Test Blu-ray / Le Barbare et La Geisha, réalisé par John Huston

LE BARBARE ET LA GEISHA (The Barbarian and the Geisha) réalisé par John Huston, disponible en DVD et Blu-ray le 22 mai 2018 chez Rimini Editions

Acteurs :  John Wayne, Eiko Ando, Sam Jaffe, Sô Yamamura, Tokujiro Iketaniuchi, Fuji Kasai, Ryuzo Demura, Kodaya Ichikawa

Scénario : Charles Grayson d’après une histoire originale de Ellis St. Joseph

Photographie : Charles G. Clarke

Musique : Hugo Friedhofer

Durée : 1h45

Année de sortie : 1958

LE FILM

En 1856, Townsend Harris, le premier consul américain, se rend en mission au Japon. Il débarque dans le port de Shimoda. Là, il découvre rapidement les dures lois d’un empire isolé, qui interdit encore son approche à tous les navigateurs venus d’Occident. Pour installer son consulat, le diplomate a besoin de la permission du shogun de Yedo. Mais Tamura, le gouverneur de Shimoda, lui interdit formellement de se rendre dans cette ville. Dans l’intention de surveiller ses moindres faits et gestes, il offre à l’Américain une délicieuse geisha nommée Okishi…

Nous sommes en 1958, la 20th Century Fox est très heureuse de la dernière commande de John Huston. Dieu Seul le sait est un petit succès qui ramène suffisamment d’argent pour leur donner l’envie de renvoyer le réalisateur au turbin. Celui-ci est d’ailleurs intéressé par l’idée de tourner, selon ses mots son «film Japonais» et se lance donc dans la production du Barbare et la Geisha, une oeuvre immensément riche dans son propos et tout aussi importante cinématographiquement parlant. Tout comme le personnage de Townsend Harris (John Wayne) qui tente de convaincre le Japon de coopérer avec les Occidentaux, la Fox était intéressée par le continent Japonais. Le film était donc une parfaite occasion pour Darryl F. Zanuck (fondateur de la Twentieth Century Fox) de s’implanter davantage dans un pays déjà très attiré par les productions américaines.

Cela permis également à John Huston d’être épaulé durant l’écriture du film par Teinosuke Kinugasa, réalisateur de La Porte de L’enfer (1954), que le cinéaste admirait. Teinosuke Kinugasa supervisa le script de manière à garder un aspect réaliste tout le long du récit. Le film s’inspirant d’un fait réel, John Huston insiste sur sa volonté de tourner une oeuvre sérieuse et respectueuse. Et même si le récit se permet quelques digressions amusantes (une bagarre au montage très western), le réalisateur aura réussi à garder le contrôle de son histoire jusqu’au dénouement final.

On retrouve au casting le mythique John Wayne dans un rôle où on ne l’attendait pas. Figure emblématique du western, il navigue ici en terre inconnue avec une aisance qui force le respect, tantôt bourru et maladroit, tantôt tragique et touchant. Il donne la réplique à Eiko Ando, sublime actrice japonaise, point d’honneur de ce récit contemplatif ou s’entremêle complot politique et histoire d’amour impossible. Le Barbare et la Geisha est une grande réussite, même si le film semble avoir été remonté par son acteur principal, qui voyait d’un mauvais œil de ne pas être le centre du récit. Le film est certes bavard, mais jamais lourd. John Huston se permet même de créer de vrais moments de tension qui bousculent sans cesse la narration et les personnages de manière à constamment redistribuer les cartes. Cette astuce, en somme très classique, laisse le spectateur sans réponse et le pousse à se poser les bonnes questions.

Visuellement très riche et profitant du format CinemaScope, le film est une ode au Japon. John Huston aime ce pays et cela se ressent. Autant dans le soin apporté aux costumes et aux décors que celui apporté à la mise en scène. Le Barbare et La Geisha est un très grand film assez unique, qui mérite le détour, ne serait-ce que pour sa direction artistique hallucinante et la très belle lumière de Charles G. Clarke.

LE BLU-RAY

Edité par Rimini Edition, le Blu-ray de Le Barbare et la Geisha est présenté dans un boitier classique de couleur noire. Le visuel de la jaquette est très élégant. Même chose pour le menu principal, animé et musical.

Pour accompagner le film, vous retrouverez côté supplément une passionnante interview de Patrick Brion. Durant 27 minutes l’historien du cinéma contextualise le film dans son époque, parlant de sa création avec beaucoup de précision. L’interview est illustrée par des extraits du film et de photos d’archives.

L’Image et le son

Quel plaisir de (re)découvrir ce film méconnu de John Huston dans de telles conditions ! Le master HD 2.35 au codec AVC (1080p) affiche une propreté souvent épatante, restituant la vivacité et la saturation de la photographie signée Charles G. Clarke (Les Inconnus dans la ville, Capitaine de Castille) avec sa texture argentique originale, des costumes, en passant par l’incroyable richesse des décors, tout en délivrant un relief inédit, un piqué inouï, une stabilité exemplaire, des contrastes affirmés et un niveau de détails inégalé. La restauration n’en finit pas d’étonner, les fondus enchaînés n’affichent pas trop de décrochages et même si les gros plans ne se révèlent pas aussi ciselés que le reste, surtout sur les séquences plus sombres, le film de John Huston retrouve une nouvelle jeunesse.

Le remixage de la version originale en DTS-HD Master Audio 5.1 profite surtout à la composition de Hugo Friedhofer (Plus dure sera la chute, Vera Cruz). Certaines petites ambiances latérales et basses parviennent à se faire entendre, sans rendu artificiel. Toutefois, n’hésitez pas à sélectionner la piste anglaise DTS-HD Master Audio 2.0 qui contente non seulement les puristes, mais se révèle également soignée, fluide et largement suffisante pour créer un grand confort acoustique. La piste française DTS-HD Master Audio 2.0 au doublage soigné, est propre, mais ne possède pas la même dynamique que son homologue.

Crédits images : ©  Twentieh Century Fox Home Entretainment LLC All Rights Reserved / Rimini Editions / Critique du film, parties généralités et suppléments : Alexis Godin / Captures Blu-ray et partie technique : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / La Fille de Dracula, réalisé par Jess Franco

LA FILLE DE DRACULA réalisé par Jess Franco, disponible en combo DVD/Blu-ray le 5 juin 2018 chez Artus Films

Acteurs :  Carmen Yazalde, Anne Libert, Alberto Dalbés, Howard Vernon, Daniel White, Jesús Franco, Fernando Bilbao, Carmen Carbonell

Scénario :   Jess Franco

Photographie : José Climent

Musique : René Sylviano, Daniel White

Durée : 1h22

Année de sortie : 1972

LE FILM

Louisa se rend dans le manoir familial où l’attend sa grand-mère, la baronne Karlstein. Celle-ci, mourante, lui dévoile la malédiction qui pèse sur leur famille depuis des générations. En effet, dans la crypte, repose leur ancêtre, Dracula, qui a toujours besoin de sang de jeunes femmes.

Ancien assistant d’Orson Welles sur Falstaff, Jesús Franco Manera dit Jess Franco (1930-2013) a réalisé près de 200 films, depuis son premier succès L’horrible docteur Orloff (1961). Agrémentant ses films d’horreur d’un érotisme aussi esthétique que sulfureux, il va enchaîner les films à un rythme infernal, adaptant Sade, Masoch, Mirbeau. Sa muse, Soledad Miranda, disparue, il trouve en Lina Romay sa nouvelle et ultime égérie, qu’il magnifiera de films en film. Bien plus qu’un simple artisan boulimique de pellicules, Jess Franco, également connu sous les pseudonymes de Clifford Brown, Adolf M. Frank, J.P. Johnson, David Khune et Jess Frank, restera un véritable auteur, un cinéaste doué et prolifique. Les titres de ses films restent très explicites : Le Sadique Baron Von Klaus (1962), Le Diabolique docteur Z (1966), Sumuru, la cité sans hommes (1969), Les Inassouvies (1970), Le Journal intime d’une nymphomane (1972), Les Expériences érotiques de Frankenstein (1973) et bien d’autres.

Production franco-portugaise sortie en 1972, La Fille de Dracula n’est clairement pas l’un de ses meilleurs opus et décontenancera même les amateurs de petits films d’horreur, puisque ce qui intéresse une fois de plus Jess Franco c’est de mettre toutes ses comédiennes à poil dès qu’il en a l’occasion. Soyons honnêtes, cet opus n’apporte absolument rien au mythe et cette variation ennuie souvent pendant ses 82 minutes.

Une jeune fille, Luisa, rend visite à sa grand-mère mourante, la baronne Karlstein, dans sa demeure. Avant de mourir, elle lui dévoile la malédiction qui pèse sur leur lignée familiale depuis des générations. La crypte dans le sous-sol de sa maison renferme l’ancêtre Karlstein, connu sous le nom de Dracula, et l’on doit s’assurer qu’il ne boira plus jamais de sang. Mais ce dernier, toujours avide de chair fraîche, sort de sa tombe et oblige Luisa, en la plongeant dans une transe sexuelle, à séduire de jeunes filles pour ensuite les ramener à lui pour qu’il suce leur sang. Mais Luisa, vampirisée par ce dernier, y prend également goût…

Bon, La Fille de Dracula n’est pas non plus mauvais hein, c’est juste que Jess Franco passe un peu trop de temps à filmer les corps nus, certes désirables et sensuels, de ses comédiennes, en jouant avec le zoom sur les poitrines tendues vers la caméra ou sur les pubis généreux. Tout cela pendant qu’un piano de bastringue s’emporte pour essayer de donner du rythme à cette succession de cadres redondants. On en viendrait même à oublier que le film est tout d’abord pensé comme une relecture d’une des grandes figures du cinéma d’horreur. Heureusement, quelques gros plans sur des incisives aiguisées, des cous recouverts de ketchup (ou de tabasco) et un cercueil qui s’ouvre sur le célèbre comte Dracula, « interprété » par un Howard Vernon fardé qui passe son peu de temps à l’écran allongé ou à se relever légèrement pour s’étirer, nous sortent un peu de la léthargie.

A côté de cela, les séquences saphiques sont plutôt jolies à regarder et Jess Franco parvient à plonger les spectateurs dans une sorte de transe chaleureuse et agréable. Sur un rythme en dents de (vampires) scie, le réalisateur espagnol compile les séquences très réussies à l’instar de la première scène de « voyeurisme » très giallesque, qui alterne les gros plans sur un oeil écarquillé et ceux sur la jeune femme épiée en prenant son bain, avec d’autres beaucoup plus anecdotiques liées à l’enquête policière. La Fille de Dracula, un des neuf films que Jess Franco mettra en scène en 1972, comblera donc les fans de belles poupées dénudées, surtout la troublante Britt Nichols qui ne laisse pas du tout indifférent, mais risque de frustrer celles et ceux qui s’attendaient à un véritable film d’épouvante.

LE BLU-RAY

La Fille de Dracula est disponible chez Artus Films, dans un très beau combo DVD/Blu-ray. La jaquette au visuel soigné est glissée dans un boîtier de couleur noire. Le menu principal est fixe et muet.

En plus d’un diaporama, l’éditeur propose une intervention de Jean-François Rauger (19’), disponible dans une qualité fort médiocre, comme si le directeur de la programmation de la Cinémathèque avait été enregistré via sa webcam. Toujours est-il que cet entretien est comme d’habitude passionnant, riche en anecdotes sur la carrière de Jess Franco, auquel Jean-François Rauger semble très attaché. La Fille de Dracula est replacé dans la filmographie du cinéaste. Notre interlocuteur évoque également les intentions, mais surtout l’approche du mythe de l’épouvante par le réalisateur, et n’hésite pas à comparer Jess Franco à Jean-Luc Godard dans ses partis pris de déconstruction du cinéma classique.

L’Image et le son

Qui aurait pu croire qu’une œuvre de Jess Franco serait choyée de la sorte ? Si certains points blancs restent visibles sur les très nombreux zooms, la copie restaurée est très élégante et l’apport HD n’est pas sans donner un nouvel intérêt à La Fille de Dracula. Le piqué est éloquent, la patine argentique heureusement conservée, les couleurs très appréciables et les détails indéniables sur les décors. Très beau lifting.

Seule la version française est disponible. Le confort acoustique est assuré, l’espace phonique se révèle probant et les dialogues sont clairs, nets, précis. Aucun souffle ne vient parasiter votre projection et l’ensemble reste propre.

Crédits images : © Artus FilmsCaptures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-Ray / Dieu seul le sait, réalisé par John Huston

DIEU SEUL LE SAIT (Heaven Knows, Mr. Allison) réalisé par John Huston, disponible en DVD et Blu-ray le 22 mai 2018 chez Rimini Editions

Acteurs :  Deborah Kerr, Robert Mitchum

Scénario :   John Lee Mahin, John Huston

Photographie : Oswald Morris

Musique : Georges Auric

Durée : 1h48

Année de sortie : 1957

LE FILM

Seconde Guerre mondiale. Quelque part dans le Pacifique… Seul rescapé d’un torpillage, le caporal Allison échoue sur une île qu’il croit déserte. Or, l’île a pour unique habitante soeur Angela, qui a survécu à la destruction de la mission catholique à laquelle elle appartenait. Les japonais débarquent sur l’île, les obligeant à se cacher et à s’entraider.

A peine sorti du chaos que fut le tournage de son magnifique Moby Dick, John Huston se retrouve avec une nouvelle adaptation entre les mains. Heaven Know, Mr. Allison écrit par Charles Shaw. Le projet est une commande, une transposition d’un roman à succès en Angleterre.

Malgré des échanges peu courtois avec la censure de l’époque, qui voit d’un mauvais oeil cette relation entre un marine et une femme d’église, le scénario s’écrit malgré tout et le projet est lancé. Sûrement rassuré par la modestie du projet (un budget réduit, une narration plus classique et seulement deux personnages principaux), John Huston met en place cette curieuse histoire d’amour entre un soldat et une religieuse luttant pour leur vie durant la guerre. A l’aide d’une mise en scène sublime et d’une esthétique remplie de symboles (l’arrivée de Allison sur l’ile, la chasse à la tortue, le peigne), le film se concentre sur la confusion et le rapprochement de ces personnages que tout oppose.

A quoi bon se battre contre ses principes quand on est amoureux et quand la guerre fait rage ?

Les protagonistes apprendront l’un de l’autre, se confieront sur leurs craintes, leurs peines, leurs rêves, au travers des dialogues justes et sobres qui soulignent par leur simplicité le désir interdit qu’éprouvent les deux naufragés. Robert Mitchum est sensationnel dans le rôle de cet homme enfant. Impitoyable (il n’hésitera pas à tuer pour protéger soeur Angela) mais aussi touchant, il incarne un soldat en perdition, fraichement arraché à l’enfer, pour s’échouer cette terre perdue, vue comme un jardin d’Eden, où il rencontre un ange. Cette apparition, c’est Deborah Kerr. Conscient du potentiel volcanique de l’actrice, John Huston y verra une manière de tourner le dos au manichéisme hollywoodien. A une époque où l’actrice était convoitée pour sa sensualité, le réalisateur lui préfère son jeu, enveloppant la nymphe dans son costume ecclésiastique pendant la quasi-totalité du métrage. Il remplace alors la nonne sinistre et râleuse du roman original par une femme joviale et douce, aux convictions fortes et à l’écoute de son compagnon.

Les deux acteurs n’ont donc aucun mal à nous entrainer dans leurs aventures, le flegme de Robert Mitchum et la beauté hypnotique de Deborah Kerr font des merveilles. Et de péripéties, le film en est rempli. Des moments de tension souvent très bien troussés (la scène du jeu de Go, aussi drôle que stressante) qui s’enchaînent jusqu’au final.

LE BLU-RAY

Le Blu-ray de Dieu Seul le Sait, disponible chez Rimini Editions, repose dans un boîtier classique de couleur noire, glissée dans un surétui cartonné. Le menu principal est animé sur quelques séquences du film. Cette édition s’accompagne également d’un très beau livret de 36 pages John HustonA la Recherche du Paradis Perdu écrit par Christophe Chavdia.

Pour ce qui est des suppléments, c’est un peu timide. Seulement une interview, mais heureusement rondement menée et souvent passionnante de Pierre Murat (Responsable cinéma à Télérama). Ce dernier nous livre durant 27 minutes de nombreuses anecdotes de tournage entourant ce très grand film de John Huston, tout en revenant sur son casting et la collaboration des comédiens avec le cinéaste.

L’Image et le son

Bon…s’il n’y a rien à redire sur la propreté et la stabilité de la copie, force est de constater que le grain original a été trop lissé. Pourtant, le générique d’ouverture est prometteur puisque la patine argentique est bel et bien présente. Les couleurs apparaissent un peu fanées, le piqué est souvent émoussé, les fondus enchaînés décrochent sensiblement, le niveau des détails est aléatoire sur le cadre large et peu de séquences sortent du lot. La restauration est évidente, mais semble avoir déjà quelques heures de vol et aurait mérité une révision. Mais ne faisons pas la fine bouche, posséder enfin Dieu seul le sait en Haute-Définition est déjà un miracle à part entière et permettra à ce joyau méconnu de John Huston de se faire une nouvelle renommée. Le Blu-ray est au format 1080p.

La version anglaise (aux sous-titres français amovibles) est proposée en DTS-HD Dual Mono 2.0. L’écoute demeure appréciable, avec une excellente restitution de la musique, des effets annexes et des voix très fluides et aérées, sans aucun souffle. En revanche, la piste française DTS-HD Master Audio Mono, s’avère plus étriquée, moins riche et dynamique.

Crédits images : ©  Twentieh Century Fox Home Entretainment LLC All Rights Reserved / Rimini Editions / Critique du film, parties généralités et suppléments : Alexis Godin / Captures Blu-ray et partie technique : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

 

Test Blu-ray / Wonder Wheel, réalisé par Woody Allen

WONDER WHEEL réalisé par Woody Allen, disponible en DVD et Blu-ray le 27 juin 2018 chez Ab Vidéo

Acteurs :  Justin Timberlake, Juno Temple, Robert C. Kirk, Kate Winslet, Jim Belushi, Jack Gore, Tommy Nohilly, Tony Sirico…

Scénario :   Woody Allen

Photographie : Vittorio Storaro

Durée : 1h44

Année de sortie : 2018

LE FILM

Wonder Wheel croise les trajectoires de quatre personnages, dans l’effervescence du parc d’attractions de Coney Island, dans les années 50 : Ginny, ex-actrice lunatique reconvertie serveuse ; Humpty, opérateur de manège marié à Ginny ; Mickey, séduisant maître-nageur aspirant à devenir dramaturge ; et Carolina, fille de Humpty longtemps disparue de la circulation qui se réfugie chez son père pour fuir les gangsters à ses trousses.

47è long métrage ! Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’à 83 ans cette année, Woody Allen n’a rien perdu de son inspiration. Nous ne parlerons pas ici du mouvement #metoo et du scandale sexuel dont le réalisateur est accusé, ce n’est pas du tout le sujet. Après sa carte-postale To Rome With Love (2012), probablement l’un de ses plus mauvais opus, Woody Allen aura enchaîné les réussites. Blue Jasmine (2013) offrait l’Oscar de la meilleure actrice à Cate Blanchett, Magic in the Moonlight (2014) proposait une escapade romantique et ensoleillée dans le Sud de la France, L’Homme irrationnel (2015) permettait la rencontre du cinéaste avec l’un des plus grands acteurs contemporains Joaquin Phoenix et Café Society (2016) émerveillait par sa mise en scène et sa mélancolie. Pour Wonder Wheel, sa cuvée 2017, Woody Allen pose sa caméra à Coney Island et le titre renvoie à la célèbre grande roue du parc, la Deno’s Wonder Wheel Amusement Park, visible depuis l’habitation des protagonistes où le vacarme du tir à la carabine rythme les règlements de comptes.

Le cinéaste américain rend ici un fabuleux hommage à l’oeuvre de Tennessee Williams et plonge ses personnages dans un drame quasi-théâtral, sublimé par la photographie incandescente de Vittorio Storaro (L’Oiseau au plumage de cristal, Little Buddha, Apocalypse Now, Ladyhawke, la femme de la nuit). De plus, Woody Allen sert une fois de plus sur un plateau d’argent l’un de ses plus grands rôles à sa comédienne principale, ici Kate Winslet.

L’histoire se déroule à Coney Island, une station balnéaire située à l’extrême sud de Brooklyn, dans les années 1950. Ginny (Kate Winslet), une ancienne actrice lunatique devenue serveuse, a refait sa vie avec Humpty (James Belushi), veuf, qui exploite un manège. Le couple vit avec Richie, le petit garçon de Ginny, aux fortes tendances pyromanes. La tranquillité de la famille est ébranlée au retour de Carolina (Juno Temple), 25 ans, la fille de Humpty. Ils s’étaient brouillés cinq ans auparavant lorsqu’elle avait épousé un gangster, au désarroi de Humpty. Sans ressources et voulant échapper aux griffes de son mari violent, Carolina se réfugie chez son père, sachant que son mari veut la tuer pour avoir fui et parlé à la police. Si la rancœur des années passées pousse initialement Humpty à rejeter sa fille, au fil des semaines, il adoucit son comportement et cherche désormais à recréer une relation harmonieuse avec elle, entre autres en lui finançant des cours du soir pour qu’elle puisse se relancer dans la vie, au lieu du boulot de serveuse qu’elle exerce temporairement aux côtés de Ginny. Pendant ce temps, Ginny rencontre Mickey (Justin Timberlake), un jeune et séduisant maître-nageur qui rêve de devenir dramaturge. Ils deviennent amants dans la clandestinité et elle fait des projets d’avenir avec lui.

Un Tramway nommé désir parcourt les veines de Wonder Wheel. Valse des sentiments amoureux qui peuvent conduire à la folie et à la trahison, avec des petits clins d’oeil au Petit Fugitif (1953), chef d’oeuvre de Raymond Abrashkin, Ruth Orkin et Morris Engel, Wonder Wheel est comme qui dirait une pièce de théâtre à ciel ouvert. On pourrait regarder pendant des heures la magnifique Juno Temple éclairée dans une lumière de pluie, tandis que Kate Winslet, dans la peau de Ginny, proche de la Blanche DuBois d’Un Tramway nommé désir, foudroie du début à la fin. C’est aussi un immense bonheur de retrouver James Belushi, présent dernièrement dans la troisième saison de la série Twin Peaks.

Non seulement Woody Allen étourdit par la force des sentiments qui anime ses personnages, mais également par la beauté de ses plans. Le cinéaste prouve qu’il en a encore sérieusement sous le capot, mais il se permet également de signer l’une de ses œuvres les plus abouties à ce jour, tant sur le fond que sur la forme. Woody Allen inscrit un nouveau chef d’oeuvre à son palmarès.

LE BLU-RAY

Wonder Wheel est disponible en DVD et Blu-ray chez AB Vidéo. Le visuel de la jaquette, glissée dans un boîtier classique de couleur bleue, reprend celui de l’affiche du film. Le menu principal est animé et musical.

En plus de la bande-annonce (vostf), l’éditeur propose un minuscule module de 3 minutes, qui compile les entretiens de l’équipe sur le tapis rouge lors de la Première du film.

L’Image et le son

AB Vidéo se devait d’offrir un service après-vente remarquable pour la sortie dans les bacs de Wonder Wheel, qui a étonnamment peu rencontré de succès en France. A l’instar de Café Society, le dernier film de Woody Allen a été réalisé en numérique avec la caméra Sony CineAlta. L’éditeur prend soin de Wonder Wheel et livre un master HD irréprochable au transfert immaculé. Respectueuse des volontés artistiques originales concoctées par l’immense directeur de la photographie Vittorio Storaro (1900, Dick Tracy, Le Dernier empereur), la copie de Wonder Wheel se révèle un petit bijou technique avec des teintes scintillantes, chaudes, ambrées et dorées, ou bleues claires quand les sentiments des personnages se perdent, une palette chromatique spécifique, le tout soutenu par un encodage solide. Le piqué, tout comme les contrastes, sont riches et tranchants, les arrière-plans sont détaillés (voir les scènes de plage), le relief omniprésent, la luminosité éloquente et les détails foisonnants. Une édition Blu-ray qui en met plein la vue.

Wonder Wheel n’est pas un film à effets et les mixages français et anglais DTS-HD Master Audio 5.1 ne font pas d’esbroufe inutile. L’essentiel de l’action est canalisé sur les enceintes avant, même si chacune des séquences en extérieur s’accompagne inévitablement d’ambiances naturelles sur les latérales. Les voix demeurent solidement délivrées par la centrale, en français comme an anglais. L’éditeur joint également deux très bonnes pistes Stéréo, ainsi qu’une piste Audiodescription.

Crédits images : © Mars Films / AB Vidéo / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Insidious : la dernière clé, réalisé par Adam Robitel

INSIDIOUS : LA DERNIÈRE CLÉ (Insidious: The Last Key) réalisé par Adam Robitel, disponible en DVD et Blu-ray le 9 mai 2018 chez Sony Pictures

Acteurs :  Leigh Whannell, Lin Shaye, Angus Sampson, Kirk Acevedo, Caitlin Gerard, Spencer Locke, Josh Stewart, Bruce Davison…

Scénario :   Leigh Whannell

Photographie : Toby Oliver

Musique : Joseph Bishara

Durée : 1h45

Année de sortie : 2018

LE FILM

Le docteur Elise Rainier, la brillante parapsychologue, va affronter le cas le plus effrayant et le plus personnel de son histoire : elle doit intervenir dans sa propre maison…

Annoncé comme étant le dernier volet de la saga (avant un reboot à la Saw dans quelques années ?), Insidious : La Dernière Clé se déroule en fait avant les événements du premier film réalisé par James Wan en 2010. Si l’on a constamment l’impression que les producteurs ont tout fait pour tirer sur la corde en espérant engranger le maximum de billets verts grâce à la renommée des précédents opus, surtout des deux premiers en fait, ce quatrième chapitre n’est pas déplaisant. La Dernière Clé fait « suite » à Insidous : Chapitre 3 de Leigh Whannell (2015), préquel aux deux précédents volets (vous suivez ?), qui se focalisait sur le personnage d’Elise Rainier, médium qui devenait finalement la protagoniste de la franchise puisque celle-ci apparaît dans chaque épisode.

Des années avant les événements des trois précédents films, durant la jeunesse d’Elise Rainier dans le Nouveau-Mexique, cette dernière commence à être hantée par un esprit maléfique et démoniaque dans sa propre maison, la poussant plus profondément dans le Lointain (« The Further »). Plusieurs années après, une famille dit être victime d’événements paranormaux et fait appel à Elise. Seulement cette fameuse famille habite dans sa maison d’enfance et le démon dévoreur d’âmes qui hantait Elise dans le passé, semble être revenu. Secondée par deux parapsychologues, Tucker et Specs, Elise accepte alors de tenter d’entrer en contact avec les morts. Forcée de s’aventurer dans les tréfonds de l’au-delà, Elise va affronter le pire ennemi qu’elle ait jamais rencontré…

Oui bon d’accord, les scénaristes raclent les fonds de tiroir pour épuiser le filon. Toutefois, Insidious : La Dernière Clé est loin d’être honteux ou décevant. C’est juste qu’il n’a pas la prétention de rivaliser avec les deux films signés James Wan, encore producteur ici. Après Leigh Whannel, scénariste et co-créateur de la saga avec James Wan et interprète du chasseur de fantômes Specs, la mise en scène est cette fois confiée à Adam Robitel, réalisateur, monteur, producteur et scénariste (Paranormal Activity 5 : Ghost dimension) du formidable film d’épouvante L’Etrange cas Deborah Logan, qui prenait alors la forme d’un documenteur, avec quelques témoignages face caméra et extraits de journaux télévisés.

Insidious : La Dernière Clé n’est pas vraiment un film d’horreur. Bien sûr, nous retrouvons quelques éléments qui ont fait le succès de la franchise, comme l’errance dans le « Lointain », mais ce quatrième chapitre fonctionne surtout du point de vue dramatique. L’enfance d’Elise en 1954 est racontée à travers un excellent prologue qui fait froid dans le dos, sans trop en faire, grâce à une excellente utilisation du son et l’interprétation d’une jeune comédienne très convaincante. La suite du film est un peu plus chaotique, mais fonctionne grâce à l’investissement de Lin Shaye, qui retrouve pour la quatrième fois, et probablement la dernière, son personnage de médium charismatique. Le film n’est pas dépourvu d’humour grâce à ses deux acolytes. Elise fait face à un démon également très réussi avec ses doigts munis de clés qui lui permettent de « fermer » le clapet de celles et ceux qui hurlent devant lui, mais aussi de cloîtrer leurs esprits.

Alors certes, Insidious : La Dernière Clé, toujours produit par Jason Blum, ne fait pas vraiment peur, mais le spectacle et le divertissement sont facilement assurés. Le public s’est d’ailleurs déplacé en masse, le film étant devenu le plus grand succès de la saga dans le monde entier, y compris en France. Mais il est temps de passer à autre chose maintenant !

LE BLU-RAY

Le Blu-ray de Insidious : La Dernière Clé repose un boîtier classique de couleur bleue, glissé dans un surétui cartonné. Le visuel de la jaquette reprend celui de l’affiche du film. Le menu principal est fixe et musical.

Cette édition comprend huit scènes coupées (sobrement intitulées « scènes effrayantes effacées ») qui n’apportent pas grand-chose au final et qui ont visiblement été écartées pour des questions de rythme (19’). La fin alternative (3’) montrait la libération des âmes perdues après la mort de Key Face.

S’ensuivent trois featurettes promotionnelles, Rencontrez le Nouveau Démon – Déverrouillez les clés (2’30), Voyage dans le Lointain (3’30) et Incarner Elise (5’30). Le réalisateur, les acteurs, la chef costumière, la chef décoratrice et les producteurs présentent les enjeux d’Insidious : La Dernière Clé avec professionnalisme, sans en faire des tonnes, donnant envie d’en savoir plus sur ce dernier volet. Des images de tournage, des maquillages et des effets spéciaux sont également au programme.

L’Image et le son

Insidious : La Dernière Clé est un film sombre et la Haute définition restitue habilement la photo du chef opérateur Toby Oliver (Get Out, Happy Birthdead). Les volontés artistiques sont donc respectées, sans aucune perte du piqué et des détails dans les scènes les moins éclairées. Ce master HD demeure impressionnant de beauté, le cadre est sublime, les contrastes affichent une densité remarquable (du vrai goudron en ce qui concerne les noirs) et la colorimétrie froide est optimale. Un vrai régal pour les yeux. Un disque de démo.

Les deux versions DTS-HD Master Audio 5.1 font quasiment match nul en ce qui concerne la délivrance des ambiances sur les enceintes latérales, la restitution des dialogues et la balance frontale. Le spectateur est littéralement plongé dans ce quasi-huis clos, la spatialisation reste solide tout du long et le caisson de basses est utilisé à bon escient. Sans surprise, la version originale l’emporte de peu sur l’homogénéité et la fluidité acoustique, ainsi que sur le report des voix.

Crédits images : © Sony Pictures Releasing France / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

 

Test Blu-ray / San Babila : un crime inutile, réalisé par Carlo Lizzani

SAN BABILA : UN CRIME INUTILE (San Babila ore 20: un delitto inutile) réalisé par Carlo Lizzani, disponible en combo Blu-ray/DVD chez Le Chat qui fume

Acteurs :  Daniele Asti, Brigitte Skay, Giuliano Cesareo, Pietro Brambilla, Pietro Giannuso, Grazia Baccari, Gilberto Squizzato, Rodolfo Dal Pra, Paola Faloja…

Scénario Carlo Lizzani, Mino Giarda, Ugo Pirroet

Photographie : Piergiorgio Pozzi

Musique : Ennio Morricone

Durée : 1h41 (version intégrale)

Année de sortie : 1976

LE FILM

1975 : les années de plomb. Milan, place San Babila. Lors d’une journée classique, un groupe de jeunes néo-fascistes va provoquer une série de drames croissant dans la violence, jusqu’au crime inutile.

On doit San Babila : un crime inutileSan Babila ore 20: un delitto inutile au prolifique cinéaste romain Carlo Lizzani (1922-2013), venu du documentaire, ancien assistant de Giuseppe De Santis (Riz amer) et de Roberto Rossellini (Allemagne année zéro), réalisateur d’Achtung ! Banditi ! (1951) avec Gina Lollobrigida, Dans les faubourgs de la ville (1953) avec Massimo Girotti ou bien encore Chronique des pauvres amants (1954). Remarqué pour ses œuvres engagées, Carlo Lizzani avait entre autres déjà rendu hommage au combat des résistants antifascistes italiens. Ayant lui-même participé à la Résistance romaine pendant l’occupation allemande de Rome et adhérant au Parti communiste italien, Carlo Lizzani continuait alors son « combat » à travers le cinéma comme dans Traqués par la gestapo (1961) sur la déportation des juifs de Rome, ou bien encore Le Procès de Vérone (1963) traitant de l’exécution du comte Galeazzo Ciano, ancien Ministre de la Presse et de la Propagande et Ministre italien des Affaires étrangères. San Babila : un crime inutile, également connu en France sous le titre Tuer pour tuer, est un film coup de poing, toujours aussi virulent, remarquable, violent et intelligent. Sorti en 1976, ce chef d’oeuvre suit les exactions de quelques militants d’extrême-droite à Milan et annonce les longs métrages transalpins des années 2000-2010, qui n’auront de cesse de revenir sur l’histoire politique italienne, à l’instar de Buongiorno, notte de Marco Bellocchio (2003) ou bien encore Piazza Fontana de Marco Tullio Giordana (2012).

Italie, 1975, lors des années de plomb. Un groupe de quatre jeunes néo-fascistes, Alfredo, Fabrizio, Franco et Michele, fait régner violemment la loi et sème le chaos sur la place San Babila à Milan. Ils se sont inspirés du squadrisme de Benito Mussolini, la force paramilitaire instaurée par le Duce pour lutter avec brutalité contre les mouvements sociaux suscités par les socialistes et les communistes après la Première Guerre mondiale en Italie. Les quatre hommes importunent les passants, s’empoignent avec les gauchistes, les communistes ou les anarchistes de passage ou bien draguent lourdement les filles. Un jour, le chef du groupe demande à Franco, le plus sage de la bande (et issu d’une famille bourgeoise), de faire ses preuves en attaquant sauvagement un jeune communiste choisi au hasard. Une nuit, sur la place San Babila, ils croisent un couple qu’ils soupçonnent d’être communistes. Le groupe décide alors de les assassiner.

San Babila : un crime inutile est un constat implacable sur l’Italie des années 1970. Deux ans avant l’enlèvement et l’assassinat d’Aldo Moro, Président du conseil national de la Démocratie chrétienne, par les Brigades rouges, Carlo Lizzani et ses coscénaristes Mino Giarda (Superargo contre Diabolikus) et surtout d’Ugo Pirroet, auteur des exceptionnels Enquête sur un citoyen au-dessus de tout soupçon (1970) et La classe ouvrière va au paradis (1971) d’Elio Petri, signent l’un des plus grands thrillers sur le néofascisme. Le cinéaste privilégie un tournage en extérieur, à Milan, sur la place même qui donne son titre au film. Le casting se compose d’acteurs professionnels ou triés sur le volet, tandis que la caméra s’immisce au milieu des passants, dont les réactions sont d’ailleurs capturées sur le vif face aux actes et aux paroles des quatre personnages principaux. La musique d’Ennio Morricone créé un décalage qui instaure un malaise palpable, tandis que le groupe s’enfonce de plus en plus dans une spirale de violence, jusqu’au point de non-retour. Outre une scène de viol à l’aide d’une matraque, la séquence finale reste très difficile, réaliste, sèche.

Carlo Lizzani n’oublie pas de montrer la police, qui assiste aux événements, mais qui reçoit l’ordre de ne pas intervenir par peur des « débordements » supplémentaires. Pour que les forces de l’ordre sortent de leur trou, il faudra pour cela attendre qu’il y ait une voire plusieurs victimes. Sur un montage percutant de Franco Fraticelli (Suspiria, Les Frissons de l’angoisse, Mimi métallo blessé dans son honneur), une photo naturaliste quasi-documentaire (Carlo Lizzani venait du néo-réalisme) du chef opérateur Pergiorgio Pozzi, San Babila : un crime inutile sort du tout-venant du polar Bis italien, renoue avec la veine d’un Francesco Rosi (Main basse sur la ville, Lucky Luciano) mâtiné d’Orange mécanique de Stanley Kubrick et de poliziottesco à la Big Racket d’Enzo G. Castellari, qui mérite largement d’être redécouvert.

LE BLU-RAY

Voilà une nouvelle édition combo Blu-ray/DVD, limitée à 1000 exemplaires, concoctée par Le Chat qui fume. L’élégant digipack se compose de trois volets qui accueillent les deux disques. L’ensemble est glissé dans un étui cartonné du plus bel effet. Le menu principal, animé et musical, est identique sur le DVD et le Blu-ray. Le film est proposé dans sa version intégrale.

C’est avec beaucoup d’émotions que nous découvrons l’extrait d’un entretien avec le réalisateur Carlo Lizzani (5’), réalisé visiblement peu de temps avant son suicide en 2013. Le cinéaste aborde les débuts de sa carrière, les genres et sujets de prédilection qu’il a abordés, ses références, ses succès et ses documentaires sur l’histoire du cinéma.

Assistant réalisateur de Carlo Lizzani sur San Babila : un crime inutile, mais également comédien puisqu’il interprète la victime du meurtre éponyme, Gilberto Squizzato livre une formidable présentation du film qui nous intéresse. Pendant 1h05, l’ancien assistant d’Alberto Lattuada (Sono Stato Io !, 1973) évoque tout d’abord son parcours professionnel et son arrivée dans le monde du cinéma, ainsi que ses rencontres déterminantes. Après avoir travaillé avec Alberto Lattuada, Gilberto Squizzato sera assistant de Carlo Lizzani sur Les derniers jours de Mussolini (1974), Storie di vita e malavita (Racket della prostituzione minorile) (1975) puis enfin sur San Babila : un crime inutile (1976). Sur ce dernier, l’intervenant se penche sur les conditions de tournage (en décors naturels), le casting, les personnages, la mise en scène, les partis pris, puis la situation politique et sociale de l’Italie dans les années 1970. Dans la dernière partie, Gilberto Squizzato parle de son expérience en tant que comédien sur ce film, puis l’accueil de la critique et enfin le suicide de Carlo Lizzani.

L’interactivité se clôt sur la bande-annonce de San Babila : un crime inutile et d’autres trailers de films prévus ou déjà sortis chez Le Chat qui Fume.

L’Image et le son

Le Chat qui fume nous gratifie d’un master HD (1080p, AVC) impressionnant, présenté dans son format original 1.85 (16/9, compatible 4/3). La propreté de la copie est indéniable, la restauration ne fait aucun doute, les contrastes sont beaux, le cadre fourmille de détails, même si le piqué demeure aléatoire. Le grain est très bien géré, l’ensemble stable sans bruit vidéo, les couleurs concoctées par Pergiorgio Pozzi sont agréables pour les mirettes, souvent rutilantes. Le charme opère et l’on (re)découvre San Babila : un crime inutile avec ses partis pris esthétiques originaux.

San Babila : un crime inutile est présenté dans sa version intégrale. De ce fait, certaines séquences qui n’avaient jamais bénéficié de doublage français, passent automatiquement en italien sous-titré dans la langue de Molière. Propre et dynamique, le mixage italien DTS HD Master Audio Mono 2.0 ne fait pas d’esbroufe et restitue parfaitement les dialogues, laissant une belle place aux ambiances naturelles, ainsi qu’à la musique d’Ennio Morricone quand elle se manifeste. Elle demeure la plus dynamique et la plus riche du lot. La version française DTS-HD Master Audio Mono 2.0, au doublage parfois inapproprié qui donne au film un cachet film d’exploitation, vaut quand même le détour. Le changement de langue est verrouillée à la volée et les sous-titres français imposés sur la version originale.

Crédits images : © Le Chat qui fume / Licensed by COMPASS FILM SRL – Rome – Italy / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Point de chute, réalisé par Robert Hossein

POINT DE CHUTE réalisé par Robert Hossein, disponible en combo DVD/Blu-ray le 5 juin 2018 chez TF1 Studio

Acteurs :  Johnny Hallyday, Robert Hossein, Pascale Rivault, Albert Minski, Robert Dalban, Christian Barbier, Marie-Christine Boulard, Yasmine Zimmerman…

Scénario :  Claude Desailly, Robert Hossein

Photographie : Daniel Diot

Musique : André Hossein

Durée : 1h20

Année de sortie : 1970

LE FILM

Trois voyous enlèvent une jeune fille de quinze ans, Catherine, pour obtenir de son père le versement d’une rançon. Ils la séquestrent dans une cabane perdue au bord de la mer et la battent. Seul Eddie, un jeune voyou, gardien de la jeune fille, s’insurge contre ces méthodes. À travers un fait divers tragique, le portrait de deux adolescents dans un climat d’angoisse et de violence.

Tout de suite après Le Spécialiste de Sergio Corbucci, Johnny Hallyday persévère dans le cinéma et enchaîne avec Point de chute, un drame sentimentalo-policier coécrit, mis en scène et interprété par Robert Hossein, qui était passé derrière la caméra dès 1955 avec Les Salauds vont en enfer. Si ce petit film reste méconnu, Johnny Hallyday y trouve l’un de ses meilleurs rôles et signe d’ailleurs une excellente performance. Quasi-mutique du début à la fin, les dialogues sont d’ailleurs réduits à leur plus strict minimum, le comédien est bien dirigé, filmé et s’impose sans mal dans la peau de ce personnage de bad boy malgré-lui, qui va tomber amoureux de la jeune fille que lui et ses complices ont kidnappé dans le but de demander une rançon. Jeux de masques, au sens propre comme au figuré, retournements de situations et valse des sentiments, Point de chute est une très jolie surprise, délicate et qui n’a pas peur des envolées romanesques.

Lui, Vlad « le Roumain », est un jeune voyou, dur, sans scrupules. Elle, Catherine, une toute jeune fille, une lycéenne, d’une famille de la haute bourgeoisie. Ils n’ont rien en commun l’un et l’autre. Catherine est enlevée par des gangsters, et Vlad est chargé de la garder dans une cabane isolée au bord de la mer. Un monde les sépare, ils n’ont rien à se dire et ce n’est pas la situation qui va les rapprocher. Pourtant, en dépit de tout, au fil des heures qui s’écoulent dans l’attente de la rançon, des liens silencieux et invisibles se créent entre eux…

Le film démarre sur une séquence en N&B. Une plage comme décor principal. On assiste à la reconstitution d’un crime qui vient d’avoir lieu. Un inspecteur de police (Robert Dalban, très belle présence) découvre la clé de l’énigme dans un cahier d’écolière caché sous un matelas. Puis, dix minutes après, les événements passés sont racontés en couleur. Sur un rythme lent, mais maîtrisé, Robert Hossein prend le temps d’observer le regard bleu azur de son protagoniste, dissimulé derrière un masque blanc sans expression. A l’instar de deux animaux sauvages, Vlad (Johnny Hallyday donc) et Catherine (Pascale Rivault) s’observent, s’affrontent, rivalisent, avant de finalement s’apprivoiser. Vlad tombe alors le masque, se révèle attentionné envers Catherine malgré ses tentatives d’évasion. Quand ses complices reviennent, Vlad se rend compte qu’il ne peut plus supporter le traitement violent accordé à Catherine.

Robert Hossein instaure une très belle atmosphère éthérée et dépouillée grâce à la photo de Daniel Diot, mais aussi avec le décor de la petite cahute en bois paumée sur une plage du Nord sur fond de ciel ivoire, tandis que la musique récurrente d’André Hossein, qui rappelle le thème principal de Jeux interdits, apporte une vraie mélancolie à l’ensemble. On s’attache à ce voyou repenti auquel Johnny Hallyday apporte une vraie sensibilité et même une certaine poésie. Le chanteur prouve d’ailleurs qu’il n’est jamais aussi bon comédien que lorsque ses répliques sont rares. Contrairement au Spécialiste, dans lequel son jeu était à la limite de la parodie involontaire (ou pas) de Clint Eastwood, Lee Van Cleef et Franco Nero, Johnny Hallyday signe une vraie prestation émouvante dans Point de chute, peut-être la plus convaincante de sa carrière sur grand écran.

LE BLU-RAY

Le test du Blu-ray de Point de chute, disponible chez TF1 Vidéo, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est animé et musical.

Comme sur le Blu-ray du Spécialiste, Jean-François Rauger présente ici Point de chute. Le directeur de la programmation de la Cinémathèque française est beaucoup plus succinct que pour l’autre film avec Johnny Hallyday, puisque son introduction ne dure que sept minutes. Rauger se penche surtout sur l’évolution du jeu d’acteur de Johnny Hallyday au cinéma, sur les personnages et les thèmes du film de Robert Hossein.

Ce qui va ravir les fans du chanteur, c’est la présence du concert de Johnny Hallyday à la prison de Bochuz (40’). Cette prestation légendaire de 1974 a été filmée par la Radio Télévision Suisse. Durant cette représentation présentée pour la première fois en version restaurée Haute Définition, Johnny Hallyday enchaîne onze titres (dont Que je t’aime, Toute la musique que j’aime, Les Portes du pénitencier, Blue Suede Shoes, Tutti frutti) devant les prisonniers visiblement conquis.

L’interactivité se clôt sur la bande-annonce, durant laquelle une critique enflammée affirme que « Robert Hossein est désormais l’égal d’un Hitchcock ». Cette édition combo Blu-ray/DVD dispose également un livret exclusif et inédit de 36 pages comprenant des photos d’exploitation du film et les propos de Robert Hossein et Johnny Hallyday sur Point de chute.

L’Image et le son

Difficile de faire mieux que ce master restauré 4K à partir du négatif image ! Ce Blu-ray permet aux spectateurs de redécouvrir totalement Point de chute, dès la séquence d’ouverture en N&B. La définition est exemplaire avec des contrastes denses, des noirs profonds, des blancs lumineux et un grain original heureusement préservé. La partie en couleur est peut-être moins précise, mais la clarté est de mise, le piqué aussi tranchant qu’inédit et les détails étonnent par leur précision. Toutefois, en raison des partis pris esthétiques, quelques flous sporadiques sont à noter, des séquences paraissent plus douces et les arrière-plans peuvent paraître moins précis. Mais cela reste anecdotique.

L’éditeur est aux petits soins avec le film de Robert Hossein puisque la piste mono bénéficie d’un encodage en DTS HD-Master Audio. Si quelques saturations et chuintements demeurent, l’écoute se révèle fluide, équilibrée, limpide. Aucun craquement intempestif ne vient perturber l’oreille des spectateurs, les ambiances sont précises. Les dialogues sont clairs, sans souffle. Les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant sont également disponibles.

Crédits images : ©  TF1 Studio / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

 

Test Blu-ray / Le Spécialiste, réalisé par Sergio Corbucci

LE SPÉCIALISTE (Gli Specialisti) réalisé par Sergio Corbucci, disponible en combo DVD/Blu-ray et 4K Ultra HD/Blu-ray le 5 juin 2018 chez TF1 Studio

Acteurs :  Johnny Hallyday, Sylvie Fennec, Mario Adorf, Françoise Fabian, Gastone Moschin, Serge Marquand, Angela Luce, Mario Castellani…

Scénario :  Sergio Corbucci, Sabatino Ciuffini

Photographie : Dario Di Palma

Musique : Angelo Francesco Lavagnino

Durée : 1h45

Année de sortie : 1969

LE FILM

Charlie, le frère de Hud, a été lynché après avoir été injustement accusé de vol par les habitants de Blackstone. Pour le venger, Hud fait route vers la petite ville. Il est alors témoin de l’attaque d’une diligence dont il parvient à sauver les passagers. Fêté en héros, il rencontre le shérif de Blackstone puis fait la connaissance de Virginia, la veuve du banquier qui avait confié de l’argent à Charlie.

Réalisateur éclectique d’une soixantaine de longs métrages, Sergio Corbucci (1927-1990) est appelé par Johnny Hallyday lui-même, qui lui fait part de son désir de collaborer avec lui. Le metteur en scène de Django, Le Justicier du Minnesota et Le Grand Silence, sorti l’année précédente, accepte. Le western européen, qui avait explosé en 1964 avec Pour une poignée de dollars de Sergio Leone est alors à son apogée en 1969. De cette association naît Le Spécialiste (Gli Specialisti en italien), film aujourd’hui très prisé par les fans de l’idole des jeunes et qui avait connu un honnête succès à sa sortie en attirant plus d’1,2 million de spectateurs dans les salles en avril 1970. Aujourd’hui, Le Spécialiste reste une curiosité qui vaut bien plus pour la mise en scène de Sergio Corbucci que pour la prestation assez transparente de Johnny Hallyday.

Hud Dixon, cow-boy solitaire et taciturne, se rend à Blackstone, petite bourgade du Nevada, dans l’intention de venger la mort de son frère Charlie. Accusé à tort d’avoir dérobé les fonds de la banque qu’il était chargé de surveiller, ce dernier s’est fait lyncher par les gens du coin, mais le butin reste toujours introuvable. Hud est persuadé que son frère a été victime d’un complot et va tout faire pour retrouver les coupables. Les habitants ne sont pas rassurés par la présence de ce pistolero, surtout que le maire vient d’interdire l’usage des armes à feu. Dès son arrivée, Hud prend contact avec le shérif et avec Virginia, la veuve du banquier. Tous nient avoir été mêlés à la mort de Charlie et se refusent à aider Hud dans ses recherches. Entre-temps, le cow-boy sauve Sheba, une belle paysanne, des griffes de son beau-frère, un individu brutal. La jeune femme s’éprend de Hud et confirme l’innocence de Charlie. Pendant ce temps, un bandit mexicain du nom de El Diablo veut à tout prix mettre la main sur l’argent volé…

S’il reste un grand nom du cinéma bis italien, c’est avec les péplums, Romulus et Rémus et Le Fils de Spartacus, que Sergio Corbucci se fait un nom. Production franco-germano-italienne tournée dans la province de Belluno en Vénétie, Le Spécialiste est un vrai western spaghetti dans lequel Johnny Hallyday campe un pistolero hérité de l’Homme sans nom interprété par Clint Eastwood dans la trilogie du Dollar. Cheveux blonds, teint hâlé, yeux bleus reptiliens à la Franco Nero, Johnny Hallyday a une gueule, c’est indéniable, mais c’est autre chose concernant le talent d’acteur. En fait, Le Spécialiste c’est un peu comme si le chanteur arborait un déguisement réussi de cowboy, mais dans un décor artificiel du genre Frontierland d’un parc Disney. On ne croit pas à son personnage et malgré son investissement dans les scènes d’action, Johnny Hallyday n’est guère crédible dans les gunfights. S’il n’a de cesse d’imiter le regard plissé et la bouche pincée de Clint Eastwood, il prend surtout la pose en mode duckface avant l’heure et n’a pas suffisamment d’aura pour tenir le film sur ses petites épaules. D’ailleurs, le réalisateur n’est pas dupe et laisse une belle place aux seconds rôles, notamment Gastone Moschin (le Sheriff) et Mario Adorf (le révolutionnaire mexicain El Diablo).

La véritable star du Spécialiste demeure Sergio Corbucci lui-même. Le cinéaste s’intéresse aux personnages, à leurs tourments, espoirs et doutes, tout en offrant aux spectateurs ce pour quoi ils sont venus avec des fusillades rondement menées, des trahisons fatales, des règlements de comptes dans une ville où chacun semble avoir quelque chose à se reprocher. Même s’il ne peut s’empêcher de calquer encore le western américain, Le Spécialiste trouve indéniablement ses propres marques avec un style souvent baroque et le caractère pittoresque de certains tueurs ou situations, comme quand les habitants sont tous obligés de se mettre à poil et de ramper. N’oublions pas le charme et la sensualité de Françoise Fabian à qui le costume du Far West sied à ravir.

Donc oui, en dépit d’un manque de rythme, Le Spécialiste est un film à voir, mais plus pour les partis pris et intentions de son auteur qui annoncent le Matalo de Cesare Canevari avec ses hippies dégénérés, que pour Johnny qui joue du Colt et du poing.

LE BLU-RAY

Le test du Blu-ray du Spécialiste, disponible chez TF1 Vidéo, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est animé et musical. Le film est présenté dans sa version intégrale. L’excellent Jean-François Rauger, directeur de la programmation de la Cinémathèque, revient sur Le Spécialiste de Sergio Corbucci (25’), dont une rétrospective est d’ailleurs programmée du 9 au 29 juillet 2018 dans le temple français du septième art. Rauger insiste sur le décalage créé par la présence de Johnny Hallyday dans un western italien, ainsi que sur le « jeu » du comédien calqué sur la référence iconique de Clint Eastwood dans la trilogie de Sergio Leone. L’origine du projet, le relatif succès du film en France, le casting, les conditions de tournage, la mise en scène de Sergio Corbucci, les tensions entre Françoise Fabian et le réalisateur, tout y est abordé avec passion et humour.

L’interactivité se clôt sur deux bandes-annonces. Cette édition combo Blu-ray/DVD dispose également un livret exclusif et inédit de 32 pages comprenant Le Guitariste, parodie du film en bande-dessinée signée Guichard et Morchoisne, parue dans Pilote en 1970 et rééditée ici pour la première fois.

L’Image et le son

TF1 Studio livre un master HD qui permet aux spectateurs de redécouvrir Le Spécialiste dans de très belles conditions techniques. Les volontés artistiques du chef opérateur Dario Di Palma (Affreux, sales et méchants, Mimi métallo blessé dans son honneur) sont respectées, à l’instar de la texture argentique originale. Le confort de visionnage est indéniable, avec de très belles couleurs. Le piqué est flagrant, l’apport HD non négligeable sur plans larges, les séquences sombres sont aussi bien définies que le reste, les noirs sont concis, les détails fort appréciables. N’oublions pas le relief des textures, la profondeur de champ inédite, la stabilité et la restauration 4K (à partir du négatif image 35mm Technicolor-Techniscope) très impressionnante effectuée par L’Immagine Ritrovata.

Les pistes italienne et française DTS-HD Master Audio sont de même acabit. Les deux versions délivrent leurs dialogues avec suffisamment d’ardeur et les ambiances annexes sont dynamiques. S’il fallait vraiment les différencier, la piste italienne s’avère plus modérée, les voix des comédiens apparaissent plus fluides et les ambiances plus naturelles et homogènes. Dans les deux cas, aucun souffle intempestif n’est à déplorer, la propreté est de mise et la partition du prolifique compositeur Angelo Francesco Lavagnino est restituée avec efficacité. Les sous-titres sont imposés sur la version italienne. L’éditeur joint également les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant.

Crédits images : ©  TF1 Studio / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / D’où viens-tu Johnny ?, réalisé par Noël Howard

D’OÙ VIENS-TU JOHNNY ? réalisé par Noël Howard, disponible en combo DVD/Blu-ray le 5 juin 2018 chez TF1 Studio

Acteurs :  Johnny Hallyday, Sylvie Vartan, Pierre Barouh, Jean-Jacques Debout, Evelyne Dandry, Fernand Sardou, André Pousse, Jean-Marie Rivière, Hélène Tossy, Henri Vilbert, Daniel Cauchy…

Scénario :  Yvan Audouard

Photographie : Walter Wottitz

Musique : Eddie Vartan, Jean-Jacques Debout, Johnny Hallyday

Durée : 1h40

Année de sortie : 1963

LE FILM

Johnny Rivière est un jeune Parisien au cœur pur, passionné de rock’n’roll. Le sous-sol d’un bar lui sert de salle de répétition, à lui et à ses musiciens, en échange de menus services qu’il rend au patron, M. Franck. Lorsqu’il comprend qu’il est manipulé par des truands, il se révolte et jette à la Seine un chargement de drogue qu’il était chargé de convoyer à son insu. Menacé de mort, il part se réfugier auprès des siens en Camargue, bientôt rejoint par sa fiancée Gigi mais aussi traqué par les malfrats qui se sont lancés à ses trousses. D’où bagarres, chevauchées, amour et chansons…

D’où viens-tu Johnny ? (1963) n’est pas la première apparition de Johnny Hallyday au cinéma, mais le film qui l’a véritablement consacré star du rock’n’roll en France. Outre une apparition subliminale dans Les Diaboliques de Henri-Georges Clouzot (1955) alors qu’il n’est âgé que de douze ans, le film à sketches Les Parisiennes (1962) marque son incursion dans le septième art, dans le segment Sophie, réalisé par Yves Allégret, dans lequel il donne la réplique à une débutante nommée Catherine Deneuve. Mais c’est bel et bien D’où viens-tu Johnny ? qui assoit définitivement sa popularité. Par ailleurs, le film restera son plus grand succès au box-office avec 2,8 millions d’entrées. S’il démarre comme un petit polar en N&B, teinté de musique et de chansons, le long métrage de Noël Howard passe ensuite en couleurs après le générique (qui apparaît au bout d’un quart d’heure) pour plonger le personnage principal dans un western tourné dans les magnifiques décors naturels de la Camargue, où les seconds couteaux entourent la vedette avec leur accent chantant.

Avec sa petite amie Gigi, Johnny Rivière joue et chante dans un groupe de rock à Paris. En échange d’un local de répétition, le jeune homme rend quelques services au patron du club, un dénommé M. Franck. Un jour, il découvre que la valise qu’il a été sommé de récupérer à la consigne contient de la drogue et jette son contenu dans la Seine. Furieux, M. Franck jure de se venger. Johnny part alors se réfugier en Camargue d’où il est originaire. Il retrouve avec bonheur ses amis d’enfance et les habitants du coin. Mais les acolytes de M. Franck vont bientôt retrouver sa trace…

Produit par Ray Ventura, D’où viens-tu Johnny ? devait à la base être réalisé par Abel Gance. Victime d’un infarctus, le cinéaste laisse finalement la place à l’américain Noël Howard, réalisateur de seconde équipe sur La Terre des pharaons de Howard Hawks (1955), Ariane de Billy Wilder (1957), Le Roi des rois de Nicholas Ray (1961) et même sur Lawrence d’Arabie de David Lean (1962). C’est sans doute pour avoir côtoyé les plus grands que la mise en scène de Noël Howard apporte un vrai sens visuel à ce petit film devenu culte. Tourné dans un superbe N&B, le prologue parisien installe le récit et les personnages, notamment celui campé par l’idole des jeunes qui venait alors d’exploser sur la scène musicale française.

Charismatique, démarche à la James Dean, mimiques à la Elvis Presley, Johnny Hallyday, 20 ans, s’impose face à la caméra en faisant preuve de naturel et d’aisance. Le générique arrive puis le cadre capture les merveilles de la Camargue, terrain de jeu malin pour instaurer un western à la française.

Si l’histoire qui s’ensuit est somme toute anecdotique et prétexte pour mettre Johnny en valeur et le faire pousser la chansonnette à la moindre occasion, dont le tube écrit par Jean-Jacques Debout Pour moi la vie va commencer, le spectacle se laisse suivre très agréablement. Johnny doit non seulement essayer d’échapper à ceux qui sont lancés à ses trousses, mais il se retrouve également plongé dans un triangle amoureux, doit faire du rodéo avec ses potes, compter fleurette à l’élue de son coeur Gigi (Sylvie Vartan), boire du pastis avec Fernand Sardou (qui ne faisait certainement pas semblant d’enchaîner les verres), tout ça en gardant le sourire et les yeux plissés pour montrer sa fureur de vivre. D’où viens-tu Johnny ? reste un film frais, léger, beau à regarder et bourré de charme.

LE BLU-RAY

Le test du Blu-ray de D’où viens-tu Johnny ?, disponible chez TF1 Vidéo, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est lumineux, animé et musical.

Journaliste français et critique musical, Philippe Manoeuvre présente D’où viens-tu Johnny ? (25’). Cette introduction se concentre sur l’arrivée de Johnny Hallyday sur la scène musicale, sur ses premiers succès, son triomphe, sa consécration et ses apparitions au cinéma jusqu’au film qui nous intéresse. Le grand concert gratuit donné devant 150.000 personnes de la Place de la Nation en juin 1963 est également évoqué. Cinq minutes avant la fin, Philippe Manoeuvre est rejoint par le chanteur, auteur et compositeur Jean-Jacques Debout qui se souvient de la création de la chanson Pour moi la vie va commencer et du tournage du film de Noël Howard.

L’interactivité se clôt sur la bande-annonce. Cette édition combo Blu-ray/DVD dispose également un livret exclusif et inédit de 36 pages comprenant le carnet de tournage et 40 photos commentées.

L’Image et le son

D’où viens-tu Johnny ? a été restauré en 4K à partir du négatif image par le Laboratoire VDM. La première partie en N&B est sublime. Les noirs sont denses, les blancs lumineux, les contrastes très riches, la texture argentique respectée, la propreté indéniable et le piqué inédit. Après le générique, la partie couleurs déçoit légèrement. Les teintes apparaissent parfois un peu pâles, la gestion du grain est aléatoire, la définition chancelle parfois et certaines séquences laissent apparaître des rayures verticales. Mais dans l’ensemble ce master HD permet de (re)voir ce film très sympathique dans les meilleures conditions possibles.

Le mixage DTS-HD Master Audio 2.0 permet aux chansons de Johnny et à la musique d’Eddie Vartan d’être délivrées avec un coffre inédit. Egalement restauré à partir du négatif, le son a subi un dépoussiérage. Le confort acoustique est ici largement assuré, jamais entaché par un souffle quelconque. Les effets annexes, les voix des comédiens, tout est ici mis en valeur avec fluidité probante. Les sous-titres français pour sourds et malentendants sont également disponibles.

Crédits images : ©  TF1 Studio / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Fantôme avec chauffeur, réalisé par Gérard Oury

FANTÔME AVEC CHAUFFEUR réalisé par Gérard Oury, disponible en Blu-ray le 20 juin 2018 chez Gaumont

Acteurs :  Philippe Noiret, Gérard Jugnot, Jean-Luc Bideau, Charlotte Kady, Daniel Russo, Béatrice Agenin, Maxime Boidron, Sophie Desmarets, Daniel Gélin…

Scénario :  Francis Veber

Photographie : Robert Fraisse

Musique : Wojciech Kilar

Durée : 1h21

Année de sortie : 1996

LE FILM

Philippe Bruneau-Tessier, grand patron d’usines, et son fidèle chauffeur, Georges, décèdent tous deux d’une mort violente à vingt quatre heures d’intervalle. Ils n’avaient rien en commun de leur vivant mais les deux fantômes auront quarante huit heures avant le grand appel pour apprendre à mieux se connaître au cours d’une fantastique aventure posthume.

Fantôme avec chauffeur est l’avant-dernier long métrage de Gérard Oury, l’homme aux 69 millions d’entrées en France. Après la déconvenue Vanille fraise (1989), La Soif de l’or avait redonné quelques couleurs au réalisateur, puisque le film avec Christian Clavier avait engrangé plus d’1,5 million d’entrées dans les salles en 1993. En voyant les triomphes des Visiteurs et des Anges gardiens, qui comprenaient de nombreux effets spéciaux numériques, Gérard Oury décide d’utiliser ces nouveaux outils pour sa prochaine comédie. Mais pour la première et unique fois de sa carrière, le cinéaste ne collabore pas au scénario et laisse le grand Francis Veber s’en occuper seul. A sa sortie, Fantôme avec chauffeur a été très mal accueilli par la presse et seulement 400.000 spectateurs avaient fait le déplacement pour découvrir Philippe Noiret et Gérard Jugnot devenir des spectres grâce aux trucages créés par un certain Pitof. Comédie-fantastique qui a recours à quelques gags lourdingues, le film étonne cependant par son émotion, grâce notamment à une histoire de filiation et d’amour père-fils.

Alors oui, rétrospectivement, il s’agit d’un des films les plus faibles de Gérard Oury et probablement du scénario le plus basique et scolaire de Francis Veber. A une époque, cette association aurait probablement pulvérisé le box-office, ce qui n’a malheureusement pas été le cas ici. Pourtant, Fantôme avec chauffeur est loin d’être un film déplaisant. Les deux têtes d’affiche semblent complices et s’amusent visiblement à se donner à la réplique, tout en jouant avec ce que les effets visuels leur permet de faire à l’écran. Les CGI de l’époque ne pouvaient déjà pas rivaliser avec ce qui se faisait aux Etats-Unis et l’ensemble fait très franchouillard, pourtant les séquences truquées s’accompagnent d’une certaine poésie. On pense alors à Garou-Garou, le passe-muraille, réalisé par Jean Boyer sorti en 1951, dans lequel Bourvil se réveillait avec le don de traverser les murs et qui au détour d’une scène mettait une gifle à…Gérard Oury.

Bénéficiant d’un budget très modeste, le réalisateur de La Grande vadrouille insuffle un charme rétro à son récit pourtant contemporain et aux images de synthèse alors à la pointe de la technologie. Fantôme avec chauffeur apparaît également comme une œuvre testamentaire. Le thème de la mort est évidemment omniprésent durant 1h15. Gérard Oury avait 76 ans au moment du tournage de son seizième film. Après une carrière en tant qu’acteur et une autre exceptionnelle en tant que scénariste et metteur en scène, la vue déclinante, Gérard Oury pensait peut-être qu’il s’agirait de son ultime long métrage. Si Le Schpountz (1999) allait démentir cela, Fantôme avec chauffeur évoque le passage de relais dans un monde en pleine mutation.

Le personnage joué par Philippe Noiret a sans doute eu un enfant très tard dans sa vie. Plusieurs fossés de générations les séparent. L’héritier de Bruneau-Teissier est un jeune homme passionné par les jeux vidéo, qui se réfugie dans une réalité virtuelle. La mort de son père et la chance laissée à Bruneau-Teissier de rester quelques jours auprès de son fils, vont finalement les rapprocher, les faire se découvrir, pour enfin se parler et se dire les sentiments qu’ils ont l’un envers l’autre. Malgré l’excellence de Gérard Jugnot, on sent que Gérard Oury accorde plus d’importance au personnage de Philippe Noiret. Le chauffeur, Georges Morel est juste là pour entraîner les quiproquos. Tout ce qui tourne aux histoires de cul du personnage, son trafic de drogue et ses petites combines ne fonctionnent pas et intéressent encore moins.

Toujours est-il que Fantôme avec chauffeur est une petite comédie sympathique, qui se laisse revoir avec plaisir.

LE BLU-RAY

Le test du Blu-ray de Fantôme avec chauffeur, disponible chez Gaumont, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est fixe et muet.

Les suppléments sont peu nombreux et se résument à la bande-annonce et une présentation du film par Yves Alion (21’30). Le journaliste, critique et historien du cinéma défend Fantôme avec chauffeur qu’il affectionne tout particulièrement. Après avoir dressé une liste des films de Gérard Oury, Yves Alion en vient à la collaboration du réalisateur avec les comédiens, puis plus précisément à la mise en route, au tournage, aux effets visuels et aux thèmes de Fantôme avec chauffeur.

L’Image et le son

Le master HD est correct. Ce n’est pas non plus transcendant et l’image fait un peu vieillotte, mais au moins la copie est très propre, stable et les nombreuses séquences truquées sont plutôt homogènes. Seules les scènes de nuit sont moins bien définies, surtout sur les transparences ou quand les images de synthèse sont présentes, à l’instar des deux fantômes qui passent à travers le capot de la DS lors de la course-poursuite. Sinon les couleurs sont jolies, les contrastes soignés.

Le mixage DTS-HD Master Audio 2.0 instaure un réel confort acoustique. Les dialogues sont ici délivrés avec ardeur et clarté, la propreté est de mise, les effets riches et les silences denses, sans aucun souffle. La composition de Wojciech Kilar est bien lotie. L’éditeur joint également les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant.

Crédits images : ©  Gaumont / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr