Test Blu-ray / Généalogies d’un crime, réalisé par Raoul Ruiz

GENEALOGIES D’UN CRIME réalisé par Raoul Ruiz, disponible en combo Blu-ray+DVD le 15 novembre 2016 chez Blaq Out

Acteurs : Catherine Deneuve, Michel Piccoli, Melvil Poupaud, Andrzej Seweryn, Bernadette Lafont, Mathieu Amalric

Scénario : Pascal Bonitzer, Raoul Ruiz

Photographie : Stefan Ivanov

Musique : Jorge Arriagada

Durée : 1h57

Date de sortie initiale : 1997

LE FILM

Jeanne, une analyste freudienne, croit voir dans son neveu, âgé de cinq ans, des tendances homicides. Or elle sait que – selon un mot de Freud – à l’âge de cinq ans « tout est joué » pour tout individu. Elle décide donc d’étudier l’évolution inexorable de ses penchants criminels, jusqu’au moment où il commet le crime tant attendu : il tue sa tante, seule personne à connaître ses penchants. Le jeune criminel, René, est défendu par Solange, une avocate qui cherchera à démonter les mécanismes du jeu subtil auquel se sont livrés la victime et le futur criminel, pendant plus de dix ans. Peu à peu, le jeune homme commence à voir dans l’avocate, sa tante morte. Et l’avocate voit dans le jeune homme, son propre fils, mort dans un accident. Voilà donc que le fantôme de Jeanne, la victime, s’incarne dans Solange, l’avocate, pour ainsi peut-être donner une nouvelle chance au jeune criminel.

Généalogies d’un crime de Raoul Ruiz (1941-2011) n’est pas du cinéma mais LE Cinéma, libre, inventif, rafraîchissant. Véritable jeu de pistes, mais aussi jeu de reflets, de mots, d’ombres, de miroirs sans tain et teinté de peinture, jouant avec virtuosité avec la caméra (sans cesse en mouvement), les récits et époques (d’où le pluriel du titre) entrelacées de manière vertigineuse, nous sommes bien devant une œuvre, un chef d’oeuvre du réalisateur franco-chilien et conteur baroque par excellence. Impossible de résumer Généalogies d’un crime tant le film regorge de tiroirs, de fantasmes, de non-dits, de mensonges, de points de vue, parfois tout cela pendant une même séquence.

Magnifiquement mise en scène, photographiée par Stefan Ivanov et bercée par la splendide composition de Jorge Arriagada (Les Femmes du 6e étage), cette histoire renversante s’amuse avec les spectateurs en lui faisant croire que ce qu’il voit est réel ou inventé au cours du récit. Dès la première séquence introduite par la citation de Saint-Just « Rien ne ressemble à la vertu comme un grand crime », le cinéaste happe l’attention du spectateur et ne le relâchera pas une seconde pendant près de deux heures, en démontrant que l’histoire – ici inspirée par la véritable affaire Hermine Von Hug-Hellmuth – n’est finalement qu’un éternel recommencement et que les êtres humains ne sont que des pantins manipulés par une force qui les domine.

Après La Vocation suspendue (1977) et Trois vies et une seule mort (1995), Pascal Bonitzer et Raoul Ruiz collaborent à nouveau pour offrir un formidable et jubilatoire drame-policier bourré d’humour, un film inclassable qui jongle constamment avec les genres et qui offre à tous ses magnifiques comédiens, Catherine Deneuve (blonde et rousse, sublime), Melvil Poupaud, Michel Piccoli (magistral), Bernadette Lafont, Mathieu Amalric et même Patrick Modiano dans une courte apparition, l’occasion de briller et surtout de s’amuser au jeu du chat et de la souris, dont les rôles ne font que s’inverser sans cesse, à travers une intrigue de plus en plus hermétique qui n’est pas sans rappeler l’univers de Raymond Chandler.

Certes, Généalogies d’un crime peut laisser (et lasser) quelques spectateurs en cours de route avec son ton dispersé et unique et qui n’appartient qu’à son auteur, mais ceux qui voudront bien se laisser emporter par ce brillant exercice de style, à la fois intellectuel, psychologique, littéraire et populaire, ne le regretteront pas, surtout que le twist final s’avère remarquable et l’on demeure ravi de s’être fait manipuler et surtout d’avoir joué. Réalisé entre Trois vies et une seule mort (1995) et Le Temps retrouvé (1998) d’après Marcel Proust, Généalogies d’un crime a obtenu l’Ours d’argent au Festival de Berlin en 1997.

LE BLU-RAY

Le Blu-ray de Généalogies d’un crime, disponible chez Blaq Out, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est élégant, fixe et musical.

Seul supplément disponible sur cette édition Blu-ray, l’interview de Raoul Ruiz (25’), réalisée par Philippe Piazzo en juin 2009. A l’instar de ses films, le réalisateur entrecroise les sujets, parle de la magie, de l’art de s’échapper, de littérature, de l’évolution du cinéma, du numérique, de son style, de ses « collections d’apocalypses », de faits à accomplir. Il n’est pas interdit de se perdre au fil de cette interview, illustrée par des extraits tirés de plusieurs de ses films. C’est non seulement conseillé, mais également inévitable.

L’Image et le Son

Généalogies d’un crime est disponible en Haute-Définition, dans un master restauré à 2K par l’incontournable Immagine Ritrovata de la Cinémathèque de Bologne. La propreté de l’image de ce Blu-ray (1080p, AVC) flatte les mirettes, d’autant plus que les couleurs retrouvent une belle vivacité, notamment les bleus, quasiment omniprésents. En dehors de divers plans plus ternes, le relief est palpable, y compris sur les plans en intérieur, tout comme le piqué, vif et acéré. Les noirs sont denses, les contrastes solides, et les superbes partis pris de la photo du chef opérateur Stefan Ivanov trouvent ici l’écrin idéal avec le grain respecté.

Que ce soit en DTS-HD Master Audio 5.1 ou 2.0, le confort acoustique est indéniable. La musique est doucement spatialisée, les dialogues bien installés sur la centrale et les effets riches sur les frontales à l’instar de la pluie en ouverture. Si la Stéréo est évidemment plus « plate », elle s’avère tout aussi dynamique. Les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant sont également disponibles.

Copyright Blaq Out / Captures du Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Love & Friendship, réalisé par Whit Stillman

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LOVE & FRIENDSHIP réalisé par Whit Stillman, disponible en DVD et Blu-ray le 2 novembre 2016 chez Blaq Oout

Acteurs : Kate Beckinsal, Chloé Sevigny, Tom Bennett, Jenn Murray, Lochlann O’Mearáin, Sophie Radermacher

Scénario : Whit Stillman, d’après le roman Love & Friendship de Jane Austen

Photographie : Richard Van Oosterhout

Musique : Benjamin Esdraffo

Durée : 1h33

Date de sortie initiale : 2016

LE FILM

Angleterre, fin du XVIIIe siècle : Lady Susan Vernon est une jeune veuve dont la beauté et le pouvoir de séduction font frémir la haute société. Sa réputation et sa situation financière se dégradant, elle se met en quête de riches époux, pour elle et sa fille adolescente.
Épaulée dans ses intrigues par sa meilleure amie Alicia, une Américaine en exil, Lady Susan Vernon devra déployer des trésors d’ingéniosité et de duplicité pour parvenir à ses fins, en ménageant deux prétendants : le charmant Reginald et Sir James Martin, un aristocrate fortuné mais prodigieusement stupide…

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En 2011, soit 13 ans après son dernier film The Last Days of Disco (1998), le cinéaste Whit Stillman signait son retour derrière la caméra avec Damsels in Distress. Metropolitan (1990) avait fait de lui l’un des réalisateurs du cinéma indépendant les plus en vue et s’était vu auréolé d’une nomination pour l’Oscar du meilleur scénario original en 1991. Après Les Derniers jours du disco, le réalisateur américain s’était trouvé en manque d’inspiration. Parallèlement à la novélisation de son précédent long métrage, Whit Stillman, installé à Paris, travaille sur l’adaptation de Lady Susan, un roman de jeunesse épistolaire méconnu écrit (et inachevé) par Jane Austen à la fin du XVIIIe siècle, mais publié vers 1870.

Location images of Love & Friendship, a Jane Austen film adaptation starring Kate Bekinsdale and Chloe Sevigny, directed by Whit Stillman. CHURCHILL PRODUCTIONS LIMITED. Producers Katie Holly, Whit Stillman, Lauranne Bourrachot. Co-Producer Raymond Van Der Kaaij. Also Starring: Xavier Samuel, Emma Greenwell & Morfydd Clark

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Nous sommes en 2003 et Whit Stillman souhaite confier le rôle principal à la comédienne britannique Kate Beckinsale, qu’il avait dirigée dans The Last Days of Disco. Mais l’actrice âgée de 25 ans était encore bien trop jeune pour incarner Lady Susan Vernon. Les années passent, Damsels in Distress sort sur les écrans et Whit Stillman peut enfin se concentrer sur cette libre transposition. Love & Friendship est caractéristique du réalisateur. Une comédie quasi inclassable qui se déroule dans l’Angleterre du XVIIIe et prenant pour cible un groupe de personnages dont la plupart voient leurs repères ébranlés et bouleversés par l’arrivée d’une femme, veuve, précédée d’une réputation peu flatteuse, à la recherche d’un nouvel époux fortuné, tout en cherchant à marier sa propre fille. Tous les coups sont permis, mais en restant classe bien entendu et en tâchant d’éveiller le moins possible les soupçons de son ex-belle famille.

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Comme souvent chez Whit Stillman, il faut s’armer de patience pour pouvoir entrer véritablement dans l’univers qu’il nous dépeint et même certains spectateurs risquent de passer complètement à côté en raison de son abondance des dialogues et de personnages multiples qui se croisent et s’entrecroisent entre rires et pleurs, calèches qui stoppent et qui s’ébranlent, prétendants qui arrivent le sourire aux lèvres et qui repartent la queue entre les jambes. Malgré une présentation drôle, intelligente et théâtrale des protagonistes principaux, il n’est pas certain de parvenir à tous les relier entre eux. Mais pour les spectateurs les plus investis, Love & Friendship apparaîtra comme une vraie comédie finaude, charmante, sophistiquée et singulière, qui certes repose plus sur l’énergie, l’immense talent et le charisme de ses interprètes que sur son histoire à tiroirs proprement dite. Les spectateurs habitués aux adaptations des œuvres de Jane Austen, pour la télévision et le cinéma, vont sans doute être bousculés puisque le ton est ici drôle, cynique, ironique et décalé, bref un excellent remède contre la morosité.

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Les dialogues, certes omniprésents, sont déclamés à une vitesse folle par les acteurs, sublimes, où trône la merveilleuse Kate Beckinsale, formidable en garce pourtant attachante, que nous n’avions pas vue à pareille fête depuis…toujours ? Par conséquent, l’audience est emportée par ce cyclone de femmes opportunistes issues de la petite bourgeoisie déchue, qui s’attaquent à la fortune des autres pour pouvoir survivre. Kate Beckinsale retrouve Chloë Sevigny, sa partenaire des Derniers jours du Disco, et donne la formidable réplique à une ribambelle de comédiens (Stephen Fry, Xavier Samuell et la révélation Tom Bennett) en très grande forme, pour ne pas dire exceptionnels, qui prennent un plaisir évident à se renvoyer la balle.

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Tous les thèmes récurrents de l’oeuvre de Jane Austen, y compris les émois et les tourments des personnages sont bel et bien présents, mais le ton, ouvertement cynique est radicalement différent. Love & Friendship est donc une vraie comédie menée à cent à l’heure (le tournage s’est d’ailleurs déroulé en 26 jours seulement), élégante, raffinée, intelligente et follement moderne. Un vrai régal.

LE BLU-RAY

Le Blu-ray de Love & Friendship, disponible chez Blaq Out, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est élégant, animé et musical.

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Voici une édition soignée avec quelques suppléments fort sympathiques à se mettre sous la dent.

On commence par un entretien avec le réalisateur Whit Stillman (11′) qui revient dans un premier temps sur la longue gestation de Love & Friendship, projet qui remonte à 2003 et pour lequel il voulait déjà Kate Beckinsale dans le rôle principal. La trouvant encore trop jeune à l’époque, le film est ensuite resté dans les tiroirs, à une époque où le cinéaste se trouvait en panne d’inspiration après son dernier film Les Derniers jours du disco en 1998. Après son comeback en 2011 avec Damsels in distress, Whit Stillman peut enfin se consacrer à cette libre adaptation de Jane Austen. Il indique ensuite la difficulté d’adaptation de cette œuvre épistolaire et évoque son humour inattendu (qu’il compare à celui d’Oscar Wilde). Les personnages sont passés au peigne fin, tandis que le réalisateur avoue son attachement aux écrits de Jane Austen en rappelant qu’on lui avait proposé l’adaptation de Raisons et sentiments, finalement réalisé par Ang Lee en 1995.

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C’est au tour de Sophie Demir, docteur en littérature britannique et auteure de Jane Austen : Une poétique du différend (PU Rennes), de parler de l’univers, des thèmes puis des personnages et de la singularité de cette adaptation de l’oeuvre de Jane Austen. Un exposé brillant de dix minutes, qui donne envie de se (re)plonger dans toutes ces histoires souvent transposées au cinéma et à la télévision.

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S’ensuit un making of (10′) dynamique qui donne un bel aperçu du tournage. Les comédiens et le réalisateur se confient sur cette libre adaptation et sur l’humour qui s’en dégage à travers les dialogues et le cynisme des personnages.

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L’interactivité se clôt sur la bande-annonce.

L’Image et le son

Voilà une belle édition HD ! Sans pour autant être un disque de démonstration, Blaq Out livre un objet élégant qui respecte toutes les volontés artistiques du chef opérateur Richard Van Oosterhout. Les couleurs sont froides et la luminosité parfois très poussée. Soutenus par un codec solide, ces partis pris esthétiques auraient pu donner du fil à retordre pour le passage du film en Blu-ray, mais l’écrin est beau, tout comme ce léger grain qui se fait parfois sentir sur les scènes en extérieur. Le piqué est suffisamment tranchant (comme les dialogues), les contrastes solides et les détails appréciables.

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Seule la version originale est disponible. Franchement, qui s’en plaindra ? Car Love & Friendship est un film à découvrir et à savourer uniquement en anglais puisque la langue et l’accent britannique font partie intégrante de la réussite du film de Whit Stillman ! Le mixage DTS-HD Master Audio 5.1 se révèle ample et dynamique. La spatialisation musicale est omniprésente, les dialogues percutants sur la centrale, la balance frontale est riche et les effets annexes ne manquent pas. Le mixage ne tombe jamais dans la surenchère. La Stéréo est tout aussi riche et contentera ceux qui ne seraient pas équipés sur la scène avant. L’éditeur joint également les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant.

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Copyright Blaq Out / Captures du Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr