Scénario : Agenore Incrocci, Furio Scarpelli & Ettore Scola
Photographie : Claudio Cirillo
Musique : Armando Trovajoli
Durée : 1h59
Date de sortie initiale : 1974
LE FILM
Trois camarades, frères d’armes pendant la résistance, attachés au même idéal de justice et de progrès social, célèbrent la fin de la guerre et la chute du fascisme en Italie. Gianni termine ses études de droit à Rome. Nicola enseigne dans un lycée de province. Antonio se retrouve modeste brancardier-infirmier. C’est une période d’espoir et d’euphorie…
« On se reverra dans 25 ans, donc plus jamais. ».
C’est un film culte, un vrai, un mythe, un monument, sans qui le cinéma italien ne serait pas tout à fait le même et qui a d’ailleurs servi de modèle pour ceux qui ont suivi. Nous nous sommes tant aimés – C’eravamo tanto amati est ce que l’on peut qualifier de miracle de cinéma, celui qui happe le spectateur, le prend par la main pour lui faire traverser l’écran, derrière lequel on se place en tant que témoin des multiples événements qui surviennent au fil des trente années qui nous sont contées. Avec ce dixième long-métrage, qui devait alors rencontrer un succès international, Ettore Scola (1931-2016) devait entrer définitivement dans la légende du septième art transalpin. Merveilleusement interprété par le quatuor Nino Manfredi, Vittorio Gassman, Stefania Sandrelli et Stefano Satta Flores (mais pas que), Nous nous sommes tant aimés est un chef d’oeuvre auquel on revient sans cesse, on fait référence, auprès duquel on se réfugie en cas de coup de mou, qui revigore. Rollercoaster émotionnel dont on ressort le coeur gros et l’esprit apaisé, C’eravamo tanto amati paraît inépuisable, le spectateur découvrant alors de nouvelles choses au fur et à mesure qu’il prend de l’âge lui-même et se rend compte du temps qui passe ou plutôt qui a passé. La poésie de la mélancolie. Capolavoro.
Dix-neuf sketches, souvent féroces, sur les petites bassesses de tous les jours interprétés avec vigueur par Vittorio Gassman et Hugo Tognazzi.
Les Monstres – I Mostri (1963) est l’un des films les plus célèbres de l’immense et prolifique réalisateur Dino Risi (1916-2008), le maître incontesté de la comédie italienne. Tour à tour médecin, psychiatre, journaliste, puis devenu metteur en scène presque par hasard, le mythique cinéaste du Fanfaron, Parfum de femme et Il Vedovo signe avec Les Monstres l’une des meilleures comédies italiennes de l’âge d’or du genre. Observateur implacable de ses contemporains, pourfendeur des travers de son époque, le réalisateur laisse libre cours à sa verve satirique. En une vingtaine de « tableaux », le cinéaste croque une humanité dont la bêtise n’a d’égale que la cruauté. Se défendant de faire du cinéma militant, le réalisateur transalpin n’épargne personne et toutes les couches sociales sont touchées, de gauche comme de droite, de la grande bourgeoisie au prolétariat. Cinéaste humaniste mais profondément ironique, considéré comme le plus pessimiste des réalisateurs italiens – « tout est grave mais rien n’est sérieux » disait-il – et qui se sert de la puissance du cinéma populaire pour lancer des débats après la projection, Dino Risi, doctorant en psychologique, donne à réfléchir sur les relations humaines dans la société italienne contemporaine, après le boom économique. Les Monstres reste l’une des plus grandes références du film à sketches (qui sont d’ailleurs de qualité et de durée inégales), genre que le cinéaste retrouvera en 1969 dans Une poule, un train… et quelques monstres, en 1971 dans Moi, la femme et en 1973 dans Le Sexe fou – Sessomatto. Enfin, le film est un véritable festival porté par deux autres « monstres », mais du cinéma cette fois, Vittorio Gassman et Ugo Tognazzi.
Bruno rencontre Roberto. Pendant tout le week-end, ils ne vont plus se quitter. Bruno, très volubile, désinvolte, charmeur et fanfaron, entraîne son nouvel ami à bord de sa voiture de sport pour une série d’aventures insolites.
Le Fanfaron – Il Sorpasso, réalisé par Dino Risi en 1962, demeure l’un des films emblématiques de l’âge d’or du cinéma transalpin. Succès international, malgré des critiques peu enthousiastes au départ, qui a influencé moult cinéastes dont Dennis Hopper pour Easy Rider (si si), ce chef d’oeuvre d’humour et d’émotions, co-écrit par Ettore Scola et interprété par deux immenses comédiens, Vittorio Gassman (le playboy) et Jean-Louis Trintignant (le jeune étudiant candide et mélancolique qui va s’ouvrir à la vie le temps d’un week-end), reste une oeuvre libre, cynique, provocante, hilarante et grave, qui n’a pas pris une seule ride.
NOS HÉROS RÉUSSIRONT-ILS À RETROUVER LEUR AMI MYSTÉRIEUSEMENT DISPARU EN AFRIQUE ? (Riusciranno i nostri eroi a ritrovare l’amico misteriosamente scomparso in Africa ?)réalisé par Ettore Scola,disponible en Édition Digibook Collector Blu-ray + DVD + Livret le 7 novembre 2018 chez M6 Vidéo
Acteurs : Alberto Sordi, Bernard Blier, Manuel Zarzo, José María Mendoza, Erika Blanc, Franca Bettoia, Alfredo Marchetti…
Scénario : Agenore Incrocci, Furio Scarpelli, Ettore Scola
Photographie : Claudio Cirillo
Musique : Armando Trovajoli
Durée : 2h02
Date de sortie initiale: 1968
LE FILM
Un homme d’affaires fatigué de son travail, de sa famille et de sa vie part à la recherche de son beau-frère disparu en Afrique quelques années plus tôt, entraînant dans cette quête son comptable qui n’en demandait pas tant. Et quand après de très nombreuses aventures, ils retrouveront, finalement, leur ami devenu chef de tribu, se posera la question de le ramener dans ce qu’on appelle la civilisation…
Quel film se cache derrière ce titre à rallonge typique des romans-feuilletons, Nos héros réussiront-ils à retrouver leur ami mystérieusement disparu en Afrique ? ou bien encore en version originale Riusciranno i nostri eroi a ritrovare l’amico misteriosamente scomparso in Africa ? Un des bijoux méconnus du grand Ettore Scola. Réalisée en 1968, cette comédie grinçante s’inspire en réalité de l’histoire de Walt Disney intitulée Topolino e il Pippotarzan, dessinée par l’artiste italien, vénitien plus précisément, Romano Scarpa, dans laquelle Dingo (Pippo en Italie) part en Afrique avec Mickey (Topolino) afin de retrouver son frère Pappo, disparu sans laisser de trace. Si Ettore Scola et ses co-scénaristes, les maîtres Age & Scarpelli, prennent évidemment quelques libertés avec le récit original, ils n’en conservent pas moins les grands traits, y compris son dénouement. Dans le film Alberto Sordi (toujours aussi génial et hilarant) incarne Fausto Di Salvio, un bourgeois fier de ce qu’il est devenu, inculte et arrogant, un éditeur de renom qui profite allègrement du miracle économique de son pays. En apparence seulement, car Fausto s’ennuie dans son travail et surtout dans sa vie privée, notamment avec sa femme, avec qui il n’a plus aucune intimité.
« Nous recherchons mon beau-frère…mais nous nous recherchons aussi nous-mêmes ! »
Contraint de partir en Afrique, continent qui l’a toujours fasciné, Fausto emmène avec lui Umbaldo Palmarini, son comptable et homme à tout faire – Bernard Blier, qui retrouve Sordi pour la troisième fois à l’écran – pour chercher et ramener en Italie son beau-frère Oreste Sabatini (Nino Manfredi) qui du jour au lendemain est parti s’installer en Angola, parmi une communauté africaine, en quittant sa femme et sa vie de bourgeois romain. Là-bas, à la fois perdu géographiquement et culturellement, Fausto, homme moderne déboussolé se heurte à un nouveau monde qui lui permettra de repartir sur de nouvelles bases, de faire le point sur sa propre vie, monotone malgré ses succès. Quelle aurait été la vie de Fausto si cette possibilité d’évasion ne s’était pas offerte à lui ?
Le personnage, très attiré par le continent africain, évolue à l’écran en deux heures. Il passera du personnage détestable (il filme tout ce qui se présente à lui, comme s’il tournait un documentaire animalier), raciste et colonialiste (on pense alors fortement à Tintin au Congo), mais malgré tout comique puisqu’il ne comprend rien et ignore tout de ce pays, à l’homme mature qui tentera de dénoncer notamment la traite des noirs. Pour son périple, un parcours initiatique même, Ettore Scola opte pour la comédie d’aventure pour dénoncer le thème du colonialisme à travers une mise en scène inventive et astucieuse, profitant également de la beauté majestueuse de ses décors naturels avec des prises de vue effectuées à Luanda, capitale de l’Angola, par ailleurs toujours sous domination portugaise à l’époque.
Le scénario est un vrai bijou, très intelligent, caustique et engagé, tous comme les savoureux dialogues signés Furio Scarpelli. Pour la petite histoire, alors qu’il entreprend de se doubler lui-même en français, Bernard Blier se rend compte que les dialogues ont changé et le propos adoucis, à tel point que les responsables de cette adaptation avaient purement et simplement gommé toute la dimension anticolonialiste du film. Le comédien prévient alors Ettore Scola qui fait stopper immédiatement la post-synchronisation, puis la sortie hexagonale en raison de cette censure réalisée dans son dos. Sensationnelle comédie ironique, Nos héros réussiront-ils à retrouver leur ami mystérieusement disparu en Afrique ? mettra dix ans pour être enfin exploité dans les salles françaises.
LE BLU-RAY
Nos héros réussiront-ils à retrouver leur ami mystérieusement disparu en Afrique ? avait connu une première édition DVD en novembre 2007 chez M6 Vidéo, dans sa collection Les Maîtres italiens SNC. Le film d’Ettore Scola débarque en Blu-ray, toujours chez le même éditeur, qui a concocté à cette occasion un Digibook Collector Blu-ray + DVD + Livret de 24 pages écrit par Laurent Bourdon. Le menu principal est animé et musical.
Une interview particulière, une rencontre avec Ettore Scola (53’) : Ce documentaire réalisé pour la chaîne publique italienne Rai, déjà disponible sur l’édition DVD, mélange extraits de films d’Ettore Scola, images du réalisateur et de ses acteurs (Sergio Castellito, Diego Abatantuono…) en plein travail sur le tournage de Concorrenza sleale (réalisé en 2001), et une interview accordée par le réalisateur italien qui revient notamment sur ses débuts en tant que scénariste. Il explique ce qu’il a appris avec chacun de ses confrères, du cinéaste Dino Risi aux scénaristes Age et Scarpelli en passant par l’acteur Massimo Troisi. Un entretien profond qui aborde plusieurs thèmes avec intérêt et qui dresse le portrait d’un cinéaste surdoué.
De la BD au grand écran par l’auteur de BD Charles Berbérian (20’) : Réalisé à l’occasion de cette nouvelle édition, cet entretien permet d’en savoir plus sur la genèse de Nos héros réussiront-ils à retrouver leur ami mystérieusement disparu en Afrique ?, en particulier sur la bande-dessinée Topolino e il Pippotarzan de Romano Scarpa dont le film de Scola est en réalité un détournement. Si Charles Berbérian se penche sur les thèmes, sur la sortie reculée du film pendant dix ans, l’auteur s’égare quelque peu du sujet qui nous intéresse en parlant des adaptations de bandes-dessinées dans les années 60. Finalement, ce module bifurque maladroitement sur la promotion de son livre Cinerama, les meilleurs plus mauvais films.
L’interactivité se clôt sur la bande-annonce et le teaser.
L’Image et le son
Voici donc le master restauré 2K de Nos héros réussiront-ils à retrouver leur ami mystérieusement disparu en Afrique ?. L’image est plus qu’impeccable et le superbe générique l’atteste d’emblée. C’est net, les couleurs sont vives, étincelantes, les contrastes solides et les détails sont très appréciables. La propreté est également impressionnante, le grain original respecté, le piqué acéré et l’apport HD non négligeable sur les splendides paysages africains.
La piste mono italienne a été restaurée avec précision. Toutefois, les dialogues y sont moins dynamiques que sur la piste française, même si la merveilleuse partition musicale d’Armando Trovajoli, très représentative du film, est très bien lotie. Certains bruitages (comme les envolées de baffes) sont poussés à l’extrême et rappellent les films du duo Hill & Spencer. Le mixage français, également restauré (Bernard Blier se double lui-même), est plus criard avec des échanges trop mis à l’avant, au détriment des ambiances naturelles. L’éditeur joint également les sous-titres destinés au public sourd et malentendant.