers nos chroniques d’Au grand balcon, Les Amoureux sont seuls au monde, Non coupable, Charmants garçons, le metteur en scène connaissant depuis quelques années, à l’instar de Gilles Grangier, une nouvelle reconnaissance de la part de la critique qui lui avait souvent échappé, grâce à la restauration des films mentionnés précédemment, auxquels nous pouvons ajouter Maléfices (1962) avec Juliette Gréco, Le Masque de fer (1962) avec un Jean Marais truculent, Pourquoi viens-tu si tard… (1959) avec Michèle Morgan, L’Affaire des poisons (1955) avec Danielle Darrieux (alors son épouse), Razzia sur la chnouf (1955) avec Jean Gabin et Lino Ventura, Les Inconnus dans la maison (1941) avec Raimu…et là le passionné de cinéma de se dire « Ah mais c’est de lui aussi ça ? ». C’est dire si l’on redécouvre sans cesse l’oeuvre d’Henri Decoin, où l’on déniche de véritables trésors, à l’instar de La Fille du diable, également connu sous le titre La Vie d’un autre, qui sort sur les écrans le 17 avril 1946. Précipitez-vous sur ce drame teinté de thriller, dans lequel s’opposent les immenses Pierre Fresnay et Fernand Ledoux.
LES ÉVADÉS réalisé par Jean-Paul Le Chanois, disponible en édition Digibook – Blu-ray + DVD + Livret le 4 septembre 2020 chez Coin de Mire Cinéma.
Acteurs : Pierre Fresnay, François Perier, Michel André, Sylvia Monfort, Jacques Marin, Luc Andrieux, Georgette Anys, Robert Rollis, Alain Bouvette, Albert Michel, Pierre Ferval, Max Tréjean, Jean Clarieux, Bernard Musson…
Scénario : Jean-Paul Le Chanois & Michel André, d’après l’histoire vécue par Michel André
Photographie : Marc Fossard
Musique : Joseph Kosma
Durée : 1h57
Date de sortie initiale : 1955
LE FILM
1943, Michel et François, deux prisonniers de guerre, s’évadent d’un camp allemand. En chemin, ils rencontrent Pierre, un lieutenant français dont le plan d’évasion a échoué. Une amitié naît entre ces trois hommes aux caractères très différents et qui exercent dans la vie des professions très dissemblables. Mais ils ont un objectif commun : gagner la Suède en traversant le nord de l’Allemagne et le Danemark.
Les films se déroulant durant la Seconde Guerre mondiale et racontant une histoire vraie ne sont pas rares. En revanche, les longs métrages écrits et surtout interprétés par ceux qui ont réellement vécu les événements le sont beaucoup plus. Les Evadés de Jean-Paul Le Chanois est un exemple. Sorti en mai 1955 et récompensé par le Grand Prix du cinéma français, le dixième film du réalisateur demeure étrangement méconnu et dissimulé entre deux des plus gros succès de sa carrière, Papa, maman, la Bonne et moi (1954) et sa suite Papa, maman, ma femme et moi (1955). Pourtant, Les Evadés a été un triomphe avec près de quatre millions d’entrées au cinéma. Il s’agit d’un drame de guerre sensationnel, un quasi-huis clos de près de deux heures dans lequel brillent l’immense Pierre Fresnay, le génial François Périer et Michel André, comédien aujourd’hui oublié et qui interprète ici son propre rôle puisqu’il s’agit ici de ses souvenirs de guerre. Plus célèbre pour avoir offert à Jean Gabin son plus grand succès au cinéma avec Les Misérables (1958), le cinéaste Jean-Paul Dreyfus, plus connu sous le nom de Jean-Paul Le Chanois (1909-1985), qui a fait le bonheur des cinéphiles à l’heure où les chaînes de télévision diffusaient encore ses grands classiques – également avec Gabin – comme Le Cas du docteur Laurent (1957), Monsieur (1964) et Le Jardinier d’Argenteuil (1966), signe l’un de ses plus films avec Les Evadés, qui mérite d’être réhabilité soixante-cinq ans après sa sortie.
AU GRAND BALCON réalisépar Henri Decoin,disponible en combo DVD/Blu-ray le 7 novembre 2018 chez Pathé
Acteurs : Georges Marchal, Pierre Fresnay, André Bervil, Félix Oudart, Janine Crispin, Paul Azaïs, Germaine Michel, Abel Jacquin, Clément Thierry…
Scénario : Joseph Kessel, Marcel Rivet
Photographie : Nicolas Hayer
Musique : Joseph Kosma
Durée : 1h56
Année de sortie : 1949
LE FILM
Tous les habitants de la pension de famille toulousaine Au Grand Balcon sont possédés par le goût de l’aventure. Carbot, chef de l’Aéropostale de Toulouse, veut prolonger la ligne vers l’Amérique…
En introduction et sur un montage d’images d’archives, la voix inimitable de l’immense Pierre Fresnay indique qu’Au grand balcon n’a pas pour vocation de relater les faits réels avec une précision documentaire, mais de rendre avant tout hommage aux pionniers de l’aviation civile française, « la plus belle, la plus grande, en date, en sacrifice, en légendes, en étendue ». Très empathique et sincère, ce prologue indique d’emblée le soin tout particulier apporté à cette histoire par le cinéaste Henri Decoin (1890-1969), orthographié ici Henry. Ancien pilote de l’Escadrille des Cigognes pendant la guerre 14-18, le réalisateur signe ici l’un de ses films les plus personnels. Ecrit avec Joseph Kessel (lui-même ancien aviateur et l’auteur d’une biographie sur Jean Mermoz en 1939), Au grand balcon s’inspire de la véritable histoire de la création de l’Aéropostale et de ses deux grandes figures, Didier Daurat, directeur des Lignes aériennes Latécoère, et l’aviateur Jean Mermoz, appelés Carbot et Fabien dans le film, interprétés ici par Pierre Fresnay et Georges Marchal. Sorti en 1949, ce long métrage n’a rien perdu de son charme et reste un formidable moment, animé par la passion de son metteur en scène.
Les années 1920, à Toulouse. Carbot, responsable de l’aéropostale, rêve de prolonger sa ligne en traversant l’Atlantique. Dur à lui-même et aux autres, il exige une discipline aveugle pour un rendement maximum. Un ancien pilote de guerre, Fabien, est tenu à l’écart par Carbot jusqu’au jour où un pilote meurt accidentellement : Fabien, en pleine tempête de neige, transportera le courrier. Il échoue lui aussi et n’est sauvé que de justesse. Pour donner une leçon à tous, c’est Carbot lui-même qui prend le courrier. Fabien sera le chef d’un relais en Afrique et « la ligne » se développera de jour en jour. Chaque soir, les jeunes pilotes intrépides logent au « Grand Balcon » au milieu de fonctionnaires, de retraités et de petits rentiers. Une pension de famille tenue par Adeline et Françoise, deux soeurs qui adoptent leurs turbulents locataires et qui bousculent tout ce petit monde.
Un film à la gloire de l’Aéropostale, mais aussi un portrait des locataires du Grand balcon, le quartier général de ces jeunes pilotes travaillant au développement des liaisons aériennes. Ils sont sous les ordres de Carbot, qui ne vit que pour « la ligne » et qui impose une stricte discipline à ses hommes. Il se soucie peu – du moins en apparence – des existences sacrifiées à son idéal. Jean Fabien, héros de la guerre de 1914, tient tête à Carbot et se heurte constamment à lui. Même si les deux personnages principaux ne s’appellent pas comme cela dans le film, les spectateurs passionnés par le sujet de l’Aéropostale reconnaîtront Daurat et Mermoz. Pierre Fresnay, impérial, droit comme un i, la voix imposante et sèche, campe un Carbot-Daurat impitoyable, strict et dur, guidé par son rêve, prêt à tout pour le concrétiser. Georges Marchal est parfait dans cette représentation de Mermoz aka Fabien dans Au grand balcon. Sa stature, ses épaules sculptées, son charisme rappellent évidemment « l’Archange » disparu accidentellement en 1936 à l’âge de 34 ans.
Ancien sportif, nageur et joueur de water-polo, champion de France du 500m nage libre dans les années 1910, Henri Decoin connaît la persévérance et l’obstination. Officier de cavalerie, de zouaves puis d’aviation durant la Première Guerre mondiale, il devient également chef d’escadrille. Aimant le défi, le risque et le danger, le cinéaste du merveilleux Les Amoureux sont seuls au monde (1947) a voulu faire le plus brillant des éloges à ses modèles et inspirations. Formidablement mis en scène, Au grand balcon compte moult personnages, tous animés par cette envie irrépressible de voler, d’aller toujours plus loin, toujours plus haut. S’ils ont conscience de risquer leur vie chaque fois qu’ils quittent le plancher des vaches, ces jeunes hommes chevronnés entre 20 et 30 ans ne manqueraient jamais l’occasion de prendre place dans un cockpit et de s’envoler.
Les dialogues signés Joseph Kessel rendent compte de ce feu ardent qui les consume à chaque instant, tandis qu’Henri Decoin, qui avait déjà abordé le thème de l’aviation dans Les Bleus du ciel en 1933, soigne le cadre (très belle photo de Nicolas Hayer) et privilégie les séquences intimistes aux scènes aériennes (quasi-absentes), avec en fond la composition romanesque de Joseph Kosma. Au grand balcon est un grand film d’aventures, une épopée humaniste, passionnante et très attachante.
LE BLU-RAY
Les deux disques de ce combo Pathé reposent dans un Digipack à deux volets, glissé dans un surétui cartonné au visuel très élégant. Le menu principal est animé sur la musique de Joseph Kosma.
Tout d’abord et c’est devenu une habitude, Pathé nous gratifie de trois petits modules tirés de ses archives. Les sujets d’actualité sont évidemment en rapport avec le film qui nous intéresse puisque nous y voyons l’inauguration des premières lignes postales aériennes françaises (2’30), la disparition de Jean Mermoz et de ses compagnons (2’45) et les pionniers de la poste aérienne (2’50). Des images toujours impressionnantes à découvrir.
Le bonus le plus conséquent est l’entretien croisé avec l’écrivain Didier Decoin, fils du réalisateur Henri Decoin, et d’Olivier Margot, journaliste et auteur avec Benoît Heimermann de L’Aéropostale publié chez Broché en 2010 (45’). Ce module propose un formidable portrait du cinéaste Henri Decoin, l’homme et l’artiste, le père, le mari, l’ancien aviateur et metteur en scène, qui a mis beaucoup de lui-même dans son film Au grand balcon. Olivier Margot propose également un retour sur l’histoire et les étapes déterminantes de l’Aéropostale française, tout en louant la reconstitution d’Henri Decoin, ainsi que la représentation à peine dissimulée dans le film de Jean Mermoz et de Didier Daurat, sans oublier celle des autres pionniers de l’air. Lent, mais maîtrisé, ce documentaire est aussi informatif qu’attachant, surtout lorsque Didier Decoin, 73 ans, évoque la passion de l’aviation de celui qu’il appelle encore très affectueusement « papa ».
L’Image et le son
La restauration numérique 4K a été réalisée par le laboratoire L’Immagine Ritrovata à partir du négatif original. Le nouveau master HD de Au grand balcon au format 1.37 respecté impressionne par son piqué, par la gestion des contrastes (noirs denses, blancs lumineux), ses détails ciselés (voir les nombreux gros plans) et son relief. La propreté de la copie est souvent sidérante, même chose pour sa stabilité, la profondeur de champ est éloquente, et la superbe photo signée par le grand et pourtant souvent oublié Nicolas Hayer (Le Corbeau, Orphée, Le Doulos) retrouve une nouvelle jeunesse doublée d’un superbe écrin, avec un grain d’origine heureusement été préservé. Les fondus enchaînés sont également fluides et n’occasionnent pas de décrochages. Les stockshots utilisés pour le prologue sont plus marqués par les affres du temps. Notons également un fil en bord de cadre qui a visiblement donné quelques suées aux magiciens de la restauration, ainsi qu’une séquence à la définition étrangement chancelante, celle où Fabien tente de s’en sortir après son crash dans les Pyrénées (à 1h07).
La piste mono restaurée bénéficie d’un encodage en DTS HD-Master Audio. Si quelques saturations et chuintements demeurent inévitables, l’écoute se révèle fluide, équilibrée, limpide. Aucun craquement intempestif ne vient perturber l’oreille des spectateurs, les ambiances sont précises et les dialogues clairs. Les sous-titres anglais et français destinés au public sourd et malentendant sont également disponibles, ainsi qu’une piste Audiovision.