LA FEMME DU DIMANCHE (La donna della domenica) réalisé par Luigi Comencini, disponible en DVD le 25 octobre 2016 chez Tamasa Diffusion
Acteurs : Jacqueline Bisset, Marcello Mastroianni, Jean-Louis Trintignant, Aldo Reggiani, Maria Teresa Albani, Omero Antonutti…
Scénario : Agenore Incrocci, Furio Scarpelli d’après le roman La Femme du dimanche (La Donna della domenica) de Carlo Fruttero et Franco Lucentini
Photographie : Luciano Tovoli
Musique : Ennio Morricone
Durée : 1h45
Date de sortie initiale : 1975
LE FILM
Garrone, un riche et célèbre architecte turinois, a été retrouvé chez lui, brutalement assassiné à l’aide d’un phallus en pierre retrouvé sur les lieux. L’inspecteur Santamaria est chargé de l’enquête. Originaire d’une famille modeste du sud de l’Italie, il navigue avec difficulté dans la haute bourgeoisie de Turin. Les suspects sont nombreux : Anna-Carla Dosio, la veuve désoeuvrée d’un industriel, oisive et séduisante, Massimo Campi, un ami homosexuel de Garrone et Lello Riviera, son amant, un petit fonctionnaire, sont tour à tour soumis aux questions pertinentes de Santamaria. L’assassinat de Riviera, qui menait sa propre enquête, brouille les pistes…
Dans les années 1970, le réalisateur Luigi Comencini a déjà bien entamé la cinquantaine et met les bouchées doubles. Loin des comédies de mœurs mégères qui ont fait sa renommée dans les années 1950-60, le cinéaste mythique de Pain, Amour et Fantaisie, Mariti in città, À cheval sur le tigre, Le Commissaire, La Ragazza, L’Incompris, Casanova, un adolescent à Venise et bien d’autres chefs-d’oeuvre entame une décennie placée sous le titre de la réflexion sur la dégradation des rapports entre individus, la bassesse de l’être humain, l’amertume et la haine qui a pourri toutes les couches sociales comme une véritable gangrène. Sur le fil entre le divertissement populaire et le drame policier ironique, La Femme du dimanche est le parfait reflet de la désillusion du cinéaste transalpin qui transparaît derrière les échanges des protagonistes, désabusés et dépassés par une enquête où tout le monde ou presque pourrait être le meurtrier d’un minable architecte libidineux et mondain, retrouvé le crâne fracassé par…un phallus en pierre.
Corrosif, La Femme du dimanche – La Donna della domenica l’est assurément. Passionnant ? Peut-être dans les débats qu’il entraîne après visionnage, beaucoup moins pendant à cause d’un rythme souvent poussif et inégal. Cette méditation amère et désenchantée – mais trop bavarde – sur les rapports de classe et la petite bourgeoisie mesquine peut tout d’abord apparaître froide, mais c’est sans compter sur le génie de Comencini qui ne nous jette pas une explicite radiographie des rapports sociaux sous les yeux. En vieux briscard et croyant en l’intelligence du spectateur, Comencini fait confiance à son audience pour décrypter ce qu’il y a au-delà, tout en respectant le livre phénomène de Carlo Fruttero et Franco Lucentini, adapté par le célèbre duo Age & Scarpelli. C’est là toute l’acuité d’un réalisateur arrivé au sommet de son art qui utilise l’art cinématographique comme objet d’analyse puisque le temps du divertissement – l’enquête n’intéresse pas Comencini – semble révolu. Mais le film vaut aussi pour son incroyable casting qui réunit Marcello Mastroianni, Jean-Louis Trintignant et Jacqueline Bisset.
Le premier est comme d’habitude parfait dans le rôle de Santamaria, le flic chargé de l’enquête. Officier méridional, il regarde le monde turinois d’un œil narquois. Ses premiers soupçons se portent sur la séduisante Anna Carla Dosio, campée par la magnifique Jacqueline Bisset. Elle est l’auteur d’une lettre où elle disait vouloir se débarrasser de Garrone, l’architecte assassiné. Mais c’est en réalité toute la bonne société et la grande bourgeoisie de la ville qui vont bientôt se retrouver dans son collimateur, pour une enquête sulfureuse où il sera question de jalousie, de prostitution et d’homosexualité. C’est là que rentre en scène Massimo Campi (Trintignant, superbe), ami et confident d’Anna Carla, qui vit secrètement avec un homme dans sa garçonnière.
Le réalisateur s’amuse à dépeindre des bourgeois décadents qui s’ennuient – ils passent leur temps à prononcer Boston à l’anglaise plutôt qu’à l’italienne – et qui profitent de la mort d’autrui pour en tirer du plaisir en jouant notamment à l’apprenti détective. C’est le cas d’Anna Carla, qui n’hésite pas à interférer dans l’enquête de Santamaria, quelque peu dépassé par les événements et les dessous insoupçonnés d’une ville corrompue. Il est aidé par son collègue De Palma (hilarant Pino Caruso), seul personnage vraiment attachant de toute cette cohue. Réalisé entre Les Aventures de Pinocchio (1975) et le film à sketchs Mesdames et messieurs bonsoir (1976), La Femme du dimanche n’est sans doute pas un grand Comencini, mais reste symbolique du cinéma italien qui n’hésitait pas à s’engager derrière les apparences de la comédie ou du film de genre, par ailleurs merveilleusement mis en musique ici par le maestro Ennio Morricone aux accents de giallo qui remplissait alors les salles. Mais mineur ou pas, La Femme du dimanche demeure une sympathique curiosité à connaître absolument.
LE DVD
Le DVD disponible chez Tamasa Diffusion repose dans un slim digipack cartonné qui comprend également un petit livret de 12 pages illustré et signé Jean A. Gili, critique cinématographique et historien du cinéma, spécialisé dans le cinéma italien. En guise d’interactivité nous trouvons une galerie de photos et d’affiches, ainsi que la bande-annonce. Aucune trace des filmographies mentionnées sur le verso. Le menu principal fixe et musical.
L’Image et le son
Posséder La Femme du dimanche en DVD était inespéré. Le film de Luigi Comencini renaît donc de ses cendres chez Tamasa dans une copie – présentée dans son format 1.66 – d’une propreté souvent hallucinante. Point d’artefacts de la compression à signaler, aucun fourmillement, les couleurs se tiennent, sont ravivées, le master est propre, immaculé, stable, les noirs plutôt concis et les contrastes homogènes. Hormis divers moirages, le cadre fourmille souvent de détails, le piqué est joliment acéré, le relief et la profondeur de champ permettent d’apprécier la ville de Turin présentée sous tous les angles, les partis pris du célèbre directeur de la photographie Luciano Tovoli (Suspiria, Nous ne vieillirons pas ensemble) sont divinement bien restitués. Certains plans rapprochés tirent agréablement leur épingle du jeu avec une qualité technique quasi-irréprochable. Une véritable redécouverte, merci Tamasa !
Seule la version originale aux sous-titres français (peu élégants) amovibles est disponible. Ce mixage demeure consistant et le souffle aux abonnés absents. Comme de coutume, la bande-son a été entièrement retravaillée en post-production, d’autant plus que Jean-Louis Trintignant et Jacqueline Bisset ne parlaient évidemment pas italien. On peut d’ailleurs repérer que Marcello Mastroianni donne la réplique en français à Trintignant.
Crédits images : © Tamasa Diffusion