LE MASQUE ARRACHÉ (Sudden Fear)réalisé par David Miller, disponible en DVD le 14 février 2017chez Rimini Éditions
Acteurs : Joan Crawford, Jack Palance, Gloria Grahame, Bruce Bennett, Virginia Huston, Mike Connors…
Scénario : Lenore J. Coffee, Robert Smith d’après le roman « Ils ne m’auront pas » d’Edna Sherry
Photographie : Charles Lang
Musique : Elmer Bernstein
Durée : 1h50
Date de sortie initiale: 1952
LE FILM
Alors qu’elle supervise les auditions de sa prochaine pièce, la dramaturge Myra Hudson rejette la candidature du jeune acteur Lester Blaine. Elle le retrouve peu après dans le train qui la ramène à San Francisco, en tombe amoureuse et l’épouse rapidement. Mais Lester renoue avec Irène, sa précédente petite amie : ils décident d’éliminer Myra.
Voilà un thriller-film noir oublié qu’il est temps de réhabiliter ! Réalisé en 1952, Le Masque arraché – Sudden Fear réunit à l’écran Joan Crawford, qui entamait la deuxième partie de son immense carrière après avoir été longtemps l’égérie des studios Warner et MGM, et Jack Palance dans un de ses premiers rôles au cinéma. Avant d’exploser véritablement avec Le Grand Couteau – The Big Knife de Robert Aldrich (1955), le comédien d’origine ukrainienne, né Volodymyr Palahniuk, avait fait ses débuts chez Elia Kazan (Panique dans la rue, 1950), Lewis Milestone (Okinawa, 1950), puis chez George Stevens (L’Homme des vallées perdues, 1953), Douglas Sirk (Le Signe du païen, 1954). Ces films ont immortalisé son visage anguleux et émacié, que l’on retrouvera d’ailleurs plus tard chez Jean-Luc Godard dans Le Mépris et même dans le Batman de Tim Burton. Dans Le Masque arraché, il trouve un rôle venimeux, qui deviendra sa spécialité.
L’acteur Lester Blaine (Jack Palance) épouse une riche et célèbre dramaturge à succès, Myra Hudson (Joan Crawford), sans avoir pour autant rompu avec sa petite amie, Irene Nest (Gloria Grahame). Quelque temps plus tard, il apprend que le nouveau testament de sa femme lui assure une rente annuelle de dix mille dollars, à la seule et unique condition qu’il ne se remarie pas. Irene, qui n’apprécie pas du tout cette clause, incite Lester à éliminer Myra avant que son testament n’entre en vigueur. Les amants ignorent que le magnétophone de Myra enregistre leur conversation. Réalisateur, producteur et scénariste, David Miller (1909-1992) est un cinéaste méconnu qui a pourtant quelques pépites à son palmarès, dont le célèbre Seuls sont les indomptés avec Kirk Douglas et Complot à Dallas avec Burt Lancaster. Le Masque arraché est assurément une de ses plus grandes réussites et un vrai bijou de film noir.
Sudden Fear joue avec la notion de direction d’acteur et de mise en scène à travers le personnage d’une dramaturge à succès, qui découvre la manipulation dont elle est victime et qui risque de lui coûter la vie. Afin de contrer cette menace, elle décide d’utiliser son don pour la mise en scène en complotant de son côté et en préparant sa vengeance, heure par heure, dans un lieu précis. Le deuxième acte peut commencer, la dramaturge manipulée reprend ses droits et dirige à nouveau sa vie pour éviter d’être assassinée. Deux ans avant Johnny Guitare de Nicholas Ray, Joan Crawford (également productrice exécutive et scénariste non créditée) se délecte de ce rôle dense et charismatique, même si ses nombreux détracteurs trouveront encore à redire sur l’emphase de son jeu, parfois limite c’est vrai, tout comme ses « grimaces » – héritées de sa période muette – successives quand son personnage découvre que son époux souhaite se débarrasser d’elle pour toucher l’argent de l’assurance-vie. Avec son sens du cadre qui sied à merveille aux rues en pente luisantes de pluie de San Francisco (surtout lors de la poursuite finale), David Miller livre un thriller qui distille son poison au compte-gouttes, aidé pour cela par la sublime photo contrastée signée Charles Lang (Certains l’aiment chaud, Sabrina, Les 7 Mercenaires), sans oublier la composition de l’immense Elmer Bernstein.
Sur un scénario machiavélique et riche en rebondissements, adapté du roman Ils ne m’auront pas d’Edna Sherry, David Miller compose un face à face percutant, qui n’a rien à envier aux films noirs plus célébrés des années 1940-50 et mérite amplement d’être réévalué à sa juste valeur, autrement dit un chef d’oeuvre du genre. L’intrigue est épurée et comme le disait François Truffaut dans sa première critique écrite pour Les Cahiers du cinéma en mars 1953 « Pas un plan dans ce film qui ne soit nécessaire à la progression dramatique. Pas un plan non plus qui ne soit passionnant et ne nous donne à penser qu’il est le clou du film ». Outre Joan Crawford et Jack Palance, vraiment superbes dans le rôle du chat et de la souris dont les rôles finissent par s’inverser, Gloria Grahame tire son épingle du jeu dans le rôle d’une jeune escroc, qui entretient une relation amoureuse et brutale avec Lester.
Quelle merveilleuse surprise donc que ce Masque arraché, thriller angoissant qui fait penser au Soupçons d’Alfred Hitchcock (dont la présence d’un verre de lait), qui se clôt dans un dernier acte quasi-dépourvu de dialogues, reposant uniquement sur la mise en scène virtuose et l’intensité de l’interprétation de Joan Crawford. Immanquable !
LE DVD
Le DVD du Masque arraché, disponible chez Rimini Editions, repose dans un boîtier classique de couleur noire, glissé dans un élégant surétui cartonné. La jaquette saura attirer les fans de films noirs. Le menu principal est élégant, animé et musical. Notons la faute sur le nom de l’actrice Gloria Grahame, corrigée sur l’exemplaire disponible à la vente.
Le Masque arraché / Sudden Fear, est présenté par Antoine Sire (39’). l’auteur de Hollywood, la cité des femmes (editions Institut Lumière / Acte Sud) propose un portrait brillant de la comédienne Joan Crawford, mais aussi de son partenaire Jack Palance (après le refus de Clark Gable et de Marlon Brando) et du cinéaste David Miller. Fourmillant d’informations et d’anecdotes, Antoine Sire part un peu dans tous les sens et se répète parfois, mais on ne pourra pas lui reprocher la passion contagieuse avec laquelle il évoque Le Masque arraché et tout ce qui l’entoure. Composé d’extraits et de bandes-annonces, cet entretien s’avère riche, spontané et passionnant.
L’interactivité se clôt sur la bande-annonce anglaise de la sortie DVD du Masque arraché.
L’Image et le son
Ce master restauré (en 2K par Cohen Media Group) au format respecté 1.33 (16/9) du Masque arraché, jusqu’alors inédit en France, est on ne peut plus flatteur pour les mirettes. Tout d’abord, le splendide N&B de Charles Lang retrouve une densité inespérée dès l’ouverture. La restauration est indéniable, aucune poussière ou scorie ne sautent aux yeux, l’image est d’une stabilité à toutes épreuves. Les contrastes sont fabuleux et le piqué n’a jamais été aussi tranchant. Le grain original est présent, même si certaines séquences paraissent étonnamment plus lisses, ce qui fera tiquer quelque peu les puristes. Le cadre fourmille de détails, les fondus enchaînés n’entraînent pas de décrochages et cette très belle copie participe à la redécouverte de ce diamant noir. Dommage de ne pas trouver Le Masque arraché en Haute-Définition !
L’éditeur ne propose que la version originale du Masque arraché. Dynamique, nettoyée, homogène et naturelle, sans souffle parasite, cette piste offre un confort acoustique solide et restitue admirablement la musique d’Elmer Bernstein et les effets sonores. Les sous-titres français ne sont pas imposés.
DON’T BREATHE – LA MAISON DES TENEBRES (Don’t Breathe)réalisé par Fede Alvarez, disponible en DVD et Blu-rayle 15février2017chez Sony Pictures
Acteurs : Stephen Lang, Jane Levy, Dylan Minnette, Daniel Zovatto, Emma Bercovici, Franciska Töröcsik…
Scénario : Fede Alvarez, Rodo Sayagues
Photographie : Mark Patten
Musique : Pedro Luque
Durée : 1h28
Date de sortie initiale: 2016
LE FILM
Pour échapper à la violence de sa mère et sauver sa jeune sœur d’une existence sans avenir, Rocky est prête à tout. Avec ses amis Alex et Money, elle a déjà commis quelques cambriolages, mais rien qui leur rapporte assez pour enfin quitter Détroit. Lorsque le trio entend parler d’un aveugle qui vit en solitaire et garde chez lui une petite fortune, ils préparent ce qu’ils pensent être leur ultime coup. Mais leur victime va se révéler bien plus effrayante, et surtout bien plus dangereuse que ce à quoi ils s’attendaient…
Encouragés par le succès du remake d’Evil Dead en 2013, le réalisateur uruguayen Fede Alvarez, le scénariste Rodolfo Sayagues, les producteurs Sam Raimi et Rob Tapert, le compositeur Roque Baños et la comédienne Jane Levy sont à nouveau réunis pour un film de genre, La Maison des ténèbres – Don’t Breathe. Pure série B, tout est réuni ici pour faire de ce petit thriller d’épouvante un futur classique du genre avec son intrigue resserrée et prétexte à donner les frissons aux spectateurs pendant 85 minutes non-stop, son boogeyman impitoyable, ici un homme d’âge mûr, ancien soldat revenu aveugle de la guerre en Irak, qui vit seul cloîtré chez lui, dans un quartier déserté de la ville de Detroit laissée à l’abandon. Après l’accident qui a coûté la vie à sa fille, renversée par une voiture conduite par une jeune femme de bonne famille, que la justice a déclarée non-coupable, cet homme atteint de cécité s’est vu offrir une somme importante de la part de la famille de la partie adverse. Trois jeunes, Rocky, Alex et Money, spécialisés dans les petits casses, décident de passer aux choses sérieuses en rentrant par effraction, désireux de mettre la main sur le magot pour pouvoir se barrer au plus vite de cette ville fantôme. Mais c’était sans compter sur les redoutables réflexes de leur adversaire.
Don’t Breathe s’avère un habile tour de force, immersif et intense. Rien n’est réaliste, le réalisateur n’a d’ailleurs pas cette prétention, mais tout est fait pour offrir aux spectateurs un savoureux tour de rollercoaster, génialement mis en scène et très bien photographié avec des partis pris stylisés et élégants. Fede Alvarez joue avec les codes du genre ainsi que la géographie de la maison. Une fois entrés dans l’antre de l’homme aveugle, les trois jeunes deviennent de vrais rats lâchés et affolés dans un labyrinthe et deviennent eux-mêmes la proie de celui qu’ils comptaient dépouillés, sans oublier le rottweiler furieux de celui-ci, prêt à leur sauter à la gorge. Cet homme inquiétant et troublant est interprété par l’excellent Stephen Lang (Avatar, Public Enemies), grand habitué des seconds rôles du cinéma américain, qui a peu à faire pour s’imposer et surtout pour rendre son personnage charismatique, inquiétant et ambigu. Fede Alvarez s’amuse à renverser l’empathie de son audience envers les personnages, en inversant les rôles, les jeunes passant du statut de criminels à celui de victimes. Et ça fonctionne, très bien même, à condition de laisser son raisonnement logique pour mieux se laisser embarquer dans ce jeu de cache-cache mortel qui dissimule en plus un secret dans son sous-sol.
Par ailleurs, en parlant de sous-sol, les habitués du genre penseront au Sous-sol de la peur de Wes Craven, visible source d’inspiration du home-invasion ingénieux et généreux de Fede Alvarez. Tourné à Detroit (pour les extérieurs), ce qui fait parfois penser au sublime It Follows, mais aussi et surtout à Budapest pour un budget dérisoire d’à peine 10 millions de dollars, Don’t Breathe a cumulé près de 90 millions de dollars de recette sur le sol américain et plus de 60 millions dans le reste du monde. Un triomphe commercial qui impose définitivement Fede Alvarez dans le cercle des nouveaux réalisateurs prometteurs.
LE BLU-RAY
Le test du Blu-ray de La Maison des ténèbres – Don’t Breathe, disponible chez Sony Pictures, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est fixe et musical.
Ne manquez pas le commentaire audio (vostf) du réalisateur Fede Alvarez, du scénariste Rodolfo Sayagues et du comédien Stephen Lang. Posément, les trois collaborateurs dissèquent le film, avant sa sortie au cinéma comme nous l’apprenons en cours de route, avec complicité et visiblement heureux du travail fini. Le metteur en scène donne sa vision du thriller et de la peur au cinéma, le rapport des spectateurs avec ce genre de film, tandis que le scénariste revient sur l’évolution de l’histoire et Stephen Lang sur son approche du personnage. Les conditions de tournage entre Budapest et Detroit sont passées au peigne fin, les anecdotes s’enchaînent sur un rythme soutenu (Alvarez rêvait de réaliser ce film en N&B), pour un commentaire au final divertissant et toujours intéressant.
S’ensuivent cinq modules de courte durée, consacrées à l’esthétique du film, aux personnages, au décor principal et à la musique. Ces suppléments d’environ 3 minutes chacun, compilent rapidement les images de tournage et les interviews de l’équipe.
L’éditeur joint également un petit quart d’heure de scènes coupées, également disponibles avec les commentaires audio de Fede Alvarez. Ces séquences valent le détour, notamment une confrontation d’Alex avec son père, durant laquelle on apprend que l’adolescent souhaiterait faire du droit pour devenir avocat, ambition tuée dans l’oeuf par son père, agent de sécurité, qui lui conseille de s’engager dans la police puisqu’il n’a pas les moyens de lui financer ses études. C’est pourquoi Alex accepte finalement le casse chez l’homme aveugle. Une scène de baiser entre Rocky et Alex est également disponible.
L’Image et le son
Don’t Breathe est un film sombre et la Haute définition restitue habilement la photo du chef opérateur Pedro Luque. Les volontés artistiques sont donc respectées, sans aucune perte du piqué et des détails dans les scènes les moins éclairées. Ce master HD demeure impressionnant de beauté, le cadre est sublime, les contrastes affichent une densité remarquable (du vrai goudron en ce qui concerne les noirs) et la colorimétrie froide est optimale. Bien que tourné en numérique avec la caméra Arri Alexa Plus, un léger et très beau grain donne une patine élégante à l’image du début à la fin. Un vrai régal pour les yeux.
Les deux versions DTS-HD Master Audio 5.1 font quasiment match nul en ce qui concerne la délivrance des ambiances sur les enceintes latérales, la restitution des dialogues et la balance frontale. Le spectateur est littéralement plongé dans ce huis clos, la spatialisation reste solide tout du long et le caisson de basses est utilisé à bon escient. Sans surprise, la version originale l’emporte de peu sur l’homogénéité et la fluidité acoustique, ainsi que sur le report des voix.
LA SOEUR D’URSULA (La Sorella di Ursula)réalisé par Enzo Milioni, disponible en combo Blu-ray/DVD et Blu-rayle 2 novembre 2016 chez Le Chat qui fume
Acteurs : Barbara Magnolfi, Marc Porel, Stefania D’Amario, Anna Zinnemann, Antiniska Nemour, Yvonne Harlow, Vanni Materassi…
Scénario : Enzo Milioni
Photographie : Vittorio Berninni
Musique : Mimi Uva
Durée : 1h36
Date de sortie initiale: 1978
LE FILM
Ursula et Dagmar Beyne, deux sœurs ayant récemment hérité, vont passer des vacances en Italie dans un magnifique hôtel sur la côte. Elles cachent un sombre passé : abandonnées par leur mère, elles ont vu leur père sombrer dans la dépression et se suicider. Tombée dans la névrose, Ursula fuit le contact des hommes et vit recluse dans sa chambre, tandis que sa sœur s’adonne à une libido effrénée. Parmi ses courtisans : Roberto Delleri, le directeur de l’hôtel, et Filippo Andrei, un loubard cocaïnomane au comportement étrange. Les vacances des deux sœurs ne seront pas de tout repos puisqu’on découvre bientôt, aux abords de l’hôtel, le cadavre mutilé d’une prostituée, puis les corps d’un jeune couple…
Réalisé en 1978, La Soeur d’Ursula – La Sorella di Ursula est le premier long métrage du réalisateur Enzo Milioni, jusqu’alors scénariste du film au titre fleuri Non… je suis encore vierge ! (1971). Jouant avec les codes du giallo, La Soeur d’Ursula tire sur la corde en proposant surtout une histoire érotique et en compilant les scènes de sexe, toujours soulignées par le même thème musical, à l’instar des téléfilms diffusés sur M6 après Sexy Zap le dimanche soir dans les années 1990. Vous vous rappelez coquins ? Néanmoins, La Sorella di Ursula demeure typique du cinéma d’exploitation transalpin de l’époque avec une belle photographie vaporeuse, des comédiennes peu avares de leurs charmes et qui se déshabillent toutes les dix minutes, quelques meurtres violents et sanglants (toujours hors champ), visiblement commis par un homme au sexe surdimensionné.
Soyons honnêtes, avec son intrigue qui part dans tous les sens, ce petit giallo vaut essentiellement pour la beauté surréelle de Barbara Magnolfi (Olga dansSuspiria de Dario Argento), dont le regard vert subjugue et foudroie. Ce sont ces yeux fantastiques qui font surtout l’intérêt de La Soeur d’Ursula, ainsi que le charme vintage qui agit du début, il ne faut pas attendre trois minutes pour déjà apprécier le premier full frontal, jusqu’à la fin nawak et improbable, mais qui fonctionne malgré tout auprès d’une audience déjà conquise et donc indulgente. Aux côtés de Barbara Magnolfi, Stefania D’Amario (Les Déportées de la section spéciale SS, L’Enfer des zombies) et Marc Porel (Le Clan des Siciliens, La Horse, La Longue nuit de l’exorcisme) portent également le film vers le haut du Bis par leur charisme et leur indéniable talent, sans oublier la beauté des décors naturels de la côte Amalfitaine, au bord de la mer tyrrhénienne.
Le giallo est déjà mort, mais certains réalisateurs s’amusent encore avec ses cendres, tout en lorgnant sur un autre genre de cinéma Bis qui attire de nouveaux spectateurs, surtout depuis le triomphe international d’Emmanuelle en 1974. De l’aveu de Barbara Magnolfi, le résultat final ne correspond pas au scénario ambitieux initialement prévu, puisque selon elle les producteurs auraient imposé les scènes de sexe, très nombreuses et totalement gratuites au final, au metteur en scène Enzo Milioni, histoire de pimenter une intrigue policière teintée de fantastique qu’ils pensaient idiote et éculée. Ou comment couvrir ses arrières en découvrant ses actrices. Seulement voilà, les producteurs tendaient la carotte au réalisateur en lui promettant de lui financer son prochain long métrage, un projet personnel et vrai film d’auteur, qui ne verra jamais le jour.
Visionner La Soeur d’Ursula – qui d’ailleurs n’avait pas connu d’exploitation dans les salles françaises – de nos jours, c’est se retrouver face à un échantillon d’un cinéma désuet et disparu, mais agréable, parfois excitant et toujours divertissant, qui rend compte du revirement soudain des producteurs afin de mieux répondre aux attentes et au goût des spectateurs.
LE BLU-RAY
Si le film peut laisser quelque peu indifférent, cette édition combo Blu-ray/DVD concoctée par notre Chat noir à la clope est à tomber. L’élégant digipack se compose de trois volets, superbement illustrés, qui accueillent les deux disques. L’ensemble est glissé dans un étui cartonné du plus bel effet. Le menu principal, animé et musical, est identique sur le DVD et le Blu-ray. Petite erreur sur le verso de l’étui qui annonce que le supplément avec le réalisateur s’intitule « Ursula c’est moi ». Le film est proposé dans sa version intégrale.
Le Chat qui fume n’est pas venu les mains vides et nous livre quelques entretiens particulièrement généreux.
On commence par celui du réalisateur Enzo Milioni réalisé en 2008 (38’). Longuement, posément, le metteur en scène de La Soeur d’Ursula revient sur la genèse chaotique de son premier long métrage, une commande qui devait en réalité lui permettre de financer un film beaucoup plus personnel, dans lequel la comédienne Valentina Cortese devait tenir le premier rôle. Malgré la réussite commerciale deLa Soeur d’Ursula, les producteurs qui lui avaient imposé de tourner des scènes érotiques non prévues, n’ont pas tenu leur parole pour son second long métrage. Ensuite, le cinéaste passe en revue le casting de son film et s’attarde sur chaque comédien. Il évoque ainsi le regard de Barbara Magnolfi, les problèmes de drogue de Marc Porel et comment il s’était mis d’accord avec l’acteur quand ce dernier voulait aller « à la chasse aux papillons ». Enzo Milioni évoque ensuite le bon accueil ainsi que la version du film qui circulait sous la manteau et qui comprenait des inserts pornographiques.
C’est avec un grand plaisir que nous retrouvons Barbara Magnolfi dans le supplément suivant. La comédienne née en France, d’un père italien et d’une mère française, parle parfaitement la langue de Molière et se livre avec franchise sur La Soeur d’Ursula. Franchise parce qu’elle se rappelle avoir été dupée sur le produit fini étant donné que le scénario sur lequel elle s’était engagée ne comportait aucune scène de sexe ! Tout d’abord, elle parle de son enfance avec une mère qui la délaissait, puis de ses débuts dans le cinéma avec notamment la rencontre avec Dario Argento qui l’engage pour Suspiriaalors qu’elle n’a que 21 ans. Vient ensuite la rencontre avec l’acteur Marc Porel, qui sera son compagnon de 1977 à la mort prématurée de celui-ci en 1983 des suites d’une méningite consécutive à ses graves problèmes de drogue. Barbara Magnolfi déclare ne pas vouloir être associée au genre de film comme La Soeur d’Ursula puisque les scènes dénudées ont toutes été filmées à l’insu des comédiens. Estimant avoir été trahie, elle n’en veut pas au réalisateur, mais aux producteurs. L’actrice clôt cet entretien en parlant de sa vie aux Etats-Unis.
Plus anecdotique, Le Chat qui fume est allé demander à Philippe Chouvel, journaliste chez Psychovision, quels étaient ses trois gialli (mineurs) préférés (6’30). Ce dernier répond La Casa dalle finestre che ridono (Pupi Avati), L’Occhio nel Labirinto (Mario Caiano) et La Corrupción (Chris Miller). L’interviewé présente rapidement ces trois films et évoque le genre qu’il affectionne tout particulièrement, un « cinéma qui s’écoutait autant qu’il se regardait ».
L’interactivité se clôt sur un lot de bandes-annonces, dont celle de La Soeur d’Ursula, uniquement axée sur les scènes érotiques.
L’Image et le son
Peu importe si La Soeur d’Ursulaest un film mineur, Le Chat qui fume déroule le tapis rouge au film d’Enzo Milioni avec un superbe master Haute-Définition (1080p, AVC). Ce traitement royal permet même de revoir à la hausse ce giallo érotique. Dès le générique, la propreté s’avère sidérante, la copie est stable, le piqué aiguisé et la photo légèrement ouatée du chef opérateur Vittorio Bernini (Une suédoise sans culotte, La Nipote) est respectée et n’a vraisemblablement jamais été aussi resplendissante. Les quelques poussières et griffures qui ont pu échapper au scalpel numérique demeurent subliminales, la restauration subjugue du début à la fin, tout comme la luminosité, les couleurs et l’élégante tenue des contrastes.
Point de version française ici puisque La Soeur d’Ursula n’a pas été exploitée dans nos salles, même celles qui proposaient les films les plus coquins. Le mixage italien DTS HD Master Audio Mono aux sous-titres français respecte les partis pris d’époque, à savoir un doublage réalisé en postproduction, qui occasionne par moments un très léger décalage entre les dialogues et le mouvement des lèvres des comédiens. En dehors de cela, l’écoute demeure très propre avec parfois quelques sensibles saturations dans les aigus, mais rien de bien méchant.
BLOOD FATHER réalisé par Jean-François Richet, disponible en DVD et Blu-rayle 23 janvier 2017 chez M6 Vidéo
Acteurs : Mel Gibson, Erin Moriarty, Diego Luna, Michael Parks, William H. Macy, Miguel Sandoval…
Scénario : Peter Craig, Andrea Berloff d’après le roman de Peter Craig
Photographie : Robert Gantz
Musique : Sven Faulconer
Durée : 1h28
Date de sortie initiale: 2016
LE FILM
John Link n’a rien d’un tendre : ex-motard, ex-alcoolique, ex-taulard, il a pourtant laissé tomber ses mauvaises habitudes et vit reclus dans sa caravane, loin de toute tentation. C’est l’appel inattendu de sa fille Lydia, 17 ans, qui va lui faire revoir ses plans de se tenir tranquille… Celle-ci débarque chez lui après des années d’absence, poursuivie par des narcotrafiquants suite à un braquage qui a mal tourné. Lorsque les membres du cartel viennent frapper à la porte de John, ils sont loin de se douter à qui ils ont affaire…
Il serait faux de dire que Blood Father signe « le retour » de Mel Gibson. En effet, si le comédien ne tourne plus autant que dans les années 1980-90, il n’a pour ainsi dire jamais arrêté d’un côté ou de l’autre de la caméra. Après le thriller Hors de contrôle (Martin Campbell) et le drame Le Complexe du castor (Jodie Foster), Mel Gibson a ensuite fait place à l’action avec le jouissif Kill the Gringo (Adrian Grunberg), la séquelle Machete Kills (Robert Rodriguez) et le décevant Expendables 3 (Patrick Hughes) dans lequel il incarne le bad guy que doivent affronter Sylvester Stallone et sa clique. Alors que se profilait à l’horizon la sortie de son nouveau film en tant que réalisateur, le formidable Tu ne tueras point, Mel Gibson a eu le temps de jouer les papas protecteurs dans Blood Father de Jean-François Richet.
L’écrivain Peter Craig adapte lui-même son propre roman. Capable du meilleur (The Town) comme du pire (les deux derniers volets de la saga Hunger Games), Peter Craig livre à notre cinéaste national un scénario de pure série B. Cela faisait plus de dix ans que Jean-François Richet n’avait pas tourné pour un studio américain, après sa première et très réussie incursion avec le remake d’Assaut de John Carpenter. Suite au succès international du diptyque (bancal) consacré à Jacques Mesrine, Richet attendait une proposition alléchante. Emballé par l’histoire de Blood Father, il propose le premier rôle à Mel Gibson et lui envoie les Blu-ray des Mesrine. Le comédien accepte immédiatement la proposition. Et il faut dire que sans lui Blood Father n’aurait pas grand intérêt. A maintenant 60 ans, Mel Gibson est encore plus charismatique et magnétique qu’avant avec son visage creusé par les rides et sa barbe hirsute grisonnante. Son jeu est toujours aussi intense, ses yeux brillent de la même flamme que dans le premier volet de la franchise L’Arme fatale, bref Mel Gibson est devenu un monstre d’Hollywood.
Intégralement tourné dans les décors naturels du Nouveau Mexique, Blood Father n’a aucune autre prétention que de divertir les spectateurs. Jean-François Richet signe un thriller basique, mais solidement réalisé, brutal, carré, bien photographié, non dénué d’humour et d’émotions, et de très bons numéros d’acteurs, surtout entre Mel Gibson et William H. Macy, qui font oublier l’erreur de casting avec le fade Diego Luna en petite frappe pathétique. La jeune actrice Erin Moriarty s’en sort bien dans le rôle de la fille fugueuse et dopée, qui a fait une grosse bêtise et qui vient se réfugier auprès de son père buriné, ancien taulard et alcoolique, qui tient maintenant un petit salon de tatouage dans sa roulotte. Mais ceux qui en ont après sa fille ne s’attendaient pas à ce que son papounet sorte la pétoire.
Pas besoin d’en savoir plus sur les personnages, puisque Mel Gibson apporte avec lui près de 40 ans de cinéma et de personnages emblématiques, dont John Link serait en fait une sorte de synthèse. On pense à Mad Max, L’Arme fatale, Comme un oiseau sur la branche, Payback et plus récemment au susnommé Kill the Gringo. Mel Gibson est et restera un immense acteur. Blood Father remplit son contrat, sans se forcer, mais avec un atout de premier choix et qui se place nettement au-dessus du lot des quinqua-sexa-justiciers comme dans l’improbable trilogie Taken ou récemment de The Revenge avec un Travolta moumouté.
LE BLU-RAY
Le Blu-ray de Blood Father, disponible chez M6 Vidéo, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est animé et musical. La jaquette reprend le visuel de l’affiche française, excepté le Steelbook qui arbore celui du visuel US.
En plus de la bande-annonce en version française, l’éditeur livre une interview (10’) de Jean-François Richet et Mel Gibson enregistrés au Festival de Cannes en 2016, entrecoupée par d’autres propos – en français cette fois – du réalisateur seul en scène. Les deux collaborateurs sont en pleine promo et reviennent sur la genèse du projet, sur la motivation des personnages, sur les thèmes du film. Dans son entretien individuel, Richet parle de Mel Gibson et du travail avec le comédien. On aurait aimé beaucoup plus de suppléments et notamment retrouver le making of diffusé sur Canal+.
L’Image et le son
La photographie de Blood Father est signée Robert Gantz, chef opérateur complice de Jean-François Richet depuis Assaut sur le central 13. Ce master HD est à la hauteur des espérances et restitue les partis pris esthétiques originaux à travers des contrastes riches et léchés, une colorimétrie vive et scintillante, des noirs denses, une luminosité de tous les instants, un piqué aux petits oignons, un léger grain et une profondeur de champ appréciable. Le plus impressionnant s’avère la restitution des gros plans, en particulier sur Mel Gibson. Le codec AVC consolide l’ensemble avec fermeté, le relief des matières est élégant et ne cesse de flatter la rétine.
Comme pour l’image, l’éditeur a soigné le confort acoustique et livre deux mixages DTS-HD Master Audio 5.1 français et anglais, efficaces autant dans les scènes d’affrontements secs que dans les séquences plus calmes. Les quelques pics de violence, poursuites et fusillades peuvent compter sur une balance impressionnante des frontales comme des latérales, avec les balles qui environnent le spectateur. Les effets annexes sont très présents et dynamiques, les voix solidement exsudées par la centrale, tandis que le caisson de basses souligne efficacement chacune des actions au moment opportun. La spatialisation est en parfaite adéquation avec le ton du film. A titre de comparaison, la version originale l’emporte sur son homologue du point de vue délivrance des dialogues et richesse des effets. Les sous-titres français sont imposés sur la version originale. L’éditeur joint également deux pistes Stéréo, qui s’en sortent admirablement malgré le seul usage des enceintes avant, ainsi qu’une piste en Audiodescription et des sous-titres français destinés au public sourd et malentendant. Le changement de langue est verrouillé à la volée et nécessite le retour au menu contextuel. Que les puristes soient rassurés, le grand Jacques Frantz assure toujours le doublage français de Mel Gibson.
COMANCHERIA (Hell or High Water)réalisé par David Mackenzie, disponible en DVD et Blu-rayle 25janvier 2017 chez Wild Side Video
Acteurs : Jeff Bridges, Chris Pine, Ben Foster, Gil Birmingham, Dale Dickey, William Sterchi, Buck Taylor…
Scénario : Taylor Sheridan
Photographie : Giles Nuttgens
Musique : Nick Cave, Warren Ellis
Durée : 1h41
Date de sortie initiale: 2016
LE FILM
Au Texas, alors que leur mère vient de mourir, Toby et Tanner, deux frères, s’improvisent braqueurs de banques. Toby, divorcé, veut en effet obtenir de l’argent afin d’éviter la saisie de la propriété familiale. Tanner, expert en armes au fort tempérament, l’assiste dans sa tâche. Le ranger Marcus Hamilton, à quelques semaines d’une retraite bien méritée, est lancé à leurs trousses. Assisté par Alberto Parker, qu’il asticote régulièrement, l’homme de loi découvre un schéma en observant la liste des banques cambriolées par les jeunes gens…
Le cinéaste écossais David MacKenzie, remarqué en 2002 avec son premier long métrage The Last Great Wilderness, a réellement pris son envol en 2008 avec My name is Hallam Foe puis confirmé son immense talent dans des genres aussi divers que variés avec notamment Toy Boy (2009), le superbe Perfect Sense (2010), l’électrique Rock’n’Love (2011). Après Les Poings contre les murs, véritable uppercut sorti sur les écrans en 2014, le cinéaste éclectique s’associe au scénariste Taylor Sheridan, ancien comédien vu dans les séries Veronica Mars et Sons of Anarchy, qui venait de signer le très remarqué Sicario de Denis Villeneuve, thriller sur les cartels de drogue. Du son propre aveu, Comancheria apparaît comme étant le second volet d’une trilogie consacrée au « Nouvel Ouest ». Né au Texas en 1970, Taylor Sheridan écrit ses histoires à partir de gens qu’il connaît ou qu’il a côtoyé. Des habitants de petites bourgades paumées au milieu du Texas, qui sont nés là-bas, qui y ont fait leur vie et où probablement ils mourront.
David Mackenzie apporte sa sensibilité européenne à ce projet y compris sa passion de cinéphile nourrie de westerns, de grands espaces, de road-movies du nouvel Hollywood faits de longues routes poussiéreuses, de villes désertées, de rues où surgissent des chiens osseux. Comancheria – Hell or Hight Water est un thriller remarquable doublé d’un message politique fort et actuel, mais aussi d’une histoire d’amour entre deux frères, du portrait d’un vieux flic fatigué qui va partir à la retraite. Un virtuose mélange des genres, porté par une interprétation de haut niveau et en parfaite alchimie, d’une mise en scène sobre mais toujours élégante, d’une bande originale hypnotique écrite par Warren Ellis et Nick Cave, d’une photographie flamboyante signée Gilles Nuttgens qui a voulu privilégier la lumière naturelle du Nouveau-Mexique et les décors naturels pour plus de réalisme.
Alors que les Etats-Unis viennent d’accueillir un président excentrique à la Maison-Blanche, Comancheria dresse un constat amer sur la vie des américains laissés-pour-compte, qui décident de recourir malgré eux au crime pour pouvoir s’en sortir. C’est le cas ici de deux frangins, brillamment incarnés par le grand Ben Foster et Chris Pine, qui ne cesse d’étonner et qui est magnifique ici, qui se mettent à braquer les agences d’une même banque, celle qui a hypothéqué la ferme de leur mère décédée. Ceci dans le but de rembourser leurs dettes – le titre original fait d’ailleurs référence à une expression populaire renvoyant à une clause inscrite sur certains contrats de prêts, indiquant à l’emprunteur l’obligation de rembourser un crédit, peu importe la situation financière dans laquelle il se trouve – et de racheter leur maison de famille sur le point d’être saisie. Ils sont poursuivis par un ranger désabusé et sur le point de partir à la retraite (sublime Jeff Bridges avec un Oscar en ligne de mire), lui-même accompagné par son adjoint (Gil Birmingham) au sang indien et mexicain, dont il aime rappeler les origines pour mieux s’en moquer. Deux hommes de loi qui semblent dépassés par les événements, qui malgré leurs réflexes et leur intuition toujours intacts, doivent se rendre à l’évidence, le monde a changé. Comme si le Marshal Cogburn incarné par Jeff Bridges dans True Grit des frères Coen, se retrouvait catapulté dans une Amérique post-crise 2008.
A la fois, film de braquage, western, thriller et drame prenant marqué par quelques savoureuses pointes d’humour, ce neuvième film de David Mackenzie l’impose définitivement comme un des plus brillants cinéastes d’aujourd’hui. Cette histoire de « criminalité rédemptrice », projetée au 69e Festival de Cannes dans la sélection Un certain regard, a été portée par une critique quasi-unanime et a su s’imposer dans le top des meilleurs films de l’année 2016. Bienvenue dans le western du XXIe siècle !
LE BLU-RAY
Le test du Blu-ray de Comancheria, disponible chez Wild Side Video, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est animé et musical.
Au film, l’éditeur joint une featurette promotionnelle (21’), essentiellement constituée d’interviews des quatre acteurs principaux, du réalisateur David Mackenzie, des deux productrices Julie Yorn et Carla Hacken et du scénariste Taylor Sheridan. Ce dernier revient sur ce qui a inspiré l’histoire de Comancheria (son enfance dans les petites villes perdues du Texas, son oncle ancien ranger), le metteur en scène évoque ce qui l’a attiré dans ce projet et les thèmes qu’il a voulu aborder. Les productrices vendent le film en racontant l’histoire, tandis que les acteurs parlent de leur collaboration et du travail avec David Mackenzie.
L’interactivité se clôt sur la bande-annonce.
L’Image et le son
Wild Side Video signe un sans-faute avec ce master HD immaculé de Comancheria et c’est tant mieux car le film de David Mackenzie méritait vraiment un traitement princier pour son passage en Blu-ray. Tout d’abord, c’est la clarté et le relief des séquences diurnes qui impressionnent et flattent la rétine. Les couleurs sont chatoyantes, le piqué vigoureusement acéré, les détails abondent aux quatre coins du cadre large, restituant admirablement la sécheresse des paysages et la chaleur écrasante et les contrastes affichent une densité remarquable. Ajoutez à cela une profondeur de champ constante, des ambiances tamisées séduisantes et des teintes irrésistibles et vous obtenez le nec plus ultra de la HD. Un transfert très élégant mais rien de très étonnant quand on sait que Comancheria a été tourné avec la caméra numérique Arri Alexa XT Studio.
Les pistes anglaise et française DTS-HD Master Audio 5.1 font quasiment match nul en ce qui concerne la délivrance des ambiances sur les enceintes latérales, la restitution des dialogues et la balance frontale dynamique. La spatialisation reste solide tout du long et le caisson de basses est utilisé à bon escient. Sans surprise, la version originale l’emporte de peu sur l’homogénéité et la fluidité acoustique, notamment sur les scènes agitées et les fusillades, où les enceintes s’en donnent réellement à coeur joie.
TERREUR SUR LA LAGUNE (Solamente Nero)réalisé par Antonio Bido, disponible en édition Blu-ray + DVD + CD audiole 2 novembre 2016chez Le Chat qui fume
Acteurs: Lino Capolicchio, Stefania Casini, Craig Hill, Massimo Serato, Juliette Mayniel, Laura Nucci, Attilio Duse, Gianfranco Bullo, Luigi Casellato, Alfredo Zammi…
Scénario: Marisa Andalò, Antonio Bido, Domenico Malan
Photographie: Mario Vulpiani
Musique : Stelvio Cipriani
Durée: 1h49
Date de sortie initiale: 1978
LE FILM
Jeune professeur à l’université de Rome, Stefano D’Archangelo profite des vacances pour aller voir son frère, Don Paolo, prêtre dans une paroisse proche de Venise. En chemin, il rencontre la belle Sandra, artiste peintre qui vit avec sa mère paralysée. Le soir même de son arrivée, une médium est étranglée en face du presbytère, sous les yeux de Don Paolo. La vision du cadavre provoque chez Stefano une série de flash-back lui renvoyant l’image d’un petit garçon effrayé caché derrière un buisson. Dès lors, un tueur élimine un par un les participants aux séances de spiritisme dirigées par la médium. Tous ces crimes auraient-ils un lien avec le meurtre d’une jeune fille, vingt ans auparavant ?
Sorti sur les écrans en 1978, Terreur sur la lagune – Solamente Nero, arrive au moment où le giallo connaît ses derniers soubresauts. Réalisé par Antonio Bido, qui signait ici son deuxième long métrage (sur sept à ce jour) après le succès de Il gatto dagli occhi di giada, ce thriller se déroule dans l’ambiance poisseuse, spectrale et inquiétante de Venise et de ses environs, dont l’île de Murano. Les spectateurs aujourd’hui au fait des ficelles et des codes du genre (dont le trauma originel), ne seront pas dépaysés et auront même toujours un peu d’avance sur les supposés rebondissements, mais la mise en scène, l’interprétation et le soin tout particulier apporté à l’esthétique en font toujours une indéniable réussite.
Film noir et sombre, Terreur sur la lagune doit finalement plus au cinéma d’Alfred Hitchcock (avec même un caméo de Bido), grande référence avouée du cinéaste, qu’à celui de Dario Argento ou de Mario Bava. Sans en révéler l’aboutissement, la séquence finale n’est pas sans rappeler celle de Sueurs froides – Vertigo, et les séquences de meurtres, même si elles s’avèrent spécifiquement mises en scène chaque fois, marquent plus les esprits par l’installation du suspens que par l’acte proprement dit. Si le giallo s’essouffle, cela n’empêche pas Antonio Bido d’user de ses ressorts, pour finalement se les approprier et emmener le spectateur vers un thriller, non pas plus « classique », mais plus contemporain.
Terreur sur la lagune est un film ambitieux puisque conscient que le giallo est un genre qui s’éteint, le réalisateur souhaite décortiquer la mécanique de ce qui crée la peur dans ce cinéma, tout en cherchant à faire muter le fond et la forme vers quelque chose de plus moderne. Antonio Bido fait également appel à de solides comédiens, dont Lino Capolicchio (Le Jardin des Finzi-Contini), Craig Hill (Au nom du père, du fils, et du colt…, Dracula contre Frankenstein) et Stefania Casini (Suspiria). Avec leur charisme « hors du temps », ils traversent le film comme s’ils étaient plongés sous hypnose et campent des personnages ambigus, même si l’on découvre très vite qui s’évertue à laisser des cadavres derrière lui/elle. Ce qui intéresse Antonio Bido, qui bénéficiait alors d’une grande liberté et d’un budget très confortable, est surtout de marquer son film par de solides moments d’angoisse, les crimes sadiques et atroces apparaissant finalement comme la cerise sur la gâteau, mais pas aussi gores que pouvaient l’espérer certains spectateurs. Mention spéciale à la séquence d’ouverture, ou encore à celle où un homme plonge dans le canal glacé pour échapper au tueur, s’agrippe au bastingage d’un bateau, avant d’être rattrapé par le tueur qui l’écrase littéralement entre les deux coques. Même chose pour la vieille dame en fauteuil roulant, poussée dans le feu vif d’une cheminée.
Terreur sur la lagune ne révolutionne pas le thriller et joue avec les braises déjà consumées du giallo à travers une intrigue faussement alambiquée et même une scène de sexe, qui semble avoir été imposée au réalisateur. Il s’en acquitte fort admirablement notamment grâce à son décor brumeux, fantomatique, pour ne pas dire théâtral, remarquablement exploité et photographié par le chef opérateur Mario Vulpiani (La Grande bouffe, Un bourgeois tout petit, petit) et souligné par la composition aérienne de Stelvio Cipriani. A sa sortie, Terreur sur la lagune est bien accueilli par la critique, mais le film rapporte deux fois moins que Il gatto dagli occhi di giada au box-office, malgré son exploitation dans le monde entier. Mais le film demeure chéri par de nombreux cinéphiles quarante ans après.
LE BLU-RAY
Voilà assurément un des plus beaux coffrets que nous trouverons sur le marché cette année ! Disponible chez l’éditeur Le chat qui fume dans sa collection Exploitation italienne, le Blu-ray de Terreur sur la lagune repose dans un sublime Digipack à quatre volets, également composé du DVD du film, d’un autre consacré aux suppléments (que nous retrouvons sur l’édition HD), sans oublier le CD de la bande originale composée par Stelvio Cipriani. Sur le verso des volets, nous trouvons trois affiches originales du film, ainsi que la playlist du CD. L’ensemble se glisse dans un étui cartonné du plus bel effet, au visuel superbe et attractif. Cette édition limitée à 1000 exemplaires s’avère un véritable objet de collection. Le menu principal est animé et musical. Le grand luxe !
Plus rien n’arrêtera Le Chat qui fume ! En plus de nous proposer un formidable master HD et un merveilleux coffret, l’éditeur nous a concocté pas moins de 2 heures de suppléments particulièrement denses, passionnants et réjouissants, sans compter la possibilité de visionner le film en mode VHS (sur le Blu-ray uniquement), encodé ici en AVC et disponible en 1080i et version française (dans son montage charcuté donc), malgré un générique en anglais.
Mort à Venise, par Jean-François Rauger (19’) : Dans un premier temps, le critique de cinéma et directeur de la programmation de la Cinémathèque Française s’intéresse au parcours du réalisateur Antonio Bido, auteur de sept longs métrages et donne quelques indications sur le contexte de ses mises en scène. Ou comment un metteur en scène émerge en Italie au moment où son cinéma connaît ses dernières heures de gloire, y compris le giallo. Jean-François Rauger loue le caractère ambitieux et libre de l’oeuvre d’Antonio Bido à cette époque où la télévision commence à avoir la mainmise sur le cinéma. Ensuite, notre interlocuteur se penche plus précisément sur l’oeuvre qui nous intéresse, Terreur sur la lagune, en croisant judicieusement le fond avec la forme. Pour lui, Terreur sur la lagune s’inscrit dans la continuité de la tradition du giallo, œuvre dans laquelle Antonio Bido exprime son admiration pour Dario Argento et Mario Bava, mais également pour Alfred Hitchcock. Les conditions des prises de vues à Venise et ses environs sont passées en revue, tout comme les partis pris esthétiques, la musique, la mise en scène des meurtres. Enfin, Jean-François Rauger s’intéresse à la réflexion du film sur la mythologie et l’influence du giallo, ainsi que sur l’impact sur les spectateurs.
Le Monstre de Venise, avec le réalisateur Antonio Bido (36’) : Né en 1949, Antonio Bido est visiblement très heureux de partager ses nombreux souvenirs liés à Terreur sur la lagune. Le cinéaste replace ce long métrage, son second, dans sa carrière, en évoquant sa genèse, après son premier film et grand succès Il gatto dagli occhi di giada en 1977. Un hit qui lui a permis d’avoir carte blanche pour Terreur sur la lagune, Solamente Nero, titre choisi par les distributeurs – pour surfer sur l’aura de Dario Argento – et dont celui au moment du tournage était alors E dietro l’angolo il terrore (« Et à l’angle, la terreur »). Antonio Bido explique avoir voulu réaliser un film plus personnel que son premier long métrage. Jouer avec le genre du giallo, tout en réalisant un vrai film d’auteur. Les anecdotes liées au tournage s’enchaînent, comme les conditions des prises de vues à Venise et Murano, le travail avec les comédiens, sa petite apparition dans le film. Certains fans seront surpris d’apprendre que le réalisateur n’a pas vraiment d’affection pour le slasher, la violence et le sang au cinéma, mais préfère largement instaurer la peur aux spectateurs en jouant sur les effets suggérés et la montée de tension grâce à des effets de mise en scène, hérités notamment d’Alfred Hitchcock, sa grande inspiration. Sans langue de bois, il affirme ne pas aimer la séquence tournée en zodiac, en précisant que cette scène « joyeuse et solaire » rompt avec l’ambiance du film, tout comme il déclare également ne pas apprécier la scène d’amour. Antonio Bido passe également en revue sa collaboration avec le chef opérateur Mario Vulpiani et le compositeur Stelvio Cipriani. Enfin, le cinéaste parle de la sortie du film, qui a rapporté deux fois moins que son précédent long métrage, en raison d’une mauvaise distribution, même si le film s’était alors très bien vendu dans le monde entier.
Profondo noir, avec l’acteur Lino Capolicchio (24’) : Le comédien découvert en 1970 dans Le Jardin des Finzi-Contini de Vittorio De Sica, puis vu dans La Maison aux fenêtres qui rient de Pupi Avati (1976), commence cet entretien en racontant un souvenir personnel lié aux Frissons de l’angoisse – Profondo rosso de Dario Argento (1975) dans lequel il aurait pu jouer le rôle principal s’il n’avait pas eu un accident de voiture. Lino Capolicchio se penche ensuite sur la situation du cinéma italien à la fin des années 1970. Il y reviendra d’ailleurs en fin d’interview en disant qu’il regrette cette liberté au cinéma aujourd’hui, une industrie qui dépend de la télévision et qui n’a plus du tout l’enthousiasme qui animait son art il y a plus de 40 ans. Nous retiendrons également toutes les anecdotes de tournage de cette présentation, durant laquelle l’acteur évoque également son travail avec Antonio Bido, Stefania Casini et Craig Hill, les conditions de tournage, le perfectionnisme du chef opérateur Mario Vulpiani, la mauvaise distribution du film malgré le bon accueil par la critique.
Les photos du crime, avec Antonio Bido (11’) : Le réalisateur est de retour, cette fois confortablement installé dans son canapé, pour commenter avec nous diverses photos prises sur le plateau. Une nouvelle occasion pour lui de parler de son travail avec les acteurs et ses techniciens.
Danza Macabra, d’Antonio Bido (23’) : Dernière intervention du réalisateur, qui présente ici une de ses dernières mises en scène, Danza Macabra. Bien qu’il n’ait pas réalisé de long métrage depuis 2000, Antonio Bido continue de tourner pour son plaisir personnel comme c’est le cas ici. Il s’agit d’un court-métrage d’un quart d’heure, sorte de long vidéo-clip, consacré au jeune pianiste Axel Trolese. Antonio Bido explique avoir toujours voulu réaliser un film musical. Le réalisateur s’est entouré de comédiens non professionnels, à l’exception de Manuela Morabito (vue dans Caos Calmo et plusieurs films de Pupi Avati), ayant tous acceptés de tourner gratuitement pendant cinq jours chez le cinéaste, qui s’est également occupé de l’éclairage et de la photographie, puis du montage. Un hommage au cinéma de Roger Corman et Mario Bava. Etrange et kitsch.
3 Gialli, avec Olivier Père (9’) : Le directeur du cinéma d’Arte France intervient ici, non pas pour parler de Terreur sur la lagune, mais du giallo. Quand on lui demande quels sont ses trois gialli préférés, Olivier Père répond Frissons d’horreur – Macchie solari(Armando Crispino, 1975), puis deux ex-aequo avec 6 femmes pour l’assassin – Sei donne per l’assassino (Mario Bava, 1964) et Les frissons de l’angoisse – Profondo Rosso (Dario Argento, 1977), puis Je suis vivant – La corta notte delle bambole di vetro et Qui l’a vue mourir ? – Chi l’ha vista morire ?, deux films réalisés par Aldo Lado en 1971 et 1972. C’est ici l’occasion pour notre interlocuteur de faire une petite présentation du genre.
L’interactivité se clôt sur les génériques de début et de fin en langue anglaise (The Bloodstained Shadow), ainsi que sur les bandes-annonces de Terreur sur la lagune, La Soeur d’Ursula (test Blu-ray à venir), Tropique du cancer et La Longue nuit de l’exorcisme qui sortent très prochainement chez l’éditeur.
L’Image et le son
Jusqu’ici disponible en import uniquement, Terreur sur la lagune arrive dans l’escarcelle du Chat qui fume, en version intégrale, en DVD et en Blu-ray (1080p) ! La classe internationale ! Solamente nero bénéficie d’un superbe transfert, qui respecte le grain original, très bien géré, y compris sur les nombreuses séquences sombres. La définition est solide comme un roc et les flous constatés sont d’origine. Le master 1.85 (16/9 compatible 4/3) trouve d’emblée un équilibre fort convenable et restitue les très beaux partis-pris esthétiques du directeur de la photographie Mario Vulpiani (La Grande bouffe, Dillinger est mort, Liza). Sombre et poisseuse, l’atmosphère du film trouve un nouvel écrin en Haute-Définition, les contrastes sont élégants et même si les noirs manquent parfois de concision, la copie affiche une propreté ainsi qu’une stabilité jamais prises en défaut. Les séquences diurnes sont lumineuses à souhait avec un piqué plus acéré et des détails plus flagrants, à l’instar du visage rosé et des yeux bleus de Craig Hill.
Terreur sur la lagune est présenté dans sa version intégrale. De ce fait, certaines séquences qui n’avaient jamais bénéficié de doublage français, passent automatiquement en italien sous-titré dans la langue de Molière. Propre et dynamique, le mixage italien DTS HD Master Audio Mono 2.0 ne fait pas d’esbroufe et restitue parfaitement les dialogues, laissant une belle place à la musique de Stelvio Cipriani (La Baie sanglante). En dépit de quelques craquements, surtout en début de film, elle demeure la plus dynamique et la plus riche du lot. La version française DTS-HD Master Audio Mono 2.0, au doublage réussi, apparaît plus feutrée, légèrement chuintante, avec des effets plus confinés et un souffle très présent. Le changement de langue est verrouillée à la volée et les sous-titres français imposés sur la version originale. Le verso de l’étui n’indique pas les langues disponibles.
Sans emploi depuis un an, Constance revient dans sa ville natale quand elle apprend qu’un poste se libère dans l’agence immobilière où elle a démarré sa carrière, mais son ancien patron lui préfère une autre candidate plus jeune. Constance est alors prête à tout pour récupérer la place qu’elle estime être la sienne.
Irréprochable, thriller social et psychologique nappé d’humour noir, a révélé un nouveau réalisateur et auteur en 2016, Sébastien Marnier. Journaliste et écrivain (Mimi, Une vie de petits fours), il a également signé quelques courts métrages, dont Le Grand avoir en 2002 et Le Beau Jacques en 2003 avec Philippe Nahon. Véritable coup de maître sorti au milieu de blockbusters estivaux, porté par une critique quasi-unanime, Irréprochable offre à Marina Foïs son plus grand rôle. Elle est terrifiante dans la peau de Constance, agent immobilière au chômage à Paris. Sans appartement et vivant du RSA, elle décide de retourner dans sa ville natale en Charente-Maritime, où vit également sa mère hospitalisée, pour essayer de pourvoir un emploi dans l’agence où elle a commencé sa carrière. Une jeune concurrente, Audrey, obtient le poste à sa place en acceptant d’être moins payée. Dès lors, Constance, considérant subir une injustice et mériter l’emploi, va tout faire pour le récupérer. Elle se met à suivre la jeune femme et parvient à s’immiscer dans sa vie. Portrait intime, anxiogène et glaçant d’une véritable sociopathe, Irréprochable est un fascinant portrait de femme trouble et désaxée, qui est pourtant persuadée de bien faire les choses, en étant « irréprochable », sans jamais se remettre en question.
Marina Foïs parvient à rendre humain son personnage pourtant monstrueux. Son phrasé unique et particulier, sa voix basse, son regard fuyant, renvoient à l’un de ses personnages des Robin des Bois, Sophie Pétoncule, comme si elle nous en présentait son côté obscur. La comédienne est excellemment épaulée par Jérémie Elkaïm, ancien amant de Constance qu’elle fait tourner en bourrique, Joséphine Japy (Le Moine, Cloclo, Respire) dans le rôle d’Audrey, la jeune femme qui gêne Constance, Benjamin Biolay, rencontre dans le TGV qui devient l’amant de Constance. L’histoire glaçante contraste avec très belle la photo chaude et estivale signée Laurent Brunet (La Petite Jérusalem, Free Zone, Séraphine). La composition du groupe français électro Zombie Zombie distille également un malaise du début à la fin, comme si les mélodies étaient branchées sur la psyché et le rythme cardiaque du personnage principal.
Malgré ses actes odieux et grâce à l’interprétation, y compris physique, de la comédienne, on ressent une certaine affection pour Constance, qui n’est sûrement pas devenue un monstre-humain du jour au lendemain et surtout sans raison. Il y a donc quelque chose de foncièrement touchant chez cette femme déséquilibrée et impulsive, qui se laisse envahir par ses émotions et qui en viendra à commettre l’irréparable pour arriver à ses fins, telle une voiture-bélier que plus rien ne peut arrêter, sans jamais penser aux conséquences de ses actes. Tel un soldat, pour ne pas dire machine de guerre, Constance partage son temps libre entre un entraînement physique et athlétique exténuant et la manipulation de ceux qui l’entourent. Pathétique, drôle, mais foncièrement inquiétante, mythomane, vénéneuse, déterminée et manipulatrice, Constance est un personnage qui va marquer les esprits des cinéphiles.
En toute logique, nous devrions retrouver Irréprochable à la prochaine cérémonie des César où le film pourrait rafler les compressions du Meilleur premier film et pour lequel Marina Foïs peut largement prétendre à celle de la Meilleure actrice. Les paris sont ouverts !
LE DVD
Le visuel de la jaquette d’Irréprochable, disponible chez Orange Studio, reprend celui de l’affiche d’exploitation estampillée des critiques élogieuses. Le menu principal est animé sur la musique de Zombie Zombie.
L’éditeur nous propose 12 minutes de scènes coupées, non étalonnées et non mixées, durant lesquelles Constance fait semblant de s’évanouir au milieu de ses anciennes amies, une autre où Constance allume littéralement Philippe (Jérémie Elkaïm) avant de se rétracter, ce qui rend furieux ce dernier, qui la vire de chez lui. Outre une autre séance de sport, la scène où Gilles (Benjamin Biolay) offre à Constance un sex-toy au cours d’un dîner est proposée en version longue.
Un minuscule making of de 6 minutes, suit le tournage une journée durant l’été 2015. L’occasion de voir l’investissement physique de Marina Foïs et de Joséphine Japy (courir sous un soleil de plomb), mais également le réalisateur Sébastien Marnier à l’oeuvre avec sa comédienne, ainsi que le soutien de l’équipe technique, en particulier le chef opérateur Laurent Brunet. Quelques propos des actrices, du cinéaste et de la productrice Caroline Bonmarchand sont également au programme.
L’Interactivité se clôt sur la bande-annonce.
L’Image et le son
Malgré l’engouement critique et public, il semble qu’Orange n’ait pas jugé bon de sortir Irréprochable en Blu-ray. Il faudra donc se contenter de cette édition standard, mais heureusement la qualité est là. Les couleurs sont bien loties, entre chaud et froid, le piqué est suffisamment affûté, la clarté de mise sur toutes les séquences en extérieur et les contrastes élégants. Les détails ne manquent pas sur le cadre large, les noirs sont denses. On aurait vraiment aimé une édition HD !
Le mixage Dolby Digital 5.1 instaure un excellent confort acoustique en mettant l’excellente composition de Zombie Zombie en avant, tout en délivrant les dialogues avec ardeur, sans jamais oublier les effets et ambiances annexes. Quelques basses soulignent également diverses séquences. La piste Stéréo s’en donne également à coeur joie, se révèle dynamique et même percutante dans son genre. Les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant sont également disponibles.
UN TRAITRE IDEAL (Our kind of Traitor)réalisé par Susanna White,disponible en Blu-ray et DVD le 25 octobre 2016 chez Studiocanal
Acteurs : Ewan McGregor, Stellan Skarsgård, Damian Lewis, Naomie Harris, Jeremy Northam, Mark Gatiss…
Scénario : Hossein Amini, d’après le roman Un traître à notre goût de John le Carré
Photographie : Anthony Dod Mantle
Musique : Marcelo Zarvos
Durée : 1h47
Date de sortie initiale: 2016
LE FILM
En vacances à Marrakech, un couple d’Anglais, Perry et Gail, se lie d’amitié avec un millionnaire russe nommé Dima. Ils ignorent que cet homme charismatique et extravagant blanchit l’argent de la mafia russe… Lorsque Dima demande leur aide pour livrer des informations explosives aux services secrets britanniques, la vie de Perry et Gail bascule. À travers toute l’Europe, ils se retrouvent plongés dans un monde de manipulation et de danger où chaque faux pas peut leur coûter la vie. Pour avoir une chance de s’en sortir, ils vont devoir faire équipe avec un agent anglais aux méthodes vraiment particulières…
Le romancier John le Carré a travaillé pour les services secrets britanniques dans les années 50 et 60. L’auteur de L’Espion qui venait du froid, adapté dès 1965 par Martin Ritt avec Richard Burton, est certes le mieux placé pour décrire le monde des agents qu’il a côtoyés mais, une chose est certaine, c’est que ses histoires sont loin d’être aussi «explosives» qu’un James Bond. Pourtant, moult cinéastes se sont essayés à la transposition de cet univers glacial. Martin Ritt donc, mais aussi Sidney Lumet avec MI5 demande protection (1966), Frank Pierson avec Le Miroir aux espions (1969), George Roy Hill avec La Petite Fille au tambour (1984), Fred Schepisi avec La Maison Russie (1990) porté par Sean Connery et Michelle Pfeiffer. Il faudra attendre les années 2000 pour que les scénaristes jettent à nouveau leur dévolu sur les romans de John le Carré. John Boorman avec Le Tailleur de Panama (2001), Fernando Meirelles avec The Constant Gardener (2005), probablement la plus belle et intense transposition à l’écran de le Carré, Tomas Alfredson avec La Taupe (2011), largement surestimé, sans oublier le talentueux Anton Corbijn avec le passionnant Un homme très recherché (2013), avec le regretté Philip Seymour Hoffman, dans sa dernière très grande prestation. Un traître idéal est adapté du roman Un traître à notre goût, publié en 2011.
Derrière la caméra, la réalisatrice britannique Susanna White, connue pour les mini-séries Jane Eyre (2006) et Parade’s End (2012), et dont la seule incursion au cinéma demeurait jusqu’alors le sympathique Nanny McPhee et le Big Bang en 2010. Sur un scénario d’Hossein Amini (Drive, Blanche-Neige et le Chasseur), la cinéaste livre une élégante transposition, qui repose avant tout sur ses stars, Ewan McGregor, Naomie Harris, Stellan Skarsgård et Damian Lewis. Les deux premiers interprètent Perry et Gail, un couple britannique, qui passent quelques jours à Marrakech pour essayer de reconsolider leur union. Un soir, Perry rencontre un certain Dima (Skarsgård, tatoué et l’accent soviétique imbibé de vodka), alors que Gail doit s’absenter pour son travail. Perry se lie rapidement avec ce mystérieux russe. Il va rapidement découvrir qu’il blanchit de l’argent pour la mafia soviétique. Contre toute attente, Dima demande à Perry de remettre une clef USB au MI6 lors de son retour à Londres. Dima souhaite livrer des informations explosives aux services secrets britanniques en échange de la protection de sa famille. Perry et Gail sont alors embarqués dans cette affaire, qui les mène entre Paris et Berne, sous la surveillance de l’agent Hector (Lewis), qui se retrouve face à sa hiérarchie. Intègre, il souhaite à la fois aider Dima et sa famille, mais également faire tomber les grosses pointures à qui profite l’argent sale.
Les ingrédients récurrents et chers à le Carré sont bel et bien présents : corruption des élites politiques et administratives des pays occidentaux, blanchiment international de l’argent sale introduit dans les grands groupes financiers (ici à Londres et la City avec l’accord du ministre des finances britannique). Mouvements de capitaux, argent sale, mafia russe, corruption, tout y est ! Un traître idéal est un film d’espionnage bien troussé et interprété, même si certains partis pris esthétiques – pourquoi cette photo jaunâtre ??? – n’emportent guère l’adhésion. Heureusement, l’essentiel est ailleurs et les acteurs connaissent leur boulot. On s’attache très vite aux personnages, y compris celui campé par Stellan Skarsgård, spécialiste du blanchiment d’argent de la mafia russe, repenti, qui souhaite mettre sa famille à l’abri par tous les moyens. Ewan McGregor apparaît un peu éteint dans le rôle de « l’homme dans la foule », ici un professeur de lettres, qui se retrouve impliqué malgré lui dans une affaire de crime international. Heureusement, la belle et talentueuse Naomie Harris (Moneypenny de l’ère James Bond – Daniel Craig) relève le niveau de son partenaire, tout comme Damian Lewis, que l’on verrait bien endosser le smoking de 007, impeccable et élégant.
D’ailleurs, le film ne manque pas de classe, malgré la photo un peu douteuse. Susanna White s’en tire très bien et concocte un thriller entre feu et glace qui fonctionne, qui divertit sans prendre des airs hautains comme certaines autres adaptations de le Carré. Classique, mais efficace donc.
LE BLU-RAY
Le test du Blu-ray d’Un traître idéal, disponible chez Studiocanal, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est étonnamment fixe et muet.
C’est ce qui s’appelle une « sortie technique » puisque l’éditeur ne livre que deux petites featurettes de 3 minutes. La première est consacrée aux comédiens et à la réalisatrice qui racontent quasiment toute l’histoire du film, tandis que la seconde fait un focus sur le casting. De rapides images du tournage montrent l’envers du décor, mais ces deux modules n’ont strictement aucun intérêt.
L’Image et le son
Bien que le film soit passé complètement inaperçu dans les salles, Studiocanal prend soin du thriller de Susanna White et livre un master HD au format 1080p, irréprochable et au transfert immaculé. Respectueux des volontés artistiques originales, la copie se révèle un petit bijou technique alliant des teintes chaudes, ambrées et dorées (des filtres orangés pour résumer), puis la partie bleutée et métallique de la partie anglaise, le tout étant soutenu par un encodage AVC de haute volée. Le piqué, tout comme les contrastes, sont tranchants, les arrière-plans sont magnifiquement détaillés, la colorimétrie est joliment laquée, le relief omniprésent et les détails foisonnants sur le cadre large. Un service après-vente remarquable.
Les mixages français et anglais DTS-HD Master Audio 5.1 créent un espace d’écoute suffisamment plaisant en faisant la part belle à la musique. Quelques ambiances naturelles percent les enceintes latérales sans se forcer mais avec une efficacité chronique. Les sous-titres français sont imposés sur la version originale et le changement de langue s’effectue via le menu contextuel. L’éditeur joint également une piste en audiodescription, ainsi que les sous-titres français destinés aux spectateurs sourds et malentendants.
L’ETRANGLEUR DE RILLINGTON PLACE (10 Rillington Place) réalisé par Richard Fleischer,disponible en Blu-ray et DVD le 9 novembre 2016 chez Carlotta Films
Acteurs : Richard Attenborough, Judy Geeson, John Hurt, Pat Heywood, Isobel Black, Miss Riley…
Scénario : Clive Exton, d’après le livre de Ludovic Kennedy 10 Rillington Place
Photographie : Denys N. Coop
Musique : John Dankworth
Durée : 1h51
Date de sortie initiale: 1971
LE FILM
A la fin des années 1940, Timothy et Beryl Evans emménagent avec leur petite fille au 10 Rillington Place, à Londres. Ils sympathisent rapidement avec leurs voisins du rez-de-chaussée, les Christie. Mais derrière ses airs courtois et respectables, John Reginald Christie est en réalité un meurtrier qui assassine et viole des femmes en se faisant passer pour un ancien médecin.
Dès ses premiers films réalisés dans les années 1940, Bodyguard, Assassin sans visage, Le Pigeon d’argile, le cinéaste Richard Fleischer, sous contrat avec la RKO, s’intéressait au mal et aux recoins les plus sombres de l’âme humaine. En 1959, il signe Le Génie du mal, également connu sous son titre original Compulsion, qui allait devenir le premier volet d’une trilogie criminelle. Ayant un temps envisagé des études pour devenir psychiatre, Richard Fleischer s’est toujours penché sur les obsessions de ses personnages, d’un côté ou de l’autre de la justice. Dans Le Génie du mal, adapté du roman Crime (1956) de l’écrivain et journaliste Meyer Levin (1905-1981), le cinéaste s’inspire de l’affaire Leopold et Loeb, que Levin avait par ailleurs couvert pour le compte du Daily News en 1924 alors qu’il fréquentait la même Université que les deux criminels. Nathan Leopold (1904-1971) et Richard Loeb (1905-1936) étaient deux riches et brillants étudiants en droit de l’Université de Chicago, fascinés par la théorie du surhumain de Friedrich Nietzsche. Se sentant intellectuellement au-dessus du commun des mortels et donc des lois, les deux étudiants ont décidé de tuer un adolescent de 14 ans pour le seul plaisir de réaliser un crime parfait et d’éliminer un être inférieur, donc « inutile ». Les cinéphiles auront noté quelques ressemblances avec La Corde d’Alfred Hitchcock, réalisé dix années auparavant, adapté de la pièce de Patrick Hamilton inspirée par le même fait divers. Mais ici, contrairement au film d’Hitchcock qui s’ouvre sur le crime, celui du Génie du mal reste hors-champ, car ce qui intéresse Fleischer est ailleurs.
Dans la première partie du Génie du mal, Richard Fleischer observe ses personnages avec une patience et l’oeil aiguisé d’un entomologiste. Bien avant De sang-froid de Truman Capote (publié en 1966) et adapté au cinéma par Richard Brooks l’année suivante, Fleischer réalise une étude sociologique, une analyse clinique du comportement criminel, un de ses sujets de prédilection (L’Etrangleur de Boston, nous y reviendrons) et se penche sur le rapport dominant-dominé à travers le portrait de ses deux personnages principaux. Judd Steiner (Dean Stockwell, qui avait créé ce rôle sur scène) est en état de dépendance affective et vraisemblablement amoureux de l’autre, Arthur A. Straus (Bradford Dillman) qui se sert de cette faiblesse pour l’entraîner vers l’irréparable. Un élément que nous retrouverons dans L’Etrangleur de Rillington Place. Malgré la « perfection » de ce crime, les deux étudiants sont trahis par un détail et se retrouvent sur le banc des accusés. Leur défense est confiée à un ténor du barreau, Jonathan Wilk, farouchement opposé à la peine de mort (thème que l’on retrouvera également dans L’Etrangleur de Rillinton Place, nous y reviendrons aussi) et payé à prix d’or par la famille des accusés. Dans Le Génie du mal il est interprété par Orson Welles.
Sa plaidoirie reprenant mot pour mot – ou du moins une partie puisqu’elle aurait duré près de douze heures – celle véritablement proclamée lors du procès de Leopold et Loeb, est une des plus magistrales de toute l’histoire du cinéma. Véritablement transporté par son personnage et son texte, le comédien – que Richard Fleischer était souvent obligé de freiner dans son enthousiasme – laisse pantois d’admiration durant son monologue quand il s’adresse au juge et jurés. Le comédien, ainsi que Dean Stockwell et Bradford Dillman (parfaits de cynisme et d’orgueil démesuré) se partageront le Prix d’interprétation au Festival de Cannes en 1959.
Sur un rythme vif, avec un sens inouï du cadre, un montage au cordeau, une photo N&B magnifique signée William C. Mellor (Géant), et la partition jazzy de Lionel Newman, Le Génie du mal marque une étape dans la carrière de Richard Fleischer.
En 1968, le cinéaste met en scène L’Etrangleur de Boston – The Boston Strangler, avec Tony Curtis dans un de ses plus grands rôles. Cette fois, Fleischer s’inspire des meurtres en série d’Albert de Salvo, un ouvrier plombier qui assassina une douzaine de femmes entre 1962 et 1964. Afin de refléter les troubles de la personnalité de son personnage, Richard Fleischer a recours à la technique du split screen, popularisée en 1966 par John Frankenheimer pour Grand Prix, puis réutilisée par le réalisateur Norman Jewison pour L’Affaire Thomas Crown.
Jamais gratuit, ce nouveau langage cinématographique permet à Richard Fleischer de recentrer l’attention du spectateur sur certains éléments synchrones tout en gardant le fil de son récit. Les spectateurs sont donc littéralement happés du début à la fin par ces actions multiples, qui plus est relevées par l’usage de la caméra portée Arriflex qui donne à L’Etrangleur de Boston un aspect réaliste et documentaire, surtout quand le cinéaste se penche sur le rôle et les responsabilités des politiques et des médias qui s’emparent de cette actualité.
Sans concessions, Richard Fleischer plonge son audience autant dans les méandres d’un esprit malade que dans les coins plutôt oubliés du cinéma hollywoodien comme les bars gay, en montrant à l’écran des individus pervers et obsédés sexuels, sans tabous, sans détours, avec une rare audace formelle. Rétrospectivement, L’Etrangleur de Boston apparaît comme l’un des films matrice du grand cinéma américain des années 70, mais également comme la référence ultime du genre. Cependant, le maître du thriller et du film-noir hollywoodien abordera une fois de plus le thème du serial killer peu de temps après.
Nous arrivons en 1971. Après le film de guerre Tora ! Tora ! Tora !, Richard Fleischer revient aux affaires criminelles avec L’Etrangleur de la Place Rillington, également connu sous le titre L’Etrangleur de Rillington Place, ou par son titre original 10 Rillington Place. Le cinéaste relate ici les événements liés à l’affaire John Christie, tueur en série qui sévit à Londres durant les années 1940 et 1950. Ce qui intéresse plus particulièrement Richard Fleischer ici, c’est le rapport qui s’instaure entre John Christie et Timothy Evans, qui vient s’installer avec sa femme Beryl et sa petite fille Geraldine au premier étage du 10 Rillington Place, au-dessus de l’appartement où vit John Christie et sa femme. Dès la première séquence où retentit une sirène, Fleischer instaure le lieu et la date de l’histoire qu’il va nous raconter. Nous sommes en 1944 dans un quartier pauvre de Londres. Un homme au crâne dégarni, pour ne pas dire bulbeux, lunettes rondes sur le nez et vêtu d’un uniforme de la police est suivi par une femme qu’il fait entrer chez lui. Très vite, il prépare une solution de son invention destinée à être inhalée par la personne qui attend fébrilement et qui est supposée l’aider à guérir d’une bronchite, puisque les médicaments sont rares et chers en cette période troublée. Alors qu’elle inhale le gaz, la femme commence à se débattre, mais l’homme la force en lui maintenant le dispositif, jusqu’à ce qu’elle s’évanouisse. C’est alors qu’il l’étrangle. Son corps sera enterré dans l’arrière-cour de l’immeuble. Cinq ans plus tard, John Christie accueille la famille Evans. Ses pulsions criminelles vont alors reprendre.
John Christie est interprété par Richard Attenborough, alors une des plus grandes stars du cinéma britannique et un des acteurs les plus populaires. Il livre ici une immense prestation, méconnaissable avec un faux crâne très réussi qui donne à sa tête un aspect inquiétant, renforcé par des lunettes aux verres ronds légèrement déformants.
John Christie apparaît dès le premier plan comme un être répugnant, un prédateur qui assassine froidement les jeunes femmes en les étranglant, puis qui les viole après qu’elles aient rendu leur dernier souffle. Sa rencontre avec Timothy Evans, remarquablement interprété par John Hurt, bouleversant dans un de ses premiers films, va lui donner l’occasion de se laisser aller à ses penchants criminels, tout en manipulant et en faisant porter le chapeau à cet homme, peu éduqué, analphabète, habitué à écouter les « conseils » de ceux qui lui sont supérieurement intelligents. Christie va réduire en cendres la vie d’Evans en tuant son épouse Beryl (Judy Geeson) et sa petite fille. Rongé par la culpabilité puisque Christie lui a bien fait comprendre qu’il était le principal responsable de la mort de celles qu’il aimait – Christie avait réussi à convaincre Evans de ses connaissances en médecine pour pouvoir faire avorter sa femme – Evans se dénonce à la police. Mais Christie avait envisagé cette décision.
Si Richard Attenborough et Richard Fleischer se sont engagés sur L’Etrangleur de Rillington Place, c’est pour livrer un combat direct contre la peine de mort. En effet, l’affaire John Christie / Timothy Evans, racontée dans le livre de Ludovic Kennedy, a mis en relief les erreurs judiciaires et les failles du recours à la peine de mort, qui sera finalement suspendue au milieu des années 1960, puisque Evans, jugé responsable de la mort de sa famille, a été condamné à mort par pendaison. Parallèlement, L’Etrangleur de Rillington Place demeure un des films les plus glaçants, réalistes et saisissants sur le thème du serial killer. Maître des espaces exigus, Richard Fleischer enferme littéralement le spectateur dans la bâtisse située au 10 Rillington Place. Avec ses appartements miteux aux murs suintants de crasse, son escalier étroit et son arrière-cour glauque, le décor est planté et participe au sentiment de claustrophobie distillé à travers la mise en scène stylisée et quasi-documentaire de Fleischer. Connu pour le soin apporté aux détails les plus infimes, le cinéaste livre une approche radicalement différente pour dresser le portrait de l’étrangleur de Rillington Place que pour celui de Boston, même si le film est tout autant prodigieux et oppressant avec une caméra souvent portée qui appuie le malaise des séquences de meurtres, dans un lieu isolé qui reflète l’extrême pauvreté de ses habitants. Par ailleurs, le réalisateur a mis un point d’honneur à tourner les séquences en extérieur sur les lieux-mêmes où se sont déroulés les faits et à faire écrire les dialogues à partir des témoignages d’époque et des transcriptions tirées des procès.
Si le rythme est lent, il n’en demeure pas moins maîtrisé, créant même parfois une sensation hypnotique. 45 ans après sa réalisation, L’Etrangleur de Rillington Place n’a pas pris une seule ride et l’on reste toujours estomaqué par cette peinture de l’horreur montrée sous sa forme la plus banale, qui a ensuite largement inspiré Alfred Hitchcock pour Frenzy ou même Anthony Hopkins pour son incarnation d’Hannibal Lecter.
LE BLU-RAY
Le test du Blu-ray de L’Etrangleur de Rillington Place, disponible chez Carlotta Films, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est fixe et musical.
A l’instar des Blu-ray de Terreur aveugleet des Flics ne dorment pas la nuit, Terreur aveugle s’accompagne d’une préface (7′30) réalisée par le brillant réalisateur Nicolas Saada (Espion(s), Taj Mahal). Même si l’éditeur appelle ce segment une préface, ne la visionnez surtout pas avant L’Etrangleur de Rillington Place puisque les propos de Nicolas Saada sont collés sur des images tirées du film qui révèlent beaucoup d’éléments. Le cinéaste, passionné par le cinéma de Richard Fleischer, aborde cette fois le traitement et l’approche du sujet par le réalisateur du Génie du mal, l’exploitation des lieux exigus (une spécialité de Fleischer). Nicolas Saada indique également qu’Alfred Hitchcock a vraisemblablement vu L’Etrangleur de Rillington Place et s’en est inspiré pour Frenzy réalisé un an après. Si la forme est abordée, le fond n’est pas oublié puisque Saada évoque également le fait divers à l’origine de cette histoire, ainsi que l’engagement de Richard Fleischer et de Richard Attenborough contre la peine de mort. Le casting est évidemment passé au peigne fin. De rares photos de tournage illustrent également cette présentation.
S’ensuit une rencontre tout aussi indispensable avec le réalisateur Christophe Gans, intitulé Richard Fleischer, un auteur discret (24′). Cette formidable approche sur L’Etrangleur de Rillington Place évoque tour à tour la notion du cinéma d’auteur, la grande part de la carrière de Richard Fleischer consacrée au mal, ainsi qu’aux recoins et événements les plus sordides de la société. Visiblement fasciné par le cinéaste, Christophe Gans dissèque le fond et la forme de L’Etrangleur de Rillington Place en abordant notamment le caractère social du film et son contexte réaliste. Dans une seconde partie, Gans parle du casting, du fait divers et de l’affaire Christie, ainsi que du livre qui relate ces événements et qui allait jouer un rôle prépondérant dans l’abolition de la peine de mort en Angleterre. Gans clôt cet entretien en évoquant la modestie du réalisateur Fleischer, qui ne s’est jamais engagé de manière frontale dans ses films de commande, mais qui a pourtant toujours distillé des indices qui ne trompent pas sur ses engagements.
Ne manquez pas la rencontre avec la comédienne Judy Geeson, qui interprète Beryl dans L‘Etrangleur de Rillington Place (22′). Révélée dans Les Anges aux poings fermés (1967) et aperçue dans Au service secret de Sa Majesté (1969) dans lequel elle jouait une patiente allergique recueillie au Piz Gloria, Judy Geeson est visiblement ravie de partager ses souvenirs liés au tournage de L’Etrangleur de Rillington Place. Elle revient sur son premier rôle de composition, sur son personnage, la collaboration avec Richard Fleischer, les partis pris et les intentions du film, les conditions de tournage sur les lieux mêmes du fait divers. Judy Geeson aborde ensuite l’affaire Christie, le livre de Ludovic Kennedy et son retentissement en Angleterre jusqu’à l’abolition de la peine de mort. La comédienne parle de l’écrivain, qui l’a beaucoup aidé pour préparer son personnage et qui était d’ailleurs consultant de Richard Fleischer sur le plateau. Enfin, Judy Geeson n’oublie pas de mentionner ses partenaires John Hurt et Richard Attenborough (avec quelques photos de la séance de maquillage de ce dernier), sans oublier la direction d’acteurs de Richard Fleischer, notamment lors de la scène du meurtre.
L’interactivité se clôt sur la bande-annonce.
L’Image et le son
L’Etrangleur de Rillington Place de Richard Fleischer renaît de ses cendres avec ce superbe master HD restauré à 4K ! Ce Blu-ray tient toutes ses promesses avec une superbe colorimétrie froide souvent désaturée, aux teintes brunes, des contrastes denses, des détails ciselés sur le cadre 1.66 respecté et un relief parfois étonnant. Si la définition fléchit légèrement – certaines séquences sombres en intérieur paraissent plus douces – le piqué est étonnant même s’il dépend des volontés artistiques originales et s’avère plus acéré sur les scènes tournées en extérieur. Le grain original se trouve heureusement respecté et conservé. Une élévation HD (1080p) élégante qui amplifie les partis pris esthétiques de la photographie signée Denys N. Coop. N’oublions pas de mentionner l’irréprochable propreté de la copie.
Les mixages anglais et français DTS-HD Master Audio 1.0 instaurent un excellent confort acoustique. Les dialogues sont solidement délivrés, la propreté est de mise, les effets convaincants, sans aucun souffle sur les séquences sans musique. Les effets sonores, riches et très recherchés, jouissent également d’un écrin phonique somptueux. Au jeu des différences, la version originale l’emporte sur son homologue car plus aérée, naturelle et franche dans son rendu. Les sous-titres français ne sont pas imposés sur la version originale.
TERREUR AVEUGLE (See no Evil / Blind Terror)réalisé par Richard Fleischer,disponible en Blu-ray et DVDle 9 novembre2016 chez Carlotta Films
Acteurs : Mia Farrow, Dorothy Alison, Robin Bailey, Diane Grayson, Brian Rawlinson, Norman Eshley, Paul Nicholas, Christopher Matthews…
Scénario : Brian Clemens
Photographie : Gerry Fisher
Musique : Elmer Bernstein
Durée : 1h29
Date de sortie initiale: 1971
LE FILM
Suite à une chute de cheval qui a mal tourné, la jeune Sarah perd l’usage de la vue. À sa sortie de l’hôpital, elle retourne habiter chez son oncle et sa tante dans un joli cottage de la campagne anglaise. Un jour que Sarah passe l’après-midi chez son ami Steve, un drame a lieu dans la demeure familiale…
Richard Fleischer (1916-2006), réalisateur éclectique et prolifique, est assurément l’un des plus grands metteurs en scène et raconteur d’histoire de l’industrie hollywoodienne. La plupart de ses films demeurent de vrais joyaux et continuent aujourd’hui de faire le bonheur des cinéphiles, tout en se transmettant de génération en génération. Auteur de thrillers, dont certains restent parmi les meilleurs du 7e Art à l’instar d’Assassin sans visage, Les Inconnus dans la ville, L’Etrangleur de Boston, ou bien encore Le Génie du mal, Terreur aveugle, réalisé en 1971 n’est certes pas le plus connu des films de Richard Fleischer, et pourtant cette nouvelle approche du « Mal » et de l’assassin est un vrai bijou. Terreur aveugle, Blind terror ou bien encore See no Devil n’est pas seulement un survival haletant, mais également un drame, une étude sociologique, un magnifique objet qui éblouit les yeux et qui offre à Mia Farrow un de ses rôles les plus impressionnants. Chaque cadre et chaque plan laissent pantois d’admiration. Si le Mal – la majuscule s’impose puisque Richard Fleischer, qui avait envisagé dans sa jeunesse des études pour devenir psychiatre, l’a souvent filmé comme une incarnation – est un des sujets principaux de Terreur aveugle, certains thèmes récurrents de son œuvre sont encore une fois présents avec un protagoniste esseulé, ici une femme, mélancolique, qui se reconstruit et qui doit pour cela affronter une épreuve inattendue.
Comme il n’a eu de cesse de le prouver tout au long de sa longue carrière (60 films en 45 ans), Richard Fleischer dirige ses comédiens d’une main de maître, en particulier ici Mia Farrow, époustouflante dans le rôle de Sarah, une jeune femme, victime d’un accident de cheval, qui lui a ôté la vue et qui apprend à vivre avec ce handicap. Après sa convalescence, elle retourne vivre dans la belle et grande maison de son oncle et de sa tante, isolée dans la campagne anglaise. Elle partage à nouveau sa chambre avec sa cousine Sandy. Le lendemain, elle rend visite à Steve, l’homme qui l’accompagnait au moment de son accident et avec lequel elle flirtait. Ils passent la journée ensemble, Sandy retrouvant ses marques en montant à cheval et en se laissant guider par Steve. A son retour, personne ne l’attend à la maison. Son oncle et sa tante ne sont pas rentrés de leur dîner et sa cousine, qui passait la soirée avec un prétendant secret, n’a pas non plus donné signe de vie, tout comme Barker le jardinier. Sarah s’endort avant la nuit tombée. Le lendemain matin, la maison est encore plongée dans le silence. Sarah se lève, pensant que ses habitants dorment encore. En réalité, alors qu’elle était avec Steve, l’oncle, la tante et la cousine de Sarah ont été assassinés et les corps laissés sur place dans la maison.
Le Mal est encore une fois au centre de l’intrigue de ce nouveau thriller de Richard Fleischer. Le cinéaste ouvre son film sur des spectateurs qui sortent d’un cinéma qui propose une séance en double programme, The Convent Murders et Rapist Cult, autrement dit Meurtres au couvent et Le Culte du violeur. Gros plan sur une paire de santiags étoilées et la musique d’Elmer Bernstein renforçant l’aspect cowboy-western de cet homme dont on ne verra pas le visage. Ce dernier déambule légèrement, comme s’il s’était senti ragaillardi par les deux films qu’il venait de voir. Il passe devant la vitrine d’un magasin de jouets qui propose des mitraillettes en plastique, des figurines de soldats armés jusqu’aux dents. Un peu plus loin, un marchand de journaux étale des magazines coquins et des thrillers, tandis que les manchettes des journaux indiquent en grands caractères qu’une émeute sanglante a éclaté dans la prison de la région ou que des enfants ont été massacrés. L’homme poursuit son chemin, gros plan sur ses doigts qui claquent au fil d’une mélodie qu’il est le seul à entendre. Il possède une gourmette au poignet. Il arrive devant des postes de télévision en vente qui diffusent le même film violent, en réalité Le Jardin des torturesréalisé par Freddie Francis. Il continue sa route quand soudain une voiture passe à côté de lui et roule dans une flaque d’eau qui arrose et salit ses bottes. L’homme s’arrête soudainement et observe. Un couple sort et vient accueillir une jeune femme à la gare. La voiture redémarre et l’homme prend le passage piéton où il s’arrête net. La voiture freine. Le conducteur et l’homme aux bottes semblent s’observer quelques secondes puis le premier sort la tête par la vitre et lui indique « C’est bon, on a compris… ». L’homme traverse et laisse la place à la voiture qui repart.
Après avoir visionné Terreur aveugle et pris une énorme baffe, revenir au début du film s’impose puisque tout se joue dans cette introducrion. Le Mal a toujours fasciné Richard Fleischer, dès ses premiers longs métrages réalisés à la RKO. Ici, la violence est montrée comme étant omniprésente, dans les salles de cinéma, jusque dans les journaux qui relatent les faits les plus horribles, tout comme dans les magasins de jouets. Le Mal s’incarne ici à travers cet homme aux santiags étoilées. Nous ne voyons pas sa tête, mais sa démarche chaloupée indique qu’il a visiblement pris du plaisir devant les deux films. Conditionné par l’horreur que l’on trouve à chaque coin de rue, il ne fallait sûrement pas davantage qu’une voiture qui éclabousse ses bottes, dont il prend visiblement le plus grand soin, pour que la violence que devait contenir jusqu’alors cet homme explose et s’en prenne à cette famille au sein de leur propriété. Le Mal n’a donc pas de visage – on pense d’ailleurs à Assassin sans visage, le premier long métrage de Fleischer – et pourtant si. C’est encore une fois le génie de Richard Fleischer et celui du scénariste Brian Clemens (créateur de la série Chapeau melon et Bottes de cuir), faire d’une femme aveugle la victime d’un tueur dont les spectateurs ne voient pas les traits.
Une fois qu’elle réalise l’horreur et le drame dont ont été victimes les membres de sa famille, Sarah se retrouve seule (mais pas « dans la nuit » comme le film de Terence Young avec Audrey Hepburn), livrée à elle-même. Le seul élément dont elle dispose est cette gourmette, aperçue durant le générique au poignet de l’homme aux santiags, retrouvée sur le sol, probablement égarée lors de l’interaction entre le tueur et ses victimes. Au-delà de la déambulation de Sarah dans l’immense propriété, fabuleusement mise en scène et dans un silence glacial, alors que les spectateurs découvrent horrifiés et médusés les corps gisant à côté desquels Sarah marche innocemment sans se rendre compte de rien, Terreur aveugle s’avère une réflexion sur le Mal qui peut frapper n’importe où et à n’importe quel moment. Et surtout, le Mal attire les badauds. La dernière image montre une foule agglutinée au portail en espérant apercevoir du sang ou même les corps des victimes.
Véritable leçon de mise en scène de 90 minutes, Blind Terror vaut évidemment pour l’époustouflante performance d’actrice de Mia Farrow. Le cinéaste ne la ménage pas et la comédienne se donne corps et âme à Sarah, rapidement attachante et à laquelle l’actrice prête sa frêle silhouette, son teint diaphane et ses yeux de poupée de porcelaine violentée jetée dans la boue.
Anxyogène, tendu, violent, angoissant, jouant constamment avec les nerfs des spectateurs, virtuose et stylisé avec également la magnifique photo du mythique Gerry Fisher, chef opérateur de Fedora et Le Convoi sauvage, Terreur aveugle est un thriller à la fois oppressant et réjouissant, une expérience incontournable. Un autre fascinant chef d’oeuvre à épingler au palmarès d’un des plus grands réalisateurs de tous les temps.
LE BLU-RAY
Le test du Blu-ray de Terreur aveugle, disponible chez Carlotta Films, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est fixe et musical.
A l’instar des Blu-ray de L’Etrangleur de Rillington Place et des Flics ne dorment pas la nuit, Terreur aveugle s’accompagne d’une préface (7′) réalisée par le brillant réalisateur Nicolas Saada (Espion(s), Taj Mahal). Même si l’éditeur appelle ce segment une préface, ne la visionnez surtout pas avant le film puisque les propos de Nicolas Saada sont collés sur des images tirées du film qui révèlent beaucoup d’éléments. Le cinéaste, passionné par le cinéma de Richard Fleischer, indique avoir découvert Terreur aveugle lorsqu’il était enfant et que le film l’avait beaucoup marqué. Nicolas Saada aborde ensuite la science du détail dans le cinéma de Fleischer et le sous-genre du film de terreur avec pour protagoniste un individu, la plupart du temps une femme atteinte d’un handicap comme Audrey Hepburn dans Seule dans la nuit de Terence Young et Deux mains, la nuit / The Spiral Staircase de Robert Siodmak.
C’est au tour du réalisateur belge Fabrice du Welz de s’exprimer sur Terreur aveugle (15′). L’auteur de Calvaire (2004), Vinyan (2008) et Alleluia (2015) avoue d’emblée sa fascination pour le cinéma de Richard Fleischer, dont le travail a influencé le sien du « point de vue physique et épidermique » comme il le dit lui-même. Rapprochant judicieusement Richard Fleischer de Robert Wise, Fabrice du Welz loue l’habileté et l’immense talent de ces metteurs en scène à passer d’un genre à l’autre avec aisance et un usage toujours innovant de l’outil cinématographique. Notre interlocuteur en vient plus précisément à Terreur aveugle, qui pour lui a dû forcément inspirer certains slashers et autres gialli, tout comme le travail de Brian de Palma.
L’interactivité se clôt sur une large galerie de photos, la bande-annonce originale et les credits du disque.
L’Image et le son
Carlotta Films livre un master HD qui frôle la perfection. Les partis-pris esthétiques du directeur de la photographie Gerry Fisher (Highlander, Wolfen, Le Malin) trouvent en Blu-ray un nouvel écrin et se voient entièrement respectés. Point ou peu de réducteur de bruit à l’horizon, le grain est présent tout en étant discret, la colorimétrie automnale retrouve un éclat inédit et le piqué est probant à l’instar des sublimes séquences en forêt. Le format 1.85 est conservé, la profondeur de champ fort appréciable. Notons de très légers plans flous, certains mouvements de caméra qui entraînent quelques pertes de la définition et des visages légèrement rosés. L’encodage AVC demeure solide, la gestion des noirs est impeccable, la propreté exceptionnelle et le niveau de détails impressionnant. Terreur aveugle qui affiche déjà 45 ans au compteur a bénéficié d’un lifting de premier ordre et d’un transfert d’une folle élégance.
Les mixages anglais et français DTS-HD Master Audio 1.0 instaurent un confort acoustique total. Les dialogues sont ici délivrés avec ardeur et clarté, la propreté est de mise, les effets riches, sans aucun souffle sur les séquences sans musique, comme celle extraordinaire où Sarah déambule dans sa maison sans se rendre compte de l’horreur qui l’entoure. Les effets sonores, riches et très recherchés, jouissent également d’un écrin phonique somptueux. Au jeu des différences, la version originale l’emporte sur son homologue car plus aérée, naturelle et franche dans son rendu. Les sous-titres français ne sont pas imposés sur la version originale.