Test Blu-ray / L’Esprit de Caïn, réalisé par Brian De Palma

L’ESPRIT DE CAÏN (Raising Cain) réalisé par Brian De Palma, disponible en combo DVD-Blu-ray le 28 mars 2017 chez Elephant Films

Acteurs : John Lithgow, Lolita Davidovich, Steven Bauer, Frances Sternhagen, Gregg Henry, Tom Bower, Gabrielle Carteris…

Scénario : Brian De Palma

Photographie : Stephen H. Burum

Musique : Pino Donaggio

Durée : 1h31

Date de sortie initiale : 1992

LE FILM

Le docteur Carter Nix est un pédopsychiatre réputé qui décide d’abandonner sa carrière pour mieux pouvoir élever la fille qu’il a eue avec Jenny, elle-même médecin. Cette dernière se montre concernée par l’obsession grandissante que son mari porte à l’éducation de leur enfant, jusqu’à commencer à douter de la santé mentale de l’homme qu’elle a épousé et qu’elle croit connaître.

En 1984, Brian De Palma livre un chef d’oeuvre sur sa filiation avec son maître Alfred Hitchcock, Body Double. Puis, le cinéaste effectue un virage étonnant dans sa carrière, cela ne sera pas l’unique fois, en enchaînant trois films de studio aux budgets conséquents et portés par des stars. Les Incorruptibles (1987) est un succès mondial et vaut à Sean Connery le seul Oscar de sa carrière, Outrages (1989), interprété par Michael J. Fox et Sean Penn est un film sur les dérives de la guerre du Vietnam qui se solde par un échec au box-office. Ce changement de registre étonne les spectateurs et la difficulté de son sujet, le viol et le meurtre d’une jeune paysanne vietnamienne en 1966 par des soldats américains, entraîne son rejet total aux Etats-Unis. De Palma essaye alors de se refaire avec Le Bûcher des vanités, mais malheureusement, cette adaptation du roman de Tom Wolfe avec pourtant le trio Tom Hanks – Melanie Griffith – Bruce Willis en vedette est très mal accueillie par la presse et les salles sont désertées. Après ces expériences à la Paramount, à la Fox puis à la Warner Bros., Brian de Palma tombe dans la dépression au début des années 1990. Comme tout artiste, il décide de revenir à ses premières amours, au film à petit budget, une production indépendante plus modeste dans laquelle il mettrait à nouveau tous les thèmes qui l’animent et qui ont fait sa renommée. Ce thriller névrotique, psychologique, baroque et hitchcockien s’intitule L’Esprit de Caïn et demeure à ce jour le film le plus mal aimé, probablement le plus incompris de son auteur, celui qui entraîne le plus de débats au sein même de la sphère des fans du réalisateur.

Sorti en 1992, Raising Cain détonne et la critique conspue immédiatement ce film. « Grotesque », « ridicule », « absurde », « outrancier », rarement un film de Brian De Palma aura été à ce point controversé et traîné dans la boue. Pourtant, rétrospectivement, ces qualificatifs reflètent bien ce film du réalisateur de Phantom of the Paradise, qui concentre le plus la sève de sa création. Le spectre d’Alfred Hitchcock plane évidemment sur Raising Cain, comme si Brian De Palma, après s’être éloigné de ses thèmes de prédilection, se sentait à nouveau attirer par celui qui lui a donné envie de faire ce métier de cinéaste. Magistralement interprété par John Lithgow, le personnage principal schizophrène atteint de dédoublement de la personnalité renvoie à la propre situation de De Palma, pris entre son désir de conserver son indépendance, ainsi que sa liberté créatrice, et son obligation à se plier aux directives des studios hollywoodiens afin de survivre dans l’industrie cinématographique. Le cinéaste use de ficelles devenues « populaires » à l’instar du soap opéra, caractérisé par l’idylle entre une femme (la ravissante Lolita Davidovich) avec son ancien amant (Steven Bauer), filmée comme un épisode des Feux de l’amour. Redoutablement intelligent, Brian De Palma dynamite ces codes afin de mieux les parasiter, en incluant ses thèmes récurrents, la perversité, le voyeurisme, la frustration sexuelle, le meurtre à l’arme blanche, le travestissement, le double. L’Esprit de Caïn n’est pas une parodie, mais une œuvre maîtrisée de A à Z par un réalisateur bien trop heureux de faire perdre ses repères à un spectateur devenu trop conditionné par une esthétique acidulée et des histoires à l’eau de rose tirées d’un mauvais roman de gare.

Nul autre film que Psychose a su parler de la psyché bouleversée d’un être humain. Le chef d’oeuvre d’Alfred Hitchcock est omniprésent dans L’Esprit de Caïn, tout comme Le Voyeur de Michael Powell, mais contrairement à un Quentin Tarantino ou un Nicolas Winding Refn qui se contentent la plupart du temps de plagier leurs modèles, les références ont été digérées par De Palma dont l’oeuvre n’a de cesse de converser avec celle de ses modèles. Par ailleurs, Brian De Palma s’autocite avec humour à travers quelques motifs puisque nous retrouvons la grande femme blonde aux lunettes noires de Pulsions, ou bien encore la panique de la femme en train de se noyer qui n’est pas sans rappeler l’une des séquences de Blow Out. John Lithgow se délecte dans ce rôle-multiple (Carter/Caïn/Dr. Nix/Josh/Margo), qui a vraisemblablement et très largement inspiré James McAvoy dans le formidable Split de M. Night Shyamalan, qui comme une mise en abyme a de son côté été bercé par le cinéma de Brian de Palma et d’Alfred Hitchcock. Rythmé par les sublimes accords de Pino Donaggio (Carrie au bal du diable), L’Esprit de Caïn ne cesse de déstabiliser les spectateurs, en leur faisant constamment perdre leurs repères, les obligeant ainsi à recomposer systématiquement l’histoire qu’on leur montre et que Brian de Palma n’a de cesse de leur déconstruire en jouant à la fois sur la temporalité, l’inconscient, avec parfois des rêves qui s’imbriquent dans d’autres rêves au moyen d’un montage chronologique…mais défragmenté.

C’est cette construction et ce mélange de genres qui a visiblement choqué les spectateurs à la sortie du film, avant d’être « remonté » en 2012 par Peet Gelderblom, un réalisateur néerlandais fan de Brian De Palma et de L’Esprit de Caïn, qui ayant appris que le cinéaste avait décidé – chose qu’il a ensuite regretté – de changer la structure originelle de son film en postproduction (afin de ne pas trop perdre de spectateurs), a décidé de le recomposer en suivant le scénario initial et en se servant d’une simple copie en DVD. Si ce recut, proposant les mêmes scènes mais dans un ordre différent et une durée identique, rapproche encore plus L’Esprit de Caïn de Pulsions, l’expérience est moins viscérale et vertigineuse, plus classique et linéaire, bien que ce recut mélange à la fois le présent, le passé et les songes. Malgré tout, cette version remaniée avec l’adoubement de Brian De Palma himself – qui a voulu que les deux moutures soient proposées en Blu-ray – s’avère une belle curiosité, L’Esprit de Caïn conserve indéniablement plus de force dans son cut cinéma, plus axé sur le trouble dissociatif de son personnage principal (qui passe au second plan dans le recut), plutôt que sur sa critique de l’adultère, dans laquelle on se perd finalement moins et qui reflète moins le chaos psychologique de Nix/Caïn.

Virtuose, comme ce long et extraordinaire plan-séquence durant lequel Frances Sternhagen détaille la personnalité et le trauma de Carter Nix, Raising Cain s’adresse donc non seulement aux cinéphiles passionnés par le genre et par la filmographie de Brian De Palma, mais aussi aux cinéphiles férus de technique, tout comme à ceux qui possèdent un bagage nanti de références. Injustement considéré comme mineur et souvent dissimulé derrière des oeuvres prestigieuses et mondialement reconnues, L’Esprit de Caïn est pourtant un film à la fois matriciel, somme et définitif d’un des plus grands auteurs de l’histoire du cinéma.

LE BLU-RAY

Elephant Films édite l’un de ses titres les plus importants à ce jour. Cette édition combo de L’Esprit de Caïn se compose de deux Blu-ray, la version cinéma d’un côté (disque rouge), la version « Director’s Cut » 2016 de l’autre (disque bleu), sans oublier le DVD du montage cinéma (disque jaune). Les trois galettes, ainsi qu’un livret de 20 pages écrit par Stéphane du Mesnildot, critique aux Cahiers du Cinéma (qui reprend l’essentiel de sa présentation dans les bonus), reposent dans un boîtier transparent glissé dans un surétui. La jaquette est réversible. Le visuel du recto a été concocté pour cette sortie dans les bacs, tandis que l’affiche originale est disponible au verso. A vous de choisir ! Le menu principal de chaque disque est animé sur la musique de Pino Donaggio.

Le montage cinéma s’accompagne d’une formidable présentation par Stéphane du Mesnildot, que nous évoquions plus haut (21’). L’intervenant replace L’Esprit de Caïn dans la carrière de Brian De Palma, insiste sur le côté œuvre maudite, détaille les thèmes du film qui nous intéresse, revient sur l’accueil très froid de la part de la critique et des spectateurs, sans oublier les références de Brian De Palma (Le Voyeur, Psychose, Pas de printemps pour Marnie, Pulsions, Ne vous retournez pas), la forme très détaillée avec l’usage du plan-séquence et du cadre dans l’image. Une analyse précise, passionnante et très détaillée.

L’interactivité se clôt sur une galerie de photos et des bandes-annonces.

Le Blu-ray de la version « Director’s Cut » (terme autorisé par le maître en personne) démarre automatiquement par un clip de 2’30, durant lequel Peet Gelderblom, dont nous parlons dans la critique du film, présente la raison d’être de ce recut. Ce segment intitulé Le Changement de Caïn, la restauration du classique culte de Brian De Palma, est également disponible dans la section des suppléments.

Comme il l’indique dans le module précédent, Peet Gelderblom a présenté sa version « Director’s Cut » de L’Esprit de Caïn, dans un essai vidéo posté sur le site IndieWire en 2012. C’est après avoir découvert cet exposé, que Brian De Palma, tout comme plusieurs de ses confrères (dont Edgar Wright) s’est dit très heureux et impressionné par ce remodelage qu’il avait finalement abandonné avant la sortie du film dans les salles. Elephant Films propose de découvrir ce petit documentaire en question (13’), dans lequel Peet Gelderblom revient sur chacune des étapes qui ont conduit à cette version alternative.

L’interactivité se clôt sur une galerie de photos et les credits.

L’Image et le son

Le sort réservé à chaque mouture est différent. La version cinéma 1992 est la mieux lotie. Le film est disponible sur un BD 50, double couche donc, et la copie présentée, même si elle ne peut rivaliser avec les standards actuels à 2 ou 4K, s’en sort très bien. La gestion du grain argentique est solide, les couleurs plaisantes et ravivées. Bien qu’elle ne paraisse pas récente et que les détails manquent parfois à l’appel, la restauration est indéniable (à peine quelques points blancs à signaler), les contrastes élégants et la stabilité est de mise. En revanche, le « Director’s Cut » 2016, présenté sur un BD 25 apparaît plus délavé avec un aspect étonnamment plus lisse, une compression moins discrète et un bruit vidéo parfois palpable. Dans les deux cas, le film est évidemment proposé dans son format original 1.85.

Les versions originale et française (présentes sur les deux montages) bénéficient d’une piste DTS-HD Master Audio Stéréo 2.0 exemplaire et limpide, restituant les dialogues avec minutie – moins en version originale toutefois – ainsi que l’enivrante bande originale signée Pino Donaggio qui jouit d’un coffre inédit. Les effets sont solides, le confort acoustique largement assuré et nous découvrons même quelques ambiances inédites qui avaient pu échapper à nos oreilles jusqu’à maintenant. La piste française se focalise un peu trop sur les dialogues et le doublage de John Lighgow au détriment des effets annexes, plus saisissants en version anglaise. Un souffle léger demeure constatable en français pour les deux options acoustiques. Le mixage français est certes moins riche mais contentera les habitués de cette version. Nous échappons heureusement à un remixage 5.1 inutile. Les sous-titres français ne sont pas imposés.

Crédits images : © Universal Studios. / Elephant Films / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Chacun sa vie, réalisé par Claude Lelouch

CHACUN SA VIE réalisé par Claude Lelouch, disponible en DVD et Blu-ray le 18 juillet 2017 chez Metropolitan Vidéo

Acteurs : Eric Dupond-Moretti, Johnny Hallyday, Nadia Farès, Jean Dujardin, Christophe Lambert, Antoine Duléry, Marianne Denicourt, Rufus, Gérard Darmon, Julie Ferrier, Stéphane De Groodt, Béatrice Dalle, Jean-Marie Bigard…

Scénario : Claude Lelouch, Grégoire Lacroix, Valérie Perrin, Pierre Uytterhoeven

Photographie : Robert Alazraki

Musique : Laurent Couson, Francis Lai, Dimitri Naiditch

Durée : 1h53

Date de sortie initiale : 2017

LE FILM

Ils ne se connaissent pas, mais tous ont rendez-vous pour décider du sort d’un de leurs semblables. Avant d’être juges, avocats ou jurés, ils sont d’abord des femmes et des hommes au tournant de leurs existences, avec leurs rêves et leurs secrets, leurs espoirs et leurs limites, tous sous un même soleil, chacun avec sa part d’ombre. Dans une jolie ville de province, le temps d’un festival de jazz, la vie va jongler avec les destins…

C’est souvent dans l’ordre des choses. Après avoir fait un film relativement bon, Claude Lelouch s’évertue toujours à enchaîner avec un nouvel opus en repoussant les limites dans ce qu’il peut faire de pire. Un plus une ayant été une belle réussite, Chacun sa vie est à marquer d’une croix dans la carrière du cinéaste puisque sa comédie de mœurs s’avère complètement ratée, mais pas désagréable dans le sens où le film devient hilarant là où le cinéaste lui-même ne l’avait évidemment pas prévu. Avec près de 60 courts, longs métrages (son 46e ici) et documentaires à son actif en 60 ans de carrière, on pouvait penser que Claude Lelouch prendrait un peu de repos à presque 80 ans. C’était mal le connaître. Le metteur en scène d’Un Homme et une femme, Roman de gare, Tout ça…Pour ça ! aurait pu (dû ?) s’arrêter sur Un plus une, il serait ainsi parti sur une bonne note. Mais non. Une fois de plus il a décidé de reprendre sa caméra à l’épaule pour filmer le destin, des acteurs et des actrices plongés dans le hasard et les coïncidences, dans leurs histoires d’amour, des tranches de vie aussi grasse que des tranches de lard.

Claude Lelouch signe ses Dix Commandements et tel un Cecil B. DeMille parigot s’entoure d’un casting à faire frémir Les Cahiers du cinéma avec par ordre alphabétique : Ramzy Bedia, Samuel Benchetrit, Jean-Marie Bigard, Béatrice Dalle (Swann d’or de la meilleure actrice, si si), Gérard Darmon, Stéphane De Groodt, Vanessa Demouy, Marianne Denicourt, Jean Dujardin, Antoine Duléry, Éric Dupond-Moretti, Nadia Farès, Julie Ferrier, Liane Foly, Déborah François, Kendji Girac, Johnny Hallyday, Francis Huster, Chantal Ladesou, Christophe Lambert, Michel Leeb, Pauline Lefèvre, Philippe Lellouche, William Leymergie, David Marouani (oui de David et Jonathan), Raphaël Mezrahi, Vincent Perez, Rufus, Mathilde Seigner, Zinedine Soualem et Elsa Zylberstein. Ils sont tous là pour ce qu’ils croyaient être le meilleur, mais ce qui s’avère le pire.

Chacun sa vie prend la forme d’un film choral (comme La Belle Histoire ou Les Uns et les Autres), d’un film à sketches qui s’imbriquent continuellement à travers des séquences incroyables car constamment foirées. L’histoire ? Stéphane (De Groodt) veut divorcer de Nadia (Farès), donc ils se mettent à chanter à table comme dans un film de Jacques Demy. Samuel (Benchetrit) cherche à se réconcilier avec Jessica (Déborah François) lassée de son manque de tendresse. Malgré ses 45 ans bien tapés il enfile son jean slim et vient l’embêter à l’hôpital où elle travaille. Une prostituée (Dalle) se confie à son client (Dupond-Moretti), et lui annonce qu’elle souhaite raccrocher. Lui, veut être son dernier client. Un commissaire (Dujardin) reçoit la visite de Johnny Hallyday (Jean-Philippe Smet aka) qui porte plainte contre à un sosie qui lui cause du tort. Ou comment perdre Johnny dans un nouveau film méta. La comtesse (Zylberstein) tombe dans les bras de l’idole des jeunes et déclare aux yeux du monde que toutes les femmes rêvent de coucher avec Johnny, les yeux en pleurs, en hurlant, la morve au nez. François (Michel Leeb, toujours pas remis de son pitch sur l’art de la pizza dans Les Parisiens du même Lelouch) reçoit la visite désagréable de sa contrôleuse fiscale (Ladesou) et tente de l’acheter avec un collier d’une fortune inestimable. Nathalie (Ferrier) et Eugénie (Foly), une chanteuse, veulent se séparer, mais avec le sourire. Bon et n’oublions pas pêle-mêle Jean-Marie Bigard dans un remake de Docteur Patch qui perché sur son hoverboard raconte des histoires de cul bien graveleuses à ses patients car le rire guérit de tout, Christophe Lambert qui lampe du grand cru à plat ventre, Antoine Duléry dans un double rôle donc deux fois plus mauvais, Marianne Denicourt qui a la tête penchée quand elle est triste, Rufus et son béret de chauffeur de taxi, Gérard Darmon à poil full frontal qui frictionne un autre mec sous la douche, Julie Ferrier elle aussi dans un double rôle dont celui d’une cagole, Liane Foly (encore elle) qui chante du Johnny dans une parodie des Blues Brothers, Francis Huster qui parodie Francis Huster au premier degré, Vanessa Demouy qui taille une pipe à son compagnon Philippe Lellouche et à Raphaël Mezrahi (sans avoir de dialogues car on ne peut pas parler la bouche pleine), William Leymergie qui n’a plus de boulot et qui se reconvertit dans le cinéma après plusieurs apparitions chez…Lelouch. Tout ce petit monde va se croiser, dans une sarabande des sentiments. N’en jetez plus, c’est trop de bonheur.

Chacun sa vie est une véritable expérience cinématographique en soi. Il faut tout d’abord se farcir un discours de Dupond-Moretti sur le destin avant d’enchaîner avec le générique de huit minutes, filmé lors d’un concert de Johnny Hallyday. Huit minutes de Toute la musique que j’aime avec le chanteur sur scène donc, mais également un sosie de Johnny (incarné par l’idole des jeunes lui-même), qui entonne les paroles sans les savoir. Et ce n’est que le début, chaque séquence du film, chaque histoire – nous n’avons pas compté, mais il doit y en avoir treize connaissant le cinéaste – instaure un vrai malaise. Malaise devant le jeu souvent éhonté des comédiens, la palme revenant sans conteste à Elsa Zylberstein dans une séquence où son personnage doit témoigner devant la barre pour avoir succombé au charme de Johnny. Malaise aussi devant les dialogues venus d’un autre temps, d’un autre univers peut-être. Un amoncellement de phrases toutes faites, de slogans publicitaires pour la Foir’Fouille ou d’un club de rencontres pour le troisième âge, déclamées avec une fausse spontanéité. Même les jeunes sont montrés comme des vieux cons dans Chacun sa vie.

Malaise encore durant cette séquence où Philippe Lellouche se fait faire une petite gâterie par sa (véritable) compagne Vanessa Demouy, alors qu’il est au volant de sa belle voiture de sport sur une route de campagne. Quand soudain deux motards l’arrêtent, Raphaël Mezrahi et David de David et Jonathan. Afin de ne pas être verbalisé, Lellouche propose aux deux gendarmes de passer un peu de temps avec sa copine. Mezrahi accepte et s’installe au volant, les deux autres s’éloignent. Tandis que Lellouche dit à l’autre gendarme « attendez un peu, ça va être votre tour, vous m’en direz des nouvelles ! » l’autre lui rétorque qu’il préfère en fait les mecs. Regard bas de Lellouche. Ouin ouin ouinouinouin…

Voilà, des scènes comme ça à la Kamoulox il y en a des tas dans Chacun sa vie, filmé comme un spot promo pour Norwich Union sur une musique d’André Rieu ou plutôt de Jean-François Copé au synthétiseur. Mais c’est finalement touchant, car c’est ça la vie pour Lelouch. C’est à la fois profondément naïf et prétentieux, pathétique et attachant, puant et désopilant, il faut le voir pour le croire. Enfin, nous terminerons cette chronique par l’une des blagues raffinées racontées par Jean-Marie Bigard, médecin-chef de service devant un parterre d’internes outrés : « Tu sais pourquoi les hippopotames ils font l’amour dans l’eau ? Bah t’essaieras de faire mouiller une chatte de 200 kilos ! ». Quand on sait que Claude Lelouch a eu l’idée de son film en écoutant une plaidoirie de l’avocat Eric Dupont-Moretti, on n’ose imaginer ce qui lui viendra à l’esprit après avoir mangé un bon cassoulet.

Une des plus grandes comédies (involontaires) de tous les temps, une ode au mauvais goût qui rejoint instantanément le T’aime de Patrick Sébastien. Magistral.

LE BLU-RAY

Le test du Blu-ray de Chacun sa vie, disponible chez Metropolitan Vidéo, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est animé sur la musique du film.

Pour celles et ceux qui auraient aimé le film, du moins au même degré que l’auteur de ces mots, il est fortement conseillé de se pencher sur les 75 minutes de suppléments proposés par l’éditeur tant ceux-ci prolongent le délire du film.

C’est le cas pour les scènes coupées (4’30) durant lesquelles Stéphane De Groodt se parle à lui-même façon Gollum/Smeagol, plus d’autres bouts de scène sans intérêt, qui auraient donc pu être gardés au montage final puisque cela n’aurait rien changé.

S’ensuit un long documentaire (22’30) qui commence par un délire (encore un) de Claude Lelouch. On le voit entouré de ses treize étudiants des Ateliers du Cinéma de Beaune, qu’il a lui-même créés. Deux sont habillés en mariés, tandis que les autres les entourent, une caméra à la main. Lelouch leur demande de filmer « l’événement » de leur point de vue, afin de se familiariser avec leur appareil qui capte « l’instant de vie », tout en leur bourrant le crâne sur sa technique. Heureusement, cela ne dure pas la totalité du module, mais six minutes environ, ce qui est déjà pas mal. On retrouve ensuite Lelouch nous parler de ses élèves (qui prennent également la parole) et de leur travail sur Chacun sa vie, à travers quelques images du tournage. Les comédiens interviennent également et évoquent face caméra « l’immense talent », « la virtuosité » et « le génie » de Claude Lelouch. Un documentaire écrit et réalisé par Claude Lelouch. Ou pas.

Le bonus suivant installe une fois de plus le réalisateur dans un fauteuil, cette fois en compagnie d’Éric Dupond-Moretti (9’). Les deux compères reviennent sur leur rencontre, sur leur collaboration et le tournage du film. On tousse quand Claude Lelouch déclare qu’il y a du Lino Ventura chez Dupond-Moretti, on s’étrangle quand le premier récidive en disant qu’il le ferait bien tourner le second dans un prochain film.

En guise de making of, Metropolitan nous confie une petite vidéo de 3’30 constitué de propos de…ah bah de Claude Lelouch tiens, repris d’une interview disponible un peu plus loin dans l’interactivité. Le tout illustré par des images provenant du plateau où tout le monde il est beau et où tout le monde il est gentil. Quand Lelouch déclare qu’il avait de quoi faire au moins treize films avec les histoires présentes dans Chacun sa vie, on rigole. Moins, quand on s’aperçoit qu’il est sérieux.

Une grande partie du casting était réunie à Beaune pour l’avant-première de Chacun sa vie le 2 mars 2017 (10’30). La troupe débarque, petit foulard autour du cou, fardée de fond de teint et coiffée par Franck Provost pour présenter le film, avant de participer à une conférence de presse où chacun fait son petit show, tout en caressant l’ami Claude dans le sens du poil en lui disant qu’il est génial. Une conférence de presse écrite par Claude Lelouch. Ou pas encore une fois.

Last but not least, ne manquez pas l’interview de…ah bah de Claude Lelouch une dernière fois, mais on s’y attendait hein. Un peu plus de vingt minutes durant lesquelles le réalisateur se lance dans des délires à la Van Damme période cocaïne. Il a un avis sur tout. Il nous parle de sa vision du cinéma, de ses intentions, de son travail avec les comédiens, de la vie, de la septième saison de Game of Thrones, de l’arrivée de Neymar au PSG, de l’augmentation du Navigo et de tout un tas d’autres choses. Rayez les mentions inutiles. C’est très drôle, jamais informatif, on en redemande surtout quand il lance des phrases du genre « l’échec, c’est le terreau du succès ! ». Ses plantes doivent être très belles alors.

L’interactivité se clôt sur un lot de bandes-annonces et des liens internet.

L’Image et le son

Comme d’habitude, l’éditeur soigne son master HD qui se révèle exemplaire. Le label «  Qualité Metropolitan » » est donc encore une fois au rendez-vous pour le Blu-ray de Chacun sa vie. L’image bénéficie d’un codec AVC de haut niveau, des contrastes d’une densité jamais démentie, ainsi que des détails impressionnants aux quatre coins du cadre large. Certains plans étendus sont magnifiques et tirent entièrement parti de cette élévation en Haute définition. Les visages, filmés en gros plans, des comédiens peuvent être analysés sous toutes leurs coutures (nous ne ferons aucune métaphore avec le visage de Johnny non non non), la photo est ambrée et chaude, la clarté demeure frappante, tout comme la profondeur de champ, le piqué est affûté et les partis pris esthétiques merveilleusement restitués. Ce Blu-ray est évidemment une franche réussite technique et offre de fabuleuses conditions pour revoir le film de Claude Lelouch lors d’une soirée nanar.

D’emblée, l’ensemble des enceintes est mis à contribution aux quatre coins cardinaux sur l’unique piste DTS-HD Master Audio 5.1. Les ambiances fusent de tous les côtés dès le logo Metropolitan, puis lors du concert de Johnny qui ouvre le film. L’omniprésente musique du fidèle Francis Lai bénéficie d’un traitement de faveur avec une large ouverture. Les dialogues ne sont jamais pris en défaut et demeurent solidement plantés sur la centrale, avec des effets latéraux constants. L’éditeur joint également une piste Audiodescription, ainsi que les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant.

Crédits images : © Metropolitan FilmExport / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / T2 – Trainspotting, réalisé par Danny Boyle

T2 TRAINSPOTTING réalisé par Danny Boyle, disponible en DVD, Blu-ray et 4K Ultra HD le 12 juillet 2017 chez Sony Pictures

Acteurs : Ewan McGregor, Ewen Bremmer, Jonny Lee Miller, Robert Carlyle, Kelly MacDonald, Anjela Nedyalkova, Irvine Welsh, Shirley Henderson…

Scénario : John Hodge d’après les romans Trainspotting et Porno d’Irvine Welsh

Photographie : Anthony Dod Mantle

Musique : Rick Smith

Durée : 1h57

Date de sortie initiale : 2017

LE FILM

D’abord, une bonne occasion s’est présentée. Puis vint la trahison. Vingt ans après, certaines choses ont changé, d’autres non. Mark Renton revient au seul endroit qu’il ait jamais considéré comme son foyer : Edimbourg. Spud, Sick Boy et Begbie l’attendent. Mais d’autres vieilles connaissances le guettent elles aussi : la tristesse, le deuil, la joie, la vengeance, la haine, l’amitié, le désir, la peur, les regrets, l’héroïne, l’autodestruction, le danger et la mort. La vie ? Toutes sont là pour l’accueillir, prêtes à entrer dans la danse…

Cela faisait plus de vingt ans que certains cinéphiles espéraient et attendaient le retour de Renton, Spud, Sick Boy et Begbie. Longtemps annoncée, puis reportée, enfin concrétisée, la suite de Trainspotting a enfin pu voir le jour. Lancés avec Petits meurtres entre amis, le réalisateur Danny Boyle et le comédien Ewan McGregor ont ensuite explosé dans le monde entier avec Trainspotting, petite production tournée avec 3,5 millions de dollars, qui en avait rapporté 72 millions et attiré plus d’un million de spectateurs en France à sa sortie en juin 1996. Après Une vie moins ordinaire (1997), Ewan McGregor et Danny Boyle ne se sont pas adressé la parole pendant une dizaine d’années, l’acteur n’ayant pas apprécié d’être remplacé par Leonardo DiCaprio dans La Plage en 2000. En raison de ces rapports tendus et de la difficulté à synchroniser leurs emplois du temps respectifs, la suite de Trainspotting a été maintes et maintes fois repoussée. Depuis, de l’eau a coulé sous les ponts et donc T2 Trainspotting, puisque le film est intitulé ainsi, est arrivé sur les écrans en 2017.

Que sont-ils devenus ? Mark Renton semble en avoir fini avec la drogue. Il a un travail sûr à Amsterdam qui lui assure un train de vie confortable. Il revient à Edimbourg, sa ville natale qu’il ne reconnaît plus. Il avait besoin de ce retour aux sources afin de se confronter à ses démons et à ses amis, Sick Boy, Spud et Begbie, qu’il avait trahis lors d’un deal de drogue vingt ans plus tôt en emportant avec lui un butin de 16 000 £. Il retrouve Sick Boy, qui a remplacé l’héroïne par la cocaïne et qui dirige une très lucrative agence d’escort girls, tout en tenant désespérément le pub déserté de sa tante. Spud, lui, a du mal à avoir une vie normale tant il a abusé des drogues et se laisse aller à des pulsions suicidaires. Après vingt ans de prison et voyant toutes ses demandes de liberté conditionnelle rejetées, Begbie parvient à s’évader. Il est bien décidé à se venger et à prendre sa revanche sur Renton. Notre quatuor est donc bel et bien présent, pour notre plus grand plaisir.

Trainspotting est rapidement devenu un film culte et a su traverser les années sans trop de dommages. Danny Boyle a su démontrer son savoir-faire dans des genres différents (28 jours plus tard, Sunshine, 127 heures) jusqu’à la consécration ultime avec Slumdog Millionnaire. Bien que ses films aient été souvent marqués par des budgets modestes, Danny Boyle a toujours su imposer un style visuel reconnaissable et une énergie revigorante. T2 Trainspotting ne déroge pas à la règle et outre la joie non dissimulée de retrouver les personnages, le cinéaste signe également une œuvre mélancolique sur le passage du temps. C’est ainsi que Mark « Rent Boy » Renton parti d’un point A revient finalement au point A, là où tout avait commencé, là où rien n’avait commencé. La fureur de vivre s’est dissoute, sauf en ce qui concerne Francis « Franco » Begbie qui enfermé depuis vingt ans derrière les barreaux n’a eu de cesse de voir son désir de vengeance s’exacerber. La vie n’a pas changé pour lui puisqu’il n’a rien connu d’autre depuis son arrestation. Il reste très violent et inquiétant (si ce n’est plus), même les cheveux blancs et la bedaine. Si le feu s’est consumé, les personnages doivent apprendre à vivre à partir de ce qui reste des cendres de leur jeunesse. Daniel « Spud » Murphy parvient tant bien que mal à survivre, seul dans son appartement miteux. Ses retrouvailles avec Renton vont l’aider à lâcher définitivement l’héroïne. Quant à Simon « Sick Boy » Williamson, il parvient à se faire quelques rentrées d’argent en faisant du chantage auprès de bourgeois, filmés dans quelques positions compromettantes avec la délicieuse Veronika (Anjela Nedyalkova, révélée dans le rôle-titre du film Avé de Konstantin Bojanov), complice de Sick Boy, qui les attirent dans une chambre tamisée où une caméra a été dissimulée.

Si l’on craignait tout d’abord que T2 Trainspotting se contente de nous refaire le même film, le scénario original de James Hodge (complice de Danny Boyle depuis toujours), qui ne s’inspire que très sporadiquement de Porno (2002), la suite du livre écrite par Irvine Welsh, parvient à jouer avec la nostalgie du spectateur, tout en lui offrant quelque chose de frais. Ewan McGregor, Ewen Bremmer, Jonny Lee Miller et Robert Carlyle assurent le show avec classe et leur plaisir à retrouver ces personnages qui ont contribué à lancer leurs carrières respectives est contagieux. Si elle ne fait qu’une brève apparition, Kelly MacDonald est également de la partie, ce qui nous permet de comprendre que Diane est devenue une avocate qui a réussi. Le film est truffé de scènes destinées à devenir cultes (la soirée 1690, la course-poursuite dans le parking), marqué par une b.o explosive (Young Fathers, Wolf Alice, The Rubberbandits, Blondie) et une mise en scène au cordeau avec quelques réminiscences intelligemment amenées.

T2 Trainspotting ne cesse d’étonner par ses partis pris, par son approche des revers de la vie et des espoirs déçus. Bien qu’ils aient passé beaucoup de temps à fuir et à courir, personne, pas même Renton, ne peut finalement retenir et encore moins devancer le temps qui finit par nous rattraper. Finalement, après être finalement revenu au bercail, que faire maintenant ? Pourquoi ne pas écouter un album digne de ce nom ? Alors que Bowie s’en est allé et qu’Iggy Pop résiste encore, autant mettre Lust For Life à fond comme au bon vieux temps et on verra bien ce que nous réservent ces quarante prochaines années.

LE BLU-RAY

Le Blu-ray de T2 Trainspotting repose un boîtier classique de couleur bleue, glissé dans un surétui cartonné. Le visuel de la jaquette reprend l’un des visuels promotionnels avec nos quatre loustics occupant des toilettes. Etat-il nécessaire de la gâcher par les étoiles provenant des critiques françaises dithyrambiques ? Le menu principal est fixe et musical.

Les amateurs de suppléments seront ravis d’apprendre que l’éditeur nous propose ici près de trois heures de bonus !

On commence par le commentaire audio de Danny Boyle et du scénariste John Hodge, disponible en version originale sous-titrée en français. Les deux complices reviennent essentiellement sur le succès et le phénomène du premier film, la longue gestation de T2 Trainspotting et l’évolution des personnages. S’ils se marrent beaucoup pendant l’exercice, les deux intervenants ne livrent pas le commentaire du siècle. Mais comme ils ne s’arrêtent pour ainsi dire jamais de parler, qu’ils passent du coq à l’âne, qu’ils ne manquent pas d’anecdotes sur le tournage et qu’ils sont très sympathiques, il serait dommage de ne pas en profiter. Un commentaire distrayant.

Comme il l’indique dans le supplément précédent, Danny Boyle a beaucoup coupé au montage, surtout dans la première partie qui se penchait plus longuement sur chacun des personnages. Afin de les réunir le plus vite possible à l’écran, ces séquences n’ont donc pas été montées et se trouvent essentiellement réunies dans la section des scènes coupées (30’). Il y a donc plus de scènes en prison avec Begbie (et une où il se réveille pendant son opération), de Sick Boy dans son pub avec Veronika, de réunions d’entraide avec Spud, mais aussi des petits plans coupés ici et là pour accélérer le rythme. Une intrigue secondaire concernant Begbie et ses problèmes sexuels, ainsi que Begbie qui séquestre son avocat chez lui ont également été écarté du montage final. Ceux qui auraient été déçus de voir la participation de la belle Kelly McDonald réduite à une simple apparition seront heureux de la voir dans deux ou trois séquences où Diane héberge Renton chez elle après que ce dernier se soit fait agresser par Begbie dans le parking. On le voit allongé dans le canapé, se relever en pleine nuit avec l’envie d’aller rejoindre Diane dans sa chambre, avant d’y renoncer. Le lendemain, Renton lui demande si elle a déjà pensé à ce qu’aurait pu être leur vie s’ils avaient vécu ensemble. Une autre séquence très amusante montre Spud voler un iPad malgré la réticence de Renton. S’ensuit une course-poursuite dans la rue qui n’est évidemment pas sans rappeler la séquence d’ouverture du premier Trainspotting. Un vrai plaisir.

Après ces séquences, nous passons à une discussion sous forme de table ronde entre Danny Boyle et trois de ses comédiens principaux (25’), Ewan McGregor, Robert Carlyle et Jonny Lee Miller. Si Ewen Bremner n’est pas présent pour cause de tournage (Wonder Woman de Patty Jenkins), il introduit néanmoins ce supplément et apparaît parmi ses camarades sous forme de silhouette en carton. Le réalisateur et Ewan McGregor monopolisent la parole, avant d’être rapidement rejoint par Robert Carlyle. Seul Jonny Lee Miller semble trouver le temps long et n’ouvre la bouche qu’au bout d’un quart d’heure et encore de façon très sporadique. Les souvenirs des autres affluent (surtout sur le phénomène du premier film), chacun évoque son propre personnage ainsi que son évolution d’un film à l’autre, l’alchimie est toujours aussi évidente et cette réunion entre potes s’avère un très bon moment.

L’interactivité se clôt sur un spot promotionnel – intitulé « documentaire athlétique de Calton »pour une association sportive destinée à aider d’anciens junkies et alcooliques durant leur cure de désintoxication. Constitué de témoignages et de gros plans sur quelques rescapés, ce clip ne laisse évidemment pas indifférent (4’).

L’Image et le son

Sony Pictures prend soin de T2 Trainspotting et livre un master HD au format 1080p, irréprochable et au transfert immaculé. Respectueux des volontés artistiques du chef opérateur Anthony Dod Mantle (Trance, Dredd, Antichrist), la copie se révèle un petit bijou technique alliant des teintes multicolores et saturées (vert, rouge, rose, bleu, tout y passe), à la fois chaudes et froides (avec un usage de filtres à l’étalonnage), le tout soutenu par un encodage AVC de haute volée. Le piqué est tranchant, les arrière-plans sont magnifiquement détaillés, le relief omniprésent et les détails foisonnants sur le cadre 1.85. Les partis pris esthétiques sont donc respectés avec un léger grain cinéma conservé qui confère à l’image une agréable texture, une fabuleuse gestion des contrastes et des séquences sombres aussi soignées. Un service après-vente remarquable.

Voici le genre de mixage qui ne fait pas dans la demi-mesure ! Les pistes anglaise et française DTS-HD Master Audio 5.1 se révèlent fracassantes et redoutablement immersives. La bande-originale très « gros son » met à mal le caisson de basses à plusieurs reprises. Nous vous conseillons d’ailleurs de visionner T2 Trainspotting au moment où vos voisins seront absents. Les dialogues sont ardents sur la centrale, tandis que les frontales et les latérales n’ont de cesse de s’affronter lors des séquences plus agitées. Le doublage français est correct et reprend les mêmes comédiens que pour le premier film, mais le mixage peine parfois à mettre les dialogues en avant. Montez le volume, car c’est du très grand spectacle ! L’éditeur joint également une piste française Audiodescription.

Crédits images : © Sony Pictures / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Voice from the stone, réalisé par Eric D. Howell

VOICE FROM THE STONE réalisé par Eric D. Howell, disponible en DVD et Blu-ray le 26 juillet 2017 chez Marco Polo Production

Acteurs : Emilia Clarke, Marton Csokas, Caterina Murino, Kate Linder, Remo Girone, Lisa Gastoni, Edward Dring…

Scénario : Silvio Raffo d’après son roman « La voce della pietra »

Photographie : Peter Simonite

Musique : Michael Wandmacher

Durée : 1h31

Date de sortie initiale : 2017

LE FILM

Dans un vieux manoir de Toscane, Verena, une infirmière, s’occupe d’un jeune garçon devenu muet suite à la mort soudaine de sa mère. Elle découvre que l’enfant est en réalité hanté par des forces malveillantes emprisonnées dans les murs de la bâtisse. Au fur et à mesure que le temps passe et que ses relations avec le père de l’enfant évoluent, Verena est, elle aussi, peu à peu ensorcelée. Si elle veut sauver le garçon et se libérer, elle doit affronter les mauvais esprits cachés dans la pierre…

Alors que la septième saison de Game of Thrones vient de démarrer, la comédienne Emilia Clarke commence à se faire plus présente au cinéma, histoire de préparer tranquillement sa transition une fois qu’elle aura rendu le costume (bien qu’elle s’en débarrasse souvent il est vrai) de Daenerys Targaryen. Après l’inénarrable Terminator: Genisys d’Alan Taylor dans lequel elle reprenait – ou essayait de reprendre plutôt – le rôle de Sarah Connor, puis le drame romantique Avant toi adapté du roman de Jojo Moyes où elle s’occupait et tombait amoureuse d’un jeune homme tétraplégique, Emilia Clarke porte sur ses épaules Voice from the stone, d’après le roman La Voce Della Pietra de Silvio Raffo. Si elle n’est pas l’actrice la plus fine et que son jeu laisse souvent à désirer, elle s’avère plutôt « convaincante » dans ce petit film dramatique teinté de fantastique.

Dans les années 50 en Toscane, Verena, une jeune infirmière, se rend jusqu’à un manoir isolé afin de guérir Jakob, un enfant devenu muet depuis le décès de sa mère. Mais lors de son séjour, Verena se retrouve plongée au cœur des secrets et mystères de ce lieu. Alors qu’elle tombe amoureuse du père du garçon, elle est la proie de mauvais esprits présents dans les murs de la bâtisse. Si l’histoire n’a rien d’original, le metteur en scène Eric D. Howell, dont il s’agit du premier long métrage réalisé en solo après From Heaven to Hell en 2002 (avec Lou Ferrigno, Burt Ward et Adam West) et quelques courts-métrages, soigne l’esthétique de son film et crée une ambiance intrigante du début à la fin. Ancien coordinateur de cascades (Un plan simple, A Serious Man), Eric D. Howell livre donc un film tout à fait honorable.

Coproduction italienne, Voice from the stone a été intégralement tourné sur la Botte, dans les studios de Cinecittà pour les scènes en intérieur et dans les magnifiques paysages du Lazio pour les quelques séquences en extérieur. L’occasion pour Emilia Clarke de nous montrer son excellent accent à travers quelques dialogues dans la langue de Dante. Le principal ennui, c’est que Voice from the stone abat ses cartes durant le premier quart d’heure. Le spectateur habitué aux codes du genre fantastique découvrira immédiatement où le réalisateur souhaite l’emmener avec cette vieille bâtisse perdue au bout d’un chemin embrumé entouré d’arbres centenaires. Du coup, l’audience a souvent un coup d’avance sur les personnages, jusqu’à la résolution finale, que l’on peut également largement anticiper et qui s’avère d’ailleurs bien trop expédiée. Mais Voice from the stone n’est pas un film désagréable, d’autant plus que la photographie de Peter Simonite (collaborateur de Terrence Malick sur Song to Song, À la merveille, The Tree of life – l’arbre de vie) ravit souvent les yeux et met les acteurs en valeur. Dans quelques scènes assez gratuites mais pour le grand plaisir de ses fans, Emilia Clarke nous gratifie de son corps nu filmé sous tous les angles, devant les yeux émoustillés d’un Marton Csokas (L’Arbre, Sin City: j’ai tué pour elle) toujours aussi talentueux et charismatique.

Finalement, on s’intéresse plus à la forme qu’au fond dans Voice from the stone. On ne croit guère en l’évolution du personnage de Verena auprès de l’enfant dont elle a la charge, d’autant plus que le jeu de sourcils, tantôt en accent grave, tantôt en accent aigu, d’Emilia Clarke, sans oublier ses yeux sans cesse écarquillés n’arrangent pas vraiment les choses. On regarde donc Voice from the stone – sorti directement en DVD en France, sans passer par la case cinéma – en mode automatique, le spectacle n’est pas déplaisant en soi, mais ne cesse de faire penser à Rebecca d’Alfred Hitchcock ou Les Autres d’Alejandro Amenábar et s’oublie rapidement après.

LE BLU-RAY

Le test du Blu-ray de Voice from the stone, disponible chez Marco Polo Production, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est fixe et muet. Le visuel de la jaquette française fait la part belle à Emilia Clarke aux côtés de Caterina Murino (qui apparaît très peu dans le film), contrairement au visuel original qui faisait apparaître Marton Csokas. Aucun supplément, ni de chapitrage. L’Image et le son

Faites confiance à Marco Polo pour assurer la sortie dans les bacs de ce DTV. En effet, si le film d’ Eric D. Howell n’a pas connu de sorties dans nos salles, il bénéficie tout de même d’une édition Blu-ray (au format 1080p) élégante. Cependant, si les contrastes affichent une densité fort acceptable, le piqué n’est pas aussi ciselé sur les scènes sombres et certaines séquences apparaissent un peu douces avec des visages légèrement cireux. En dehors de cela, la profondeur de champ demeure fort appréciable, les détails se renforcent et abondent en extérieur jour, le cadre large est idéalement exploité et la colorimétrie est très bien rendue. Le codec AVC consolide l’ensemble.

Du côté acoustique, les mixages français et anglais DTS-HD Master Audio 5.1 créent un espace d’écoute suffisamment plaisant en faisant la part belle à la musique et à quelques effets latéraux. Des ambiances naturelles percent les enceintes arrière sans se forcer mais avec une efficacité chronique. Le doublage français est convaincant. Les sous-titres français sont imposés et le changement de langue impossible pendant le visionnage nécessite le recours au menu pop-up.

Crédits images : © Marco Polo Production / Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test DVD / La Maison rouge, réalisé par Delmer Daves

LA MAISON ROUGE (The Red House) réalisé par Delmer Daves, disponible en DVD le 11 juillet 2017 chez Rimini Editions

Acteurs : Edward G. Robinson, Lon McCallister, Judith Anderson, Rory Calhoun, Allene Roberts, Julie London, Ona Munson…

Scénario : Delmer Daves d’après le roman de George Agnew Chamberlain

Photographie : Bert Glennon

Musique : Miklós Rózsa

Durée : 1h36

Date de sortie initiale : 1947

LE FILM

Pete vit dans une ferme isolée avec sa sœur Ellen et sa fille adoptive Meg. Les parents de Meg ont disparu il y a quelques années dans des conditions mystérieuses. Il embauche comme aide de ferme Nath, un jeune homme qui tombe bientôt amoureux de Meg. Nath et Meg tentent de savoir quel secret se cache derrière la maison rouge, une demeure enfouie dans la forêt. Mais Pete leur interdit formellement de s’y rendre, en leur expliquant que cette maison est hantée…

La Maison rougeThe Red House (1947) n’est que le cinquième long métrage de Delmer Daves (1904-1977), réalisateur souvent oublié et sous-estimé, qui a pourtant signé de nombreux classiques tels que Les Passagers de la nuit (1947) aka Dark Passage avec Humphrey Bogart, qui est resté célèbre pour son usage de la caméra subjective, La Flèche brisée (1950) le premier western pro-indien, et 3h10 pour Yuma (1957), superbe western adapté d’une nouvelle écrite par l’immense et prolifique écrivain Elmore Leonard parue en mars 1953. Adapté du roman de George Agnew Chamberlain, La Maison rouge demeure méconnu dans la grande filmographie de Delmer Daves qui compte une trentaine de longs métrages réalisés entre 1973 et 1965. Quatre ans après ses débuts derrière la caméra avec Destination Tokyo, Delmer Daves livre un film dramatique teinté de fantastique.

La Maison rouge est une oeuvre à part dans la carrière du réalisateur, même si l’on retrouve ce qui a toujours fait la force de son cinéma, son attachement aux personnages, masculins comme féminins, plutôt que le contexte et le genre, même s’il affectionnait tout particulièrement le western puisqu’il en a réalisé près d’une dizaine. Remarquablement photographié par Bert Glennon (La Chevauchée fantastique, Sur la piste des Mohawks) qui s’inspire de l’expressionnisme allemand, et souligné par la partition toujours inspirée de Miklós Rózsa (L’Espion noir, Le Voleur de Bagdad, Assurance sur la mort), La Maison rouge plonge le spectateur dans une atmosphère trouble. Le malaise s’installe rapidement après une ouverture pourtant lumineuse, qui présente le décor bucolique et quelques jeunes étudiants qui respirent la jeunesse et l’insouciance. Après ce prologue, nous rencontrons alors Pete Morgan, austère et invalide, qui vit dans une ferme située à l’écart de la ville et bordée d’une épaisse forêt, avec sa soeur Ellen (Judith Anderson, la gouvernante Mrs Denvers de Rebecca d’Alfred Hitchcock) et sa fille adoptive Meg dont les parents ont mystérieusement disparu quinze ans auparavant. Pour l’aider dans les tâches quotidiennes, le vieil homme loue les services d’un aide de ferme, Nath Storm (Lon McCallister), camarade de classe de Meg, et le met vivement en garde de ne pas aller fouiner dans les bois situés aux alentours, et surtout pas aux abords de la maison rouge qu’il prétend maudite. Mais la curiosité du jeune homme est trop forte, et accompagné de Meg, il s’aventure dans les bois pour découvrir quel horrible secret entoure cette maison rouge.

La Maison rouge joue avec les genres pour mieux déstabiliser les spectateurs. Ce drame psychologique et angoissant, mais également thriller sentimental et récit d’émancipation (!) traite à la fois du sentiment de culpabilité, de la folie amoureuse et surtout de la perte de la virginité ainsi que de l’éveil sexuel. Qui a peur du Grand Méchant Loup ? Si l’on devine rapidement ce qui s’est déroulé dans cette forêt interdite quinze ans avant, ce lieu est aussi avant tout une métaphore sur le premier rapport sexuel, un chemin que l’on convoite, que l’on redoute, que l’on souhaite franchir malgré les interdits. C’est ainsi que la douce et innocente Meg, superbe et lumineuse Allene Roberts, qui contraste avec la sulfureuse et plantureuse Tibby (Julie London), la copine de Nath, se sent de plus en plus « attirée » par cette étrange maison rouge, comme si elle « en faisait partie ». Elle décide de s’y rendre et désobéit donc pour la première fois à son père adoptif, Edward G. Robinson qui prouve une fois de plus qu’il reste l’un des plus grands acteurs de l’histoire du cinéma, qui de son côté commence sérieusement à perdre les pédales, en appelant Meg par le prénom Jeannie.

Difficile d’évoquer l’histoire plus longuement sans en révéler davantage. Mieux vaut en savoir le moins possible sur La Maison rouge, drame intense et anxiogène magnifiquement réalisé, écrit et interprété, qui rappelle parfois La Féline et Vaudou de Jacques Tourneur, et qui s’avère un véritable trésor caché pour qui s’intéresse – avec raison – au cinéma de Delmer Daves.

LE DVD

Le DVD de La Maison rouge, disponible chez Rimini Editions, repose dans un boîtier classique de couleur noire. La jaquette saura attirer les fans de films noirs et classiques. Le menu principal est élégant, animé et musical.

Juste avant le film, l’historien du cinéma Christophe Champclaux, fidèle à Rimini Editions, nous propose une introduction très rapide (30 secondes) de La Maison rouge en indiquant notamment que Martin Scorsese en rappelait l’existence dans son Voyage avec à travers le cinéma américain (1995). Christophe Champclaux explique également que le négatif original ayant été perdu, ce film méconnu ne circulait que dans une copie fortement dégradée. Celle proposée par Rimini Editions est un nouveau master Haute-Définition entièrement restauré.

Nous retrouvons l’historien pour un retour plus complet sur le film et sur son réalisateur dans un module de sept minutes. Sur quelques bandes-annonces et photographies, Christophe Champclaux propose une rapide mais pertinente analyse de La Maison rouge, en croisant habilement le fond avec la forme.

L’interactivité se clôt sur un montage qui présente l’image avant/après la restauration.

L’Image et le son

La Maison rouge avait bénéficié d’une édition DVD chez Bach Films en 2005. Le master était alors horrible, fait uniquement de scratchs, de rayures, de points et même d’images manquantes avec des sous-titres qui apparaissaient sur un écran noir. Autant dire que Rimini Editions propose une image diamétralement opposée avec ce nouveau master Haute-Définition. On ne s’attendait pas à un rendu aussi lisse pour un film qui fête cette année ses soixante-dix ans. Alors certes, quelques puristes risquent de crier au scandale devant la quasi-absence du grain original mais force est de constater que ce master 1.33 renaît littéralement de ses cendres. La copie est étincelante, stable, les noirs denses côtoient des blancs immaculés et la palette de gris est largement étendue, restituant ainsi les contrastes du directeur de la photographie Bert Glennon, sans la patine argentique malheureusement. La restauration a sans doute été trop poussée, aucune scorie n’a survécu au nettoyage numérique et le piqué est acceptable. Certes, il faut accepter des noirs bouchés et un aspect quelque peu artificiel, mais ce nouveau master surpasse celui de Bach en tout point, sans aucune commune mesure.

L’éditeur ne propose que la version originale de La Maison rouge. Dynamique, nettoyée, homogène et naturelle, sans souffle parasite, cette piste offre un confort acoustique solide et restitue admirablement la musique de Miklós Rózsa et les effets sonores. Les sous-titres français ne sont pas imposés.

Crédits images : © Rimini Editions / Captures DVD : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / The Lost City of Z, réalisé par James Gray

THE LOST CITY OF Z réalisé par James Gray, disponible en DVD et Blu-ray le 18 juillet 2017 chez ESC Editions

Acteurs : Charlie Hunnam, Sienna Miller, Tom Holland, Robert Pattinson, Angus Macfadyen, Edward Ashley…

Scénario : James Gray, d’après le livre de David Grann « La Cité perdue de Z : une expédition légendaire au cœur de l’Amazonie » (« The Lost City of Z: A Tale of Deadly Obsession in the Amazon« )

Photographie : Darius Khondji

Musique : Christopher Spelman

Durée : 2h15

Date de sortie initiale : 2017

LE FILM

L’histoire vraie de Percival Harrison Fawcett, un des plus grands explorateurs du XXe siècle. Percy Fawcett est un colonel britannique reconnu et un mari aimant. En 1906, alors qu’il s’apprête à devenir père, la Société géographique royale d’Angleterre lui propose de partir en Amazonie afin de cartographier les frontières entre le Brésil et la Bolivie. Sur place, l’homme se prend de passion pour l’exploration et découvre des traces de ce qu’il pense être une cité perdue très ancienne. De retour en Angleterre, Fawcett n’a de cesse de penser à cette mystérieuse civilisation, tiraillé entre son amour pour sa famille et sa soif d’exploration et de gloire…

En cinq longs métrages seulement, James Gray est devenu l’un des cinéastes les plus prisés de la critique française, tout en bénéficiant également de la faveur des spectateurs. De Little Odessa son premier film (1994), puis The Yards (2000), La Nuit nous appartient (2007) son plus grand succès en France, suivi de près par Two Lovers (2008) puis The Immigrant avec notre Marion Cotillard nationale, le metteur en scène américain, très influencé par le cinéma européen, a su très vite se faire une place dans le coeur des cinéphiles. Son sixième long métrage, The Lost City of Z, est l’adaptation du roman La Cité perdue de Z, écrit par David Grann et publié en 2009. Depuis sa découverte du livre, James Gray cherchait à le transposer à l’écran, sans obtenir les financements nécessaires (30 millions de dollars, son plus gros budget à ce jour) afin de pouvoir tourner dans la forêt tropicale colombienne. Ceci pour mieux coller aux véritables aventures du célèbre explorateur britannique Percy Fawcett, né en 1867 et probablement décédé en 1925, qui a mystérieusement disparu sans laisser de trace dans la jungle brésilienne en cherchant une cité perdue datant de l’Atlantide, ainsi que son ancienne civilisation amazonienne.

A l’instar de Werner Herzog et de ses chefs d’oeuvre absolu Fitzcarraldo et Aguirre, la colère de Dieu, James Gray souhaite ici retranscrire la soif de découverte de son personnage principal, prêt à tout pour aller au bout son rêve (y compris pour s’élever socialement), quitte à délaisser sa famille et à plonger toujours plus profondément, jusqu’à se perdre dans un mirage. Percival Harrison Fawcett sait que la résolution est proche, même si le but ultime semble chaque fois inaccessible. Prêt à affronter le scepticisme de la communauté scientifique et l’armée britannique, il ne renoncera jamais, quitte à endurer les trahisons de ceux qu’il croyait être ses proches, sans oublier les épreuves les plus inimaginables comme renoncer à voir grandir ses enfants. Malgré les défections de Brad Pitt (qui reste néanmoins producteur délégué) et de Benedict Cumberbact qui auraient pu le décourager, James Gray, comme son personnage principal, n’a jamais renoncé à The Lost City of Z. C’est finalement Charlie Hunnam (Sons of Anarchy, Pacific Rim et Crimson Peak de Guillermo del Toro) qui hérite du rôle principal, tâche dont il s’acquitte admirablement. Des tranchées de la Somme (Fawcett était militaire de carrière) au fin fond de la jungle amazonienne, le comédien campe un Percy Fawcett magnifiquement ambigu et charismatique, attachant et parfois agaçant, en contradiction avec lui-même, toujours animé par son rêve qui a conduit sa vie, ainsi que celle de sa famille.

Comme d’habitude, James Gray a constitué un casting exceptionnel. Aux côtés de Charlie Hunnam, Robert Pattinson est tout aussi investi. Après ses incursions chez David Cronenberg et The Rover de David Michôd, il démontre une fois de plus que la période Twilight est déjà loin. The Lost City of Z confirme également que Sienna Miller est bel et bien devenue l’une des meilleures et précieuses comédiennes aujourd’hui. A l’instar de ses dernières compositions dans Foxcatcher de Bennett Miller, American Sniper de Clint Eastwood et Live by Night de Ben Affleck, elle démontre son art de la transformation, tout comme son immense talent pour passer d’un univers à l’autre et camper des personnages diamétralement opposés. Elle y est sensationnelle. Tom Holland, révélation en 2012 de The Impossible de Juan Antonio Bayona et désormais nouveau Peter Parker / Spider-Man, prouve tout le bien que l’on pense de lui dans le rôle de Jack, le fils de Percy, qui a grandi sans voir son père et qui décide pourtant se joindre à lui pour son ultime expédition.

Même si pour la première fois l’un de ses films ne se déroule pas à New York, la mélancolie propre au cinéaste imprègne The Lost City of Z du début à la fin, tout comme il y aborde une fois de plus ses thèmes de prédilection, la lutte des classes sociales, la place de l’individu dans la société et la cellule familiale. Ou comment allier le grandiose avec cette obsession d’une cité perdue, pour finalement se diriger vers l’intime et l’apaisement avec cet amour enfin trouvé entre un père et son jeune fils dans un épilogue bouleversant et foudroyant de beauté, à la lisière du fantastique.

Véritable séance d’hypnose, impression renforcée par la photo ambrée, émeraude et éthérée réalisée en 35mm par l’immense chef opérateur Darius Khondji, The Lost City of Z est ni plus ni moins la plus grande expérience cinématographique de l’année 2017, un chef d’oeuvre instantané dont on aimerait découvrir un jour la première version d’une durée dingue de 4h15. Une fresque foisonnante, épique, immersive, vertigineuse et époustouflante, dont l’anachronisme dans le monde cinématographique contemporain décuple la rareté.

LE BLU-RAY

Le test du Blu-ray de The Lost City of Z, disponible chez StudioCanal, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est sobre, animé et musical.

Le premier module de trois minutes (!) donne la parole à l’auteur David Grann, aux comédiens Charlie Hunnam et Sienna Miller, ainsi qu’au réalisateur James Gray, qui reviennent sur l’histoire, les personnages et le financement chaotique du film (« des difficultés qui ont décuplé mon envie de faire The Lost City of Z » dixit James Gray), lors de sa promotion. Quelques rapides images dévoilent l’envers du décor et les conditions de tournage. Dommage que ce document soit si court !

L’éditeur joint encore deux interviews promotionnelles, celle de James Gray (6’) et de Sienna Miller (4’). Les questions apparaissent sous forme de carton. Si Sienna Miller apparaît plus à l’aise dans l’exercice, on sent James Gray se forcer à répondre à quelques questions « classiques », du style « Pourquoi avez-vous eu envie de faire ce film ? », tout en évoquant le livre de David Grann et en indiquant que « c’était un tournage amusant ». De son côté, la ravissante Sienna Miller revient sur son personnage, sa préparation, le tournage en Irlande du Nord et indique qu’elle s’était engagée sur ce film sept ans auparavant.

Un segment de cinq minutes revient sur la figure de Percival Harrison Fawcett, à travers des propos de l’écrivain David Grann, du journaliste et écrivain Dan Snow et du sociologue Mark Greaves.

Mais le plus gros de cette interactivité s’avère la masterclass de James Gray (39’) réalisée à la Cinémathèque française le 6 mars 2017 après la projection de The Lost City of Z. Animée par le journaliste Frédéric Bonnaud, également directeur de la Cinémathèque française, cette discussion est évidemment indispensable pour tous les passionnés du cinéma de James Gray, même si celui-ci aime parfois brouiller les pistes et ne pas dévoiler toutes les clés de ses œuvres. Le réalisateur évoque la longue gestation de son sixième long métrage (presque dix ans pour trouver les financements), les thèmes, les personnages, mais parle également de l’industrie hollywoodienne, de la production indépendante, de ses influences (le cinéma européen), son rapport avec les spectateurs (« satisfaire, mais pas exploiter l’audience »), les conditions de tournage et la photographie 35mm de Darius Khondji.

L’Image et le son

Studiocanal se devait d’offrir un service après-vente remarquable pour la sortie dans les bacs du plus beau film de l’année 2017. L’éditeur prend donc soin du chef d’oeuvre de James Gray et livre un master HD irréprochable au transfert immaculé. Respectueuse des volontés artistiques originales concoctées par Darius Khondji, qui avait précédemment signé la photographie de The Immigrant, la copie de The Lost City of Z se révèle un petit bijou technique avec des teintes chaudes, ambrées et dorées (des filtres jaunes pour résumer), un grain argentique palpable (tournage réalisé en 35mm), le tout soutenu par un encodage AVC de haute volée. Le piqué, tout comme les contrastes, sont tranchants, les arrière-plans sont magnifiquement détaillés, le relief omniprésent et les détails foisonnants sur le cadre large. Le Blu-ray était l’écrin tout désigné pour revoir cette œuvre majestueuse.

Vous pouvez compter sur les mixages DTS-HD Master Audio anglais et français pour vous plonger dans l’atmosphère du film, bien que l’action demeure souvent réduite. Toutes les enceintes sont exploitées, les voix sont très imposantes sur la centrale et se lient à merveille avec la balance frontale, riche et dense, ainsi que les enceintes latérales qui distillent quelques ambiances naturelles. Le caisson de basses se mêle également à la partie avec quelques montées bienvenues. Notons que la version originale l’emporte sur la piste française, se révèle plus naturelle et homogène, y compris du point de vue de la spatialisation musicale. L’éditeur joint également les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant, ainsi qu’une piste Audiodescription pour les spectateurs aveugles et malvoyants. Les sous-titres français ne sont pas imposés sur la version originale.

Crédits images : © Aidan Monaghan / StudioCanal / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Aftermath, réalisé par Elliott Lester

AFTERMATH réalisé par Elliott Lester, disponible en DVD et Blu-ray le 18 juillet 2017 chez Metropolitan Vidéo

Acteurs : Arnold Schwarzenegger, Maggie Grace, Scoot McNairy, Kevin Zegers, Hannah Ware, Mariana Klaveno, Glenn Morshower, Martin Donovan…

Scénario : Javier Gullón

Photographie : Pieter Vermeer

Musique : Mark D. Todd

Durée : 1h34

Date de sortie initiale : 2017

LE FILM

A la suite d’un crash aérien qui a coûté la vie à sa famille, un homme refuse la thèse officielle de l’accident et décide de rétablir la justice. Son attention se porte sur le contrôleur aérien en poste lors de la catastrophe.

C’est avec un gros pincement au coeur que nous découvrons Aftermath, le premier Direct to video avec Arnold Schwarzenegger. Alors que le très bon Maggie, le drame fantastique de Henry Hobson avait connu une sortie dans les salles et obtenu une critique très correcte, Aftermath a dû se contenter d’une exploitation en DVD et Blu-ray en France. Ce qui est bien dommage, car ce drame intimiste s’avère une belle et franche réussite, offrant à Arnold Schwarzenegger un de ses plus beaux rôles. Dans la continuité de Maggie, le chêne autrichien, également producteur sur les deux films, livre une de ses meilleures prestations et malgré son dernier baroud d’honneur (on l’espère) dans Terminator Genisys, le comédien ne cache évidemment plus son âge (70 ans en juillet 2017) en jouant désormais de ses rides creusées.

Aftermath s’inspire de l’histoire de Vitaly Kaloyev et celle de l’accident aérien d’Überlingen survenu le 1er juillet 2002, tuant tous les passagers à bord de deux appareils. Alors qu’il pensait enfin pouvoir accueillir sa femme et sa fille aux Etats Unis, Roman un immigré russe va voir sa vie s’écrouler en apprenant que leur avion a été victime d’une collision en plein vol qui n’a laissé aucun rescapé. Dans sa tour de contrôle, Jack, aiguilleur aérien, était seul au moment du drame à devoir gérer des problèmes techniques qui ne lui ont pas permis de voir à temps venir l’accident. Désormais la vie de ces deux hommes est brisée. Est-il possible de se remettre un jour d’un pareil événement ? Dévasté, Roman cherche rapidement à en savoir plus et se met en tête de retrouver l’homme qu’il estime responsable de la tragédie.

Sur un scénario subtil et intelligent écrit par Javier Gullón (Enemy de Denis Villeneuve), le réalisateur Elliott Lester (Blitz avec Jason Statham) signe un film prenant et viscéral, qui étonne par sa sobriété et l’investissement de ses acteurs, Arnold Schwarzenegger donc, mais aussi l’impressionnant Scoot McNairy, second rôle qui a su marquer les spectateurs dans des œuvres aussi variées que Monsters, Argo, Batman v Superman: L’aube de la justice, Gone Girl, The Rover et 12 Years a Slave. Aftermath suit ces deux personnages en parallèle, qui comme ces deux avions n’auraient jamais se rencontrer. D’un côté Roman, essaye de survivre après cet accident dans lequel sa fille de 25 ans et sa femme enceinte ont péri avec plus de 270 autres passagers, et de l’autre Jake, contrôleur aérien, qui se sent responsable de cette collision et qui tente également de continuer à vivre. Mais un an après les faits, Roman, qui n’a obtenu aucune excuse de la part de la compagnie aérienne qui lui propose en contrepartie une somme d’argent conséquente – qu’il refuse – pour espérer éviter un procès, essaye d’obtenir la nouvelle identité et la nouvelle adresse de Jake.

Délicat et tout en colère rentrée, Aftermath étonne par son approche, avec une économie de dialogues, sans pathos, sur un rythme lent mais maîtrisé et ne juge jamais l’acte de son personnage principal, préférant laisser au spectateur le choix de se faire sa propre opinion. Si l’on pense parfois à Dommage Collatéral d’Andrew Davis et surtout à La Fin des temps, film sous-estimé de Peter Hyams, dans lesquels Arnold Schwarzenegger interprétait déjà un père et mari en deuil, Aftermath parvient à tirer profit de la maturité du comédien, tandis que la très belle photo du chef opérateur Pieter Vermeer (Nightingale) sublime son charisme, par ailleurs toujours intact.

LE BLU-RAY

Le Blu-ray d’Aftermath, disponible chez Metropolitan Vidéo, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est étonnamment sobre, lumineux, fixe et musical. Les langues, les chapitres (trois !) et les suppléments sont affichés sur la même page.

Pas grand-chose à se mettre sous la dent malheureusement en guise de bonus. Il faudra se contenter d’une mini-featurette de 7 minutes, composée d’interviews croisées du réalisateur Elliott Lester et du directeur de la photographie Pieter Vermeer, qui reviennent sur le travail du scénariste Javier Gullón, les thèmes abordés dans Aftermath et l’interprétation.

L’interactivité se clôt sur un lot de bandes-annonces.

L’Image et le son

Metropolitan Vidéo livre un très beau Blu-ray d’Aftermath. D’entrée de jeu, les couleurs sensiblement désaturées et un léger grain sont magnifiquement restitués. Les décors fourmillent de détails (merci au cadre large), la profondeur de champ est toujours appréciable, les contrastes sont denses et les séquences sombres très élégantes. Si le film se déroule essentiellement en intérieur, aux teintes grisâtres, froides et métalliques, les séquences tournées en extérieur demeurent lumineuses, avec un piqué ciselé. Le nombreux gros plans sur les visages des deux principaux protagonistes ne manquent pas de précisions. Le codec AVC consolide l’ensemble avec brio, le relief est constamment palpable. Une édition HD française de très haut niveau, qui permet d’apprécier le film d’Elliott Lester dans les meilleures conditions.

Les mixages anglais et français DTS-HD Master Audio 5.1 se révèlent particulièrement sobres, mais instaurent un confort acoustique suffisant. En version originale, si les dialogues s’avèrent plus discrets, la centrale parvient à leur donner un relief en adéquation avec les sentiments des personnages. Le doublage français est réussi, l’excellent Daniel Beretta prêtant heureusement sa voix à Arnold Schwarzenegger. Dans les deux cas, la spatialisation musicale demeure évidente, les latérales soutiennent l’ensemble comme il se doit, les ambiances naturelles ne manquent pas, tout comme les interventions étonnantes du caisson de basses.

Crédits images : © Metropolitan Vidéo / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / À ceux qui nous ont offensés, réalisé par Adam Smith

À CEUX QUI NOUS ONT OFFENSÉS (Trespass Against Us) réalisé par Adam Smith, disponible en DVD et Blu-ray le 5 juillet 2017 chez M6 Vidéo

Acteurs : Michael Fassbender, Brendan Gleeson, Lyndsey Marshal, Georgie Smith, Rory Kinnear, Killian Scott, Sean Harris…

Scénario : Alastair Siddons

Photographie : Eduard Grau

Musique : The Chemical Brothers

Durée : 1h39

Date de sortie initiale : 2017

LE FILM

Les Cutler vivent comme des hors-la-loi depuis toujours dans une des plus riches campagnes anglaises, braconnant, cambriolant les résidences secondaires et narguant la police. Luttant pour faire perdurer leur mode de vie, Chad est tiraillé entre les principes archaïques de son père et la volonté de faire le nécessaire pour ses enfants. Mais la police, les traquant sans relâche, l’obligera peut-être à choisir entre sa culture et le bonheur des siens…

Depuis dix ans et sa révélation au grand public dans Angel de François Ozon, Michael Fassbdender est devenu l’un des acteurs les plus demandés du cinéma. Il faut dire que le comédien germano-irlandais a su très vite montrer l’étendue de son talent et de son registre, en étant capable de passer du blockbuster (300, Inglourious Basterds, Jonah Hex, les derniers X-Men, Prometheus, Assassin’s Creed, Alien : Covenant) au petit film d’auteur (Hunger, Shame, Fish Tank, Jane Eyre, Frank) avec une incroyable aisance. Entre deux grandes machines hollywoodiennes, il est la vedette d’À ceux qui nous ont offensésTrespass Against Us, premier long métrage d’Adam Smith, réalisateur venu de la télévision (Skins, Little Dorrit, Doctor Who) et auteur d’un documentaire- concert filmé des Chemical Brothers, Don’t Think (2012).

À ceux qui nous ont offensés est l’histoire de Chad Cutler (Michael Fassbender), père d’un petit garçon et d’une fille, issu de la deuxième génération de gens du voyage à vivre dans l’ouest du Royaume-Uni. Colby (Brendan Gleeson), son père, adore raconter des histoires à dormir debout autour du feu de camp et encourage ses petits-enfants à se méfier de ce qu’ils apprennent à l’école. Chad, qui ne sait ni lire ni écrire, et son épouse Kelly (Lyndsey Marshal) ne sont pas d’accord avec lui et veulent un meilleur avenir pour leurs enfants. Quand une série de vols se produit dans la région, la police suspecte immédiatement cette communauté. Chad, coupable idéal en raison de son passé de cambrioleur, est harcelé par les autorités. Soyons honnêtes, À ceux qui nous ont offensés passerait inaperçu s’il ne bénéficiait pas d’un tel casting. Ecrit par Alastair Siddons, le scénario voudrait inscrire le film dans une réalité sociale propre aux familles de nomades, mais s’en éloigne en narrant une intrigue parallèle faite de larcins et d’hommes traqués par la police, afin de rendre le film divertissant. Le film est certes bancal et peu réaliste, mais plaisant à suivre, grâce à l’investissement des acteurs.

Le duel amour-haine entre un père et son fils interprétés par Brandan Gleeson et Michael Fassbdender – également père et fils dans Assassin’s Creed de Justin Kurzel – emporte tous les suffrages. Ces monstres de charisme sont également bien épaulés par les excellents Lyndsey Marshal (vue dans la série Rome et Au-delà de Clint Eastwood), Rory Kinnear et Sean Harris. À ceux qui nous ont offensés est la chronique d’une famille où les générations s’affrontent. Le grand-père est fier d’avoir élevé son fils lui-même, loin des institutions, envers et contre tous, tandis que le fils, illettré comme son père (qui est fier de l’être), désire s’en affranchir et surtout que ses propres enfants aillent à l’école pour recevoir une éducation qu’il n’a pas eue. De ce point de vue, le film d’Adam Smith est très réussi. Inspiré par Chat noir, chat blanc d’Emir Kusturica, le réalisateur parvient à restituer les conditions de vie de cette communauté, sans tomber dans la caricature gratuite, sans pathos, sans non plus chercher l’empathie gratuite. Le film pèche avec cette pseudo-histoire faite de cambriolages et de vols commis dans les manoirs du comté par une bande de gitans hors-la-loi qui parviennent à échapper à la police grâce aux talents de Chad au volant. Le cocktail a du mal à prendre, même si encore une fois les acteurs sont parfaits et la mise en scène plutôt soignée (la course-poursuite nocturne est même très bien), tout comme la composition de Tom Rowlands des Chemical Brothers.

À ceux qui nous ont offensés est un joli film, même s’il finit par s’éloigner de tout réalisme documentaire, ce que le metteur en scène souhaitait au départ, au profit de l’entertainment et de l’émotion avec un final plutôt étonnant. Si on aurait préféré que tous ces ingrédients se mélangent mieux, il serait dommage de passer à côté de cette histoire qui contient quand même plus de qualités que de défauts.

LE BLU-RAY

Le test du Blu-ray d’À ceux qui nous ont offensés, disponible chez M6 Vidéo, a été réalisé à partir d’un check-disc. La jaquette reprend le visuel de l’affiche du film. Le menu principal est sobre, animé et musical.

Aux côtés de la bande-annonce du film, l’éditeur joint un entretien avec Michael Fassbender (16’) réalisé sur le plateau. Visiblement très investi sur ce petit film, le comédien répond aux questions (qui apparaissent sous forme de carton) et défend le premier long métrage d’Adam Smith en détaillant les personnages et les thèmes. Le scénario est passé au peigne fin, tout comme le travail avec les très jeunes acteurs et le reste du casting, qu’on aurait également voulu entendre.

L’Image et le son

Etonnant qu’avec ses 20.000 entrées au compteur, le film d’Adam Smith bénéficie d’une édition HD alors que nous disions dernièrement que La Confession (plus de 200.000 spectateurs) devait se contenter d’une simple édition DVD. Mais ne faisons pas la fine bouche. La photo signée Eduard Gray (A Single Man, Buried, Suite française) est habilement restituée, notamment les partis pris esthétiques, la colorimétrie vive et saturée sur les séquences diurnes, et un piqué joliment acéré. Les détails sont abondants sur le cadre large, la luminosité omniprésente. Là où le bât blesse, c’est que ce master apparaît beaucoup trop lisse, agressif, laqué et manque de patine.

Quatre mixages au programme ! Nous n’avons pas à nous plaindre des mixages français et anglais DTS-HD Master Audio 5.1 qui répartissent les répliques, la musique et les effets avec une belle fulgurance. Il est évidemment nécessaire de visionner À ceux qui nous ont offensés en version originale, même si la piste française s’en sort aussi bien, techniquement parlant. La séquence de poursuite jouit d’une belle ouverture de l’ensemble des enceintes, les ambiances fusant de toutes parts. Le caisson de basses intervient aux moments opportuns et souligne les vrombissements des moteurs dès la scène d’ouverture. Les pistes Stéréo instaurent un confort acoustique riche et très plaisant.

Crédits images : © The Jokers / Le Pacte / SND / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Grave, réalisé par Julia Ducournau

GRAVE réalisé par Julia Ducournau, disponible en DVD et Blu-ray le 26 juillet 2017 chez Wild Side Video

Acteurs : Garance Marillier, Ella Rumpf, Rabah Naït Oufella, Joana Preiss, Laurent Lucas, Bouli Lanners…

ScénarioJulia Ducournau

Photographie : Ruben Impens

Musique : Jim Williams

Durée : 1h38

Date de sortie initiale : 2017

LE FILM

Dans la famille de Justine tout le monde est vétérinaire et végétarien. À 16 ans, elle est une adolescente surdouée sur le point d’intégrer l’école véto où sa sœur ainée est également élève. Mais, à peine installés, le bizutage commence pour les premières années. On force Justine à manger de la viande crue. C’est la première fois de sa vie. Les conséquences ne se font pas attendre. Justine découvre sa vraie nature et comprend très vite qu’elle ne peut plus s’en passer. Surtout saignante. Et un campus ne manque pas de chair fraîche !

Avant Grave, son premier long métrage pour le cinéma, Julia Ducournau, ancienne élève de la Fémis, est la réalisatrice d’un court-métrage, Junior (2011) puis d’un téléfilm pour Canal+ mis en scène avec Virgile Bramly, Mange (2012), interdit aux moins de 16 ans. Pour ses débuts au cinéma, Julia Ducournau retrouve Garance Marillier, qu’elle avait dirigée dans Junior. C’est une double révélation et pour une fois le mot n’est pas usurpé. De par son sujet aussi singulier que dérangeant, et par son impressionnante maîtrise formelle, ce premier film multi-récompensé – par le Grand Prix à Gérardmer et le Prix de la critique internationale à la Semaine de la critique à Cannes – est un choc dans le cinéma français et a su créer l’événement dans les festivals du monde entier où certains spectateurs se seraient même évanouis devant les scènes de cannibalisme.

Justine, comme le reste de sa famille, est végétarienne. A 16 ans, la jeune femme, précoce, est reçue dans l’école vétérinaire où sa soeur aînée, Alexia, est déjà élève. Mais l’intégration est brutale : le bizutage commence en effet tout de suite pour Justine, qui ne peut pas compter sur le soutien de sa soeur et se retrouve forcée d’ingérer un morceau de viande crue, un rein de lapin. Cette expérience douloureuse n’est pas sans conséquences sur l’étudiante qui commence à développer un étrange comportement. Le point commun des trois mises en scène de Julia Ducournau, alors grande admiratrice du cinéaste canadien David Cronenberg, est le sujet de la métamorphose physique. On retrouve dans Grave ce rapport au corps et cette approche clinique qui a fait la marque de fabrique et le succès de l’auteur de La Mouche. Outre quelques références notables, à l’instar de Carrie de Brian de Palma, la réalisatrice a su digérer ses modèles et influences pour planter son film dans un réalisme morbide.

Si l’on craint tout d’abord de manquer d’empathie pour le personnage principal, l’incroyable Garance Marillier emporte tous les suffrages. Avec son visage doux et à la fois inquiétant qui rappelle étonnamment Dominique Blanc, elle signe une véritable, charismatique et ébouriffante prestation. Un sacré défi qu’un César devrait normalement récompenser en 2018, puisque la caméra ne la quitte quasiment pas du début à la fin, s’attachant à capter les moindres nuances de la transformation du personnage (qui change littéralement de peau), comme la mutation « reptilienne » d’une ado tomboy en jeune fille dans Junior. Certes, on retrouve le côté punk-sexe de Mange, mais Grave s’inscrit dans la continuité du court-métrage, d’autant plus que l’héroïne s’appelle Justine – en référence au livre du Marquis de Sade, Justine ou les malheurs de la vertu – dans les deux films et qu’il s’agit de la même comédienne.

Drame et récit d’émancipation, le spectateur suit cette jeune étudiante, qui apparaît d’abord sûre d’elle-même en arrivant à l’école vétérinaire, avant de se rendre compte très vite de la violence et de la brutalité de l’entrée dans le monde adulte. Après quelques mises à l’épreuve, Justine va se révéler à elle-même et laisser sa véritable nature prendre le dessus, en se laissant aller à ses pulsions, ses envies (sexuelles et gustatives), après une longue opposition entre l’esprit qui voudrait rester rationnel et les désirs physiques avec un corps voulant jouir et s’épanouir, pour enfin s’affirmer et accepter sa différence.

Frontal, graphique, organique et clinique (superbe photo teintée de giallo du chef opérateur Ruben Impens), mais pourtant sensuel et jamais glauque, Grave est un film burné qui n’a pas peur de foncer dans le tas, de déplaire et de provoquer le malaise – la musique de Jim Williams et la b.o hystérique participent également à l’ambiance – auprès d’une audience qui a oublié ce que voulait dire être secoué dans les salles. C’est cette franchise qui rappelle le formidable Dans ma peau de Marina de Van, cette envie de cinéma, cette audace de sortir des sentiers battus qui font de Grave, malgré un dénouement largement prévisible en raison de la présence de Laurent Lucas au générique, une grande et radicale réussite.

LE BLU-RAY

Le test de l’édition HD de Grave, disponible chez Wild Side Video, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le Blu-ray est proposé avec le DVD en combo. Le menu principal est coloré, animé et musical.

Point de making of à l’horizon, c’est la grande déception de cette édition. En revanche, l’éditeur charge la section des suppléments avec deux très (trop ?) longues interviews de la réalisatrice Julia Ducournau (47’) et de la comédienne Garance Marillier (48’), toutes deux animées par Fausto Fasulo, rédacteur en chef du magazine Mad Movies.

Durant le premier entretien, Julia Ducournau revient sur son parcours, sur Junior et Mange, l’écriture et l’évolution du scénario de Grave, la psychologie du personnage de Justine, l’importance du son, les partis pris, la structure du film, les scènes coupées au montage, ses influences, le casting et bien d’autres éléments. Dommage que cet échange soit foutraque, parfois hésitant et maladroit. L’éditeur aurait gagné à tailler dans le gras afin d’insuffler un rythme qui fait cruellement défaut à cette interview qu’on aurait aimée plus dense et intéressante.

En revanche, la rencontre avec Garance Marillier s’avère plus sympathique, même si cette fois encore l’interview n’a aucune structure et passe du coq à l’âne. La jeunesse et la spontanéité de la jeune actrice font le charme de ce rendez-vous durant lequel elle évoque son intérêt pour le jeu, sa formation (musicale), sa rencontre, son travail et son amitié fusionnelle avec Julia Ducournau, sa passion pour David Lynch et Wong Kar-wai, son premier choc cinématographique (Vertigo d’Alfred Hitchcock), sa préparation pour le rôle, le défi des scènes physiques, ses impressions de tournage, la réception du film et son avis sur les critiques négatives.

L’éditeur a pu mettre la main sur deux scènes coupées (alors qu’il y en avait bien plus), Oracle (2’) et Gravité (3’). Complètement anecdotiques mais sympas, ces séquences non montées valent le coup d’oeil et prolongent entre autres un cours réalisé par un professeur singulier avec comme sujet l’utérus d’une vache.

L’interactivité se clôt sur la bande-annonce et les credits du disque.

L’Image et le son

Saturation des couleurs primaires, luminosité aveuglante, piqué chirurgical, détails au scalpel aux quatre coins du cadre large, contrastes fabuleux, c’est sublime ! La profondeur de champ est sidérante et chaque parti pris inspiré de la photo du chef opérateur Ruben Impens (Alabama Monroe, Les Herbes folles, La Merditude des choses), est magnifiquement restitué à travers cette édition HD absolument indispensable. Le Blu-ray démo du mois de juillet 2017.

La piste unique DTS-HD Master Audio 5.1 instaure un confort acoustique total avec une redoutable homogénéité des voix et des effets annexes. Le pouvoir immersif du mixage est fort plaisant dès la première scène. Toutes les enceintes sont intelligemment mises à contribution, les effets souvent percutants. La balance frontale et latérale est constante et riche, le caisson de basses souligne efficacement les séquences du film les plus agitées (ça vibre même de partout durant les fiestas et le bizutage) et l’imposante bande-son, tandis que les dialogues et commentaires restent fluides et solides. L’éditeur joint également une piste Audiodescription, ainsi que les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant.

Crédits images : © Wild Bunch Distribution / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test DVD / De plus belle, réalisé par Anne-Gaëlle Daval

DE PLUS BELLE réalisé par Anne-Gaëlle Daval, disponible en DVD le 18 juillet 2017 chez Studiocanal

Acteurs : Florence Foresti, Mathieu Kassovitz, Nicole Garcia, Jonathan Cohen, Olivia Bonamy, Josée Drevon

Scénario : Anne-Gaëlle Daval

Photographie : Philippe Guilbert

Musique : Alexis Rault

Durée : 1h35

Date de sortie initiale : 2017

LE FILM

Lucie est guérie, sa maladie est presque un lointain souvenir. Sa famille la pousse à aller de l’avant, vivre, voir du monde…
C’est ainsi qu’elle fait la connaissance de Clovis, charmant… charmeur… et terriblement arrogant. Intrigué par sa franchise et sa répartie, Clovis va tout faire pour séduire Lucie, qui n’a pourtant aucune envie de se laisser faire.
Au contact de Dalila, prof de danse haute en couleur, Lucie va réapprendre à aimer, à s’aimer, pour devenir enfin la femme qu’elle n’a jamais su être. Pour sa mère, pour sa fille, pour Clovis…

Combien de fois a-t-on pu lire dans la presse que tel acteur ou telle actrice faisait son « Tchao Pantin » ? Cela a encore été le cas pour Florence Foresti avec De plus belle, premier long métrage d’Anne-Gaëlle Daval, costumière sur la série Kaamelott d’Alexandre Astier (son compagnon), qui offre à la comédienne un contre-emploi plutôt inattendu. Depuis son premier film, l’excellent Dikkenek (2006) dans lequel elle interprétait le commissaire Laurence, Florence Foresti a ensuite enchaîné les apparitions au cinéma (Détompez-vous, Si c’était lui…, Mes amis, mes amours) avant de tenir le haut de l’affiche en 2009 avec King Guillaume de Pierre-François Martin-Laval, échec au box-office, puis Hollywoo, qu’elle coécrit et où elle donne la réplique à Jamel Debbouze, gros succès de l’année 2011 avec près de 2,5 millions de spectateurs. Depuis, malgré son triomphe sur scène qui ne s’est jamais démenti, l’humoriste préférée des français n’a fait qu’apparaître de manière sporadique dans d’autres comédies comme Paris à tout prix, Barbecue, A fond et La Folle histoire de Max et Léon. Avec De plus belle, non seulement Florence Foresti tient le rôle principal (écrit spécialement pour elle), mais surtout, elle interprète pour la première fois un personnage dramatique.

Guérie d’un cancer du sein, Lucie réapprend à vivre. Le coeur n’y est pas vraiment même si son frère Frédéric et sa sœur Manon l’encouragent à reprendre sa vie en main et ce malgré le caractère difficile de leur mère. Dans une discothèque, elle rencontre Clovis, séduisant et séducteur. Il aime l’esprit caustique de la jeune femme. Lucie, qui a une piètre opinion de son physique, se dérobe. Elle tente de s’évader via la danse. Dalila, sa professeure qui n’a pas froid aux yeux et croque la vie à pleines dents, devient son premier soutien. Elle fait des efforts, pour sa mère, sa fille et Clovis, se fait belle et commence à voir le bout du tunnel. Si ce premier long métrage n’est évidemment pas parfait, Anne-Gaëlle Daval évite tout pathos lié à la maladie et insuffle beaucoup d’humour à son récit. On pouvait craindre que la tornade Foresti emporte tout sur son passage et en fasse trop dans ce nouveau registre, mais même si l’on sent parfois sa véritable nature prête à reprendre le dessus, la réalisatrice parvient à bien canaliser son jeu et obtenir une très bonne performance de la part de son actrice. Cette dernière est par ailleurs très bien entourée, entre l’excellent Jonathan Cohen, la trop rare et lumineuse Olivia Bonamy, l’impériale Nicole Garcia, sans oublier la classe et le naturel d’un Mathieu Kassovitz qui a l’air de prendre beaucoup de plaisir à composer un couple insolite avec sa partenaire.

Certes, Anne-Gaëlle Daval reprend le personnage créé sur scène par Florence Foresti, finalement guère éloigné de l’humoriste elle-même, mais elle réussit à jouer avec l’aspect clown triste qui sommeille en chaque comédien. Sans en faire trop, à part peut-être dans le maquillage qui prononce les cernes et qui reflète le chemin de croix par lequel est passée Lucie, la cinéaste rend son personnage immédiatement attachant, sans en faire trop, avec une indéniable délicatesse. S’il pèche par son aspect comédie-romantique qui importe finalement moins que la redécouverte du corps de Lucie (par l’intermédiaire d’un striptease dans un numéro de cabaret burlesque !), de sa féminité et de sa prise de conscience d’avoir une seconde chance, De plus belle demeure un joli film, très sensible, touchant et chaleureux, bien écrit et mis en scène, qui rend un bel hommage à la gent féminine, à leur courage, à leur beauté et à leur talent.

LE DVD

En raison de son échec dans les salles avec seulement 100.000 entrées au compteur, De plus belle est uniquement disponible en DVD. Le test a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal, qui reprend le visuel de l’affiche (rose) est fixe et muet.

Peu de bonus à se mettre sous la dent avec d’un côté, un petit module centré sur les comédiens (5’) et de l’autre centré sur la réalisatrice. Images de tournage, propos de l’équipe, présentation des personnages, c’est peu et c’est bien dommage.

L’Image et le son

Après son passage éclair dans les salles, il semble que Studiocanal n’ait pas jugé bon de sortir De plus belle en Blu-ray. Il faudra donc se contenter de cette édition standard, mais heureusement la qualité est là. Les couleurs sont bien loties, très chaudes, ambrées et estivales, le piqué suffisamment affûté, la clarté de mise et les contrastes élégants. Les détails ne manquent pas sur le cadre, les noirs sont denses. Que demander de plus ?

Le mixage Dolby Digital 5.1 instaure un bon confort acoustique en mettant la musique en avant, tout en délivrant les dialogues avec ardeur, sans jamais oublier les effets et ambiances annexes. Quelques basses soulignent également quelques séquences à l’instar de la soirée en discothèque. La piste Stéréo s’en donne également à coeur joie, se révèle dynamique et même percutante dans son genre. Les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant sont également disponibles.

Crédits images : © StudioCanal / Captures DVD : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr