Test DVD / La Maison rouge, réalisé par Delmer Daves

LA MAISON ROUGE (The Red House) réalisé par Delmer Daves, disponible en DVD le 11 juillet 2017 chez Rimini Editions

Acteurs : Edward G. Robinson, Lon McCallister, Judith Anderson, Rory Calhoun, Allene Roberts, Julie London, Ona Munson…

Scénario : Delmer Daves d’après le roman de George Agnew Chamberlain

Photographie : Bert Glennon

Musique : Miklós Rózsa

Durée : 1h36

Date de sortie initiale : 1947

LE FILM

Pete vit dans une ferme isolée avec sa sœur Ellen et sa fille adoptive Meg. Les parents de Meg ont disparu il y a quelques années dans des conditions mystérieuses. Il embauche comme aide de ferme Nath, un jeune homme qui tombe bientôt amoureux de Meg. Nath et Meg tentent de savoir quel secret se cache derrière la maison rouge, une demeure enfouie dans la forêt. Mais Pete leur interdit formellement de s’y rendre, en leur expliquant que cette maison est hantée…

La Maison rougeThe Red House (1947) n’est que le cinquième long métrage de Delmer Daves (1904-1977), réalisateur souvent oublié et sous-estimé, qui a pourtant signé de nombreux classiques tels que Les Passagers de la nuit (1947) aka Dark Passage avec Humphrey Bogart, qui est resté célèbre pour son usage de la caméra subjective, La Flèche brisée (1950) le premier western pro-indien, et 3h10 pour Yuma (1957), superbe western adapté d’une nouvelle écrite par l’immense et prolifique écrivain Elmore Leonard parue en mars 1953. Adapté du roman de George Agnew Chamberlain, La Maison rouge demeure méconnu dans la grande filmographie de Delmer Daves qui compte une trentaine de longs métrages réalisés entre 1973 et 1965. Quatre ans après ses débuts derrière la caméra avec Destination Tokyo, Delmer Daves livre un film dramatique teinté de fantastique.

La Maison rouge est une oeuvre à part dans la carrière du réalisateur, même si l’on retrouve ce qui a toujours fait la force de son cinéma, son attachement aux personnages, masculins comme féminins, plutôt que le contexte et le genre, même s’il affectionnait tout particulièrement le western puisqu’il en a réalisé près d’une dizaine. Remarquablement photographié par Bert Glennon (La Chevauchée fantastique, Sur la piste des Mohawks) qui s’inspire de l’expressionnisme allemand, et souligné par la partition toujours inspirée de Miklós Rózsa (L’Espion noir, Le Voleur de Bagdad, Assurance sur la mort), La Maison rouge plonge le spectateur dans une atmosphère trouble. Le malaise s’installe rapidement après une ouverture pourtant lumineuse, qui présente le décor bucolique et quelques jeunes étudiants qui respirent la jeunesse et l’insouciance. Après ce prologue, nous rencontrons alors Pete Morgan, austère et invalide, qui vit dans une ferme située à l’écart de la ville et bordée d’une épaisse forêt, avec sa soeur Ellen (Judith Anderson, la gouvernante Mrs Denvers de Rebecca d’Alfred Hitchcock) et sa fille adoptive Meg dont les parents ont mystérieusement disparu quinze ans auparavant. Pour l’aider dans les tâches quotidiennes, le vieil homme loue les services d’un aide de ferme, Nath Storm (Lon McCallister), camarade de classe de Meg, et le met vivement en garde de ne pas aller fouiner dans les bois situés aux alentours, et surtout pas aux abords de la maison rouge qu’il prétend maudite. Mais la curiosité du jeune homme est trop forte, et accompagné de Meg, il s’aventure dans les bois pour découvrir quel horrible secret entoure cette maison rouge.

La Maison rouge joue avec les genres pour mieux déstabiliser les spectateurs. Ce drame psychologique et angoissant, mais également thriller sentimental et récit d’émancipation (!) traite à la fois du sentiment de culpabilité, de la folie amoureuse et surtout de la perte de la virginité ainsi que de l’éveil sexuel. Qui a peur du Grand Méchant Loup ? Si l’on devine rapidement ce qui s’est déroulé dans cette forêt interdite quinze ans avant, ce lieu est aussi avant tout une métaphore sur le premier rapport sexuel, un chemin que l’on convoite, que l’on redoute, que l’on souhaite franchir malgré les interdits. C’est ainsi que la douce et innocente Meg, superbe et lumineuse Allene Roberts, qui contraste avec la sulfureuse et plantureuse Tibby (Julie London), la copine de Nath, se sent de plus en plus « attirée » par cette étrange maison rouge, comme si elle « en faisait partie ». Elle décide de s’y rendre et désobéit donc pour la première fois à son père adoptif, Edward G. Robinson qui prouve une fois de plus qu’il reste l’un des plus grands acteurs de l’histoire du cinéma, qui de son côté commence sérieusement à perdre les pédales, en appelant Meg par le prénom Jeannie.

Difficile d’évoquer l’histoire plus longuement sans en révéler davantage. Mieux vaut en savoir le moins possible sur La Maison rouge, drame intense et anxiogène magnifiquement réalisé, écrit et interprété, qui rappelle parfois La Féline et Vaudou de Jacques Tourneur, et qui s’avère un véritable trésor caché pour qui s’intéresse – avec raison – au cinéma de Delmer Daves.

LE DVD

Le DVD de La Maison rouge, disponible chez Rimini Editions, repose dans un boîtier classique de couleur noire. La jaquette saura attirer les fans de films noirs et classiques. Le menu principal est élégant, animé et musical.

Juste avant le film, l’historien du cinéma Christophe Champclaux, fidèle à Rimini Editions, nous propose une introduction très rapide (30 secondes) de La Maison rouge en indiquant notamment que Martin Scorsese en rappelait l’existence dans son Voyage avec à travers le cinéma américain (1995). Christophe Champclaux explique également que le négatif original ayant été perdu, ce film méconnu ne circulait que dans une copie fortement dégradée. Celle proposée par Rimini Editions est un nouveau master Haute-Définition entièrement restauré.

Nous retrouvons l’historien pour un retour plus complet sur le film et sur son réalisateur dans un module de sept minutes. Sur quelques bandes-annonces et photographies, Christophe Champclaux propose une rapide mais pertinente analyse de La Maison rouge, en croisant habilement le fond avec la forme.

L’interactivité se clôt sur un montage qui présente l’image avant/après la restauration.

L’Image et le son

La Maison rouge avait bénéficié d’une édition DVD chez Bach Films en 2005. Le master était alors horrible, fait uniquement de scratchs, de rayures, de points et même d’images manquantes avec des sous-titres qui apparaissaient sur un écran noir. Autant dire que Rimini Editions propose une image diamétralement opposée avec ce nouveau master Haute-Définition. On ne s’attendait pas à un rendu aussi lisse pour un film qui fête cette année ses soixante-dix ans. Alors certes, quelques puristes risquent de crier au scandale devant la quasi-absence du grain original mais force est de constater que ce master 1.33 renaît littéralement de ses cendres. La copie est étincelante, stable, les noirs denses côtoient des blancs immaculés et la palette de gris est largement étendue, restituant ainsi les contrastes du directeur de la photographie Bert Glennon, sans la patine argentique malheureusement. La restauration a sans doute été trop poussée, aucune scorie n’a survécu au nettoyage numérique et le piqué est acceptable. Certes, il faut accepter des noirs bouchés et un aspect quelque peu artificiel, mais ce nouveau master surpasse celui de Bach en tout point, sans aucune commune mesure.

L’éditeur ne propose que la version originale de La Maison rouge. Dynamique, nettoyée, homogène et naturelle, sans souffle parasite, cette piste offre un confort acoustique solide et restitue admirablement la musique de Miklós Rózsa et les effets sonores. Les sous-titres français ne sont pas imposés.

Crédits images : © Rimini Editions / Captures DVD : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / The Lost City of Z, réalisé par James Gray

THE LOST CITY OF Z réalisé par James Gray, disponible en DVD et Blu-ray le 18 juillet 2017 chez ESC Editions

Acteurs : Charlie Hunnam, Sienna Miller, Tom Holland, Robert Pattinson, Angus Macfadyen, Edward Ashley…

Scénario : James Gray, d’après le livre de David Grann « La Cité perdue de Z : une expédition légendaire au cœur de l’Amazonie » (« The Lost City of Z: A Tale of Deadly Obsession in the Amazon« )

Photographie : Darius Khondji

Musique : Christopher Spelman

Durée : 2h15

Date de sortie initiale : 2017

LE FILM

L’histoire vraie de Percival Harrison Fawcett, un des plus grands explorateurs du XXe siècle. Percy Fawcett est un colonel britannique reconnu et un mari aimant. En 1906, alors qu’il s’apprête à devenir père, la Société géographique royale d’Angleterre lui propose de partir en Amazonie afin de cartographier les frontières entre le Brésil et la Bolivie. Sur place, l’homme se prend de passion pour l’exploration et découvre des traces de ce qu’il pense être une cité perdue très ancienne. De retour en Angleterre, Fawcett n’a de cesse de penser à cette mystérieuse civilisation, tiraillé entre son amour pour sa famille et sa soif d’exploration et de gloire…

En cinq longs métrages seulement, James Gray est devenu l’un des cinéastes les plus prisés de la critique française, tout en bénéficiant également de la faveur des spectateurs. De Little Odessa son premier film (1994), puis The Yards (2000), La Nuit nous appartient (2007) son plus grand succès en France, suivi de près par Two Lovers (2008) puis The Immigrant avec notre Marion Cotillard nationale, le metteur en scène américain, très influencé par le cinéma européen, a su très vite se faire une place dans le coeur des cinéphiles. Son sixième long métrage, The Lost City of Z, est l’adaptation du roman La Cité perdue de Z, écrit par David Grann et publié en 2009. Depuis sa découverte du livre, James Gray cherchait à le transposer à l’écran, sans obtenir les financements nécessaires (30 millions de dollars, son plus gros budget à ce jour) afin de pouvoir tourner dans la forêt tropicale colombienne. Ceci pour mieux coller aux véritables aventures du célèbre explorateur britannique Percy Fawcett, né en 1867 et probablement décédé en 1925, qui a mystérieusement disparu sans laisser de trace dans la jungle brésilienne en cherchant une cité perdue datant de l’Atlantide, ainsi que son ancienne civilisation amazonienne.

A l’instar de Werner Herzog et de ses chefs d’oeuvre absolu Fitzcarraldo et Aguirre, la colère de Dieu, James Gray souhaite ici retranscrire la soif de découverte de son personnage principal, prêt à tout pour aller au bout son rêve (y compris pour s’élever socialement), quitte à délaisser sa famille et à plonger toujours plus profondément, jusqu’à se perdre dans un mirage. Percival Harrison Fawcett sait que la résolution est proche, même si le but ultime semble chaque fois inaccessible. Prêt à affronter le scepticisme de la communauté scientifique et l’armée britannique, il ne renoncera jamais, quitte à endurer les trahisons de ceux qu’il croyait être ses proches, sans oublier les épreuves les plus inimaginables comme renoncer à voir grandir ses enfants. Malgré les défections de Brad Pitt (qui reste néanmoins producteur délégué) et de Benedict Cumberbact qui auraient pu le décourager, James Gray, comme son personnage principal, n’a jamais renoncé à The Lost City of Z. C’est finalement Charlie Hunnam (Sons of Anarchy, Pacific Rim et Crimson Peak de Guillermo del Toro) qui hérite du rôle principal, tâche dont il s’acquitte admirablement. Des tranchées de la Somme (Fawcett était militaire de carrière) au fin fond de la jungle amazonienne, le comédien campe un Percy Fawcett magnifiquement ambigu et charismatique, attachant et parfois agaçant, en contradiction avec lui-même, toujours animé par son rêve qui a conduit sa vie, ainsi que celle de sa famille.

Comme d’habitude, James Gray a constitué un casting exceptionnel. Aux côtés de Charlie Hunnam, Robert Pattinson est tout aussi investi. Après ses incursions chez David Cronenberg et The Rover de David Michôd, il démontre une fois de plus que la période Twilight est déjà loin. The Lost City of Z confirme également que Sienna Miller est bel et bien devenue l’une des meilleures et précieuses comédiennes aujourd’hui. A l’instar de ses dernières compositions dans Foxcatcher de Bennett Miller, American Sniper de Clint Eastwood et Live by Night de Ben Affleck, elle démontre son art de la transformation, tout comme son immense talent pour passer d’un univers à l’autre et camper des personnages diamétralement opposés. Elle y est sensationnelle. Tom Holland, révélation en 2012 de The Impossible de Juan Antonio Bayona et désormais nouveau Peter Parker / Spider-Man, prouve tout le bien que l’on pense de lui dans le rôle de Jack, le fils de Percy, qui a grandi sans voir son père et qui décide pourtant se joindre à lui pour son ultime expédition.

Même si pour la première fois l’un de ses films ne se déroule pas à New York, la mélancolie propre au cinéaste imprègne The Lost City of Z du début à la fin, tout comme il y aborde une fois de plus ses thèmes de prédilection, la lutte des classes sociales, la place de l’individu dans la société et la cellule familiale. Ou comment allier le grandiose avec cette obsession d’une cité perdue, pour finalement se diriger vers l’intime et l’apaisement avec cet amour enfin trouvé entre un père et son jeune fils dans un épilogue bouleversant et foudroyant de beauté, à la lisière du fantastique.

Véritable séance d’hypnose, impression renforcée par la photo ambrée, émeraude et éthérée réalisée en 35mm par l’immense chef opérateur Darius Khondji, The Lost City of Z est ni plus ni moins la plus grande expérience cinématographique de l’année 2017, un chef d’oeuvre instantané dont on aimerait découvrir un jour la première version d’une durée dingue de 4h15. Une fresque foisonnante, épique, immersive, vertigineuse et époustouflante, dont l’anachronisme dans le monde cinématographique contemporain décuple la rareté.

LE BLU-RAY

Le test du Blu-ray de The Lost City of Z, disponible chez StudioCanal, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est sobre, animé et musical.

Le premier module de trois minutes (!) donne la parole à l’auteur David Grann, aux comédiens Charlie Hunnam et Sienna Miller, ainsi qu’au réalisateur James Gray, qui reviennent sur l’histoire, les personnages et le financement chaotique du film (« des difficultés qui ont décuplé mon envie de faire The Lost City of Z » dixit James Gray), lors de sa promotion. Quelques rapides images dévoilent l’envers du décor et les conditions de tournage. Dommage que ce document soit si court !

L’éditeur joint encore deux interviews promotionnelles, celle de James Gray (6’) et de Sienna Miller (4’). Les questions apparaissent sous forme de carton. Si Sienna Miller apparaît plus à l’aise dans l’exercice, on sent James Gray se forcer à répondre à quelques questions « classiques », du style « Pourquoi avez-vous eu envie de faire ce film ? », tout en évoquant le livre de David Grann et en indiquant que « c’était un tournage amusant ». De son côté, la ravissante Sienna Miller revient sur son personnage, sa préparation, le tournage en Irlande du Nord et indique qu’elle s’était engagée sur ce film sept ans auparavant.

Un segment de cinq minutes revient sur la figure de Percival Harrison Fawcett, à travers des propos de l’écrivain David Grann, du journaliste et écrivain Dan Snow et du sociologue Mark Greaves.

Mais le plus gros de cette interactivité s’avère la masterclass de James Gray (39’) réalisée à la Cinémathèque française le 6 mars 2017 après la projection de The Lost City of Z. Animée par le journaliste Frédéric Bonnaud, également directeur de la Cinémathèque française, cette discussion est évidemment indispensable pour tous les passionnés du cinéma de James Gray, même si celui-ci aime parfois brouiller les pistes et ne pas dévoiler toutes les clés de ses œuvres. Le réalisateur évoque la longue gestation de son sixième long métrage (presque dix ans pour trouver les financements), les thèmes, les personnages, mais parle également de l’industrie hollywoodienne, de la production indépendante, de ses influences (le cinéma européen), son rapport avec les spectateurs (« satisfaire, mais pas exploiter l’audience »), les conditions de tournage et la photographie 35mm de Darius Khondji.

L’Image et le son

Studiocanal se devait d’offrir un service après-vente remarquable pour la sortie dans les bacs du plus beau film de l’année 2017. L’éditeur prend donc soin du chef d’oeuvre de James Gray et livre un master HD irréprochable au transfert immaculé. Respectueuse des volontés artistiques originales concoctées par Darius Khondji, qui avait précédemment signé la photographie de The Immigrant, la copie de The Lost City of Z se révèle un petit bijou technique avec des teintes chaudes, ambrées et dorées (des filtres jaunes pour résumer), un grain argentique palpable (tournage réalisé en 35mm), le tout soutenu par un encodage AVC de haute volée. Le piqué, tout comme les contrastes, sont tranchants, les arrière-plans sont magnifiquement détaillés, le relief omniprésent et les détails foisonnants sur le cadre large. Le Blu-ray était l’écrin tout désigné pour revoir cette œuvre majestueuse.

Vous pouvez compter sur les mixages DTS-HD Master Audio anglais et français pour vous plonger dans l’atmosphère du film, bien que l’action demeure souvent réduite. Toutes les enceintes sont exploitées, les voix sont très imposantes sur la centrale et se lient à merveille avec la balance frontale, riche et dense, ainsi que les enceintes latérales qui distillent quelques ambiances naturelles. Le caisson de basses se mêle également à la partie avec quelques montées bienvenues. Notons que la version originale l’emporte sur la piste française, se révèle plus naturelle et homogène, y compris du point de vue de la spatialisation musicale. L’éditeur joint également les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant, ainsi qu’une piste Audiodescription pour les spectateurs aveugles et malvoyants. Les sous-titres français ne sont pas imposés sur la version originale.

Crédits images : © Aidan Monaghan / StudioCanal / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test DVD / Les Russes ne boiront pas de Coca Cola !, réalisé par Luigi Comencini

LES RUSSES NE BOIRONT PAS DE COCA COLA ! (Italian Secret Service) réalisé par Luigi Comencini, disponible en DVD le 27 juin 2017 chez ESC Editions

Acteurs : Nino Manfredi, Françoise Prévost, Clive Revill, Jean Sobieski, Giampiero Albertini, Alvaro Piccardi, Enzo Andronico, Giorgia Moll…

Scénario : Leonardo Benvenuti, Luigi Comencini, Piero De Bernardi, Massimo Patrizi

Photographie : Armando Nannuzzi

Musique : Fiorenzo Carpi

Durée : 1h42

Date de sortie initiale : 1968

LE FILM

Grâce à sa réputation très usurpée d’ex-héros de la résistance antinazie se voit offrir 100 000 dollars pour éliminer Edward Stevens, un espion néo-nazi sur le point de dévoiler la formule du Coca-Cola aux Russes. Mais il est rapidement doublé par d’autres mercenaires cherchant à obtenir la prime.

L’immense Luigi Comencini (1916-2007) fait partie des maestri du cinéma italien. Comme la plupart de ses confrères ès comédies – mais pas seulement – le réalisateur aura alterné films personnels et œuvres de commande avec la même verve et la même inspiration. Le metteur en scène du Commissaire (1962) et de La Ragazza (1963), signe après l’un de ses chefs d’oeuvres L’Incompris (1967) drame intense bouleversant et avant son formidable Casanova, un adolescent à Venise (1969), une comédie loufoque, décalée et méconnue, Les Russes ne boiront pas de Coca Cola !, Italian Secret Service en version originale. Surfant sur le succès de la saga James Bond créée six ans auparavant, ce film mêle à la fois l’espionnage avec l’humour burlesque qui n’est pas sans rappeler Le Pigeon (1958) de Mario Monicelli avec son équipe de bras cassés plongés malgré-eux dans une histoire extraordinaire.

Natalino est à la recherche d’un travail quand l’ex-capitaine Harrison, qu’il avait sauvé du peloton d’exécution pendant la guerre, lui propose, contre une importante somme d’argent, d’éliminer un jeune et dangereux néo-nazi, Edward Stevens. Natalino accepte «le contrat», fermement décidé par ailleurs à faire exécuter la besogne par un autre. Il cède le travail à un certain Othon lequel sous-traite l’affaire à un avocat un peu louche. Ce dernier en fait autant avec le frère d’un de ses clients. Le scénario de Luigi Comencini coécrit avec ses comparses Leonardo Benvenuti (Mes chers amis, La Fille à la valise), Piero de Bernardi (Il était une fois en Amérique) et Massimo Patrizi (La Traite des blanches) démarre comme un vrai film de guerre et d’espionnage, avant d’enchaîner les quiproquos et rebondissements en tous genres.

Le grand Nino Manfredi (1921-2004) retrouve Luigi Comencini après le succulent A cheval sur le tigre (1961) et signe une formidable prestation entre flegme britannique, slapstick américain et farce italienne. Le comédien est entouré d’une sacrée bande d’acteurs, Giampiero Albertini, Alvaro Piccardi, Enzo Andronico, Loris Bazzocchi et Gastone Moschin, un festival de tronches et de talent, sans oublier le charme de Françoise Prévost. Tout ce beau monde y va à fond dans le seul but de divertir les spectateurs. Cinquante ans après, Les Russes ne boiront pas de Coca Cola ! s’avère toujours aussi mordant et drôle, ironique et déphasé. Le film se tient grâce à la rigueur de Luigi Comencini, cinéaste moraliste, qui même dans ses oeuvres mineures et malgré quelques concessions au cinéma commercial, a toujours tenu à dépeindre des univers réalistes et à inscrire ses histoires dans un contexte socio-politique sérieux, tout en dirigeant ses acteurs d’une main de maître et en soignant la forme.

Nino Manfredi trône sur cette bande de joyeux drilles et s’acquitte avec virtuosité des multiples facettes que lui offre le rôle de Natale Tartufato aka Capellone, italien faible, trouillard, en un mot un type banal. Les oubliés du boom économique tentent de profiter comme ils le peuvent du système, quitte à user de méthodes peu scrupuleuses. Le scénario des Russes ne boiront pas de Coca Cola ! prend ainsi la forme de poupées gigognes, ou un événement entraîne un autre qui lui-même entraîne une nouvelle situation, etc. C’est là tout le génie de Luigi Comencini et de ses scénaristes, ainsi que de ses comédiens dont le jeu branché sur cent mille volts du début à la fin (hilarante) agit comme une véritable bouffée d’air frais et fait toujours le même bonheur des spectateurs aujourd’hui.

LE DVD

Le DVD des Russes ne boiront pas de Coca Cola ! est disponible chez ESC Editions, dans la collection intitulée Edizione Maestro, consacrée aux grands maîtres du cinéma italien, dont certains films inédits sont même proposés en Haute-Définition ! La jaquette se focalise uniquement sur Nino Manfredi. Le verso montre tous les titres déjà ou bientôt disponibles dans cette superbe collection ! Le menu principal est fixe et muet. Aucun chapitrage. L’éditeur indique que le film est inédit en France, ce qui est faux, puisque Les Russes ne boiront pas de Coca Cola ! est sorti dix ans après dans nos salles, le 19 novembre 1978 !

Cette collection sortira dans les bacs en trois vagues. La première, celle déjà chroniquée dans nos colonnes, est sortie le 28 mars 2017 : Le Prophète de Dino Risi (Blu-ray et DVD), Brancaleone s’en va-t-aux Croisades de Mario Monicelli (Blu-ray et DVD), Moi, moi, moi… et les autres d’Alessandro Blasetti (DVD) et Bluff – Histoire d’escroqueries et d’impostures de Sergio Corbucci (DVD). La seconde vague, celle que nous explorons ici, est sortie au mois de juin et nous trouvons les titres suivants : Les nuits facétieuses d’Armando Crispino et Luciano Lucignani (Blu-ray et DVD), Le Canard à l’orange de Luciano Salce (Blu-ray et DVD), Les russes ne boiront pas de Coca Cola de Luigi Comencini (DVD) et Histoire d’aimer de Marcello Fondato (DVD). Il faudra attendre le mois de septembre pour compléter sa collection avec Il Gaucho de Dino Risi (Blu-ray et DVD), Belfagor le magnifique d’Ettore Scola (DVD), Sais-tu ce que Staline faisait aux femmes ? de Maurizio Liverani (DVD) et Tant qu’il y a de la guerre, il y a de l’espoir d’Alberto Sordi (DVD).

L’intervention de Stéphane Roux sur ce titre demeure complètement anecdotique (6’30). L’historien du cinéma se contente principalement de parler de la carrière Luigi Comencini, de manière brève, alors qu’il y aurait tant à dire. Stéphane Roux indique que Les Russes ne boiront pas de Coca Cola ! n’est pas un très grand film, bien qu’agréable à suivre et qu’un film moyen de Luigi Comencini reste toujours bien au-dessus des autres productions de l’époque. Il en vient ensuite au casting en évoquant le jeu de Nino Manfredi et sa partenaire Françoise Prévost.

L’interactivité se clôt sur une succession de bandes-annonces des douze films que comptera la collection Edizione Maestro.

L’Image et le son

Si la copie s’avère propre et plutôt stable, ce master s’avère complètement usé du point de vue des contrastes et des couleurs. La copie demeure terne du début à la fin, la définition ne trouve jamais d’équilibre, les flous ne sont pas rares, la gestion du grain est aléatoire et le piqué est sans cesse émoussé. Le master semble avoir été dégoté dans un tréfonds de catalogue. Seules les poussières ont été éradiquées et rien ne nous permet d’apprécier les partis pris du grand chef opérateur Armando Nannuzzi, illustre directeur de la photographie à qui l’on doit les images inoubliables des Damnés, Mon nom est Personne et Le Bel Antonio. Quant au reste, le cinéphile devra faire preuve de beaucoup d’indulgence.

En italien comme en français, les pistes mono 2.0 s’avèrent plutôt bien nettoyées et offrent des conditions acoustiques suffisantes. Notons l’absence de souffle intempestif, mais la musique apparaît vacillante, les voix demeurent un peu sourdes et les saturations inévitables sur les dialogues plus poussés. Signalons également un problème récurrent chez l’éditeur concernant les sous-titres. Tous les mots comprenant les lettres « œ » ne semblent pas être pris en compte. Ainsi « soeur » apparaît « sur », « coeur » devient « cur », etc…Enfin, la traduction laisse à désirer puisque les sous-titres suivent la version française, qui prend souvent de grandes libertés avec le récit, et non pas les dialogues originaux !

Crédits images : © R.T.I. S.P.A. / Captures DVD : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Aftermath, réalisé par Elliott Lester

AFTERMATH réalisé par Elliott Lester, disponible en DVD et Blu-ray le 18 juillet 2017 chez Metropolitan Vidéo

Acteurs : Arnold Schwarzenegger, Maggie Grace, Scoot McNairy, Kevin Zegers, Hannah Ware, Mariana Klaveno, Glenn Morshower, Martin Donovan…

Scénario : Javier Gullón

Photographie : Pieter Vermeer

Musique : Mark D. Todd

Durée : 1h34

Date de sortie initiale : 2017

LE FILM

A la suite d’un crash aérien qui a coûté la vie à sa famille, un homme refuse la thèse officielle de l’accident et décide de rétablir la justice. Son attention se porte sur le contrôleur aérien en poste lors de la catastrophe.

C’est avec un gros pincement au coeur que nous découvrons Aftermath, le premier Direct to video avec Arnold Schwarzenegger. Alors que le très bon Maggie, le drame fantastique de Henry Hobson avait connu une sortie dans les salles et obtenu une critique très correcte, Aftermath a dû se contenter d’une exploitation en DVD et Blu-ray en France. Ce qui est bien dommage, car ce drame intimiste s’avère une belle et franche réussite, offrant à Arnold Schwarzenegger un de ses plus beaux rôles. Dans la continuité de Maggie, le chêne autrichien, également producteur sur les deux films, livre une de ses meilleures prestations et malgré son dernier baroud d’honneur (on l’espère) dans Terminator Genisys, le comédien ne cache évidemment plus son âge (70 ans en juillet 2017) en jouant désormais de ses rides creusées.

Aftermath s’inspire de l’histoire de Vitaly Kaloyev et celle de l’accident aérien d’Überlingen survenu le 1er juillet 2002, tuant tous les passagers à bord de deux appareils. Alors qu’il pensait enfin pouvoir accueillir sa femme et sa fille aux Etats Unis, Roman un immigré russe va voir sa vie s’écrouler en apprenant que leur avion a été victime d’une collision en plein vol qui n’a laissé aucun rescapé. Dans sa tour de contrôle, Jack, aiguilleur aérien, était seul au moment du drame à devoir gérer des problèmes techniques qui ne lui ont pas permis de voir à temps venir l’accident. Désormais la vie de ces deux hommes est brisée. Est-il possible de se remettre un jour d’un pareil événement ? Dévasté, Roman cherche rapidement à en savoir plus et se met en tête de retrouver l’homme qu’il estime responsable de la tragédie.

Sur un scénario subtil et intelligent écrit par Javier Gullón (Enemy de Denis Villeneuve), le réalisateur Elliott Lester (Blitz avec Jason Statham) signe un film prenant et viscéral, qui étonne par sa sobriété et l’investissement de ses acteurs, Arnold Schwarzenegger donc, mais aussi l’impressionnant Scoot McNairy, second rôle qui a su marquer les spectateurs dans des œuvres aussi variées que Monsters, Argo, Batman v Superman: L’aube de la justice, Gone Girl, The Rover et 12 Years a Slave. Aftermath suit ces deux personnages en parallèle, qui comme ces deux avions n’auraient jamais se rencontrer. D’un côté Roman, essaye de survivre après cet accident dans lequel sa fille de 25 ans et sa femme enceinte ont péri avec plus de 270 autres passagers, et de l’autre Jake, contrôleur aérien, qui se sent responsable de cette collision et qui tente également de continuer à vivre. Mais un an après les faits, Roman, qui n’a obtenu aucune excuse de la part de la compagnie aérienne qui lui propose en contrepartie une somme d’argent conséquente – qu’il refuse – pour espérer éviter un procès, essaye d’obtenir la nouvelle identité et la nouvelle adresse de Jake.

Délicat et tout en colère rentrée, Aftermath étonne par son approche, avec une économie de dialogues, sans pathos, sur un rythme lent mais maîtrisé et ne juge jamais l’acte de son personnage principal, préférant laisser au spectateur le choix de se faire sa propre opinion. Si l’on pense parfois à Dommage Collatéral d’Andrew Davis et surtout à La Fin des temps, film sous-estimé de Peter Hyams, dans lesquels Arnold Schwarzenegger interprétait déjà un père et mari en deuil, Aftermath parvient à tirer profit de la maturité du comédien, tandis que la très belle photo du chef opérateur Pieter Vermeer (Nightingale) sublime son charisme, par ailleurs toujours intact.

LE BLU-RAY

Le Blu-ray d’Aftermath, disponible chez Metropolitan Vidéo, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est étonnamment sobre, lumineux, fixe et musical. Les langues, les chapitres (trois !) et les suppléments sont affichés sur la même page.

Pas grand-chose à se mettre sous la dent malheureusement en guise de bonus. Il faudra se contenter d’une mini-featurette de 7 minutes, composée d’interviews croisées du réalisateur Elliott Lester et du directeur de la photographie Pieter Vermeer, qui reviennent sur le travail du scénariste Javier Gullón, les thèmes abordés dans Aftermath et l’interprétation.

L’interactivité se clôt sur un lot de bandes-annonces.

L’Image et le son

Metropolitan Vidéo livre un très beau Blu-ray d’Aftermath. D’entrée de jeu, les couleurs sensiblement désaturées et un léger grain sont magnifiquement restitués. Les décors fourmillent de détails (merci au cadre large), la profondeur de champ est toujours appréciable, les contrastes sont denses et les séquences sombres très élégantes. Si le film se déroule essentiellement en intérieur, aux teintes grisâtres, froides et métalliques, les séquences tournées en extérieur demeurent lumineuses, avec un piqué ciselé. Le nombreux gros plans sur les visages des deux principaux protagonistes ne manquent pas de précisions. Le codec AVC consolide l’ensemble avec brio, le relief est constamment palpable. Une édition HD française de très haut niveau, qui permet d’apprécier le film d’Elliott Lester dans les meilleures conditions.

Les mixages anglais et français DTS-HD Master Audio 5.1 se révèlent particulièrement sobres, mais instaurent un confort acoustique suffisant. En version originale, si les dialogues s’avèrent plus discrets, la centrale parvient à leur donner un relief en adéquation avec les sentiments des personnages. Le doublage français est réussi, l’excellent Daniel Beretta prêtant heureusement sa voix à Arnold Schwarzenegger. Dans les deux cas, la spatialisation musicale demeure évidente, les latérales soutiennent l’ensemble comme il se doit, les ambiances naturelles ne manquent pas, tout comme les interventions étonnantes du caisson de basses.

Crédits images : © Metropolitan Vidéo / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / À ceux qui nous ont offensés, réalisé par Adam Smith

À CEUX QUI NOUS ONT OFFENSÉS (Trespass Against Us) réalisé par Adam Smith, disponible en DVD et Blu-ray le 5 juillet 2017 chez M6 Vidéo

Acteurs : Michael Fassbender, Brendan Gleeson, Lyndsey Marshal, Georgie Smith, Rory Kinnear, Killian Scott, Sean Harris…

Scénario : Alastair Siddons

Photographie : Eduard Grau

Musique : The Chemical Brothers

Durée : 1h39

Date de sortie initiale : 2017

LE FILM

Les Cutler vivent comme des hors-la-loi depuis toujours dans une des plus riches campagnes anglaises, braconnant, cambriolant les résidences secondaires et narguant la police. Luttant pour faire perdurer leur mode de vie, Chad est tiraillé entre les principes archaïques de son père et la volonté de faire le nécessaire pour ses enfants. Mais la police, les traquant sans relâche, l’obligera peut-être à choisir entre sa culture et le bonheur des siens…

Depuis dix ans et sa révélation au grand public dans Angel de François Ozon, Michael Fassbdender est devenu l’un des acteurs les plus demandés du cinéma. Il faut dire que le comédien germano-irlandais a su très vite montrer l’étendue de son talent et de son registre, en étant capable de passer du blockbuster (300, Inglourious Basterds, Jonah Hex, les derniers X-Men, Prometheus, Assassin’s Creed, Alien : Covenant) au petit film d’auteur (Hunger, Shame, Fish Tank, Jane Eyre, Frank) avec une incroyable aisance. Entre deux grandes machines hollywoodiennes, il est la vedette d’À ceux qui nous ont offensésTrespass Against Us, premier long métrage d’Adam Smith, réalisateur venu de la télévision (Skins, Little Dorrit, Doctor Who) et auteur d’un documentaire- concert filmé des Chemical Brothers, Don’t Think (2012).

À ceux qui nous ont offensés est l’histoire de Chad Cutler (Michael Fassbender), père d’un petit garçon et d’une fille, issu de la deuxième génération de gens du voyage à vivre dans l’ouest du Royaume-Uni. Colby (Brendan Gleeson), son père, adore raconter des histoires à dormir debout autour du feu de camp et encourage ses petits-enfants à se méfier de ce qu’ils apprennent à l’école. Chad, qui ne sait ni lire ni écrire, et son épouse Kelly (Lyndsey Marshal) ne sont pas d’accord avec lui et veulent un meilleur avenir pour leurs enfants. Quand une série de vols se produit dans la région, la police suspecte immédiatement cette communauté. Chad, coupable idéal en raison de son passé de cambrioleur, est harcelé par les autorités. Soyons honnêtes, À ceux qui nous ont offensés passerait inaperçu s’il ne bénéficiait pas d’un tel casting. Ecrit par Alastair Siddons, le scénario voudrait inscrire le film dans une réalité sociale propre aux familles de nomades, mais s’en éloigne en narrant une intrigue parallèle faite de larcins et d’hommes traqués par la police, afin de rendre le film divertissant. Le film est certes bancal et peu réaliste, mais plaisant à suivre, grâce à l’investissement des acteurs.

Le duel amour-haine entre un père et son fils interprétés par Brandan Gleeson et Michael Fassbdender – également père et fils dans Assassin’s Creed de Justin Kurzel – emporte tous les suffrages. Ces monstres de charisme sont également bien épaulés par les excellents Lyndsey Marshal (vue dans la série Rome et Au-delà de Clint Eastwood), Rory Kinnear et Sean Harris. À ceux qui nous ont offensés est la chronique d’une famille où les générations s’affrontent. Le grand-père est fier d’avoir élevé son fils lui-même, loin des institutions, envers et contre tous, tandis que le fils, illettré comme son père (qui est fier de l’être), désire s’en affranchir et surtout que ses propres enfants aillent à l’école pour recevoir une éducation qu’il n’a pas eue. De ce point de vue, le film d’Adam Smith est très réussi. Inspiré par Chat noir, chat blanc d’Emir Kusturica, le réalisateur parvient à restituer les conditions de vie de cette communauté, sans tomber dans la caricature gratuite, sans pathos, sans non plus chercher l’empathie gratuite. Le film pèche avec cette pseudo-histoire faite de cambriolages et de vols commis dans les manoirs du comté par une bande de gitans hors-la-loi qui parviennent à échapper à la police grâce aux talents de Chad au volant. Le cocktail a du mal à prendre, même si encore une fois les acteurs sont parfaits et la mise en scène plutôt soignée (la course-poursuite nocturne est même très bien), tout comme la composition de Tom Rowlands des Chemical Brothers.

À ceux qui nous ont offensés est un joli film, même s’il finit par s’éloigner de tout réalisme documentaire, ce que le metteur en scène souhaitait au départ, au profit de l’entertainment et de l’émotion avec un final plutôt étonnant. Si on aurait préféré que tous ces ingrédients se mélangent mieux, il serait dommage de passer à côté de cette histoire qui contient quand même plus de qualités que de défauts.

LE BLU-RAY

Le test du Blu-ray d’À ceux qui nous ont offensés, disponible chez M6 Vidéo, a été réalisé à partir d’un check-disc. La jaquette reprend le visuel de l’affiche du film. Le menu principal est sobre, animé et musical.

Aux côtés de la bande-annonce du film, l’éditeur joint un entretien avec Michael Fassbender (16’) réalisé sur le plateau. Visiblement très investi sur ce petit film, le comédien répond aux questions (qui apparaissent sous forme de carton) et défend le premier long métrage d’Adam Smith en détaillant les personnages et les thèmes. Le scénario est passé au peigne fin, tout comme le travail avec les très jeunes acteurs et le reste du casting, qu’on aurait également voulu entendre.

L’Image et le son

Etonnant qu’avec ses 20.000 entrées au compteur, le film d’Adam Smith bénéficie d’une édition HD alors que nous disions dernièrement que La Confession (plus de 200.000 spectateurs) devait se contenter d’une simple édition DVD. Mais ne faisons pas la fine bouche. La photo signée Eduard Gray (A Single Man, Buried, Suite française) est habilement restituée, notamment les partis pris esthétiques, la colorimétrie vive et saturée sur les séquences diurnes, et un piqué joliment acéré. Les détails sont abondants sur le cadre large, la luminosité omniprésente. Là où le bât blesse, c’est que ce master apparaît beaucoup trop lisse, agressif, laqué et manque de patine.

Quatre mixages au programme ! Nous n’avons pas à nous plaindre des mixages français et anglais DTS-HD Master Audio 5.1 qui répartissent les répliques, la musique et les effets avec une belle fulgurance. Il est évidemment nécessaire de visionner À ceux qui nous ont offensés en version originale, même si la piste française s’en sort aussi bien, techniquement parlant. La séquence de poursuite jouit d’une belle ouverture de l’ensemble des enceintes, les ambiances fusant de toutes parts. Le caisson de basses intervient aux moments opportuns et souligne les vrombissements des moteurs dès la scène d’ouverture. Les pistes Stéréo instaurent un confort acoustique riche et très plaisant.

Crédits images : © The Jokers / Le Pacte / SND / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Grave, réalisé par Julia Ducournau

GRAVE réalisé par Julia Ducournau, disponible en DVD et Blu-ray le 26 juillet 2017 chez Wild Side Video

Acteurs : Garance Marillier, Ella Rumpf, Rabah Naït Oufella, Joana Preiss, Laurent Lucas, Bouli Lanners…

ScénarioJulia Ducournau

Photographie : Ruben Impens

Musique : Jim Williams

Durée : 1h38

Date de sortie initiale : 2017

LE FILM

Dans la famille de Justine tout le monde est vétérinaire et végétarien. À 16 ans, elle est une adolescente surdouée sur le point d’intégrer l’école véto où sa sœur ainée est également élève. Mais, à peine installés, le bizutage commence pour les premières années. On force Justine à manger de la viande crue. C’est la première fois de sa vie. Les conséquences ne se font pas attendre. Justine découvre sa vraie nature et comprend très vite qu’elle ne peut plus s’en passer. Surtout saignante. Et un campus ne manque pas de chair fraîche !

Avant Grave, son premier long métrage pour le cinéma, Julia Ducournau, ancienne élève de la Fémis, est la réalisatrice d’un court-métrage, Junior (2011) puis d’un téléfilm pour Canal+ mis en scène avec Virgile Bramly, Mange (2012), interdit aux moins de 16 ans. Pour ses débuts au cinéma, Julia Ducournau retrouve Garance Marillier, qu’elle avait dirigée dans Junior. C’est une double révélation et pour une fois le mot n’est pas usurpé. De par son sujet aussi singulier que dérangeant, et par son impressionnante maîtrise formelle, ce premier film multi-récompensé – par le Grand Prix à Gérardmer et le Prix de la critique internationale à la Semaine de la critique à Cannes – est un choc dans le cinéma français et a su créer l’événement dans les festivals du monde entier où certains spectateurs se seraient même évanouis devant les scènes de cannibalisme.

Justine, comme le reste de sa famille, est végétarienne. A 16 ans, la jeune femme, précoce, est reçue dans l’école vétérinaire où sa soeur aînée, Alexia, est déjà élève. Mais l’intégration est brutale : le bizutage commence en effet tout de suite pour Justine, qui ne peut pas compter sur le soutien de sa soeur et se retrouve forcée d’ingérer un morceau de viande crue, un rein de lapin. Cette expérience douloureuse n’est pas sans conséquences sur l’étudiante qui commence à développer un étrange comportement. Le point commun des trois mises en scène de Julia Ducournau, alors grande admiratrice du cinéaste canadien David Cronenberg, est le sujet de la métamorphose physique. On retrouve dans Grave ce rapport au corps et cette approche clinique qui a fait la marque de fabrique et le succès de l’auteur de La Mouche. Outre quelques références notables, à l’instar de Carrie de Brian de Palma, la réalisatrice a su digérer ses modèles et influences pour planter son film dans un réalisme morbide.

Si l’on craint tout d’abord de manquer d’empathie pour le personnage principal, l’incroyable Garance Marillier emporte tous les suffrages. Avec son visage doux et à la fois inquiétant qui rappelle étonnamment Dominique Blanc, elle signe une véritable, charismatique et ébouriffante prestation. Un sacré défi qu’un César devrait normalement récompenser en 2018, puisque la caméra ne la quitte quasiment pas du début à la fin, s’attachant à capter les moindres nuances de la transformation du personnage (qui change littéralement de peau), comme la mutation « reptilienne » d’une ado tomboy en jeune fille dans Junior. Certes, on retrouve le côté punk-sexe de Mange, mais Grave s’inscrit dans la continuité du court-métrage, d’autant plus que l’héroïne s’appelle Justine – en référence au livre du Marquis de Sade, Justine ou les malheurs de la vertu – dans les deux films et qu’il s’agit de la même comédienne.

Drame et récit d’émancipation, le spectateur suit cette jeune étudiante, qui apparaît d’abord sûre d’elle-même en arrivant à l’école vétérinaire, avant de se rendre compte très vite de la violence et de la brutalité de l’entrée dans le monde adulte. Après quelques mises à l’épreuve, Justine va se révéler à elle-même et laisser sa véritable nature prendre le dessus, en se laissant aller à ses pulsions, ses envies (sexuelles et gustatives), après une longue opposition entre l’esprit qui voudrait rester rationnel et les désirs physiques avec un corps voulant jouir et s’épanouir, pour enfin s’affirmer et accepter sa différence.

Frontal, graphique, organique et clinique (superbe photo teintée de giallo du chef opérateur Ruben Impens), mais pourtant sensuel et jamais glauque, Grave est un film burné qui n’a pas peur de foncer dans le tas, de déplaire et de provoquer le malaise – la musique de Jim Williams et la b.o hystérique participent également à l’ambiance – auprès d’une audience qui a oublié ce que voulait dire être secoué dans les salles. C’est cette franchise qui rappelle le formidable Dans ma peau de Marina de Van, cette envie de cinéma, cette audace de sortir des sentiers battus qui font de Grave, malgré un dénouement largement prévisible en raison de la présence de Laurent Lucas au générique, une grande et radicale réussite.

LE BLU-RAY

Le test de l’édition HD de Grave, disponible chez Wild Side Video, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le Blu-ray est proposé avec le DVD en combo. Le menu principal est coloré, animé et musical.

Point de making of à l’horizon, c’est la grande déception de cette édition. En revanche, l’éditeur charge la section des suppléments avec deux très (trop ?) longues interviews de la réalisatrice Julia Ducournau (47’) et de la comédienne Garance Marillier (48’), toutes deux animées par Fausto Fasulo, rédacteur en chef du magazine Mad Movies.

Durant le premier entretien, Julia Ducournau revient sur son parcours, sur Junior et Mange, l’écriture et l’évolution du scénario de Grave, la psychologie du personnage de Justine, l’importance du son, les partis pris, la structure du film, les scènes coupées au montage, ses influences, le casting et bien d’autres éléments. Dommage que cet échange soit foutraque, parfois hésitant et maladroit. L’éditeur aurait gagné à tailler dans le gras afin d’insuffler un rythme qui fait cruellement défaut à cette interview qu’on aurait aimée plus dense et intéressante.

En revanche, la rencontre avec Garance Marillier s’avère plus sympathique, même si cette fois encore l’interview n’a aucune structure et passe du coq à l’âne. La jeunesse et la spontanéité de la jeune actrice font le charme de ce rendez-vous durant lequel elle évoque son intérêt pour le jeu, sa formation (musicale), sa rencontre, son travail et son amitié fusionnelle avec Julia Ducournau, sa passion pour David Lynch et Wong Kar-wai, son premier choc cinématographique (Vertigo d’Alfred Hitchcock), sa préparation pour le rôle, le défi des scènes physiques, ses impressions de tournage, la réception du film et son avis sur les critiques négatives.

L’éditeur a pu mettre la main sur deux scènes coupées (alors qu’il y en avait bien plus), Oracle (2’) et Gravité (3’). Complètement anecdotiques mais sympas, ces séquences non montées valent le coup d’oeil et prolongent entre autres un cours réalisé par un professeur singulier avec comme sujet l’utérus d’une vache.

L’interactivité se clôt sur la bande-annonce et les credits du disque.

L’Image et le son

Saturation des couleurs primaires, luminosité aveuglante, piqué chirurgical, détails au scalpel aux quatre coins du cadre large, contrastes fabuleux, c’est sublime ! La profondeur de champ est sidérante et chaque parti pris inspiré de la photo du chef opérateur Ruben Impens (Alabama Monroe, Les Herbes folles, La Merditude des choses), est magnifiquement restitué à travers cette édition HD absolument indispensable. Le Blu-ray démo du mois de juillet 2017.

La piste unique DTS-HD Master Audio 5.1 instaure un confort acoustique total avec une redoutable homogénéité des voix et des effets annexes. Le pouvoir immersif du mixage est fort plaisant dès la première scène. Toutes les enceintes sont intelligemment mises à contribution, les effets souvent percutants. La balance frontale et latérale est constante et riche, le caisson de basses souligne efficacement les séquences du film les plus agitées (ça vibre même de partout durant les fiestas et le bizutage) et l’imposante bande-son, tandis que les dialogues et commentaires restent fluides et solides. L’éditeur joint également une piste Audiodescription, ainsi que les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant.

Crédits images : © Wild Bunch Distribution / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test DVD / De plus belle, réalisé par Anne-Gaëlle Daval

DE PLUS BELLE réalisé par Anne-Gaëlle Daval, disponible en DVD le 18 juillet 2017 chez Studiocanal

Acteurs : Florence Foresti, Mathieu Kassovitz, Nicole Garcia, Jonathan Cohen, Olivia Bonamy, Josée Drevon

Scénario : Anne-Gaëlle Daval

Photographie : Philippe Guilbert

Musique : Alexis Rault

Durée : 1h35

Date de sortie initiale : 2017

LE FILM

Lucie est guérie, sa maladie est presque un lointain souvenir. Sa famille la pousse à aller de l’avant, vivre, voir du monde…
C’est ainsi qu’elle fait la connaissance de Clovis, charmant… charmeur… et terriblement arrogant. Intrigué par sa franchise et sa répartie, Clovis va tout faire pour séduire Lucie, qui n’a pourtant aucune envie de se laisser faire.
Au contact de Dalila, prof de danse haute en couleur, Lucie va réapprendre à aimer, à s’aimer, pour devenir enfin la femme qu’elle n’a jamais su être. Pour sa mère, pour sa fille, pour Clovis…

Combien de fois a-t-on pu lire dans la presse que tel acteur ou telle actrice faisait son « Tchao Pantin » ? Cela a encore été le cas pour Florence Foresti avec De plus belle, premier long métrage d’Anne-Gaëlle Daval, costumière sur la série Kaamelott d’Alexandre Astier (son compagnon), qui offre à la comédienne un contre-emploi plutôt inattendu. Depuis son premier film, l’excellent Dikkenek (2006) dans lequel elle interprétait le commissaire Laurence, Florence Foresti a ensuite enchaîné les apparitions au cinéma (Détompez-vous, Si c’était lui…, Mes amis, mes amours) avant de tenir le haut de l’affiche en 2009 avec King Guillaume de Pierre-François Martin-Laval, échec au box-office, puis Hollywoo, qu’elle coécrit et où elle donne la réplique à Jamel Debbouze, gros succès de l’année 2011 avec près de 2,5 millions de spectateurs. Depuis, malgré son triomphe sur scène qui ne s’est jamais démenti, l’humoriste préférée des français n’a fait qu’apparaître de manière sporadique dans d’autres comédies comme Paris à tout prix, Barbecue, A fond et La Folle histoire de Max et Léon. Avec De plus belle, non seulement Florence Foresti tient le rôle principal (écrit spécialement pour elle), mais surtout, elle interprète pour la première fois un personnage dramatique.

Guérie d’un cancer du sein, Lucie réapprend à vivre. Le coeur n’y est pas vraiment même si son frère Frédéric et sa sœur Manon l’encouragent à reprendre sa vie en main et ce malgré le caractère difficile de leur mère. Dans une discothèque, elle rencontre Clovis, séduisant et séducteur. Il aime l’esprit caustique de la jeune femme. Lucie, qui a une piètre opinion de son physique, se dérobe. Elle tente de s’évader via la danse. Dalila, sa professeure qui n’a pas froid aux yeux et croque la vie à pleines dents, devient son premier soutien. Elle fait des efforts, pour sa mère, sa fille et Clovis, se fait belle et commence à voir le bout du tunnel. Si ce premier long métrage n’est évidemment pas parfait, Anne-Gaëlle Daval évite tout pathos lié à la maladie et insuffle beaucoup d’humour à son récit. On pouvait craindre que la tornade Foresti emporte tout sur son passage et en fasse trop dans ce nouveau registre, mais même si l’on sent parfois sa véritable nature prête à reprendre le dessus, la réalisatrice parvient à bien canaliser son jeu et obtenir une très bonne performance de la part de son actrice. Cette dernière est par ailleurs très bien entourée, entre l’excellent Jonathan Cohen, la trop rare et lumineuse Olivia Bonamy, l’impériale Nicole Garcia, sans oublier la classe et le naturel d’un Mathieu Kassovitz qui a l’air de prendre beaucoup de plaisir à composer un couple insolite avec sa partenaire.

Certes, Anne-Gaëlle Daval reprend le personnage créé sur scène par Florence Foresti, finalement guère éloigné de l’humoriste elle-même, mais elle réussit à jouer avec l’aspect clown triste qui sommeille en chaque comédien. Sans en faire trop, à part peut-être dans le maquillage qui prononce les cernes et qui reflète le chemin de croix par lequel est passée Lucie, la cinéaste rend son personnage immédiatement attachant, sans en faire trop, avec une indéniable délicatesse. S’il pèche par son aspect comédie-romantique qui importe finalement moins que la redécouverte du corps de Lucie (par l’intermédiaire d’un striptease dans un numéro de cabaret burlesque !), de sa féminité et de sa prise de conscience d’avoir une seconde chance, De plus belle demeure un joli film, très sensible, touchant et chaleureux, bien écrit et mis en scène, qui rend un bel hommage à la gent féminine, à leur courage, à leur beauté et à leur talent.

LE DVD

En raison de son échec dans les salles avec seulement 100.000 entrées au compteur, De plus belle est uniquement disponible en DVD. Le test a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal, qui reprend le visuel de l’affiche (rose) est fixe et muet.

Peu de bonus à se mettre sous la dent avec d’un côté, un petit module centré sur les comédiens (5’) et de l’autre centré sur la réalisatrice. Images de tournage, propos de l’équipe, présentation des personnages, c’est peu et c’est bien dommage.

L’Image et le son

Après son passage éclair dans les salles, il semble que Studiocanal n’ait pas jugé bon de sortir De plus belle en Blu-ray. Il faudra donc se contenter de cette édition standard, mais heureusement la qualité est là. Les couleurs sont bien loties, très chaudes, ambrées et estivales, le piqué suffisamment affûté, la clarté de mise et les contrastes élégants. Les détails ne manquent pas sur le cadre, les noirs sont denses. Que demander de plus ?

Le mixage Dolby Digital 5.1 instaure un bon confort acoustique en mettant la musique en avant, tout en délivrant les dialogues avec ardeur, sans jamais oublier les effets et ambiances annexes. Quelques basses soulignent également quelques séquences à l’instar de la soirée en discothèque. La piste Stéréo s’en donne également à coeur joie, se révèle dynamique et même percutante dans son genre. Les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant sont également disponibles.

Crédits images : © StudioCanal / Captures DVD : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test DVD / Seul dans Berlin, réalisé par Vincent Pérez

SEUL DANS BERLIN (Alone in Berlin) réalisé par Vincent Pérez, disponible en DVD le 1er juillet 2017 chez Pathé

Acteurs : Emma Thompson, Daniel Brühl, Brendan Gleeson, Mikael Persbrandt, Louis Hofmann, Katharina Schüttler, Godehard Giese, Jacob Matschenz

Scénario : Achim von Borries, Vincent Perez, Bettine von Borries d’après le roman Seul dans Berlin de Hans Fallada

Photographie : Christophe Beaucarne

Musique : Alexandre Desplat

Durée : 1h39

Date de sortie initiale : 2016

LE FILM

Berlin, 1940. Otto et Anna Quangel, un couple d’ouvriers, vivent dans un quartier modeste où, comme le reste de la population, ils tentent de faire profil bas face au parti nazi. Mais lorsqu’ils apprennent que leur fils unique est mort au front, les Quangel décident d’entrer en résistance.

Espoir du cinéma français dans les années 1990 après avoir enchaîné Cyrano de Bergerac de Jean-Paul Rappeneau, Le Voyage du capitaine Fracasse de Ettore Scola, Indochine de Régis Wargnier, La Reine Margot de Patrice Chéreau, Le Bossu de Philippe de Broca ou bien encore Le Temps retrouvé de Raoul Ruiz et une incursion américaine dans le rôle-titre de The Crow, la cité des anges de Tim Pope, le comédien suisse Vincent Perez a ensuite connu bien des bas. Mis à part Fanfan la Tulipe de Gérard Krawczyk, les années 2000 n’ont guère brillé pour lui. Entre les comédies navrantes (Epouse-moi, Le Libertin, Bienvenue en Suisse) et les films de genre ratés (Les Morsures de l’aube, La Reine des Damnés, Le Pharmacien de garde), Vincent Perez n’aura vraiment participé qu’à un seul bon film, le méconnu Demain dès l’aube… de Denis Dercourt (2009). Bien décidé à rebondir, il s’essaye à la mise en scène avec son premier long métrage, Peau d’ange (2002), avec Guillaume Depardieu. En 2007, il se tourne vers le genre fantastique et les Etats-Unis pour son second film en tant que réalisateur, Si j’étais toi, avec David Duchovny, Lili Taylor et Olivia Thirlby. Dix ans plus tard, il signe son troisième long métrage, Seul dans Berlin, adaptée de l’oeuvre de Hans Fallada publiée en 1947 à Berlin-Est. Ce célèbre roman – Jeder stirbt für sich allein (titre original)évoque la résistance allemande face au régime nazi et les conditions de survie des citoyens allemands pendant la Seconde Guerre mondiale.

Déjà transposé à la télévision en 1962 et 1970, puis au cinéma en 1975, avant de faire l’objet d’un documentaire en 2013 pour France 3 (Seul contre Hitler), ce livre devenu best-seller international est fondé sur la véritable histoire d’Otto Hampel (rebaptisé Quangel dans le film de Vincent Pérez) et de sa femme Elise, exécutés le 8 avril 1943 pour des actes de résistance antinazie. Seul dans Berlin propose une version quelque peu édulcorée du roman et s’avère une adaptation trop propre, même si le film ne laisse évidemment pas indifférent. En 1940, à Berlin, ville paralysée par la peur, Anna et Otto Quangel ne vivent que pour avoir des nouvelles de leur fils, enrôlé dans l’armée allemande. Quand on leur annonce la mort de leur enfant, leur monde s’écroule. Alors que Hitler est au sommet de sa gloire, ils décident, brisés par le désespoir, d’ébranler le régime nazi à leur façon. Ils disséminent dans toute la ville des pamphlets. Les autorités, irritées par cet acte de rébellion, chargent un certain Escherich de découvrir qui se cachent derrière ces cartes postales. L’étau se resserre peu à peu autour du couple Quangel.

Alors que le roman proposait une description de la barbarie et de la cruauté du Troisième Reich et de la vie des habitants de Berlin pendant la Seconde Guerre mondiale, le film de Vincent Pérez repose sur une reconstitution classique et académique avec des rues clinquantes et des costumes flambants neufs. L’ensemble fait toc, mais ce n’est rien à côté de l’utilisation de la langue anglaise qui rend l’ensemble artificiel, même si Vincent Pérez s’est visiblement battu pour tourner son film en allemand, sans succès et à sa grande déception. Si Emma Thompson et Brendan Gleeson sont comme d’habitude excellents, Vincent Pérez aurait vraiment gagné à tourner son film avec un couple de comédiens allemands et surtout dans la langue de Goethe. Seul dans Berlin s’apparente plus à une illustration qu’à une véritable adaptation. Toutefois, après une première partie maladroite et qui peine à trouver son rythme, la seconde se montre plus passionnante puisqu’elle repose à la fois sur les actes de résistances du couple principal et l’enquête d’Escherich (Daniel Brühl dans la peau d’un agent de la Gestapo qui s’exprime en anglais en forçant l’accent teuton) qui tente de mettre la main sur l’individu qui rédige et dépose des cartes aux messages antinazis aux quatre coins de Berlin.

Seul dans Berlin échoue dans son désir d’émouvoir les spectateurs à cause de sa facture télévisuelle et de ses décors tape-à-l’oeil (le film a essentiellement été tourné à Görlitz, à la frontière polonaise), mais parvient finalement à capter l’attention du spectateur en instaurant un suspense dès l’entrée en scène du personnage d’Escherich qui commence sa chasse à l’homme. Certes, Seul dans Berlin permettra à certains de connaître l’histoire du couple Hampel, mais le film laisse toutefois un sentiment d’inachevé puisque les personnages manquent de chair et que l’empathie – l’émotion donc – peine à prendre.

LE DVD

Après un passage éclair dans les salles françaises en novembre 2016, Pathé édite le film de Vincent Pérez uniquement en DVD. Le disque repose dans un boîtier classique transparent et la jaquette reprend le visuel de l’affiche originale. Le menu principal est animé et musical.

Aucun supplément au programme.

L’Image et le son

Faites confiance à Pathé pour assurer le service après-vente ! Le film de Vincent Pérez n’a certes connu aucun succès dans les salles mais se trouve choyé par l’éditeur. Le master tient toutes ses promesses, la colorimétrie froide souvent désaturée est superbe, les contrastes denses, les détails ciselés sur le cadre large et le relief étonnant. Si la définition n’est pas optimale – certaines séquences en intérieur sont plus douces – le piqué est fort acceptable, et la photo du chef opérateur Christophe Beaucarne (Mal de pierres, La Chambre bleue) est admirablement restituée.

Comme pour l’image, l’éditeur a soigné le confort acoustique et livre deux mixages anglais et français, Dolby Digital 5.1, aussi probants dans la scène d’ouverture que dans les séquences plus calmes. La première séquence peut compter sur une balance assez percutante des frontales comme des latérales, avec des coups de feu très présents. Les effets annexes sont palpables et souvent dynamiques, les voix solidement exsudées par la centrale, tandis que le caisson de basses souligne efficacement chacune des séquences au moment opportun. La spatialisation musicale – composition d’Alexandre Desplat – est probante. L’éditeur joint également les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant, ainsi qu’une piste Audiovision. Les sous-titres français sont imposés sur la version originale et le changement de langue impossible à la volée.

Crédits images : © Christine Schroeder / Marcel Hartman / X Verleih / Pathé / Captures DVD : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test DVD / La Confession, réalisé par Nicolas Boukhrief

LA CONFESSION réalisé par Nicolas Boukhrief, disponible en DVD le 12 juillet 2017 chez M6 Vidéo

Acteurs : Romain Duris, Marine Vacth, Anne Le Ny, Solène Rigot, Amandine Dewasmes, Lucie Debay, Charlie Lefebvre

Scénario : Nicolas Boukhrief d’après le roman Léon Morin, Prêtre de Béatrix Beck

Photographie : Manuel Dacosse

Musique : Nicolas Errèra

Durée : 1h51

Date de sortie initiale : 2017

LE FILM

Sous l’Occupation allemande, dans une petite ville française, l’arrivée d’un nouveau prêtre suscite l’intérêt de toutes les femmes… Barny, jeune femme communiste et athée, ne saurait cependant être plus indifférente. Poussée par la curiosité, la jeune sceptique se rend à l’église dans le but de défier cet abbé : Léon Morin. Habituellement si sûre d’elle, Barny va pourtant être déstabilisée par ce jeune prêtre, aussi séduisant qu’intelligent. Intriguée, elle se prend au jeu de leurs échanges, au point de remettre en question ses certitudes les plus profondes. Barny ne succomberait-elle pas au charme du jeune prêtre ?

Après la sortie chaotique de son précédent et formidable film Made in France, paralysé au moment de la production par les attentats terroristes de Charlie Hebdo, puis au moment de sa distribution après ceux du Bataclan, Nicolas Boukhrief a immédiatement enchaîné avec La Confession. Ce long métrage beaucoup plus apaisé en apparence, est une nouvelle adaptation du célèbre roman – très autobiographique – Léon Morin, Prêtre de Béatrix Beck, Prix Goncourt en 1952. Le réalisateur et scénariste, ancien critique cinématographique et rédacteur du magazine Starfix à ses débuts signe son septième film, plus de vingt ans après Va mourire (1995). Loin du genre qui l’a fait connaître, autrement dit le polar stylisé (Le Convoyeur, Cortex, Gardiens de l’ordre), Nicolas Boukhrief adapte librement et en solo le livre original, après avoir lui-même acheté les droits, tout en s’éloignant du film de la version de Jean-Pierre Melville réalisée en 1961 avec Jean-Paul Belmondo et Emmanuelle Riva. Il ne s’agit donc pas d’un remake, mais d’une version personnelle, intimiste, pudique, mais où la violence des sentiments n’a rien à envier aux affrontements physiques habituellement mis en scène par le réalisateur.

Dans un village français, pendant l’Occupation, Léon Morin, le nouveau prêtre, jeune et beau, provoque l’émoi chez les habitantes. Les hommes du village sont soit morts au front soit emprisonnés. Barny, une jeune communiste qui ne croit pas en Dieu, est la seule à ne pas s’enthousiasmer. En confession, elle tente de le défier, et lui reprocher son attitude vis-à-vis des Allemands. Or, Morin n’est pas du genre à se laisser déstabiliser facilement. Ils se rencontrent souvent, évoquent la religion et l’existence de Dieu. Alors qu’ils commencent à être attirés l’un par l’autre, les Allemands viennent arrêter dix otages. Cela faisait plusieurs années que Nicolas Boukhrief cherchait à adapter ce roman qui l’avait bouleversé dans sa jeunesse, en essuyant systématiquement le refus des producteurs, probablement trop frileux à l’idée d’être ensuite comparé à Jean-Pierre Melville. Il aura fallu la rencontre des producteurs Cément Miserez et Mathieu Warter, à qui l’on doit Made in France, pour que le cinéaste puisse enfin obtenir le feu vert pour cette transposition.

Drame intense, La Confession vaut tout d’abord pour la confrontation entre Romain Duris et Marine Vacth. Les deux comédiens, excellemment dirigés, sont filmés comme s’ils étaient sur le front. Le premier recevant les propos de la seconde comme s’il recevait des balles dans le corps, tout en comprenant très vite que cette jeune femme, dont le mari est prisonnier en Allemagne, est elle-même blessée. Servant alors de défouloir, le père Morin encaisse la franchise de la jeune femme, y compris quand elle évoque s’adonner à la masturbation, en restant droit et dans son rôle, ce qui ne fait que décontenancer Barny, habituellement rejetée par ses connaissances et ses collègues de travail pour son tempérament et sa volonté de choquer. S’instaure alors une relation ambigüe entre ces deux solitudes, dont l’attirance est réciproque.

Cinéaste de l’action, Nicolas Boukhrief parvient à filmer ces échanges comme si les deux protagonistes en venaient aux mains. Le père Morin, excellemment interprété par un Romain Duris en état de grâce, dont la voix n’a jamais été aussi bien posée et qui trouve ici un de ses plus beaux rôles, et Barny, merveilleusement incarnée par la diaphane et sensuelle Marine Vacth, rentrent en collision, sur le terrain de la sincérité absolue, dans leur foi et leur ouverture. Bien plus qu’un drame, La Confession est un véritable mélodrame et même une tragédie amoureuse, centrée sur deux êtres que tout oppose et qui vont pourtant s’aimer – de manière platonique certes – malgré les interdits.

Film sous tension, troublant, aux dialogues percutants et à la photographie élégante, La Confession foudroie par la beauté, le magnétisme et le talent de ses comédiens, véritable couple de cinéma, par la force, la délicatesse et la modernité – en évitant l’anachronisme – de ses dialogues et la virtuosité discrète de sa mise en scène. Encore une très grande réussite de la part d’un de nos meilleurs metteurs en scène aujourd’hui.

LE DVD

Le test du DVD de La Confession, disponible chez M6 Vidéo, a été réalisé à partir d’un check-disc. Pour cette sortie dans les bacs, le visuel a été revu et ne reprend pas celui de l’affiche cinéma. Malgré plus de 200.000 spectateurs dans les salles, le film de Nicolas Boukhrief ne bénéficie pas d’une sortie en Haute-Définition, ce qui est bien dommage. Le menu principal est animé et musical.

En guise de suppléments, outre la bande-annonce, l’éditeur ne joint qu’un entretien entre Nicolas Boukhrief et l’abbé Amar (15’). Le réalisateur rencontre le curé de la paroisse de Limay-Vexin afin de parler de La Confession. Ce dernier s’exprime d’emblée et indique « que cela fait plaisir de voir un film avec un prêtre qui n’est ni un débile, ni un pervers, mais bien dans ses pompes », ce qui réjouit Nicolas Boukhrief. Quelques petites scènes coupées au montage viennent illustrer cet échange dense et passionnant, qui revient sur la question du célibat, la prière, mais aussi les différences avec le livre de Béatrix Beck, la relation entre le père Morin et Barny, ainsi que les thèmes du film.

L’Image et le son

Avec cette édition DVD de La Confession, M6 prouve une fois de plus son savoir-faire. Le film de Nicolas Boukhrief bénéficie d’un master SD au transfert soigné et très élégant. Le piqué est évident, la clarté de mise sur les séquences en extérieur avec de superbes scènes diurnes, un léger grain se fait ressentir sur les intérieurs ambrés, feutrés et chauds, le cadre offre un lot conséquent de détails et la colorimétrie de la photographie – signée Manuel Dacosse (L’Etrange couleur des larmes de ton corps, Alléluia) – faisant la part belle aux gammes brunes est habilement restituée. Evidemment, la copie est d’une propreté immaculée, les contrastes sont denses, et malgré un sensible bruit vidéo, des moirages constatables, les meilleures conditions techniques sont réunies pour découvrir ce bijou.

Le mixage Dolby Digital 5.1 ne déçoit pas, tant au niveau de la délivrance des dialogues que des effets latéraux. S’il n’y a pas grand-chose à redire sur la balance frontale, ce mixage parvient vraiment à immiscer le spectateur dans l’ambiance du film. Les enceintes latérales délivrent sans mal les ambiances naturelles et l’ensemble demeure harmonieux. La piste Stéréo est également de très bonne qualité et contentera ceux qui ne seraient pas équipés sur la scène arrière. Les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant sont également disponibles, ainsi qu’une piste Audiodescription.

Crédits images : © SND / M6 Vidéo / Captures DVD : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / La Dixième victime, réalisé par Elio Petri

LA DIXIÈME VICTIME (La Decima vittima) réalisé par Elio Petri, disponible en DVD et Blu-ray le 12 juillet 2017 chez Carlotta Films

Acteurs : Marcello Mastroianni, Ursula Andress, Elsa Martinelli, Salvo Randone, Massimo Serato, Milo Quesada

Scénario : Elio Petri, Giorgio Salvioni, Tonino Guerra, Ennio Flaiano d’après la nouvelle « The Seventh Victim » de Robert Sheckley

Photographie : Gianni Di Venanzo

Musique : Piero Piccioni

Durée : 1h33

Date de sortie initiale : 1965

LE FILM

Dans un futur proche, les gouvernements en place ont instauré un nouveau jeu mondial, appelé la Grande Chasse. Le principe : un chasseur et une victime, désignés au hasard, doivent s’entre-tuer. La règle n°1 : le chasseur connaît l’identité de sa victime, mais la victime ignore tout de lui. C’est au cours d’une de ces manches que l’Américaine Caroline Meredith, en passe de remporter sa dixième victoire consécutive, rencontre sa victime, l’Italien Marcello Poletti. Un jeu de séduction s’installe bientôt entre eux. Mais leur attirance est-elle réelle ou calculée ?

Malgré une Palme d’or remportée en 1972 pour La Classe ouvrière va au paradis, le prix FIPRESCI et le Grand Prix du Jury au Festival de Cannes en 1970 pour Enquête sur un citoyen au-dessus de tout soupçon, le réalisateur italien Elio Petri (1929-1982) semble avoir été oublié dans le paysage cinématographique, notamment dans son pays. Ce cinéaste brillant, autodidacte, engagé et passionné a d’abord fait ses classes en tant que scénariste avant de se tourner vers le documentaire dans les années 50, puis de se lancer dans la fiction en 1961 avec son premier long métrage L’Assassin, coécrit avec le fidèle Tonino Guerra. Cinquième long métrage d’Elio Petri, La Dixième victimeLa Decima vittima, produit par Carlo Ponti, est un film prophétique et politique sur les dérives des gouvernements et de la télévision qui s’inspire d’une courte nouvelle écrite par l’auteur de science-fiction américain Robert Sheckley (1928-2005), The Seventh Victim, publiée en 1953 dans la revue Galaxy Science Fiction. Fable et satire sociale du devenir de l’humanité, cette dystopie centrée sur une chasse à l’homme autorisée, télévisée et favorisée par les autorités s’accorde avec les sujets de prédilection d’Elio Petri.

En l’absence de guerre, la population mondiale manque cruellement de distraction. Aussi a-t-on remis la chasse à l’homme au goût du jour. Les meurtres sont autorisés – y compris dans la rue au milieu des passants, qui d’ailleurs y prêtent à peine attention – et organisés par le ministère de la Grande chasse, afin de canaliser l’agressivité et la violence des êtres humains. Les joueurs sont des volontaires qui sont, selon le bon vouloir d’un ordinateur, tour à tour chasseurs ou gibiers. Est déclaré vainqueur celui qui aura triomphé successivement de dix adversaires. L’habile Caroline Meredith vient ainsi d’abattre – à l’aide de son soutien-gorge mitrailleur, coucou Austin Powers ! – son poursuivant au cours de sa neuvième chasse, quelque part à New York (séquence d’ouverture réellement tournée sur place), tandis que le brillant Marcello, qui concourt à Rome, a remporté sa sixième chasse. L’ordinateur qui préside au jeu décide que Caroline traquera désormais Marcello à Rome. Les deux décident de passer un contrat publicitaire, afin de maximiser leurs gains au moment où ils abattront leur adversaire devant des millions de téléspectateurs.

Les règles du jeu sont simples. 1) Chaque membre doit participer à 10 chasses, 5 comme chasseur et 5 comme victime, en alternance. Chaque couple chasseur-victime est sélectionné par un ordinateur situé à Genève. 2) Le chasseur sait tout de sa victime, son nom, son adresse, ses habitudes. 3) La victime ignore l’identité de son chasseur. Elle doit l’identifier et le tuer. 4) Le vainqueur de chaque chasse a droit à une récompense. Celui qui sera encore en vie après sa dixième chasse sera proclamé Décaton et recevra les honneurs, ainsi qu’un million de dollars. Il sera également exempté d’impôts et bénéficiera de la gratuité des transports et d’un véhicule diplomatique mis à sa disposition jusqu’à la fin de sa vie.

Dès son premier long métrage, Elio Petri critiquait ouvertement et de manière acerbe l’autorité de son pays à l’aube des années ‘60. Dans La Dixième victime, les personnes âgées doivent être « livrées » au gouvernement, la grande littérature se résume aux fumetti. Cinéaste engagé, Elio Petri n’aura de cesse de dénoncer et de provoquer le débat. Ici, les médias et les gouvernements sont violemment pris à partie. Petri fustige l’absence de déontologie puisque les chaînes de télévision commençaient à rivaliser de bêtise dans le seul but de faire de l’audience. 35 ans avant l’arrivée de Loft Story sur les écrans de télé français, Elio Petri interpellait les spectateurs sur le devenir de la petite lucarne, l’abrutissement de la populace et la déchéance de la société. L’empathie est donc difficile dans La Dixième victime, d’autant plus que le cinéaste cible un personnage merveilleusement ambigu à qui Marcello Mastroianni (teint en blond) prête toute son ironie mordante et son regard désabusé face à une Ursula Andress à se damner, tout aussi manipulatrice que son rival. Mais derrière cette rivalité ambigüe, s’instaure un jeu du chat de la souris, tandis que les sentiments amoureux viennent s’en mêler.

Si le rythme se révèle inégal, notamment durant une deuxième partie longue, bavarde et parfois poussive, le propos n’a rien perdu de sa verve et de sa causticité. A ceci s’ajoutent la photo brûlante de Gianni Di Venanzo et la mise en scène inventive de Petri. L’esthétique vintage-pop donne aujourd’hui à La Dixième victime un cachet suranné mais décalé avec la noirceur du propos, notamment au niveau des décors psychédéliques et des costumes bariolés. Le film demeure toujours d’actualité puisque les chaines se sont multipliées et n’ont de cesse de pondre des programmes de plus en plus décérébrés, vulgaires et violents, manipulant sans cesse le spectateur quant à la supposée « réalité » qui leur est proposé.

A l’instar du pessimiste Fahrenheit 451 de François Truffaut qui sera réalisé l’année suivante, La Dixième victime reste une oeuvre d’anticipation forte, hautement recommandable, passionnante et curieuse, parfois déroutante, mais virulente et marquée par un humour noir très appréciable qui fait glisser le film vers la comédie et même le burlesque dans son dernier acte, qui le rapproche du Alphaville, une étrange aventure de Lemmy Caution de Jean-Luc Godard. L’oeuvre de Robert Sheckley n’aura de cesse d’inspirer certains réalisateurs par la suite, comme Yves Boisset avec son Prix du danger, Paul Michael Glaser avec Running Man (à partir d’un roman de Richard – Stephen King – Bachman inspiré de Sheckley) ou bien encore dernièrement avec la saga Hunger Games et la trilogie American Nightmare.

LE BLU-RAY

Le test de l’édition HD de La Dixième victime, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est fixe et musical. Le gros bémol de ce Blu-ray est de ne trouver que la bande-annonce en guise de suppléments. Rien de plus. Avec ce titre, Carlotta Films annonce la première partie de sa « Collection Cinéma Italien ».

L’Image et le son

La Dixième victime a été restauré à partir des négatifs d’origine conservés par l’ayant-droit Surf Film. Le négatif image a été scanné à 2K et restauré numériquement. L’étalonnage a été réalisé à partir d’une copie positive d’origine conservée aux archives de la Cineteca di Bologna. La restauration a quant à elle été effectuée en 2012 par les laboratoires de L’immagine ritrovata. Le Blu-ray de La Dixième victime bénéficie d’un rendu méticuleux de la photo d’origine avec de superbes teintes vives et chatoyantes. La propreté de la copie est une fois de plus miraculeuse et flamboyante, tout comme la stabilité, les contrastes profonds et le relief probant surtout sur les séquences tournées en extérieur. Cette restauration définitive permet de (re)découvrir le film d’Elio Petri dans les plus belles conditions techniques, le spectateur pouvant désormais contempler tous les éléments disséminés aux quatre coins de l’écran par le cinéaste pour élaborer son monde futuriste. La définition n’est jamais ou très rarement prise en défaut, les noirs sont denses, la profondeur de champ estimable (merci à la compression AVC), le grain bien géré, la clarté renforce le piqué notamment au niveau des gros plans des comédiens, et la colorimétrie est à l’avenant. La Dixième victime avait été édité en DVD en 2004 chez Studiocanal, avant de renaître ici de ses cendres.

La piste italienne DTS HD Master Audio mono 1.0 se révèle particulièrement efficace. Limpide et fluide, jamais parasitée par un souffle intempestif, la version originale distille ses dialogues avec ardeur, tout comme ses effets sonores. La composition de Piero Piccioni est joliment délivrée et participe à la singularité du film d’Elio Petri. L’éditeur propose également une version italienne PCM 1.0 moins dynamique et aux dialogues qui percent parfois les tympans.

Crédits images : © Surf Film / Carlotta Films / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr