Scénario : Joachim Lafosse, Fanny Burdino, Mazarine Pingeot, Thomas Van Zuylen
Photographie : Jean-François Hensgens
Durée : 1h36
Date de sortie initiale: 2016
LE FILM
Après 15 ans de vie commune, Marie et Boris se séparent. Or, c’est elle qui a acheté la maison dans laquelle ils vivent avec leurs deux enfants, mais c’est lui qui l’a entièrement rénovée. A présent, ils sont obligés d’y cohabiter, Boris n’ayant pas les moyens de se reloger. A l’heure des comptes, aucun des deux ne veut lâcher sur ce qu’il juge avoir apporté.
Joachim Lafosse (A perdre la raison, Les Chevaliers blancs) est un réalisateur précieux et son dernier film L’Economie du couple est une nouvelle et grande réussite à inscrire à son palmarès. Sur un scénario coécrit avec Fanny Burdino, Mazarine Pingeot et Thomas van Zuylen, Joachim Lafosse explore des thèmes devenus récurrents au fil de sa filmographie, tels que l’amour et ses conséquences, la dette, le lien pervers, les dysfonctionnements familiaux, à travers l’histoire douloureuse d’un couple prêt (ou presque) à se séparer. Cet homme et cette femme sont merveilleusement interprétés par Bérénice Bejo, décidément étonnante depuis Le Passé d’Asghar Farhadi et Cédric Kahn, cinéaste devenu comédien un peu par hasard, qui devient ici un immense acteur à la présence impressionnante.
A l’instar de Mike Nichols pour Qui a peur de Virginia Woolf ?, référence avouée de Lafosse, le cinéaste happe le spectateur de la première à la dernière image au moyen de subtils plans-séquences, le prend à la gorge et resserre son étreinte au fur et à mesure, tout en le poussant à réfléchir et à accepter l’imminente rupture d’un homme et d’une femme, parents de deux petites jumelles. L’Economie du couple cherche à faire partager aux spectateurs la vie de personnage simples dans une situation complexe, ni jugés ni déresponsabilisés, dans un lieu quasi-unique, la maison, « personnage » à part entière, ancienne incarnation du rêve et du bonheur, devenue source et raison d’affrontements. Avec sa mise en scène au cordeau, sobre mais toujours juste et maîtrisée, qui évite le théâtre filmé, ses personnages filmés à hauteur d’homme sans fioritures, Joachim Lafosse suscite l’émotion et la réflexion sur la réalité économique sur laquelle repose un couple.
On en ressort épuisés et bouleversés, y compris quand la famille se trouve réunit quasiment pour la dernière fois autour d’une danse sur la chanson Bella de Maitre Gims. Qui aurait pu penser qu’une scène tournant autour d’un tube aussi gras que celui-là deviendrait une des séquences les plus émouvantes de l’année 2016 ? Entre conflits et accalmies, avec tension et délicatesse, nous observons un couple à vif, Marie et Boris, sur le champ-de-bataille, avec l’argent et les différences sociales en guise de munitions durant cette cohabitation forcée le temps qu’il retrouve un logement – elle est de bonne famille, lui d’un milieu ouvrier et n’a pas les moyens de se reloger – avant la concrétisation de la rupture et de l’éclatement de la cellule familiale.
A fleur de peau, intense, magistral, L’Economie du couple démontre une fois de plus quel grand cinéaste est devenu Joachim Lafosse.
LE DVD
Le DVD de L’Economie du couple, disponible chez Le Pacte, repose dans un boîtier classique, glissé dans un surétui cartonné. Le menu principal est animé et musical.
Seul supplément de cette édition, un entretien avec Joachim Lafosse (17’). A l’origine, le réalisateur souhaitait adapter Bon petit soldat de Mazarine Pingeot, mais les droits avaient déjà été achetés. Après une tentative de transposer Britannicus de Racine, Joachim Lafosse et Mazarine Pingeot se sont finalement lancés dans l’écriture d’un film sur la fin d’un couple. Le metteur en scène évoque ensuite l’évolution du scénario, ses intentions, le casting, la préparation des comédiens. Les propos sont spontanés, toujours enrichissants et passionnants.
L’interactivité se clôt sur la bande-annonce.
L’Image et le son
Le Pacte prend soin du film de Joachim Lafosse et livre un service après-vente tout ce qu’il y a de plus solide. Les partis-pris esthétiques du chef opérateur Jean-François Hensgens (Tête de turc, Les Chevaliers blancs, A perdre la raison) sont respectés et la colorimétrie claire (avec de nombreuses touches de bleu) habilement restituée. La clarté est de mise, tout comme des contrastes fermes, un joli piqué et des détails appréciables, y compris sur les très présents gros plans des comédiens. Notons de sensibles pertes de la définition et des plans un peu flous, qui n’altèrent cependant en rien le visionnage. Un master SD élégant.
L’éditeur joint une piste Dolby Digital 5.1 qui instaure une spatialisation délicate, mais anecdotique. Les ambiances naturelles et les effets annexes sont plutôt rares et la scène acoustique reste essentiellement frontale, sauf sur la séquence de danse sur la chanson Bella de Maitre Gims. De ce point de vue il n’y a rien à redire, les enceintes avant assurent tout du long, les dialogues étant quant à eux exsudés avec force par la centrale. La Stéréo n’a souvent rien à envier à la DD 5.1. Les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant sont également de la partie, ainsi qu’une piste en Audiodescription.
MORGANE (Morgan)réalisé par Luke Scott, disponible en DVD et Blu-rayle 1erfévrier2017chez 20th Century Fox
Acteurs : Kate Mara, Anya Taylor-Joy, Rose Leslie, Toby Jones, Boyd Holbrook, Michelle Yeoh, Jennifer Jason Leigh, Brian Cox, Paul Giamatti…
Scénario : Jean Scott Rogers
Photographie : Mark Patten
Musique : Max Richter
Durée : 1h32
Date de sortie initiale: 2016
LE FILM
Consultante en gestion du risque, Lee est envoyée dans un lieu isolé et tenu secret pour enquêter sur un événement terrifiant qui s’y est déroulé. On lui présente alors Morgane, à l’origine de l’accident, une jeune fille apparemment innocente qui porte en elle la promesse du progrès scientifique. À moins qu’elle ne se révèle être au contraire une menace incontrôlable…
Morgane (ou Morgan en version originale) est le premier long métrage réalisé par Luke Scott. Scott comme Ridley et Tony. D’ailleurs Luke Scott est le fils du premier. Né en 1968, il commence sa carrière comme figurant dans Les Duellistes, puis intègre le département artistique sur 1492 : Christophe Colomb. Après ? On ne sait pas ce que Luke Scott a fait jusqu’à 2014, année où il devient réalisateur de la seconde équipe sur Exodus : Gods and Kings, encore une fois mis en scène par son père, rôle qu’il reprendra sur Seul sur Mars en 2015. Merci papa donc. Concernant la réalisation, Luke Scott s’est fait la main sur un épisode de la série Les Prédateurs (1999), avant de signer un premier court-métrage, Loom (2012), avant de passer à son premier long métrage donc, Morgane, qui découle directement de son précédent film puisque Loom mettait en scène un homme (Giovanni Ribisi) qui cachait un être artificiel au sein d’un laboratoire de génétique. Un sujet qui a toujours passionné Luke Scott.
Produit et supervisé par Ridley Scott lui-même (tant qu’à faire), Morgane s’avère un thriller de SF, malheureusement banal, et qui arrive bien trop tard. En réalité, il y a trois films déjà sortis dans Morgane, Splice de Vincenzo Natali (2009), Hanna de Joe Wright (2011) et Ex Machina d’Alex Garland (2015). Aucune surprise donc mais un gros casting composé de Kate Mara (vue dans Seul sur Mars, comme par hasard), Anya Taylor-Joy (révélation de The Witch et impressionnante dans Split de M. Night Shyamalan), sans oublier les excellents Toby Jones, Rose Leslie (la sauvageonne Ygritte de Game of Thrones), Michelle Yeoh, Jennifer Jason Leigh, Brian Cox, Paul Giamatti…excusez du peu ! Morgane vaut donc pour son casting, même si Kate Mara, loin d’être l’actrice la plus charismatique et la plus convaincante, peine à convaincre et livre toutes les clés sur son personnage dès sa première apparition. Luke Scott rate son premier film par trop de facilités. Son histoire manque singulièrement d’intérêt, son film de rythme et de rebondissements. Comme s’il avait le fondement entre deux chaises, il instaure une atmosphère étrange et langoureuse dans une première partie, avant de préférer tout faire péter dans la seconde avec bastons style Jason Bourne et meurtres de sang-froid, sans doute par manque de confiance ou tout simplement conscient que le spectateur a pu s’endormir.
Certes Luke Scott flirte avec le mythe de Frankenstein, mais il ne parvient jamais à donner la moindre empathie pour ses personnages et surtout pas envers Lee (Kate Mara) et Morgane (Anya Taylor-Joy). On a constamment l’impression de visiter une exposition-vidéo, de beaux décors aseptisés, les scènes s’enchaînent de manière poussive, tandis que le spectateur, surtout l’habitué du genre, aura toujours un temps d’avance sur les supposées surprises. Est-ce cela que l’on appelle finalement « film d’anticipation » ? Tout ce qui concerne la manipulation génétique, les expériences sur le corps humain, l’homme qui se prend pour Dieu, est abordé sans intelligence et avec paresse. Finalement, le film devient un spot publicitaire pour l’Irlande du Nord, où le film a été tourné, et l’esprit se met à divaguer sur de potentielles vacances au milieu de ces forêts plutôt que de rester concentré sur une intrigue qui part rapidement à vau-l’eau et qui oublie une chose primordiale, l’émotion.
LE BLU-RAY
Le test du Blu-ray de Morgane, disponible chez Fox, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est mollement animé et bruité (à la bouche, non on rigole).
Le réalisateur Luke Scott a l’air lui-même gêné de commenter son film (en version originale avec sous-titres français) et n’a pas grand-chose à dire sur Morgane. Le réalisateur s’extasie surtout sur le jeu des comédiens, en se demandant constamment il a pu bénéficier d’un tel casting, tout en louant le travail de son décorateur, de son compositeur et d’autres artistes en « teur ». Le commentaire est très lent, rarement ponctué de remarques pertinentes et intéressantes, qui auraient pu redonner un petit peu d’intérêt au film. Malheureusement il n’en est rien.
En guise de « making of », l’éditeur livre un documentaire intitulé Organisme modifié, l’apport de la science au film (20’). Composé essentiellement d’interventions de scientifiques, de chercheurs, de professeurs en biochimie et biologie, de docteurs en philosophie, mais aussi et également de rares propos du réalisateur Luke Scott et de son daddy producteur Ridley, ce module présente toutes les avancées en matière de génétique et génomique. Comment ces recherches vont-elles améliorer la vie des êtres humains ? On parle d’accroissement de l’espérance de vie, de défense immunitaire, d’évolution, avec le plus grand sérieux. De rapides images dévoilent l’envers du décor du film.
Cinq scènes inédites (6’) sont ensuite disponibles, avec le commentaire audio (vostf) du réalisateur en option qui indique la raison de leur éviction. Comme il l’indiquait dans son commentaire sur le film, Luke Scott a préféré couper la scène (ici disponible) qui dévoilait le corps nu androgyne de Morgane car ce plan le mettait mal à l’aise. La dernière scène est en réalité la version longue de l’affrontement entre Morgane et Lee.
Comme nous l’indiquons dans la critique du film, Morgane découle en réalité du court-métrage Loom réalisé par Luke Scott en 2012. Dans un laboratoire futuriste, un scientifique (Giovanni Ribisi) crée de la viande pour nourrir la population terrestre. Mais, quand vient le soir et qu’il rentre chez lui, ses recherches prennent une tournure beaucoup plus contestable. En vingt minutes, Luke Scott parvient à plus nous émouvoir que sur les 95 minutes de de Morgane. De plus, ce court-métrage très réussi s’avère très soigné sur la forme et mérite qu’on s’y attarde. La preuve, même Luke Scott a plus de choses à dire sur ce court-métrage (via les commentaires aussi encore une fois disponibles) que sur l’entièreté de Morgane.
L’interactivité se clôt sur deux bandes-annonces et une galerie de photos en Haute-Définition.
L’Image et le son
Morgane est un film sombre et la Haute définition restitue habilement la photo du chef opérateur Mark Patten. Les volontés artistiques sont donc respectées mais entraînent quelques légers fléchissements de la définition dans les scènes les moins éclairées. Néanmoins, cela reste anecdotique, car ce master HD demeure impressionnant de beauté, tant au niveau des détails que du piqué. Le cadre large n’est pas avare en détails, les contrastes affichent une densité remarquable (du vrai goudron en ce qui concerne les noirs) et la colorimétrie froide est optimale.
Si la piste française n’est pas déshonorante et remplit parfaitement son office, le mixage DTS 5.1 ne peut rivaliser avec la piste anglaise DTS HD Master Audio 7.1. Cette dernière laisse pantois par son immersion, son soutien intelligent des latérales, ses basses percutantes sur les séquences d’action. La version originale s’impose sans mal avec des dialogues remarquablement exsudés par la centrale, des frontales saisissantes, des effets et ambiances riches, les enceintes arrière instaurent constamment un environnement musical. Un excellent spectacle phonique.
Corridors of Bloodréalisé par Robert Day, disponible en DVDle 28février2017chez Movinside
Acteurs : Boris Karloff, Christopher Lee, Betta St. John, Finlay Currie, Adrienne Corri, Francis De Wolff…
Scénario : Jean Scott Rogers
Photographie : Geoffrey Faithfull
Musique : Buxton Orr
Durée : 1h27
Date de sortie initiale: 1962
LE FILM
Londres, 1840, avant la découverte de l’anesthésie. Horrifié par les souffrances que ses confrères et lui infligent à leurs patients, le chirurgien Thomas Bolton multiplie les tentatives de mise au point d’un anesthésiant. En dépit des échecs, il s’acharne, s’exposant à la fois aux moqueries et à une dépendance de plus en plus marquée aux drogues qu’il teste. Victime d’un chantage, Bolton signe les certificats de décès que lui présentent Black Ben et Résurrection Joe, des criminels qui fournissent des cadavres frais aux hôpitaux.
Malgré son casting composé des mythiques Boris Karloff et Christopher Lee, Corridors of Blood, réalisé en 1958, n’est pas un film d’horreur ou fantastique, Il s’agit avant tout d’un drame et faux biopic sur l’inventeur de l’anesthésie générale dans le monde médical. Depuis l’amphithéâtre des cours d’anatomie jusqu’au laboratoire du héros en passant par une taverne mal famée, peuplée de mendiants, d’estropiés, de prostituées, le réalisateur Robert Day (Le Pionnier de l’espace), distille une envoûtante atmosphère gothique, à mi-chemin des romans de Charles Dickens et des productions de la Hammer Films. Déjà fort de la présence de Boris Karloff et Christopher Lee, qui ont certes très peu de scène ensemble, il dirige également d’autres acteurs habitués du genre tels qu’Adrienne Corri (Sherlock Holmes contre Jack l’Eventreur), Francis Matthews (La Revanche de Frankenstein) et Nigel Green (Le Masque de la Mort Rouge).
Pas de film d’épouvante donc, mais que les cinéphiles soient rassurés puisqu’il s’agit avant tout d’un drame très réussi, qui flirte avec le genre et notamment avec l’ombre du Docteur Jekyll et son antagoniste Mr Hyde, mais qui demeure réaliste, sans effusion de sang. Corridors of Blood se rapproche plutôt de la sublime série de Steven Soderbergh, The Knick, qui narre les débuts de la médecine moderne au début du XXe siècle. Ici, l’action se déroule à Londres. Robert Day (né en 1922) met l’accent sur l’architecture singulière avec des toits penchés, des auberges glauques, qui contrastent avec l’aspect guindé et protocolaire du monde de la médecine. Les étudiants et médecins se regroupent dans une salle d’étude où l’on pratique des opérations, tout en utilisant les patients comme cobayes. Selon les médecins présents, la douleur et le scalpel vont de pair, et la seule façon de moins faire souffrir le patient est d’opérer le plus rapidement possible. Mais les cris des patients poussent Thomas Bolton (Boris Karloff) à entreprendre des recherches. Persuadé qu’un patient endormi ne ressentira pas la douleur, Bolton commence à mettre au point un gaz susceptible d’anesthésier ses patients. Seulement au fil des essais, Bolton devient dépendant des drogues qu’il s’administre et son premier essai devant témoin s’est soldé par un échec cuisant doublé des brimades des jeunes médecins qui l’entouraient. Devenant à moitié fou à mesure qu’il respire ces gaz, Bolton continue néanmoins de croire en son projet, quitte à voir le monde médical se liguer contre lui et l’empêcher de continuer ses expériences.
Corridors of Blood déroule ainsi son récit avec efficacité, une mise en scène vivante composée de nombreux travellings particulièrement soignés et élégants. De plus, Boris Karloff signe une remarquable performance et prouve qu’il n’avait pas besoin d’être grimé pour s’imposer. Christopher Lee fait plutôt une apparition amicale et s’impose sans difficulté, en arborant une cicatrice sur la joue et un haut-de-forme de croquemort qui renforcent son inquiétante présence. Corridors of Blood est un petit film passionnant, qui à l’instar du Pionnier de l’espace du même réalisateur, contient une part « documentaire » dans sa première partie, avant de glisser vers une atmosphère fantastique, en restant donc réaliste comme nous l’avons indiqué. Suite à un changement de direction au sein de la MGM, le film mettra quatre ans pour être enfin exploité au cinéma en 1962, mais en double-programme avec un film d’un tout autre genre Werewolf in a Girls’ Dormitory. Une agréable surprise, qui n’a absolument rien perdu de son charme et reste un formidable divertissement.
LE DVD
Le DVD de Corridors of Blood, disponible chez Movinside, repose dans un boîtier classique de couleur noire, glissé dans un surétui cartonné. La jaquette est très élégante et attractive. Cette collection « Trésors du fantastique », est dirigée par Marc Toullec et Jean-François Davy. Le menu principal est quant à lui animé et musical.
Comme sur les autres titres de la collection déjà chroniqués (Soudain…les monstres !, Nuits de cauchemar), Corridors of Blood, uniquement disponible en DVD, contient un seul supplément, une présentation du film par le journaliste Marc Toullec (12’). L’ancien co-rédacteur en chef de Mad Movies montre le caractère spécial du film, qui n’est pas un film d’horreur, mais un drame hybride qui lorgne sur le cinéma de genre. Le casting est évidemment passé au peigne fin avec de nombreuses informations liées à la production de Corridors of Blood.
L’Image et le son
Aïe…le film est présenté au format 1.33, uniquement 4/3. Demeurent quelques scories, fils en bord de cadre, tâches et points qui émaillent l’écran, surtout dans la première partie. Si la copie s’avère stable, l’image a subi un dégrainage total, donnant au master un aspect artificiel, parasité de flous et de moirages. Ce lissage excessif déçoit et ne va pas plaire aux puristes, même si Corridors of Blood est avant tout une véritable et précieuse curiosité.
Seule la version originale est disponible pour ce film. Les sous-titres français sont visiblement incrustés sur l’image et donc inamovibles. Comme pour l’image, le mixage sonne faux car dénué de bruits, de craquements, de souffle et les effets sonores semblent avoir été réalisés récemment. Les voix paraissent flotter sur les images et manquent cruellement de naturel. Notons également quelques résonances.
MAL DE PIERRESréalisé par Nicole Garcia, disponible en DVD et Blu-rayle 21février2017chez Studiocanal
Acteurs : Marion Cotillard, Louis Garrel, Àlex Brendemühl, Brigitte Roüan, Victoire Du Bois, Aloïse Sauvage…
Scénario : Jacques Fieschi, Nicole Garcia d’après le roman de Milena Agus
Photographie : Christophe Beaucarne
Musique : Daniel Pemberton
Durée : 2h01
Date de sortie initiale: 2016
LE FILM
Gabrielle a grandi dans la petite bourgeoisie agricole où son rêve d’une passion absolue fait scandale. A une époque où l’on destine d’abord les femmes au mariage, elle dérange, on la croit folle. Ses parents la donnent à José, un ouvrier saisonnier, chargé de faire d’elle une femme respectable. Gabrielle dit ne pas l’aimer, se voit enterrée vivante. Lorsqu’on l’envoie en cure thermale pour soigner ses calculs rénaux, son mal de pierres, un lieutenant blessé dans la guerre d’Indochine, André Sauvage, fait renaître en elle cette urgence d’aimer. Ils fuiront ensemble, elle se le jure, et il semble répondre à son désir. Cette fois on ne lui prendra pas ce qu’elle nomme « la chose principale ». Gabrielle veut aller au bout de son rêve.
C’est l’une des grandes incompréhensions de l’année 2016 au cinéma. Pourquoi Mal de pierres a-t-il intégré la compétition officielle au Festival de Cannes ? Pourquoi huit nominations aux César 2017 ? On se le demande tant le film paraît poussiéreux, académique, long, soporifique, en un mot raté. Actrice formidable passée à la mise en scène en 1986 avec son court-métrage 15 août puis en 1990 pour son premier long avec Un week-end sur deux, Nicole Garcia a ensuite signé deux films devenus des classiques des années 1990, Le Fils préféré (1994) et Place Vendôme (1998). Son meilleur film L’Adversaire (2002), offrait à Daniel Auteuil un de ses derniers grands rôles à ce jour, tandis que Selon Charlie (2006) décevait à la fois la critique et les spectateurs. Il faudra attendre 2010 avec le superbe Un balcon sur la mer pour réconcilier tout le monde. En 2014, Un beau dimanche était sympathique et porté par le beau couple Pierre Rochefort (le fils de la réalisatrice) et Louise Bourgoin. C’est peu dire que Mal de pierres déçoit et apparaît même frustrant quand on connaît le talent de la cinéaste.
Adapté du roman italien Mal di pietre de Milena Agus publié en 2006, Mal de pierres, coécrit par Nicole Garcia et son fidèle collaborateur Jacques Fieschi raconte l’histoire de Gabrielle, jeune femme étouffant sous les carcans de la petite bourgeoisie de province des années 1950. Gabrielle se consume du désir de connaître une vraie passion et de vivre un grand amour. Exaltée, elle passe pour une folle. A défaut de la faire interner, on la marie à José, un ouvrier saisonnier espagnol qu’elle jure de ne jamais aimer. Envoyée en cure thermale pour soigner des calculs rénaux appelés « mal de pierres », elle tombe amoureuse d’André, un ténébreux lieutenant blessé à la guerre d’Indochine. Le récit classique se déroule avec une rare paresse, tandis que la caméra colle au plus près de Marion Cotillard, au regard triste et habité, charismatique, mais dont on ne parvient pas à s’intéresser. Le personnage demeure froid, distant, agaçant.
Tourné dans des décors naturels, en Savoie, autour d’Aix-les-Bains et dans les Alpes de Haute-Provence, Mal de pierres respecte un cahier des charges et ne s’en éloigne jamais, d’où le constant manque de surprises, l’ennui qui pointe dès le premier acte, jamais sauvé par la suite et surtout pas par une dernière partie abracadabrante qui peut faire penser à une parodie d’un film de M. Night Shyamalan. Aux côtés de Marion Cotillard, les comédiens Alex Brendemühl et Louis Garrel jouent leur partition en déclamant leurs dialogues comme s’ils n’y croyaient pas, même si le premier s’en sort mieux grâce à une présence plus affirmée. L’acteur français, le regard fatigué à la Droopy et la voix monocorde n’insuffle que l’ennui. Reste donc Marion Cotillard, parfois vibrante, charnelle, sensuelle, ambiguë, fragile. Elle est la seule raison d’être et la seule motivation qui nous pousse finalement à visionner jusqu’au bout ce mélo sentimental et psychologique, au final ronflant et sirupeux, dont il ne reste rien ou pas grand-chose après coup, essentiellement les mauvais points.
LE BLU-RAY
Le test du Blu-ray de Mal de pierres, disponible chez Studiocanal, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est animé et musical et le visuel de la jaquette reprend celui de l’affiche du film.
Grosse déconvenue de cette édition, nous ne trouvons aucun supplément, même pas la bande-annonce !
L’Image et le son
Quelques petites pertes de la définition et un piqué manquant parfois de mordant nous empêchent d’attribuer la note maximale à cette édition HD. Néanmoins, ce master demeure fort plaisant et n’a de cesse de flatter les yeux avec une superbe restitution de la colorimétrie et des aplats, devant lesquels ressortent sans mal les comédiens. Les contrastes sont denses, la gestion solide, et les partis pris esthétiques raffinés du chef opérateur Christophe Beaucarne (La Chambre bleue, Perfect Mothers, Coco avant Chanel) trouvent en Blu-ray un magnifique écrin avec un cadre large riche en détails.
Le mixage DTS-HD Master Audio 5.1 offre un bon confort acoustique en mettant à l’avant la musique de Daniel Pemberton (Cartel, Steve Jobs). De ce point de vue-là, il n’y a rien à redire sur la spatialisation. Les ambiances naturelles sont en revanche un peu plus discrètes et finalement, l’ensemble de l’action se retrouve canalisé sur les enceintes frontales. Néanmoins, les dialogues sont solidement plantés sur la centrale. La piste DTS-HD Master Audio 2.0 contentera largement ceux qui ne seraient pas équipés sur la scène arrière. Une piste Audiodescription ainsi que les sous-titres anglais et français destinés au public sourd et malentendant sont également disponibles.
RUSTY JAMES (Rumble Fish)réalisé par Francis Ford Coppola, disponible édition collector Blu-ray+DVD+livre & Blu-ray simplele 8février2017chez Wild Side Vidéo
Acteurs : Matt Dillon, Mickey Rourke, Diane Lane, Dennis Hopper, Diana Scarwid, Vincent Spano, Nicolas Cage, Chris Penn, Laurence Fishburne…
Scénario : S.E. Hinton, Francis Ford Coppola d’après le roman Rumble Fish de S.E. Hinton,
Photographie : Stephen H. Burum
Musique : Stewart Copeland
Durée : 1h36
Date de sortie initiale: 1983
LE FILM
Adolescent bagarreur mais rêveur, Rusty James a pour idole son grand frère, Motorcycle Boy. Celui-ci, un ancien chef de bande, a décroché et vit aujourd’hui dans une autre ville. Rusty James voudrait bien être capable de le remplacer mais il est loin de posséder son charisme. Un soir, ses amis et lui affrontent une bande rivale au cours d’une violente bagarre. Alors que personne ne l’attendait, Motorcycle Boy surgit soudain sur son engin. Surpris, Rusty James est blessé par un membre de la bande rivale. Une fois le combat achevé, le motard tente de convaincre son frère cadet de quitter ses fréquentations qui ne lui apporteront aucun avenir. Mais Rusty s’entête…
Trois ans après Apocalypse Now, Francis Ford Coppola connaît le plus grand revers de sa carrière avec Coup de coeur. Considéré à l’époque comme le plus grand budget alloué à une production cinématographique, Coup de coeur, entièrement financé par American Zoetrope, la société du réalisateur, est un désastre commercial. Au bord de la faillite, obligé de se refaire, Coppola enchaîne néanmoins avec Outsiders, d’après le roman de de S. E. Hinton. Soucieux de subsister dans l’industrie hollywoodienne, le cinéaste n’a pas encore terminé la mise en scène d’Outsiders qu’il démarre celle d’un autre film, avec quasiment la même équipe technique et en engageant une partie des comédiens. Egalement adapté d’un livre pour jeunes adultes de S. E. Hinton, Rusty James ou Rumble Fish en version originale, deviendra non seulement le film le plus personnel de Francis Ford Coppola, mais également son préféré.
En dépit du succès honnête d’Outsiders, Rusty James laisse perplexes les spectateurs et ne parvient pas à remettre American Zoetrope sur les rails. Cotton Club entraînera définitivement Zoetrope vers la banqueroute. Il faudra attendre de longues années pour que Rusty James soit enfin considéré à sa juste valeur. Ce film maudit de Francis Ford Coppola se déroule à Tulsa, Oklahoma. Petite frappe locale, Rusty James (Matt Dillon) rêve d’égaler les exploits de son grand frère, le Motorcycle Boy (Mickey Rourke), légendaire chef de bande qui a choisi de s’éclipser, en partant seul vers l’Ouest. En son absence, pour être à la hauteur de sa réputation et se tailler la part du lion, Rusty, délaissé par un père alcoolique (Dennis Hopper), se frotte aux gangs rivaux. Un soir, une rixe tourne mal. Le voyou est gravement blessé et ne doit son salut qu’à l’intervention inattendue de son aîné. Mystérieux et charismatique, le Motorcycle Boy est de retour chez lui. A 21 ans, il n’est plus que l’ombre de lui-même, à moitié sourd et daltonien.
A travers ce film pensé comme un « film d’art et essai pour adolescents », Francis Ford Coppola aborde la relation entre deux frères, ainsi que le temps qui passe. Nostalgique, mélancolique, marqué par une fureur de vivre qui dissimule la peur de grandir et un complexe d’infériorité, Rusty James est un chef d’oeuvre abstrait qui met en relief le manque de repères d’une génération désabusée, qui se créer ses propres modèles et légendes, avant de se rendre à l’évidence devant le mirage de ces références qu’ils ont adulé avec ce besoin immense de croire en quelqu’un ou en quelque chose. Avec cette histoire, double inversé d’Outsiders, Francis Ford Coppola souhaite rendre hommage à son frère aîné August, à qui le film est dédié, père du comédien Nicolas Kim Coppola, plus connu sous le nom de Nicolas Cage.
Expérimental, inclassable, Rusty James apparaît aux spectateurs dans un N&B incandescent, aux ombres portées signées Stephen H. Burum, futur chef opérateur de Body Double, Les Incorruptibles, L’Impasse et bien d’autres films Brian de Palma. Quelques touches de couleurs émaillent cette photographie expressionniste, notamment les poissons, les « Rumble Fish », poissons combattants venus du Siam qui ont la particularité d’être suicidaires et de vouloir combattre leur propre reflet, devant lesquels le personnage de Mickey Rourke, daltonien, demeure en extase. A cela s’ajoute la composition tout aussi particulière de Stewart Copeland, batteur du groupe The Police, qui renforce le côté course contre la montre et la tension qui semble peser sur les personnages, avec le tic-tac qui reflète le temps qui s’écoule et qui finit par rattreper les jeunes.
Emmené par un Matt Dillon à la fois survolté et romantique, proche du James Dean de La Fureur de vivre et du Marlon Brando de L’Equipée sauvage, le casting de haut vol subjugue à l’instar de Mickey Rourke, formidable et magnétique en grand frère revenu de tout, la magnifique Diane Lane, Nicolas Cage qui crève déjà l’écran et le budget coiffure, Dennis Hopper en père porté sur la bibine (et qui semble planer à mille lieues), sans oublier Vincent Spanno et Chris Penn en complices de Rusty James, Laurence Fishburne et Tom Waits en personnages satellites renforçant l’impression parfois surréaliste de l’intrigue, ainsi que Sofia Coppola aka Domino au générique, en petite sœur de Diane Lane éprise de Rusty James.
Tourné avec un budget de 10 millions de dollars, Rusty James est froidement accueilli, sauf en France où il attire plus d’un million de spectateurs. Les mêmes motifs, sur le fond comme sur la forme, seront repris à nouveau par Francis Ford Coppola lui-même dans son magnifique Tetro.
LE BLU-RAY
Jusqu’alors disponible en DVD chez Universal, Rusty James fait désormais peau neuve chez Wild Side Vidéo. Le film de Francis Ford Coppola est disponible en édition collector Blu-ray+DVD+livre & Blu-ray simple. Si votre choix s’est porté sur la première édition, vous vous régalerez avec le livre exclusif et passionnant de 200 pages sur le film et sa genèse, spécialement écrit pour cette édition par Adrienne Boutang, maître de conférences, cinéma et littérature anglophone, magnifiquement illustré de photos d’archives rares. Une édition à la hauteur de ce film onirique. Le menu principal du Blu-ray est animé et musical.
Dans un premier temps, il est impératif de vous diriger sur le commentaire audio de Francis Ford Coppola, disponible en version originale sous-titrée en français. S’il date d’il y a plus de dix ans, à l’époque où Marie-Antoinette de sa fille Sofia allait être tourné et quand il se demandait encore s’il allait revenir derrière la caméra (il n’avait alors rien réalisé depuis L’Idéaliste en 1997), l’immense cinéaste livre un fabuleux commentaire rempli d’anecdotes, de souvenirs, d’informations, sans un seul temps mort. D’emblée, Coppola avoue que Rusty James est probablement le film pour lequel il a la plus grande affection parce que le plus personnel. Le réalisateur parle de la dimension autobiographique de son film en parallèle de l’adaptation du livre de Susan Eloise Hinton, ainsi que la collaboration avec cette dernière. Le casting est passé au peigne fin, tout comme les conditions de tournage, la musique, le montage, les partis pris esthétiques, ses intentions, les thèmes, l’échec du film à sa sortie. Une véritable, précieuse et immanquable leçon de cinéma !
Nous trouvons ensuite environ 20 minutes de scènes coupées, qui se focalisent notamment sur la relation entre Rusty James et son ami Steve (Vincent Spanno). Présentées dans une qualité vidéo fort médiocre, ces séquences valent néanmoins le coup d’oeil, surtout celle où Rusty James et Steve se font courser après qu’ils aient tenté de voler un enjoliveur de voiture.
S’ensuit le making of rétrospectif, trop court certes (12’), mais qui est finalement largement complété par le livre disponible dans l’édition collector. On y croise pêle-mêle le chef opérateur Stephen H. Burum, le producteur Doug Claybourne, la romancière S.E. Hinton, le réalisateur Francis Ford Coppola, les comédiens Diane Lane, Matt Dillon, Nicolas Cage, Mickey Rourke et Laurence Fishburne. Quelques images de tournage dévoilent l’envers du décor et montrent le cinéaste à l’oeuvre. Un focus est réalisé sur la nouvelle technologie utilisée par Coppola sur le plateau, à savoir la prévisualisation. Avec ses collaborateurs artistiques, le réalisateur dessinait chaque scène sur un tableau noir électronique, pour préparer ses prises de vue. Les comédiens étaient alors filmés sur fond bleu, derrière lesquels étaient ensuite incrustées des images filmées dans les rues de Tulsa, pour ainsi préparer le véritable tournage. Le tournage des cascades et de la scène de lévitation est aussi analysé. Dennis Hopper fait également une apparition remarquée sur le plateau, probablement sous substance, quand il interpelle Francis Ford Coppola, réfugié derrière son combo dans sa caravane personnelle. Ce qui avait le don d’irriter Dennis Hopper, qui lui faisait bien comprendre.
Le dernier module, réalisé en 2005 comme le précédent, donne non seulement la parole à Francis Ford Coppola, mais également au compositeur Stewart Copeland, batteur du groupe The Police, accompagné de l’ingénieur du son Richard Beggs. Ces derniers reviennent sur les intentions de Francis Ford Coppola, le travail quotidien avec le cinéaste, ses exigences et la création de la bande-originale.
L’interactivité se clôt sur la bande-annonce et les credits
L’Image et le son
Rusty James refait surface sous la houlette de Wild Side Vidéo dans un nouveau master HD (au format 1080p) restauré 4K. Oubliez l’ancienne édition DVD Universal et dirigez-vous immédiatement sur le Blu-ray du film maudit de Francis Ford Coppola. Si l’on demeure sceptique sur le lissage parfois excessif du grain, la propreté de la copie emporte l’adhésion, tout comme le rendu des fabuleux contrastes de la magnifique photo N&B de Stephen H. Burum. Ces partis pris esthétiques singuliers trouvent ici un nouvel écrin, la stabilité est de mise, le piqué agréable, les noirs denses, la profondeur de champ omniprésente et la clarté éblouissante à de nombreuses reprises. Le niveau de détails est tel que nous pouvons apercevoir les deux câbles qui soulèvent Matt Dillon durant la scène de la transe. Hormis donc une gestion aléatoire du grain original, qui fait les frais de cette restauration, revoir Rusty James dans ces conditions techniques ravira les nombreux fans du film.
Les versions originale et française bénéficient d’un mixage DTS-HD Master Audio Mono 2.0. Dans les deux cas, l’espace phonique se révèle probant et dynamique, le confort est indéniable, et les dialogues sont clairs, nets, précis. Sans surprise, au jeu des comparaisons, la piste anglaise s’avère plus naturelle et harmonieuse, surtout au niveau de la musique de Stewart Copeland. Que vous ayez opté pour la langue de Shakespeare (conseillée) ou celle de Molière, aucun souffle ne vient parasiter votre projection et l’ensemble reste propre.Les sous-titres français sont imposés sur la version originale.
UNE VIE ENTRE DEUX OCEANS (The Light Between Oceans)réalisé par Derek Cianfrance, disponible en DVD et Blu-rayle 6février2017chez Metropolitan Vidéo
Acteurs : Michael Fassbender, Alicia Vikander, Rachel Weisz, Florence Clery, Jack Thompson, Thomas Unger…
Scénario : Derek Cianfrance d’après le roman de M.L. Stedman
Photographie : Adam Arkapaw
Musique : Alexandre Desplat
Durée : 2h14
Date de sortie initiale: 2016
LE FILM
Quelques années après la Première Guerre mondiale en Australie. Tom Sherbourne, ancien combattant encore traumatisé par le conflit, vit en reclus avec sa femme Isabel, sur la petite île inhabitée de Janus Rock dont il est le gardien du phare. Mais leur bonheur se ternit peu à peu : Isabel ne peut avoir d’enfant… Un jour, un canot s’échoue sur le rivage avec à son bord le cadavre d’un homme et un bébé bien vivant. Est-ce la promesse pour Tom et Isabel de fonder enfin une famille ?
Révélé en 2010 avec son deuxième long métrage Blue Valentine, interprété par Michelle Williams et Ryan Gosling, le réalisateur Derek Cianfrance a ensuite confirmé avec The Place Beyond the Pines, encore une fois porté par Ryan Gosling, avec également Eva Mendes et Bradley Cooper. Bien que surestimés, ces deux films démontraient le savoir-faire du réalisateur américain et imposaient sans mal une nouvelle sensibilité. C’est peu dire que son dernier long métrage, Une vie entre deux océans, déçoit considérablement. Même si les thèmes demeurent proches de ses précédents longs métrages, à savoir la famille, la paternité et la maternité, les responsabilités, le poids des secrets qui peut à la fois détruire et souder un couple, les choix et leurs conséquences à travers une réaction en chaîne, ce nouvel opus croule malheureusement sous les clichés et les effets téléphonés, qui rendent l’histoire complètement improbable.
Sur une petite île perdue au large de l’Australie, peu après la Première Guerre mondiale, Tom Sherbourne, le gardien du phare, vit heureux avec son épouse Isabel. Loin du tumulte du monde, il peut enfin oublier tout ce qu’il a vécu au combat. Malgré deux tentatives, Isabel ne peut pas avoir d’enfants, et la jeune femme se désespère. Un jour, un canot vient s’échouer sur la plage, avec à son bord le cadavre d’un homme et un bébé encore en vie. Ils décident de cacher cet événement, se débarrassent du corps et adoptent l’enfant. Une vie entre deux océans est l’adaptation cinématographique du roman éponyme de l’australienne M.L. Stedman, best-seller mondial de l’année 2012, traduit en 35 langues et inscrit sur les listes prestigieuses du New York Times et du USA Today. Conquis par ce livre, qu’il a lu de nombreuses fois, Derek Cianfrance s’est occupé seul de cette transposition. Il a ensuite jeté son dévolu sur la comédienne suédoise Alicia Vikander, révélée par Royal Affair de Nikolaj Arcel, qui a depuis conquis Hollywood jusqu’à obtenir l’Oscar du meilleur second rôle féminin en 2016 pour The Danish Girl. L’éclectique et prolifique Michael Fassbdender lui donne la réplique. Coup de foudre sur le plateau, les deux acteurs ne se sont plus quittés depuis le tournage d’Une vie entre deux océans. La troisième tête d’affiche n’est autre que la talentueuse et magnifique Rachel Weisz.
Le film partait donc sous les meilleurs auspices, alors pourquoi Une vie entre deux océans s’avère un mélodrame raté ? Rien ne fonctionne du début à la fin. Le cinéaste a beau prendre soin de chaque plan et insuffler une grande sensibilité, l’histoire prend l’eau d’emblée et n’est en rien convaincante. S’il n’y a rien à redire sur le jeu des comédiens, le contraire eût été étonnant, qui se livrent sans la moindre retenue, les personnages agacent, irritent, les effets téléphonés s’enchaînent comme des perles sur un collier, les rebondissements sont improbables. Derek Cianfrance joue la carte de l’émotion pudique et du romanesque, mais s’enlise dans un pathos qu’on ne lui connaissait pas. L’alchimie du couple vedette est réelle, on a vu à quel point depuis, mais rien n’y fait, le récit, qui devait bien passer à la lecture, est invraisemblable à l’écran et l’empathie ne prend jamais car tout paraît artificiel, surligné et poussif. L’homme est seul ? Il rencontre une jeune femme qui tombe immédiatement amoureuse de lui. Ils ne peuvent pas avoir d’enfant après deux tentatives ? Un bébé arrive dans une barque poussée par la marée. Et ainsi de suite jusqu’à la fin. Demeurent les sublimes décors naturels de la Nouvelle-Zélande, mais c’est finalement tout ce qu’on retient de ce mélo manichéen et dégoulinant, nappé des violons conduits par Alexandre Desplat, qui s’agitent non stop pendant deux heures. Assommant.
LE BLU-RAY
Le Blu-ray d’Une vie entre deux océans, disponible chez Metropolitan, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est sobre, animé et musical.
Ceux qui auraient le courage d’écouter le commentaire audio du réalisateur Derek Cianfrance, accompagné de son ancien professeur de cinéma Phil Solomon, devront faire confiance à leurs rudiments d’anglais puisque l’éditeur ne propose pas les sous-titres français pour ce supplément.
Alicia Vikander est triste de ne pas trouver les sous-titres français pour le commentaire audio !
Nous trouvons une featurette promotionnelle (17’) composée d’entretiens avec le metteur en scène Derek Cianfrance, les trois comédiens principaux et les producteurs. Chacun revient sur les conditions originales de tournage, puisqu’afin de capter le réel, le réalisateur laissait tourner sa caméra pendant une vingtaine de minutes en demandant à ses acteurs « d’être » plutôt que de jouer. Les images des prises de vue montrent donc Michael Fassbender et Alicia Vikander jardiner, peindre, se promener.
L’autre module de 5 minutes se focalise sur les lieux de tournage, en particulier le phare de Cape Campbell, situé au nord-est de South Island en Nouvelle-Zélande. Les mêmes protagonistes que dans le segment précédent s’expriment à nouveau sur les méthodes de Derek Cianfrance.
L’Image et le son
Malgré son passage inaperçu dans les salles françaises, Une vie entre deux océans bénéficie d’une superbe édition HD. Metropolitan prend soin du mélodrame de Derek Cianfrance pour son arrivée dans les salons en Blu-ray. Un master HD irréprochable au transfert immaculé. Respectueux des volontés artistiques originales, la copie se révèle un petit bijou technique alliant des teintes chaudes, ambrées et dorées, avec des teintes un peu plus froides, le tout étant soutenu par un encodage AVC de haute volée. Le piqué, tout comme les contrastes, sont tranchants, avec des arrière-plans bluffants de précision. Les gros plans sont ciselés à souhait, la colorimétrie est joliment laquée, le relief omniprésent. Un service après-vente remarquable et élégant.
Comme pour l’image, l’éditeur a soigné le confort acoustique et livre deux mixages DTS-HD Master Audio 5.1 français et anglais qui imposent une balance impressionnante des frontales comme des latérales, des effets annexes très présents et dynamiques, des voix solidement exsudées par la centrale. La spatialisation est en parfaite adéquation avec le ton du film. Mention spéciale aux ambiances naturelles avec notamment le vent environnant et omniprésent. L’éditeur joint également les sous-titres français, destinés au public sourd et malentendant, ainsi qu’une piste en Audiodescription.
LA DANSEUSEréalisé par Stéphanie Di Giusto, disponible en DVD et Blu-ray le 1er février 2017chez Wild Side Video
Acteurs : Soko, Gaspard Ulliel, Mélanie Thierry, Lily-Rose Depp, François Damiens, Louis-Do de Lencquesaing…
Scénario : Stéphanie Di Giusto, Sarah Thibau, Thomas Bidegain d’après le roman Loïe Fuller, danseuse de la Belle Époque de Giovanni Lista
Photographie : Benoît Debie
Musique : Laura Obiols
Durée : 1h59
Date de sortie initiale: 2016
LE FILM
Loïe Fuller est née dans le grand ouest américain. Rien ne destine cette fille de ferme à devenir la gloire des cabarets parisiens de la Belle Epoque et encore moins à danser à l’Opéra de Paris. Cachée sous des mètres de soie, les bras prolongés de longues baguettes en bois, Loïe réinvente son corps sur scène et émerveille chaque soir un peu plus. Même si les efforts physiques doivent lui briser le dos, même si la puissance des éclairages doit lui brûler les yeux, elle ne cessera de perfectionner sa danse. Mais sa rencontre avec Isadora Duncan, jeune prodige avide de gloire, va précipiter la chute de cette icône du début du 20ème siècle.
La Danseuse est un biopic romancé et ambitieux de la grande et pourtant méconnue danseuse américaine Loïe Fuller (1862-1928). Née Mary Louise Fuller à Hinsdale (Illinois), elle demeure une des pionnières de la danse moderne, avec notamment sa chorégraphie virevoltante où elle apparaissait vêtue de plusieurs centaines de mètres de soie blanche. Ayant rencontré le succès à Paris aux Folies Bergère avec ses danses dites serpentines, Loïe Fuller devient une des artistes les plus importantes et les mieux payées du monde du spectacle de la Belle Epoque. En plus du caractère inédit et avant-gardiste de ses chorégraphies, la danseuse est également metteur en scène et n’hésite pas à avoir recours à l’électricité – ainsi qu’aux mathématiques et même à la chimie – pour créer des numéros encore plus sophistiqués. Une véritable révolution des arts scéniques.
La réalisatrice Stéphanie Di Giusto signe un premier long métrage souvent remarquable, excellemment mis en scène, brillamment photographié et porté par une Soko en état de grâce. La première partie s’avère beaucoup plus prenante et attachante que l’après-Folies Bergère, centré sur la relation trouble entre Loïe Fuller et Isadora Dunca, qui pâtit de certaines baisses de rythme et du jeu plombé par Lily-Rose Depp (fille de Johnny Depp et de Vanessa Paradis), dont le regard vide et le manque de grâce fait pencher le second acte du mauvais côté de la balance. Heureusement, nous n’avons d’yeux que pour Soko, vibrante, magnétique, irréprochable, bouleversante, investie (un mois d’entraînement à raison de six heures par jour), qui capte la lumière comme jamais et qui confirme toute sa préciosité après À l’origine de Xavier Giannoli, Bye Bye Blondie de Virginie Despentes, Augustine d’Alice Winocour et dernièrement dans Voir du pays de Muriel et Delphine Coulin. Excellente directrice d’acteurs, Stéphanie Di Giusto offre également à Mélanie Thierry (comme d’habitude merveilleuse), François Damiens et Gaspard Ulliel, des personnages qui pourraient apparaître en retrait, mais qui s’avèrent très importants dans le parcours de Loïe Fuller.
Fascinée par ce combat unique d’une simple fille de fermier du Grand ouest américain, devenue une des plus grandes artistes de son temps, Stéphanie Di Giusto s’est emparée de ce sujet à bras le corps et aura passé pas moins de trois années rien que sur l’écriture du scénario. On sent la cinéaste hypnotisée par celle qui fut la muse du Tout-Paris, de Toulouse-Lautrec à Rodin, mal dans sa peau en raison d’un physique « ingrat » et qui préférait se dissimuler dans un tourbillon de voile, avant d’être finalement rattrapée par le succès, la jeunesse et le charisme de celle qui fut un temps son élève, Isadora Duncan, qui finira par l’éclipser au point d’être oubliée de tous. Elle repose aujourd’hui au cimetière du Père Lachaise, à quelques mètres seulement de celle qui sera devenue sa grande rivale.
A l’écran, les fulgurantes scènes de représentation sont divines, magnifiquement éclairées par le chef opérateur Benoît Debie, célèbre pour son travail avec Gaspar Noé sur Irréversible, Enter the Void et Love, mais aussi le « coloré» Spring Breakers de Harmony Korine. Le personnage de Loïe, prête à mettre sa santé en jeu pour son art, émeut à plus d’un titre grâce à l’interprétation tout en finesse de Soko. Dommage donc que la seconde partie déçoive et s’égare quelque peu. Sélectionné dans la section Un Certain Regard du dernier Festival de Cannes, La Danseuse, aura attiré plus de 200.000 spectateurs à sa sortie en septembre 2016. Porté par une critique souvent élogieuse, le très beau portrait de femme de Stéphanie Di Giusto est d’ores et déjà nommé dans six catégories à la prochaine cérémonie des César, notamment pour celui de la Meilleure actrice (Soko), Meilleure actrice dans un second rôle (Mélanie Thierry), Meilleur espoir féminin (Lily-Rose Depp) et Meilleur premier film.
LE BLU-RAY
Le test du Blu-ray de La Danse, disponible chez Wild Side Video, a été réalisé sur un check-disc. Le menu principal est animé et musical.
Dirigez-vous immédiatement vers le splendide making of (51’), exclusif à l’édition Blu-ray du film. Ce formidable documentaire suit les premières approches et les répétitions de la réalisatrice Stéphanie Di Giusto avec sa comédienne principale et la chorégraphe Jody Sperling, aujourd’hui la plus grande experte de Loïe Fuller. Plusieurs mois avant le début des prises de vues, la caméra suit ces trois femmes, en particulier Soko qui se plie à un entrainement intensif pendant plusieurs semaines. Les propos de la réalisatrice, des comédiens, du producteur Alain Attal (qui revient surtout sur les difficultés de financement du film), sans oublier les responsables des costumes et des décors, parsèment ce making of indispensable, très bien filmé, rythmé et marqué par de nombreuses et impressionnantes séquences de tournage.
Les quatre modules intitulés Isadora, Loïe, Gabrielle et Louis, d’une durée oscillant entre deux et trois minutes chacun, ne servent du coup à rien puisqu’ils sont essentiellement composés d’images et de propos tirés du making of précédent, sauf en ce qui concerne celui consacré au personnage de Louis, avec un court entretien de Gaspard Ulliel.
Cette section propose ensuite une dizaine de scènes coupées (16’), que l’on doit sélectionner une par une. Très belles, visiblement coupées pour des questions de rythme, elles s’avèrent soignées et valent le coup d’oeil, notamment Loïe dans son atelier de chimie, Loïe désemparée après le départ d’Isadora et une séquence où Gabrielle (Mélanie Thierry) manque de se noyer après avoir voulu récupérer des plans de Loïe – qui plonge pour la sauver – tombées dans une mare.
L’interactivité se clôt sur une superbe galerie de photos.
L’Image et le son
Le master HD (1080p) de La Danseuse restitue merveilleusement les volontés artistiques du talentueux chef opérateur Benoît Debie (Irréversible, Calvaire, Vinyan, Spring Breakers) en conservant un très léger grain, des couleurs à la fois chaudes et froides, des contrastes léchés ainsi qu’un relief constamment palpable. Ces volontés artistiques sont rudement prises en charge pour le passage du film sur le petit écran. La compression AVC consolide l’ensemble avec brio, les détails sont légion sur le cadre large et les visages des comédiens, le piqué est aiguisé, les noirs denses et la copie éclatante. Les séquences nocturnes jouissent également d’une belle définition, même si les détails se perdent quelque peu.
Le confort acoustique est total grâce à une piste française DTS-HD Master Audio 5.1. souvent fracassante. Les voix sont claires et limpides sur la centrale, la spatialisation musicale est systématique, les basses énergiques pour les séquences de chorégraphies et la balance frontale dynamique. Les latérales assurent tout du long en distillant constamment de nombreux effets et ambiances naturelles. Un mixage qui vous permettra d’explorer chaque recoin de votre installation. Les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant sont également disponibles, ainsi qu’une piste Audiodescription.
CHANSONS DU DEUXIEME ETAGE (Sånger från andra våningen)réalisé par Roy Andersson, disponible en Blu-ray le 6 décembre 2016chez Potemkine Films
Acteurs : Lars Nordh, Stefan Larsson, Tommy Johansson, Jöran Mueller, Torbjörn Fahlström…
Scénario : Roy Andersson
Photographie : István Borbás, Jesper Klevenås
Musique : Benny Andersson
Durée : 1h38
Date de sortie initiale: 2000
LE FILM
Un soir quelque part dans notre hémisphère, une série d’événements étranges s’enchaînent sans logique apparente : un employé est licencié de façon humiliante, un immigré est violemment agressé dans la rue… Parmi ces personnages singuliers se détache Karl, au visage couvert de cendres. Il vient de mettre le feu à son magasin de meubles afin de toucher la prime d’assurance. Cette nuit-là, personne ne parvient à trouver le sommeil. Le lendemain, les signes d’un chaos imminent commencent à apparaitre. Karl prend conscience de l’absurdité du monde et combien il est dur d’être humain.
A ce jour, le cinéaste suédois Roy Andersson compte à son actif cinq longs métrages depuis ses débuts en 1970 avec le très remarqué Une histoire d’amour suédoise (Grand Prix du Festival de Berlin 1970), qu’il autofinance grâce à ses spots publicitaires. Ingmar Bergman le considérait d’ailleurs comme le plus grand réalisateur dans ce domaine. Pourtant, son travail dans le cinéma est tout aussi indispensable.
Sorti en 2000, Chansons du deuxième étage marque le retour de Roy Andersson au cinéma, 25 ans après son deuxième long métrage réalisé en 1975, Giliap. C’est aussi le premier volet de la « Trilogie des Vivants ou comment être un être humain ». Alors que le soir tombe, une grande ville de l’hémisphère Nord devient le théâtre d’événements plus ou moins bizarres, parfois cruels, souvent inquiétants. Un vieil homme qui vient d’être licencié s’accroche désespérément aux pieds de son patron, sous les regards presque indifférents de ses collègues. Un immigré est tabassé en pleine rue, sans raison apparente, par des loubards aux allures de gentlemen. Un magicien qui devait «couper» un homme en deux rate son tour. Un homme visiblement épuisé met le feu à sa propre boutique dans le but de toucher l’assurance. Désormais sans travail, il erre dans les rues de la ville, paralysée par des embouteillages monstres…
Prix du Jury au Festival de Cannes en 2000, Chansons du deuxième étage installe ce qui sera désormais le style Andersson : succession de cadrages fixes, en grand angle et en une quarantaine de longs plans-séquences sophistiqués tournés en studio dans des décors stylisés, qui s’apparentent à des tableaux vivants. Andersson travaille comme un peintre et utilise sa caméra comme un pinceau. Il recherche constamment le plan parfait, tout comme la profondeur de champ et la perspective. Pas étonnant que le tournage de Chansons du deuxième étage se soit étendu sur quatre années ! Roy Andersson a pour habitude de ne jamais utiliser de scénario, ni de se reposer sur un planning de tournage. Le réalisateur préfère élaborer et peaufiner les scènes au fil de nombreuses répétitions, avec l’aide de ses comédiens, la plupart du temps non-professionnels, préférant les «gens authentiques et qui ont une véritable présence à l’écran». Ces délais hors-normes de production, sans compter le manque d’argent qui a occasionné plusieurs arrêts des prises de vue, font la marque de fabrique de Roy Andersson. Chaque couche doit être visible, du premier au dernier plan.
A l’instar des deux volets suivants, Nous, les vivants (2007) et Un pigeon perché sur une branche philosophait sur l’existence (Lion d’or à la Mostra de Venise 2014), les œuvres des peintres allemands Otto Dix et Georg Scholz ont influencé le cadre et l’atmosphère : le visage des comédiens est blafard et fardé ; les couleurs sont ternes et désaturées ; l’ambiance est froide, parfois glaciale, et lugubre ; l’humour noir ironique et ravageur prédomine, même quand la mort est présente. Une fois ces partis pris acceptés par le spectateur, l’ensemble respire, vit, nous touche et une mélancolie transpire à chaque plan.
En outre, cet humour burlesque et poétique, que n’auraient pas renié Jacques Tati, Eugène Ionesco ou Pierre Etaix, naît de cette bizarrerie finalement quotidienne, alors que le monde semble être au bord du chaos. Roy Andersson est un humaniste, même s’il est réputé comme un artisan acharné, parfois tyrannique, lorsqu’il lui faut obtenir ce qu’il estime être la perfection. Dans ce conte moral constitué d’une suite de sketchs, il s’intéresse à la confrontation des êtres, à leur conversation ou plutôt à l’absence de communication, voire au dialogue de sourds. Mais il croit en cette interaction, au bonheur et au rire.
Le style singulier de Roy Andersson met ainsi en relief l’absurdité de la vie, de la solitude, des désirs inassouvis et du manque d’amour dans un monde quasi incolore, funèbre et déprimant. Malgré tout, l’espoir de s’en sortir, de trouver l’interlocuteur et de penser que demain sera un autre jour, ne cessent de démentir toutes ces premières impressions. Chansons du deuxième étage est un bijou froid totalement inclassable qui trouve dès lors le moyen de réchauffer le cœur tout en incitant à la réflexion.
LE BLU-RAY
Le test du Blu-ray de Chansons du deuxième étage, disponible chez Potemkine, a été réalisé sur un check-disc. Le menu principal est animé et musical.
En 2001, Arte Vidéo avait édité Chansons du deuxième étage en DVD. Une galette qui comprenait moult suppléments : un commentaire audio du réalisateur, un documentaire sur le réalisateur : « Obsessions du deuxième étage », deux courts-métrages Monde de gloire et Quelque chose est arrivé, un making of, des scènes inédites, des tests et une scène alternative. Si le film fait peau neuve en Haute-Définition chez Potemkine, les suppléments de l’ancienne édition ont tous disparu ! Il faut se contenter d’un rapide entretien avec Roy Andersson (4’) durant lequel le cinéaste évoque l’humour particulier du film, l’envie de surprendre les spectateurs, le travail avec les acteurs non-professionnels.
Nous trouvons également deux publicités réalisées (en plan-séquence) par Roy Andersson, la première pour Trygg Hansa, une société d’assurance (44 secondes), le second pour HSB, une coopérative immobilière (30 secondes).
L’Image et le son
Le Blu-ray est au format 1080p. Les rares scènes diurnes tournées en extérieur s’accompagnent d’un piqué aussi pointilleux que possible. La photo particulière est ici conforme aux souhaits du réalisateur, les contrastes sont aléatoires, les noirs denses, les teintes bleutées, froides, grisâtres et vertes sont merveilleusement mises en valeur. La copie est très propre et parvient à tirer quelques avantages de la Haute-Définition.
L’éditeur dispose d’un mixage suédois DTS-HD Master Audio 5.1. La piste ne déçoit pas par son envergure et son entrain, tant au niveau de la délivrance des dialogues que des effets latéraux. La balance frontale est riche et plonge facilement le spectateur dans l’ambiance surprenante du film.
L’ORIGINE DE LA VIOLENCEréalisé par Elie Chouraqui, disponible en DVD le 18janvier 2017chez M6 Vidéo
Acteurs : Richard Berry, Stanley Weber, César Chouraqui, Michel Bouquet, Miriam Stein, Catherine Samie, Romaine Cochet, Christine Citti…
Scénario : Élie Chouraqui, d’après le roman L’Origine de la violence de Fabrice Humbert
Musique : Cyril Étienne des Rosaies, Romain Poncet
Durée : 1h47
Date de sortie initiale: 2016
LE FILM
Lors d’un voyage en Allemagne, un jeune professeur, Nathan Fabre, découvre au camp de concentration de Buchenwald la photographie d’un détenu dont la ressemblance avec son propre père, Adrien, le stupéfie. De retour en France, le souvenir de cette photographie ne cesse de l’obséder. Face au silence de son père, il décide alors de se pencher sur l’histoire de sa propre famille. Les secrets qu’il y découvre bouleversent son existence.
À l’issue de sa quête, Nathan comprendra que le passé, même enfoui au plus profond des mémoires, finit toujours par ressurgir…
L’Origine de la violence est à la base un roman autobiographique de Fabrice Humbert, Prix Renaudot du livre de poche en 2010. Réalisateur éclectique, Elie Chouraqui (Paroles et Musique, Harrison’s Flowers) signe son retour au cinéma, sept ans après son dernier long métrage, Celle que j’aime. A travers cette histoire pleine de lourds secrets liés à la guerre, le réalisateur, qui adapte lui-même le livre original, y trouve une résonance particulière liée à sa propre vie. Ce sujet lui permet surtout de mettre en scène un film pensé comme une œuvre somme, qui résume tous ses précédents longs métrages. Seulement voilà, si le sujet est fort et ne peut évidemment pas laisser indifférent, la réalisation s’avère très mauvaise et l’interprétation laisse franchement à désirer.
Vraisemblablement tourné avec peu de moyens, L’Origine de la violence peine à sortir d’un carcan télévisuel avec des couleurs ternes, des acteurs neurasthéniques, une reconstitution fauchée, surtout en ce qui concerne les séquences dans le camp de concentration de Buchenwald, tournées réellement sur place. Du coup, même si l’histoire demeure intéressante et pleine de rebondissements tout du long, on peine à aller jusqu’au bout. Pourtant, Elie Chouraqui n’est pas un débutant, mais L’Origine de la violence frôle trop souvent l’amateurisme. Si Richard Berry et Michel Bouquet (qui remplaçait alors Michel Galabru) s’en sortent sans mal, Stanley Weber, découvert dans Le Premier Jour du reste de ta vie de Rémi Bezançon, demeure bien fade et campe un personnage peu attachant. César Chouraqui, fils du réalisateur, se voit également confier l’un des rôles principaux, un double-rôle en fait, dont il s’acquitte honorablement. Le poids du secret, la transmission, les amours contrariées et détruites par la guerre, la jalousie, la violence comme héritage génétique, la Shoah, le devoir de mémoire, la quête identitaire, comment profiter du présent si nous ne connaissons pas le passé, tous ces sujets sont abordés avec retenue, sans doute trop, tandis que la pauvreté technique finit par avoir raison de notre patience.
Tout le côté fiction-romanesque ne fonctionne pour ainsi dire jamais et s’avère extrêmement maladroit, embarrassant même, surtout ce qui concerne le passé et le présent qui s’entremêlent de façon artificielle et scolaire. Nous ne remettons pas en doute la sincérité et la sensibilité du cinéaste, c’est juste qu’Elie Chouraqui aurait dû bénéficier de plus de moyens pour aborder ce voyage au pays de la mémoire puisque l’on sent le metteur en scène trop restreint dans ses ambitions, ou tout simplement dépassé par l’envergure de ce projet. L’émotion est palpable, mais l’ensemble demeure trop froid, trop figé, académique, ronflant et laborieux pour réellement convaincre, surtout lorsque la musique fait office de sirop d’érable – même s’il s’agit de la 7ème symphonie de Beethoven – pour appuyer l’émotion.
LE DVD
Le test du DVD de L’Origine de la violence, a été réalisé à partir d’un check-disc. Pour la sortie du film dans les bacs, M6 Vidéo n’a pas repris le beau visuel de l’affiche du film et a préféré miser sur une jaquette plus conventionnelle, mais néanmoins attractive. Le menu principal est animé et musical.
Nous ne trouvons que la bande-annonce en guise d’interactivité.
L’Image et le son
Le transfert est lambda, propre, mais passe-partout. L’image est lisse est sans aspérité, les couleurs ternes tout du long, les contrastes corrects et les noirs denses. La compression tente de limiter les fourmillements, parfois avec du mal, le piqué déçoit, les détails manquent à l’appel. Tout cela est bien triste.
La piste Dolby Digital 5.1 spatialise correctement la musique du film, mais peine à donner un peu de vigueur aux dialogues, bien trop timides sur la centrale. N’hésitez pas à monter le son, ou tout simplement à sélectionner la version Stéréo, bien plus dynamique et percutante. Mauvais point : l’absence de sous-titres français destinés au public sourd et malentendant !
Scénario : Houda Benyamina, Romain Compingt, Malik Rumeau
Photographie : Julien Poupard
Musique : Demusmaker
Durée : 1h45
Date de sortie initiale: 2016
LE FILM
Dans un ghetto où se côtoient trafics et religion, Dounia a soif de pouvoir et de réussite. Soutenue par Maimouna, sa meilleure amie, elle décide de suivre les traces de Rebecca, une dealeuse respectée. Sa rencontre avec Djigui, un jeune danseur troublant de sensualité, va bouleverser son quotidien.
C’est le choc du Festival de Cannes 2016. Le petit film que personne n’attendait et qui pourtant a créé un raz-de-marée auprès de la critique, quasi-unanime et des spectateurs. Récompensé par la Caméra d’or, trophée destiné à un premier film, Divine est le premier long métrage de la réalisatrice Houda Benyamina. L’action se déroule en banlieue parisienne. La jeune Dounia suit des cours pour devenir hôtesse d’accueil, mais envoie balader sa prof après l’avoir humilié devant toute sa classe. Elle ne rêve que de liberté, de respect et de pouvoir, que seul l’argent pourrait lui offrir. Aux côtés de sa meilleure amie Maimouna, elle souhaite proposer ses services auprès de Rebecca, la dealeuse charismatique du quartier, que ceux de son âge envient, Dounia la première. Son rêve de partir du camp de roms où elle vit avec sa mère semble à portée de main. Elle rencontre alors Djigui, le vigile du supermarché qu’elle aime charrier, jusqu’à ce qu’elle apprenne que ce beau jeune homme, rêve lui aussi de s’en sortir en devenant danseur professionnel.
A l’origine de Divines, il y a les émeutes qui ont agité la banlieue parisienne en 2005. La réalisatrice explique « Mon besoin de créer vient toujours d’un sentiment d’injustice. J’ai raisonné mes proches, mais j’avais moi aussi envie de sortir et de tout défoncer. Je me suis ensuite demandé pourquoi cette colère n’avait pas abouti à une véritable révolte ». Femme engagée, « mais pas révoltée », Houda Benyamina signe un premier film choc, qui ne peut laisser indifférent. Divines, dont le titre était à l’origine Bâtarde, est littéralement porté par le tempérament volcanique de la cinéaste, mais également par le naturel confondant des comédiens, Oulaya Amamra, la propre sœur de la réalisatrice, qui incarne Dounia, Déborah Lukumuena (Maimouna), Jisca Kalvanda (Rebecca) et Kevin Mischel (Djigui).
Si Divines n’échappe pas à certains défauts souvent liés à un premier long métrage, à savoir un trop-plein d’idées pas forcément toutes exploitées, quelques égarements, un désir d’en mettre plein la vue à travers une démonstration technique qui prend le pas sur l’émotion, une hystérie peu contrôlée (bien que contagieuse), Divines est un film extrêmement généreux, qui ne s’adresse pas une communauté, mais qui a le désir de toucher tous les spectateurs de tout âge, voulu avant tout comme une histoire d’amour et d’amitié, thèmes universels par excellence. Ici, ce sont quatre destins qui s’imbriquent, qui se confrontent, qui se repoussent, qui s’attirent sans cesse.
Divines est également un roman d’apprentissage, une éducation sentimentale, mais aussi un thriller, même si le film manque de conviction durant cette partie où Dounia tente de piéger un mec plein aux as, afin de lui voler son argent pour le compte de Rebecca. Ce qui n’empêche pas Divines d’être parfois violent, de mettre mal à l’aise, de bousculer (la fin tragique n’est pas sans évoquer celle du Parrain III), tout en faisant réfléchir et en divertissant les spectateurs. En ce sens, Houda Benyamina se rapproche du cinéma d’Abdellatif Kechiche, pas une mince référence. Une première œuvre riche, libre, souvent puissante, sombre, non dénuée d’humour et qui reste en tête bien après la fin de la projection. Une belle réussite, qui s’avère au final bien plus réussi que Bande de filles de Céline Sciamma auquel on pense forcément vu le sujet, le contexte et les personnages principaux.
Réalisé avec un budget de 2 millions d’euros, Divines, d’ores et déjà nommé sept fois à la prochaine cérémonie des César, a attiré plus de 300.000 spectateurs dans les salles.
LE BLU-RAY
Le test du Blu-ray de Divines, disponible chez Diaphana, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est élégant, animé et musical.
La section des suppléments propose tout d’abord quatre entretiens. Dans chaque interview nous retrouvons la réalisatrice Houda Benyamina. Elle est ainsi accompagnée de son coscénariste Romain Compingt (11’), puis de la scripte Julie Darfeuil (11’), de ses deux monteurs (8’) et enfin de son superviseur musical et compositeur (10’). Chaque aspect technique du film est posément abordé, mais également la genèse du film, l’écriture et l’évolution du scénario, la création des personnages, le travail avec les comédiens, les thèmes abordés, la recherche de la structure du film, le rythme, les décors. Un commentaire audio n’aurait pas été de trop tant l’équipe s’avère prolixe et surtout passionnante à écouter.
S’ensuivent quatre petites scènes coupées (7’), vraiment pas mal du tout, même si rien n’indique la raison de leur éviction au montage final. On y voit Dounia s’exercer à la boxe, Dounia qui imite une chanteuse de gospel, Dounia et Djigui déambuler dans le magasin avec des cagoules Aristochats, et une scène plus longue des deux personnages partagés entre la danse et le combat qui mène finalement au premier baiser.
Un tout petit making of (7’), compile des images du tournage avec la réalisatrice à l’oeuvre avec ses comédiens, quelques propos de l’équipe, puis la présentation de Divines au Festival de Cannes.
L’interactivité se clôt sur la bande-annonce et les credits.
L’Image et le son
Diaphana livre une édition HD de Divines de très grande classe et même irréprochable. Full HD (1080p), cette édition restitue les superbes couleurs de la photo signée Julien Poupard (Voie rapide, Party girl, Les Ogres) qui fait la part belle aux teintes chatoyantes, parfois ambrées, le piqué est acéré, les détails abondants sur le cadre large et les contrastes tranchants. La luminosité des scènes diurnes flatte constamment la rétine, le relief est omniprésent.
Le mixage DTS-HD Master Audio 5.1 est immédiatement immersif et permet au spectateur de plonger dans le monde de Divines avec une musique percutante sur les enceintes latérales. Les voix sont d’une précision sans failles sur la centrale, la balance frontale est constamment soutenue, la composition spatialisée de bout en bout. La piste Stéréo devrait satisfaire ceux qui ne seraient pas équipés sur les enceintes arrière.
L’éditeur joint également les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant, ainsi qu’une piste Audiodescription.