LE DIEU D’OSIER (The Wicker Man) réalisé par Robin Hardy, disponible en Combo Blu-ray + DVD le 25 novembre 2020 chez Studiocanal.
Acteurs : Christopher Lee, Edward Woodward, Britt Ekland, Diane Cilento, Ingrid Pitt, Lindsay Kemp, Russell Waters, Aubrey Morris…
Scénario : Anthony Shaffer, d’après le roman de David Pinner
Photographie : Harry Waxman
Musique : Paul Giovanni
Durée : Version cinéma (85 minutes) et Final Cut (94 minutes).
Date de sortie initiale : 1973 / 2013
LE FILM
Une lettre anonyme amène le sergent Neil Howie à venir enquêter dans une petite île écossaise sur la mystérieuse disparition d’une jeune fille. Le policier se heurte au silence inquiétant des habitants qui vont jusqu’à nier l’existence de la disparue. Peu à peu, le sergent Howie, découvre que la petite communauté, dirigée par l’excentrique lord Summerisle, regroupe les membres d’une secte païenne qui semble s’adonner à des cérémonies d’un autre âge.
Connu en France sous le titre Le Dieu d’osier, The Wicker Man, réalisé en 1973 par Robin Hardy est très souvent cité dans les tops divers consacrés aux meilleurs films britanniques. Et cette réputation n’est pas usurpée. Quasiment cinquante ans après sa sortie dans les salles et ce même si le montage aura subi quelques coupes drastiques par la censure qui voyait d’un mauvais œil qu’on s’attaque à la religion catholique de façon aussi virulente, The Wicker Man n’a absolument rien perdu de son efficacité. Foncièrement dérangeant et pourtant parcouru tout du long par un humour noir revigorant, sombre et pourtant lumineux, véritable film de genre et néanmoins inclassable, ce Dieu d’osier étonne, bouleverse et effraie, renverse les conventions, les défonce même, pour emmener là où le spectateur était loin de se douter. C’est une des références pour de nombreux aficionados de films d’épouvante, où aucune goutte de sang n’est d’ailleurs versée, mais aussi et surtout pour moult cinéastes qui ont tenté d’en plagier l’âme, le fond, l’atmosphère, sans jamais y parvenir, ou presque, comme l’a récemment démontré le très prometteur Ari Aster avec son incroyable Midsommar, sorti en 2019. Il existe aujourd’hui au moins trois montages de The Wicker Man, celui vu dans les salles en 1973, le Director’s Cut rafistolé avec difficultés – à partir d’une copie de travail appartenant à Roger Corman – et d’une durée prolongée de 15 minutes, ainsi que le Final Cut réalisé et exploité en 2013, sous la supervision de Robin Hardy, trois ans avant de s’éteindre et qui se disait très fier de cette dernière mouture, qui se rapprochait pour lui de la version la plus proche de ses intentions originales.
PASSEUR D’HOMMES (The Passage) réalisé par J. Lee Thompson, disponible en DVD et Blu-ray le 3 novembre 2020 chez Sidonis Calysta.
Acteurs : Anthony Quinn, James Mason, Malcolm McDowell, Patricia Neal, Kay Lenz, Christopher Lee, Michael Lonsdale, Marcel Bozzuffi…
Scénario : Bruce Nicolaysen d’après son roman
Photographie : Michael Reed
Musique : Michael J. Lewis
Durée : 1h38
Date de sortie initiale : 1979
LE FILM
Le professeur Bergson, savant précieux pour les Allemands en guerre, pourchassé par Von Derko, officier SS, trouve d’abord refuge dans les greniers d’une maison close, à Toulouse. Un montagnard basque, sollicité par Perea et Renoudot, membres de la Résistance, accepte de faire passer la frontière espagnole au professeur. Lorsqu’il se rend compte qu’il est accompagné de ses deux enfants et de sa femme malade, le Basque veut refuser. Mais il est déjà trop tard pour réfléchir.
Passeur d’hommes – The Passage est peut-être l’un des films les plus méconnus de J. Lee Thompson (1914-2002), réalisateur britannique de son vrai nom John Lee Thompson, passé à la postérité avec Les Canons de Navarone (1961) et Les Nerfs à vif (1962), tous deux avec Gregory Peck. Excellent technicien et ayant dirigé les plus grands acteurs, on lui doit également Tarass Boulba (avec Tony Curtis et Yul Brynner), ainsi que moult longs métrages avec Charles Bronson, avec lequel il s’associera sur près d’une dizaine de films dont le désormais culte (malgré-lui) Le Justicier braque les dealers (1987). Avec Passeur d’hommes, le cinéaste clôt une décennie marquée surtout par les deux opus, La Conquête de la planète des singes – Conquest of the Planet of the Apes (1972) et La Bataille de la planète des singes – Battle for the Planet of the Apes (1973). J. Lee Thompson retrouve pour la troisième et dernière fois Anthony Quinn (même si le rôle a semble-t-il été envisagé pour Charles Bronson), qu’il avait dirigé dans Les Canons de Navarone près de vingt ans auparavant et L’Empire du grec – The Greek Tycoon. Immédiatement après ce dernier, les deux complices remettent le couvert avec un film de guerre, conspué par la critique, encore aujourd’hui d’ailleurs, qui s’avère pourtant un grand divertissement, porté par un casting exceptionnel et merveilleusement photographié par Michael Reed (La Gorgone, Au service secret de sa Majesté).
HERCULE CONTRE LES VAMPIRES (Ercole al centro della Terra) réalisé par Mario Bava, disponible en Édition Collector Blu-ray + DVD + Livre chez Artus Films
Acteurs : Reg Park, Christopher Lee, Leonora Ruffo, George Ardisson, Franco Giacobini, Ida Galli, Marisa Belli, Mino Doro, Rosalba Neri, Raf Baldassarre…
Scénario : Sandro Continenza, Franco Prosperi, Duccio Tessari, Mario Bava
Photographie : Mario Bava
Musique : Armando Trovajoli
Durée : 1h22
Année de sortie : 1961
LE FILM
Afin de s’emparer du trône d’Œchalie, Lyco envoûte la belle Déjanire pour ensuite la sacrifier aux forces des ténèbres. Voulant sauver sa fiancée, Hercule consulte l’oracle Sybille, qui l’invite à aller chercher une pierre magique au royaume d’Hadès. Mais pour s’y rendre, il devra d’abord ramener une pomme des jardins des Hespérides. Avec l’aide de Thésée et de Télémaque, le héros part à l’aventure.
Quand il réalise et coécrit Hercule contre les vampires avec Sandro Continenza, Franco Prosperi et Duccio Tessari, Mario Bava n’a qu’un seul long métrage à son actif en tant que réalisateur, Le Masque du démon (1960). Officiellement du moins, car le cinéaste, bien que non crédité, a également co-réalisé Les Vampires (1957) et Caltiki, le monstre immortel (1959) aux côtés de Riccardo Freda, Le Danger vient de l’espace (1958) de Paolo Heusch et Hercule et la Reine de Lydie (1959) de Pietro Francisci. Après avoir fait ses classes en tant que directeur de la photographie, puis dans le domaine du documentaire, Mario Bava commence donc par « rendre service » aux cinéastes qui l’emploient. Fils d’un sculpteur, il a hérité du don de son père pour modeler la matière mise à sa disposition. Ancien élève des Beaux-Arts, fasciné par les plus grands peintres, Mario Bava use de son talent en tant que chef opérateur pour Roberto Rossellini, Dino Risi et même pour Raoul Walsh sur Esther et le roi (1960). Même si Hercule contre les vampires – Ercole al centro della terra (1961) mentionne souvent Franco Prosperi à la mise en scène, il s’agit bel et bien d’un film de Mario Bava, dans lequel son fascinant univers pictural explose une fois de plus.
JULES CÉSAR (Julius Caesar) réalisé par Stuart Burge, disponible le 19 mars 2019 en DVD et Blu-ray chez Rimini Editions
Acteurs : Charlton Heston, Jason Robards, John Gielgud, Richard Johnson, Robert Vaughn, Richard Chamberlain, Diana Rigg, Christopher Lee…
Scénario : Robert Furnival d’après la pièce de William Shakespeare « Jules César » (« Julius Caesar »)
Photographie : Kenneth Higgins
Musique : Michael J. Lewis
Durée : 1h57
Année de sortie : 1970
LE FILM
An 44 avant Jésus-Christ. Jules César est de retour à Rome, après être sorti vainqueur de la guerre civile contre Pompée. Si le peuple célèbre ce retour, quelques sénateurs, emmenés par Cassius, redoutent que César ne veuille instaurer une dictature et mettent sur pied un complot visant à l’assassiner.
Difficile de trouver un ton et un angle inédit pour adapter William Shakespeare au cinéma. Ecrite (selon les sources) en 1599 et publiée pour la première fois en 1623, Julius Caesar est l’une des tragédies les plus prisées du dramaturge par le 7e art. Avant la transposition qui nous intéresse, l’oeuvre de William Shakespeare avait déjà été adaptée à sept reprises, dont cinq fois au temps du muet dès 1908. Mais celle qui demeure la plus connue est sans conteste celle réalisée par l’immense Joseph Leo Mankiewicz avec Marlon Brando dans le rôle de Marc Antoine et James Mason dans celui de Brutus. Avant ce Jules César version 1953, David Bradley avait déjà livré sa version de la pièce de théâtre originale trois ans auparavant. Bien que peu connu, le film donnait alors la chance à un jeune acteur de 26 ans de faire ses premiers pas devant la caméra dans le rôle de Marc Antoine, Charlton Heston, qui venait de triompher à Broadway dans Antoine et Cléopâtre. Vingt ans plus tard et alors qu’il est devenu l’une des plus grandes stars du cinéma, le comédien endosse à nouveau la toge du personnage dans Jules César, mis en scène cette fois par Stuart Burge (1918-2002), en format large (peu exploité il faut bien le dire) et en couleurs. Venu de la télévision, le réalisateur avait déjà adapté William Shakespeare au cinéma en 1965, avec Othello, porté par sir Laurence Olivier dans le rôle-titre. En toute honnêteté, la version de Jules César de Stuart Burge vaut essentiellement pour son casting exceptionnel où Charlton Heston écrase purement et simplement ses partenaires. Même si sa participation reste limitée sur deux heures, le comédien bouffe l’écran à chaque apparition et la séquence de Marc Antoine s’adressant aux romains après l’assassinat de Jules César est très impressionnante.
La pièce originale est respectée. Le spectateur découvre le peuple de Rome célébrant le retour victorieux de Jules César, vainqueur de la Guerre civile contre Pompée. Deux tribuns blâment la versatilité du peuple, qui célébrait Pompée lorsqu’il se trouvait à la place de son rival. Ils tentent de disperser la foule et se donnent pour mission de dépouiller les statues de leurs décorations. Durant la fête de Lupercale, César défile en triomphe dans Rome ; un devin l’avertit contre le danger qui le menace le jour des Ides de Mars, mais César l’ignore. Par ailleurs Cassius tente de convaincre Brutus de se joindre à sa conspiration pour renverser César. Brutus hésite, tiraillé entre son affection pour César et la crainte que celui-ci abuse de son pouvoir (il est nommé dictateur à vie), remettant en cause la liberté du peuple romain. Les différents conspirateurs se rencontrent et réaffirment leur détermination face au projet du Sénat d’instituer César roi.
Bien que la pièce porte son nom, Jules César n’est pas le personnage principal de l’oeuvre. Dans le film de Stuart Burge, il est interprété par John Gielgud, considéré comme l’un des plus grands interprètes du théâtre britannique, et shakespearien en particulier. Chose amusante, il tenait le rôle de Cassius dans la version de Joseph L. Mankiewicz. Il incarne ici un Jules César vieillissant, à moitié sourd, tiraillé entre la grandeur divine et son besoin d’être aimé par le peuple. En revanche, gros mauvais point pour Jason Robards qui interprète Brutus. Visiblement peu préoccupé par ce qu’il tournait (il apprenait, voire découvrait ses répliques juste avant d’entrer sur le plateau), l’inoubliable Cheyenne d’Il était une fois dans l’Ouest de Sergio Leone conserve un visage figé du début à la fin, les yeux bas, la bouche pincée. D’un autre côté, avec ses boucles bien dessinées sur le crâne, ses traits renvoient aux statues antiques et peuvent alors dissimuler aussi bien le feu ardent que la détresse du personnage en plein dilemme. Toujours est-il que Jason Robards n’arrive pas à la cheville de Charlton Heston. Se succèdent également à l’écran Richard Johnson (L’Enfer des zombies), Robert Vaughn, Richard Chamberlain, Christopher Lee, Michael Gough et même la magnifique Diana Rigg. Un casting de haut vol pour un film somme toute plaisant à suivre, même si les dialogues sont évidemment très présents et que l’ensemble prend la forme d’une succession de vignettes parfois trop figées et au rythme en dents de scie, surtout dans son dernier acte forcément moins prenant dans ses scènes de bataille peu inspirées.
Mais le film sert également de « premier volet » pour un diptyque. Ayant de la suite dans les idées, Charlton Heston envisageait déjà de reprendre le rôle de Marc Antoine dans Antoine et Cléopâtre, qu’il réalisera lui-même l’année suivante. La version Stuart Burge reste donc une curiosité.
LE BLU-RAY
Inédit dans les bacs français, Jules César apparaît en DVD et en Blu-ray sous la bannière incontournable de Rimini Editions. Comme d’habitude chez l’éditeur, l’objet est soigné avec une jaquette aussi attrayante qu’élégante, glissée dans un boîtier classique de couleur noire, lui-même disposé dans un surétui cartonné. Le menu principal est animé et musical.
Après le film, sélectionnez immédiatement l’intervention de Sarah Hatchuel, professeure en études cinématographiques et audiovisuelles, université Paul-Valéry, Montpellier 3 (32’). Pétillante, passionnante, l’invitée de Rimini Editions propose une formidable présentation et un retour sur l’oeuvre de William Shakespeare, Jules César. Les premières représentations, les personnages, l’évolution du point de vue de la pièce, les thèmes (dont ceux de la spectralité et de la prophétie), les différentes adaptations au cinéma, le casting sont longuement abordés ici, sans aucun temps mort. Moult informations sont également donnés sur la production (indépendante) du film, comme l’investissement de Charlton Heston, grand passionné de Shakespeare, qui avait accepté un cachet réduit de 100.000 dollars et un intérêt de 15 % sur les recettes.
L’Image et le son
Comme l’indique Sarah Hatchuel dans le module précédent, Jules César de Stuart Burge est enfin proposé dans son format respecté 2.35 (16/9) et en Blu-ray (AVC, 1080p). Quelques points blancs et rayures verticales subsistent. La gestion du grain est aléatoire – tout comme celle des contrastes – très grumeleux sur les plans de ciel et les séquences sombres, la colorimétrie assez froide est plutôt fraîche. La restauration n’est visiblement pas de première jeunesse, mais la copie permet de (re)découvrir Jules César avec ses partis pris et volontés artistiques originaux. La profondeur de champ est limitée par la mise en scène de Stuart Burge, mais certains gros plans étonnent par leurs détails, tout comme le piqué. Divers effets de pompages, mais rien de bien alarmant.
Jules César est disponible en version originale et française LPCM 2.0. La première instaure un confort acoustique plaisant avec une délivrance suffisante des dialogues, des effets annexes convaincants et surtout une belle restitution de la musique. La piste française est étouffée par un imposant souffle chronique.
LE CIRQUE DE LA PEUR (Circus of fear – Psycho-Circus) réalisé par John Llewellyn Moxey, disponible en combo Blu-ray/DVD chez Le Chat qui fume
Acteurs : Christopher Lee, Leo Genn, Anthony Newlands, Heinz Drache, Eddi Arent, Klaus Kinski, Margaret Lee, Suzy Kendall, Cecil Parker, Victor Maddern…
Scénario : Harry Alan Towers, d’après le roman The Three Just Man, d’Edgar Wallace
Photographie : Ernest Steward
Musique : Johnny Douglas
Durée : 1h31
Année de sortie : 1966
LE FILM
Un fourgon blindé transportant des sacs remplis de billets de banque est braqué par un gang près du Tower Bridge. Le butin est ensuite dissimulé dans le Cirque Barberini par l’un des membres. Coïncidence ? Le cirque est bientôt la proie d’étranges meurtres au couteau visant son personnel. Un inspecteur de police chevronné mène alors l’enquête, laquelle s’annonce difficile, tant les suspects au sein de la troupe sont nombreux.
Belle démonstration que ce Cirque de la peur – Circus of Fear (ou bien encore Psycho-Circus aux Etats-Unis, sorti dans une version tronquée et en N&B), réalisé par John Llewellyn Moxey en 1965 et sorti sur les écrans en 1966. Habitué des séries télévisées et téléfilms britanniques, le réalisateur emballe ce petit film qui oscille entre le film de casse et le cinéma d’horreur, le tout prenant la forme d’un whodunit à la Cluedo, dont la particularité est de voir son récit se dérouler sous le chapiteau d’un cirque. Interprété entre autres par Christopher Lee et Klaus Kinski, Le Cirque de la peur fait partie de ces longs métrages qui prennent aujourd’hui l’allure d’un épisode de série vintage dont le charme perdure grâce à sa mise en scène rigoureuse, la tenue de ses comédiens, son suspense maintenu du début à la fin, son rythme maîtrisé et son sens du divertissement.
À Londres, un dimanche matin, sur le Tower Bridge, une bande de malfaiteurs dévalisent une camionnette transportant d’importantes sommes d’argent. Après avoir bloqué le convoi avec leur voiture et braquer les convoyeurs, dont l’un est tué par son collègue complice des voleurs, se sont enfuis sur la Tamise à bord d’un canot à moteur. L’un d’entre eux, Mason, est chargé par leur commanditaire de lui ramener sa part du butin. Alors que ses acolytes sont arrêtés par la police, Mason se rend à son lieu de rendez-vous, un cirque à l’apparence abandonné, avec son chef mais il est aussitôt tué par un adroit lancer de couteaux et l’argent est aussitôt volé. La piste des billets dérobés, tous marqués, permet à l’inspecteur Elliott, chargé de l’enquête, de remonter jusqu’au campement d’hiver du cirque Barberini où des artistes ont dépensé de l’argent du casse. Afin d’y passer inaperçu , il se fait passer pour un photographe, désireux de faire un reportage sur la troupe. De Monsieur Loyal au lanceur de couteau, en passant par le trapéziste et le dompteur de fauves, tous semblent avoir quelque chose à cacher…
A la base du Cirque de la peur, il y a un roman du prolifique Edgar Wallace, écrivain et journaliste britannique, resté célèbre pour avoir participé à la création de King Kong de Merian C. Cooper et Ernest B. Schoedsack en 1933. Spécialiste du roman policier, du thriller anglais, d’aventures et de poursuite, toujours mâtiné d’enquête et de déduction, il signera 170 ouvrages en moins de trente ans, du début du XXe siècle, jusqu’à sa mort en 1932 à l’âge de 56 ans. A l’instar de ses meilleurs ouvrages, Le Cirque de la peur est mené tambour battant avec une succession quasi-ininterrompue d’actions et de revirements, jusqu’au final inattendu. L’auteur de la série des Quatre Justiciers, de Mr. J. G. Reeder, de l’Inspecteur Elk, de Sanders et bien d’autres, intéressera très vite le cinéma puisque les adaptations de ses nouvelles, romans et pièces de théâtre remontent déjà aux années 1920. C’est aussi et surtout en Angleterre et en Allemagne que ses écrits seront transposés en masse. Le Cirque de la peur, transposition de la nouvelle The Three Just Man, apparaît deux ans après la série The Edgar Wallace Mystery Theatre, 22 épisodes réalisés entre 1960 et 1964, dont six avaient déjà été réalisés par John Llewellyn Moxey.
Ce dernier s’empare du scénario écrit par Harry Alan Towers (également producteur) et signe un film policier très soigné, aux personnages troubles, énigmatiques et marquants, où les crimes à l’arme blanche et l’humour so british se confrontent pour notre plus grand plaisir durant 1h30. Certes Christopher Lee et Klaus Kinski apparaissent au générique, mais surtout comme seconds rôles (surtout le deuxième), et c’est surtout le comédien Leo Genn (Quo Vadis, Moby Dick, Le Jour le plus long, Le Venin de la peur) qui se distingue surtout dans ce film choral, dans le rôle de l’inspecteur Elliott. Autour de lui, tels des électrons qui s’agitent et périclitent, s’affolent tout un tas de protagonistes, dont le curieux Gregor (Christopher Lee donc), dont le visage demeure dissimulé sous une cagoule les trois quarts du film. Cela n’empêche pas l’immense acteur de s’imposer avec sa voix inimitable et son regard perçant. On appelle ça le charisme. N’oublions pas également le charme des deux actrices Suzy Kendall (L’Oiseau au plumage de cristal) et Margaret Lee (Les Insatisfaites poupées du docteur Hitchcock), mises en valeur par la belle photographie d’Ernest Steward (Les 13 fiancées de Fu Manchu).
John Llewellyn Moxey est un solide technicien – la séquence d’ouverture du casse sur le véritable Tower Bridge est d’ailleurs un brillant échantillon de son savoir-faire – qui sera repéré par l’industrie américaine et qui passera le reste de sa carrière à travailler sur de multiples séries de renoms comme Hawaï, police d’état, Mission impossible, Mannix, Magnum et Arabesque. Le Cirque de la peur est l’une de ses rares incursions au cinéma et mérite largement d’être découvert.
LE BLU-RAY
Le Cirque de la peur fait son apparition en combo Blu-ray/DVD chez Le Chat qui fume. Les deux disques reposent tranquillement dans un Digipack 3 volets avec étui cartonné du plus bel effet et au magnifique visuel coloré. Superbe objet. Le menu principal est animé et musical. Edition limitée à 1000 exemplaires. Nous trouvons également un petit encart de quatre pages signé Christophe Lemaire, qui signe une déclaration d’amour pour Christopher Lee.
Outre un lot de bandes-annonces, nous trouvons sur cette édition une présentation du Cirque de la peur par Eric Peretti (19’). Le programmateur au Lausanne Underground Film et Music Festival, ainsi qu’aux Hallucinations collectives de Lyon retrace avec une passion toujours contagieuse les origines du Cirque de la peur avec moult anecdotes de production et de tournage, un tableau dressé du casting, les portraits du producteur Harry Alan Towers et du réalisateur John Llewellyn Moxey, sans oublier une grande partie consacrée à l’écrivain Edgar Wallace. On apprend notamment qu’il existe une version allemande du film, en N&B, amputée de quelques séquences et comprenant un happy-end, qui a quand même été interdite aux moins de 18 ans à sa sortie.
L’Image et le son
Que voilà un beau master ! Rien à signaler sur la propreté et la stabilité de la copie, c’est impeccable, immaculé même. Point de scories, de points noirs ou autres griffures constatés, le master est irréprochable avec des couleurs éclatantes dans les coulisses du cirque, volontairement plus terne avec un ciel grisâtre dans la première partie londonienne. Le piqué est surprenant, vif, tandis que la patine argentique flatte constamment les rétines. Mention spéciale aux gros plans, notamment la tronche de Klaus Kinski, riche en détails avec également un teint naturel des visages. Le film utilise quelques stock-shots sur les numéros de cirque et la définition est forcément plus chancelante avec un grain plus appuyé et des teintes plus fanées. Mais cela ne dure que quelques secondes. Le film est proposé dans sa version intégrale.
La belle partition à la trompette de Johnny Douglas s’accompagne de sensibles saturations. Les dialogues sont en revanche solides et dynamiques, aucun souffle ne vient parasiter l’écoute. Signalons quelques légers « couinements » à la 55e minute. L’ensemble est très clair et les sous-titres français non imposés. Seule la version originale est disponible.
LA MAISON QUI TUE (The House That Dripped Blood)réalisé par Peter Duffell,disponible en Édition Blu-ray + DVD + Livretle 4 décembre 2018 chez ESC Editions
Acteurs : Christopher Lee, Peter Cushing, Jon Pertwee, Joanna Lumley, Ingrid Pitt, Denholm Elliott, John Bennett, Tom Adams, Joss Ackland, Nyree Dawn Porter…
Scénario : Robert Bloch
Photographie : Ray Parslow
Musique : Michael Dress
Durée : 1h42
Date de sortie initiale: 1971
LE FILM
Un inspecteur de Scotland Yard enquête sur quatre cas de meurtres mystérieux qui se sont passés dans une maison inoccupée. Ce qui donne prétexte à un film à sketchs.
Nous en avons déjà parlé, mais petit rappel sur la Amicus, cette société de production cinématographique britannique née dans les années 1960, spécialisée dans les films d’horreur. Fondée par les américains Milton Subotsky et Max J.Rosenberg, la Amicus a voulu concurrencer la célèbre Hammer sur son propre territoire et dans le reste du monde. Dans cette optique, les pontes décident d’offrir quelque chose de différent aux spectateurs, notamment des histoires d’épouvante contemporaines. Pour La Maison qui tue – The House That Dripped Blood (1971), pas de Freddie Francis à la barre cette fois ! Le réalisateur du Train des épouvantes – Dr. Terror’s House of Horrors, Histoire d’outre-tombe – Tales from the Crypt, Le Crâne maléfique – The Skull, Le Jardin des tortures – Torture Garden et bien d’autres réjouissances laisse cette fois la place à un confrère inconnu venu de la télévision, Peter Duffell (1922-2017), qui a officié sur les séries L’Homme à la valise et Strange Report. La Maison qui tue est un film à sketches qui se compose de quatre segments reliés par un fil rouge, tous réalisés par le même metteur en scène. Aujourd’hui, cette House That Dripped Blood vaut surtout pour ses interprètes et son atmosphère toujours plaisante.
Un acteur a mystérieusement disparu sans laisser de trace. L’inspecteur Holloway, mandaté par Scotland Yard, se rend immédiatement sur place pour enquêter. Il rencontre des membres de la police locale, ainsi que l’agent immobilier mister Stoker (évidemment un clin d’oeil à Bram Stoker, auteur de Dracula) et entend de curieuses histoires sur les précédents occupants de la demeure : la première concerne un écrivain confronté à un étrangleur sorti de ses récits. La deuxième histoire met en scène deux hommes en visite dans un musée de cire qui sont obsédés par la statue d’une femme qui leur rappelle une ancienne maîtresse commune. La troisième parle d’un père veuf et de sa fillette mélancolique qui semble s’intéresser de très près à la sorcellerie. La quatrième revient sur le sort de l’acteur disparu (Jon Pertwee, le troisième Doctor Who de l’histoire), qui, vêtu d’une cape à l’occasion du tournage d’un film d’épouvante, a l’impression de se transformer réellement en vampire.
Quatre sketches forcément inégaux comme bien souvent dans ce genre de production, mais qui n’en restent pas moins élégants, souvent jubilatoires, bien rythmés, concis, même si prévisibles. S’ils apparaissent tous les deux au même générique de plus d’une vingtaine de films, les immenses Christopher Lee et Peter Cushing ne se donnent pas la réplique dans La Maison qui tue, chacun étant la vedette d’un segment disparate. Notre préférence se porte sur celui avec Christopher Lee, en prise avec un enfant démoniaque ! Si Peter Cushing est comme d’habitude excellent, son sketch vaut surtout pour ses éclairages baroques qui rappellent cette fois les gialli de Mario Bava et les chefs d’oeuvre de la Hammer quand son personnage se perd dans le musée de cire. Denholm Elliott, très classe, perd pied quand l’un de ses personnages créés sur le papier, semble lui apparaître et s’en prendre à son entourage, ainsi qu’à sa femme (Joanna Dunham). La dernière partie, qui s’inscrit plus dans le genre fantastique, permet d’admirer le charme et les courbes de la mythique Ingrid Pitt. L’épilogue est certes attendu, mais plutôt efficace.
Au-delà de son prestigieux générique, la qualité d’écriture de The House That Dripped Blood est indéniable. On doit ces récits au grand Robert Bloch (1917-1994), l’auteur du roman Psychose, mais aussi d’une quantité phénoménale de nouvelles. A l’adolescence, l’écrivain avait entretenu une correspondance avec Howard Phillips Lovecraft, qui l’encourageait à mettre son imagination débordante au profit de la littérature. L’ombre de Lovecraft plane sur La Maison qui tue, comme d’ailleurs moult écrits de Robert Bloch. Son style, son épure et sa radicalité avaient déjà fait le bonheur des spectateurs pour la série Alfred Hitchcock présente dans les années 1960. Puis, Robert Bloch entamait une collaboration fructueuse avec la Amicus. En plus des comédiens iconiques, le scénariste est comme qui dirait l’autre star de La Maison qui tue.
Même si la mise en scène n’a rien d’exceptionnel et n’a pas l’efficacité des travaux de Freddie Francis (pas de gouttes de sang ici, tout est suggéré), The House That Dripped Blood conserve encore un charme britannique inaltérable, l’humour noir fonctionne bien aussi bien que l’ironie mordante, les retournements de situations et les twists, tandis qu’on se délecte de passer d’un récit à l’autre.
LE BLU-RAY
La Maison qui tue intègre tout naturellement la collection « British Terrors » d’ESC Editions, qui comprend déjà les titres Le Caveau de la terreur, Le Train des épouvantes, Asylum, Les Contes aux limites de la folie et Histoires d’outre-tombe. Cette édition Mediabook se compose du DVD et du Blu-ray du film, ainsi que d’un livret de 16 pages rédigé par Marc Toullec. Le menu principal est animé et musical.
L’intervention de Laurent Aknin se déroule en deux temps. Dans le premier module, l’historien et critique de cinéma raconte l’histoire de la Amicus (5’). Sa création, les producteurs, les titres les plus célèbres de la firme, ses intentions et ses influences sur les réalisateurs des années 1980-90 sont donc abordés de façon concise et passionnante.
Le deuxième segment se focalise sur La Maison qui tue (17’). De la même manière que pour son exposé précédent, Laurent Aknin est toujours aussi attachant, enjoué et informatif sur la genèse du film de Peter Duffell, sur le casting et le scénariste Robert Bloch.
L’Image et le son
Hormis un générique aux légers fourmillements, le transfert est irréprochable, le master immaculé, stable et dépourvu de déchets résiduels. Les noirs sont concis, la colorimétrie est volontairement froide et fanée. La gestion des contrastes est également très solide. Ce master HD est également présenté dans son format d’origine 1.85. Le Blu-ray est au format 1080p.
Le film de Peter Duffell bénéficie d’un doublage français. Au jeu des comparaisons avec la version originale, la piste française au doublage réussi s’accompagne de quelques chuintements et les dialogues sont souvent mis trop en avant. La version anglaise DTS-HD Master Audio 2.0 est plus dynamique, propre et intelligible, homogène dans son rendu, notamment au niveau des effets sonores. Les sous-titres français ne sont pas imposés.