DÉLUGE (Deluge) réalisé par Felix E. Feist, disponible en DVD chez lobster Films le 27 novembre 2017
Avec : Peggy Shannon, Lois Wilson, Sidney Blackmer, Matt Moore, Fred Kohler, Ralf Harolde, Edward Van Sloan, Samuel S. Hinds…
Scénario : Warren Duff, John F. Goodrich
Photographie : Norbert Brodine
Musique : Val Burton
Durée : 1h03
Date de sortie initiale : 1933
LE FILM
Une série de catastrophes naturelles frappe le monde. Les éléments se déchaînent, les grandes métropoles comme New York se retrouvent détruites sous le coup d’énormes séismes, ou englouties sous les raz-de-marée. Au lendemain du désastre, une poignée de survivants tente tant bien que mal de survivre. Martin, séparé de sa famille qu’il croit disparue, tombe éperdument amoureux de Claire, une jeune femme en proie à une bande de malfrats qui tente de la kidnapper…
Déluge ou bien Deluge sans accent en version originale, est rétrospectivement l’un des premiers films catastrophe de l’histoire du cinéma. D’ailleurs, il est amusant de voir que tout ce qui fera 60 ans plus tard le triomphe des films de Roland Emmerich est déjà présent. Réalisé par Felix E. Feist, metteur en scène de La Vallée des géants avec Kirk Douglas et producteur de la série Peyton Place, ce petit film de science-fiction ramassé sur une durée de 63 minutes, va droit à l’essentiel en montrant tout d’abord des scientifiques alarmés par l’annonce de tempêtes violentes. Les bateaux, avions et dirigeables sont tous rappelés et doivent faire demi-tour, tandis qu’une éclipse non prévue a lieu, que les baromètres s’affolent, que des séismes ont détruit l’Europe. La fin du monde est proche disent certains, les journaux deviennent fous, la cote Ouest des Etats-Unis est immergée, la Nouvelle-Orléans a disparu sous les flots également.
Sur un montage alerte et souvent percutant, Felix E. Feist enchaine les séquences d’exposition, en allant droit à l’essentiel jusqu’à la destruction de la ville de New York. Evidemment, les effets spéciaux peuvent paraître aujourd’hui complètement désuets, mais à l’époque, Déluge proposait des images inédites. Les modèles réduits se voient certes comme le nez au milieu de la figure, pourtant la scène du raz-de-marée conserve son charme poétique. Plus qu’Independence Day, c’est surtout au Jour d’après auquel on pense avec cette grande vague déferlant sur New York et qui noie progressivement la Statue de la Liberté. Si les scènes de destructions massives ont souvent été la spécialité des films de Rolans Emmerich, ce dernier a souvent eu du mal à broder autour et à aborder le thème du survival après la catastrophe. Dans Déluge, le film démarre par la grosse séquence d’effets visuels, avant de se focaliser sur ceux qui ont réussi à s’en sortir.
C’est là où le film de Felix E. Feist devient encore plus intéressant, puisqu’il montre la société obligée de repartir de zéro, mais c’était sans compter quelques individus désireux de conserver leur standing et les privilèges dont ils bénéficiaient grâce à leur bonne situation. Certains voleurs et même quelques violeurs profitent immédiatement de la situation, puisqu’il n’existe plus d’autorités et encore moins de limites. La Terre devient un champ de bataille. Pendant ce temps, Martin (Sidney Blackmer), un homme qui croit sa femme et ses deux filles décédées dans la catastrophe, sauve Claire (Peggy Shannon), une jeune femme poursuivie par des individus mal intentionnés. Il en tombe amoureux. Felix E. Feist joue sur le suspense d’un triangle amoureux puisque Martin ne sait pas que sa famille est en fait bien vivante. Alors que va-t-il se passer quand la famille se retrouvera ? Martin va-t-il retourner auprès des siens ? Va-t-il laisser Claire ? Ou prendre les deux pour compagnes qui sait ?
Cette petite production RKO reste bien divertissante avec son aspect suranné et la scène du tsunami est très sympathique avec ses buildings creux qui s’écroulent comme des châteaux de cartes. Considéré comme perdu, une copie de Déluge a finalement été retrouvée en Italie au début des années 1980. Depuis, un négatif nitrate (en anglais) qui commençait à se décomposer a été retrouver au CNC. Le film a alors bénéficié d’une restauration image et son dans les laboratoires de Lobster Films, avant de ressortir à travers le monde, y compris à la Cinémathèque française et à l’Etrange Festival.
LE DVD
C’est sous la bannière de Lobster Films, également responsable de la restauration du film, que Déluge fait son apparition dans les bacs en France. Visuel très élégant montrant la tête de la Statue de la Liberté émerger des eaux. Le menu principal est animé sur une séquence du film.
Le premier supplément de cette édition s’intitule Survival Town (3’). Il s’agit d’un reportage hallucinant montrant des essais nucléaires américains dans le désert du Nevada en 1955. La bombe est alors lâchée dans un village reconstitué avec des mannequins en guise d’habitants. Aux images très impressionnantes s’ajoutent les commentaires sérieux indiquant que la population peut être rassurée sur le fait que l’on peut survivre en cas d’attaque nucléaire, comme le montrent les murs en béton armé à peine fendus. « Un tournant d’espoir » indique le journaliste.
Le second bonus est tout aussi incroyable, puisqu’il s’agit d’un court-métrage documentaire constitué d’images filmées après le terrible séisme et les incendies qui avaient quasiment rasé San Francisco de la carte en 1906 (25’). Comment le ravitaillement et les secours se sont organisés ? Comment recommencer à vivre après cette catastrophe ? Des cartons indiquent où les images ont été filmées et dressent un listing de toutes les pertes, humaines et matérielles. Il aura fallu plus de 200 millions de dollars pour reconstruire la ville.
L’interactivité se clôt sur un extrait des Derniers Jours de Pompéi d’Ernest B. Schoesack (1935 – 10’).
L’Image et le son
Déluge est un film rescapé. Malgré le travail acharné et de titan des Laboratoires Lobster Films, cette édition restaurée contient encore forcément un lot de points, griffures, poussières, raccords de montage, fils en bord de cadre et rayures, surtout durant la séquence du tsunami. Signalons que ces défauts tendent à s’amenuiser au fil du visionnage. Si le N&B retrouve une certaine fermeté, une clarté plaisante et une densité indéniable, le piqué et la gestion du grain restent évidemment aléatoires. Des fondus enchaînés décrochent, un bruit vidéo est notable mais aidé par un encodage solide, un effet de clignotement se fait ressentir, tandis que diverses séquences sortent du lot et se révèlent plus belles et détaillées.
La bande-son a également été restaurée car peu de craquements sont à déplorer. La musique est propre, certaines séquences sont peut-être plus étouffées que d’autres, un petit souffle est parfois audible, mais le confort acoustique est très appréciable. La version française apparaît plus étriquée.
Crédits images : © Lobster Films / Captures DVD : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr