Test Blu-ray / Tropique du Cancer, réalisé par Edoardo Mulargia et Giampaolo Lomi

TROPIQUE DU CANCER (Al Tropico del Cancro) réalisé par Edoardo Mulargia et Giampaolo Lomi, disponible en combo DVD/Blu-ray le 1er avril 2017 chez Le Chat qui fume

Acteurs : Anthony Steffen, Anita Strindberg, Gabriele Tinti, Umberto Raho, Stelio Candelli, Gordon Felio, Kathryn Witt

Scénario : Anthony Steffen, Giampaolo Lomi, Edoardo Mulargia

Photographie : Marcello Masciocchi

Musique : Piero Umiliani

Durée : 1h35

Date de sortie initiale : 1972

LE FILM

Vivant depuis de nombreuses années à Port-au-Prince, le Docteur Williams traîne une réputation de fabricant de drogue. Sa dernière création est un puissant hallucinogène permettant de plonger dans un univers érotique ouvrant sur ses désirs les plus secrets. Peacock, énorme fortune de l’île, pédophile notoire, convoite la formule, tout comme un certain Murdock, fraîchement arrivé en ville. Après avoir caché son invention, Williams voit débarquer un vieil ami, Fred Wright et son épouse Grace. Commence alors une série de règlements de comptes de plus en plus violents, tandis que Grace, au son des tambours vaudous, découvre ses désirs enfouis.

Tropique du CancerAl Tropico del Cancro (1972), est un giallo à part. Alors que les films du genre se déroulent habituellement dans une ville (européenne), de nuit, éclairée froidement ou au contraire avec moult jeux de couleurs baroques, le film coréalisé – enfin c’est à voir, comme cela est expliqué dans les suppléments du Blu-ray – par Edoardo Mularcia (Creuse ta fosse, j’aurai ta peau, El Puro, la rançon est pour toi) et Giampaolo Lomi (assistant sur Les Négriers de Gualtiero Jacopetti et Franco Prosperi, déjà tourné à Haïti) se déroule sous la chaleur moite et le soleil éclatant d’Haïti. En plus de cette approche singulière et exotique, le giallo est lui-même parasité par un autre genre d’exploitation alors lancé depuis dix ans, le mondo. Ce qui caractérise le mondo est une approche semi-documentaire, proposant des images souvent très crues, destinées avant tout à choquer les spectateurs. Comme qui dirait l’ancêtre du found-footage, puisqu’il s’agit avant tout de renforcer l’immersion de l’audience. C’est donc à la lisière de ces deux genres qu’apparaît Tropique du Cancer.

Le Docteur Williams (Anthony Steffen aka Antonio De Teffè, également coscénariste) vit à Port-au-Prince depuis plusieurs années et semble se consacrer à son travail à l’hôpital. En réalité, Williams s’adonne à des recherches et même à la fabrication de substances illicites. Le scientifique solitaire et misanthrope a mis au point un puissant hallucinogène à haute teneur érotique, ayant pour conséquence de rendre réaliste les fantasmes de celui ou celle qui le respire. La découverte de Williams, aidé dans ses travaux par deux assistants, est parvenue jusqu’aux oreilles d’individus peu scrupuleux, qui souhaitent acquérir la formule par tous les moyens possibles. C’est alors que débarquent Fred (Gabriele Tinti, le « vrai » Don Cesar de La Folie des grandeurs) et son épouse Grace (Anita Strindberg), visiblement pour essayer de relancer leur couple en crise. Tandis que cette dernière tombe immédiatement sous le charme de l’île et de ses habitants, un en particulier, la visite de Fred, ancien ami de Williams, ne semble pas innocente. Pendant ce temps, les deux assistants du docteur se font assassiner. Se pourrait-il que le meurtrier soit le dénommé Peacock, un obèse pédophile qui a la mainmise sur l’île grâce à son argent ? Ou bien encore un certain Murdock, qui vient tout juste d’arriver dans la capitale accompagné d’un homme de main ? Malgré les tensions, Williams ne souhaite pas vendre son invention et l’a dissimulée. Mais les menaces se multiplient.

Tropique du Cancer est plus un film d’ambiances et d’atmosphère qu’un véritable thriller proprement dit, même si les meurtres réalisés par un tueur aux gants de cuir s’enchaînent – en caméra subjective bien entendu – et s’avèrent de plus en plus sauvages. En situant le récit à Port-au-Prince, dans un climat étouffant et anxiogène, les deux réalisateurs créent un malaise constant et inquiétant, d’autant plus qu’ils marquent le film de brisures documentaires, notamment quelques transes, rituels et pratiques vaudou organisés pour les moyens du tournage, mais bel et bien réels, non mis en scène, y compris le sacrifice d’un taureau dont on recueille le sang après égorgement, comme plus tard lors d’une visite d’abattoirs. Sous ce climat lourd et suffocant, nous suivons la course à un aphrodisiaque puissant et révolutionnaire. Là encore, c’est moins cet aspect « espionnage » – à la résolution très décevante il faut bien l’avouer – que le réveil du désir d’une femme qui s’avère le plus intéressant, d’autant plus quand celle-ci est interprétée par la sublime actrice suédoise Anita Strindberg !

Dès l’arrivée de Grace sur le sol de Port-au-Prince, la jeune femme remarque un des employés de l’hôtel où elle a posé ses valises. On sent Grace bouleversée par ce qui lui arrive et cet habitant, lui-même peu indifférent, semble réveiller chez elle quelques fantasmes sexuels jusqu’alors refoulés. Sentiments qui conduisent à la séquence la plus célèbre du film, quand Grace, sous le charme de l’aphrodisiaque distillé à son insu, plonge dans un rêve peuplé de jeunes éphèbes noirs, nus, qui tentent de l’agripper dans un couloir couleur rouge-sang, jusqu’à ce qu’elle tombe dans les bras de celui sur qui elle fantasme depuis son arrivée, le tout bercé par la superbe partition de Piero Umiliani. Magnifique scène graphique qui n’est évidemment pas sans rappeler l’ouverture du Venin de la peur de Lucio Fulci, également interprété par Anita Strindberg.

Film pluriel, à la croisée des genres, à la lisière du fantastique, Tropique du Cancer est finalement un film inclassable et sensuel, curieux, atypique et ambitieux, à la fois divertissant et réflexion sur la sexualité féminine. De grandes qualités qui font oublier les quelques facilités et l’aspect parfois décousu du scénario.

LE BLU-RAY

Le Chat qui fume a mis le turbo depuis la sortie en Blu-ray du Venin de la peur en octobre 2015 ! Après les sublimes éditions HD La Nuit des diables, Exorcisme tragique, La Soeur d’Ursula et Terreur sur la lagune, le félin sort les griffes à nouveau ! C’est au tour de Tropique du Cancer d’arriver dans l’escarcelle – ou la gamelle – du Chat noir. L’objet est magnifique.

Le combo Digipack à trois volets de ce nouveau titre « Exploitation italienne », renferme à la fois le DVD du film, celui alloué aux suppléments et le Blu-ray qui reprend le tout. Sur le verso des volets, nous trouvons trois affiches originales du film. L’ensemble se glisse dans un étui cartonné du plus bel effet, au visuel superbe et attractif. Cette édition limitée à 1000 exemplaires s’avère un véritable objet de collection. Le menu principal est animé et musical. Un service princier.

Comme d’habitude pour ses éditions HD, Le Chat qui fume a mis le paquet concernant les suppléments avec plus d’1h45 de bonus à se mettre sous la dent !

On commence par l’entretien avec le coréalisateur Giampaolo Lomi (32’). Né en 1930 et ne comptant que deux films à son actif en tant que metteur en scène, Tropique du Cancer en 1972 et I Baroni en 1975, Giampaolo Lomi explique que l’idée d’Al Tropico del Cancro vient de lui et de son désir de retravailler en Haïti, où il a vécu 1 an et demi et où il a surtout servi d’assistant-réalisateur sur Les Négriers de Gualtiero Jacopetti et Franco Prosperi. Dans un deuxième temps, Lomi insiste sur le fait qu’on lui ait imposé de réaliser Tropique du Cancer en binôme avec Edoardo Mulargia en raison de son manque d’expérience dans le domaine de la fiction. Mais l’argument est aussitôt démenti par l’intéressé qui indique que Mulargia, qui était chargé à la base de superviser le tournage, préférait aller à la plage en lui faisant confiance. Lomi s’accapare donc l’entière paternité du film, sur lequel il revient ensuite plus longuement, les conditions de tournage – en Arriflex 9mm – des scènes de vaudou, le travail avec les comédiens, Anthony Steffen qu’il qualifie de voleur de gros plans et qui s’est imposé pour écrire également le scénario, sans oublier Anita Strindberg, dont il se souvient surtout de la poitrine refaite qu’il a essayé de dissimuler à l’image. Après être revenu sur les personnages et la représentation de l’homme de couleur dans Tropique du Cancer, Lomi aborde un sujet épineux, ses rencontres avec le dictateur François Duvalier ou Papa Doc, qu’il considère comme l’un des chefs d’état les moins cruels « dans le genre » et tente de démontrer ce qu’il a fait pour Haïti, en permettant à la population d’avoir accès à la nourriture. Damn !

Tout ce qui est dit par Lomi est en quelque sorte démenti par le second réalisateur de Tropique du Cancer dans le supplément suivant. Contrairement au module précédent, le document présenté est composé d’entretiens audio avec Edoardo Mulargia (décédé en 2005), ainsi que des propos face caméra du journaliste Davide Pulci, du réalisateur Roger A. Fratter et des comédiens Robert Woods et Marc Fiorini (18’). Dans son interview à l’enregistrement grinçant, Edoardo Mulargia annonce de son côté être l’auteur du film en avançant que Giampaolo Lomi « s’est uniquement occupé de tourner quelques scènes secondaires, mais pas grand-chose […] il n’a pas grand-chose à y voir, même si le film est sorti sous nos deux noms ». Ce sur quoi les autres intervenants réagissent en allant dans ce sens, en expliquant que Lomi s’est probablement occupé de la partie « documentaire » du film, à savoir les scènes de vaudou, alors que Mulargia s’est chargé de tout le reste, autrement dit de la partie fictive et du travail avec les acteurs. Tropique du cancer est ensuite un peu abordé sur la forme et sur le fond, même si ce module s’égare ensuite sur le travail d’acteur de Anthony Steffen avec les interventions de deux comédiens qui lui ont donné la réplique. Dans la dernière partie de ce documentaire, l’intérêt se recentre sur la fin de carrière de Mulargia, placée sous le signe de films érotiques, ce que l’intéressé dément dans son entretien. Plus critique, Davide Pulci indique que Mulargia « était un réalisateur qui n’avait pas vraiment de style notable et ses films sans particularité artistique ou technique ».

C’est ensuite au tour du journaliste Francis Barbier du site DeVilDead.com de prendre la parole pour une analyse indispensable de Tropique du Cancer (27’). Comme il l’indique d’entrée de jeu, ce module contient des spoilers et n’est donc à visionner qu’après avoir vu le film. Outre son attachement pour la belle Anita Strindberg (« avec son corps qui capte le soleil… ») et sa pique sur « cette espèce de vieux con d’Eastwood » quand il aborde le thème du racisme, Francis Barbier croise habilement le fond et la forme du film qui nous intéresse en revenant sur son caractère singulier et transgenre, entre giallo et mondo, sans oublier une touche de blaxploitation. La scène d’hallucination est passée au crible, tout comme le travail des deux réalisateurs, le cadre, l’espace et l’homme de couleur dans le cinéma italien.

Dernier entretien de cette interactivité avec celui du scénariste Fathi Beddiar (25) qui nous présente ses trois gialli préférés. Visiblement peu habitué à l’exercice, l’intéressé s’embrouille quelque peu dans ses propos qui manquent de construction, même si l’ensemble est malgré tout sympathique et intéressant. L’auteur du très bon Colt 45, qu’il a néanmoins renié avec le réalisateur Fabrice Du Welz en raison d’une production catastrophique, essaye tout d’abord de donner sa propre définition du giallo, avant de livrer son top constitué de Gente di rispetto de Luigi Zampa (1975), Le Corps et le Fouet et 6 Femmes pour l’assassin de Mario Bava (1963 et 1964), ainsi que Les Frissons de l’angoisse de Dario Argento (1975). Si Fathi Beddiar s’égare quelque peu, au moins l’intéressé fait preuve de grandes connaissances du giallo (et du cinéma en général) et son intervention ne manque pas d’attraits.

Egalement au programme, à la fois sur le DVD consacré aux bonus et sur cette édition HD, nous trouvons Tropique du Cancer proposé en mode VHS, en version française et encodé en 1080i sur le Blu-ray. Outre la fibre nostalgique titillée, c’est aussi l’occasion de voir tout le travail effectué du point de vue de la restauration !

Cette section se clôt sur un lot de bandes-annonces de films, celle de Tropique du Cancer, mais aussi celles de films prochainement disponibles chez Le Chat qui fume dont La Longue nuit de l’exorcisme de Lucio Fulci !

Une des éditions indispensables et incontournables de ce premier semestre 2017 sur laquelle devraient se ruer tous les cinéphiles !

L’Image et le son

Une fois passé le générique grumeleux et marqué par quelques rayures verticales, la Haute-Définition prend son envol devant nos yeux sans cesse flattés. Le Blu-ray édité par Le Chat qui fume restitue habilement les volontés artistiques originales en conservant heureusement le précieux grain cinéma ainsi que les couleurs chaudes et clinquantes (voir les carrosseries rutilantes des voitures). Les contrastes sont léchés et le relief étonnamment palpable, tandis que le piqué demeure acéré. Ces partis pris entraînent certes une image parfois plus douce, une sensible perte de la définition sur les nombreux zooms, mais la compression AVC consolide l’ensemble avec brio, les détails sont légion sur le cadre large, les noirs denses et la copie éclatante. Quant à la restauration, elle est souvent sidérante.

Propre et dynamique, le mixage italien DTS HD Master Audio Mono 2.0 ne fait pas d’esbroufe et restitue parfaitement les dialogues, laissant une belle place à la musique de Piero Umiliani (Le Pigeon, A cheval sur le tigre). A titre de comparaison, elle demeure la plus dynamique et la plus riche du lot, à tel point que l’on parvient à entendre les maracas jouées par un musicien au fond de l’image. La version française DTS-HD Master Audio Mono 2.0, au doublage particulièrement raté (donc amusant), apparaît plus grinçante, même si comme son homologue, elle apparaît dépourvue de souffle parasite. Le changement de langue est verrouillée à la volée et les sous-titres français imposés sur la version originale.

Crédits images : © Le Chat qui fume / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Monster Cars, réalisé par Chris Wedge

MONSTER CARS (Monster Trucks) réalisé par Chris Wedge, disponible en DVD et Blu-ray le 2 mai 2017 chez Paramount Pictures

Acteurs : Lucas Till, Jane Levy, Thomas Lennon, Barry Pepper, Rob Lowe, Danny Glover, Amy Ryan, Holt McCallany

Scénario : Derek Connolly, d’après une histoire originale de Matthew Robinson, Jonathan Aibel, Glenn Berger

Photographie : Don Burgess

Musique : David Sardy

Durée : 1h45

Date de sortie initiale : 2016

LE FILM

Monster Cars nous embarque pour vivre l’incroyable aventure d’un garçon ordinaire, Tripp, se liant d’amitié avec un adorable monstre, Creech.
Pour échapper à la vie trop tranquille de sa ville natale, Tripp, un lycéen passionné de voiture, construit une « Monster Car », 4X4 surpuissant et surdimensionné, dans le but de partir un jour à l’aventure ! À la suite d’un accident près d’un site de forage pétrolier, il fait la rencontre de Creech, une créature souterraine étrange qui a un goût certain pour le pétrole et un talent pour la vitesse. Pour protéger Creech de l’entreprise de forage qui tente de dissimuler l’incident au grand public, Tripp cache le monstre sous le capot de sa Monster Car, la transformant ainsi en un bolide super-puissant ! Aidés par la jolie Meredith, Ils vivront une expérience inoubliable pour que Creech puisse retrouver sa famille et son habitat naturel.

C’est l’une des plus grandes catastrophes industrielles de ces dernières années. Monster Trucks aka Monster Cars dans nos contrées n’était même pas encore sorti dans les salles, que la Paramount annonçait déjà que le studio serait déficitaire de plus 115 millions de dollars ! Pour son premier film mis en scène en live action, le réalisateur Chris Wedge, Oscar du meilleur court-métrage d’animation en 1999 pour Bunny, puis responsable de l’horrible franchise L’Age de glace, n’a pas été gâté. Tourné en 2014, Monster Cars n’a eu de cesse de voir sa sortie initiale – alors prévue au mois d’août 2015 – reportée finalement jusqu’à Noël 2016, la Paramount ne sachant pas comment vendre ce projet qui lorgne sur les films familiaux des années 1980-90, alors que le studio espérait également vendre des millions de jouets et autres produits dérivés. Le budget estimé à plus de 120 millions de dollars a littéralement été englouti dans la titanesque postproduction. Pourtant, rien ne distingue ce film à effets spéciaux des autres, d’autant plus que Monster Cars s’avère un film bien sage, pour ne pas dire avare sur les scènes d’action et que ses monstres tout moches manquent singulièrement d’âme.

Nous n’arrivons pas à comprendre comment des millions de dollars ont pu être dépensés pour un film de cet acabit, visiblement sorti de l’imagination d’un gamin de quatre ans. Ceci est véridique. A l’instar de Robert Rodriguez et ses Aventures de Shark Boy et Lava Girl en 2005, il semblerait que le fils d’Adam Goodman, l’ancien boss de la Paramount Pictures, ait eu cette idée innocente de mettre des monstres à tentacules dans la carcasse d’une voiture, remplaçant ainsi le moteur. Les membres de la créature étant dotée de roulements à billes (!), la voiture, en l’occurrence un 4X4, bénéficie alors de la force du grand poulpe aux dents acérées pour être lancée à fond sur l’asphalte et sur les chemins les plus impraticables. « Et pourquoi pas lui faire franchir des murs papa ? » « Oh ouais, c’est une super idée ça fiston ! Aller hop, je suis le patron, je lance le film et j’engage quatre scénaristes (dont Derek Connolly, le responsable du calamiteux Kong: Skull Island) pour écrire ce qu’il faut d’histoire et la saga Transformers n’a qu’à bien se tenir ! Ah, mais c’est vrai que Transformers c’est moi aussi ! Pas grave, ça nous fera deux franchises lucratives ». C’est peu dire que l’engouement est vite retombé.

Si on a déjà vu bien pire dans le genre divertissement niais, Monster Cars ne s’adresse en réalité à personne. Les enfants peuvent s’amuser un temps devant cette bestiole pathétique, mais comme elle disparaît la plupart du temps sous la carrosserie, leur patience sera mise très vite à rude épreuve. Quant aux spectateurs plus âgés…S’il y a indéniablement un parfum rétro qui peut parfois titiller la fibre nostalgique, le récit demeure tellement poussif et sans enjeux, sans parler de l’interprétation tout en dents UltraBrite du jeune comédien Lucas Till (vu dans les affreux derniers X-Men et dans le rôle principal du reboot de la série MacGyver), sorte de version live du prince Très Très Charmant de Shrek 2, ou d’une jeune pousse d’endive avec des cheveux devant les yeux, que cela irrite d’entrée de jeu. Sa partenaire Jane Levy, déjà appréciée dans Evil Dead (version 2013) et Don’t Breathe : La Maison des ténèbres, réalisés par Fede Alvarez, illumine un petit peu ce film extrêmement paresseux. Amy Ryan, Danny Glover, Barry Pepper et Rob Lowe viennent payer leurs impôts en espérant peut-être intégrer une prochaine saga lucrative.

Il n’y a aucun potentiel dans Monster Cars, film qui se mord la queue, ou le tentacule plutôt, dont le message écolo extrêmement maladroit, pour ne pas dire irresponsable, s’est retourné contre le film qui utilise des monstres, des animaux donc, pour pouvoir faire fonctionner des 4X4. Moteur faussement hybride donc puisque le monstre en question raffole du pétrole qu’il engloutit avec gourmandise, afin de se donner plus de force pour propulser l’énorme véhicule – ici sublimé, autre paradoxe – à tout berzingue. C’était une fausse bonne idée. Cela peut arriver. Sauf qu’il s’agit d’une centaine de millions de dollars ici. Monster Cars reste et restera un film malade, étrange, singulier, ennuyeux, qui se voit comme une curiosité ou à titre d’expérience.

LE BLU-RAY

Monster Cars déboule en Blu-ray chez Paramount Pictures. Le menu principal est fixe et musical. La jaquette, glissée dans un boîtier classique de couleur bleue, reprend l’un des visuels français. Une petite plaquette comprenant des autocollants est également insérée dans le boîtier. Conservez-les ! Ça peut devenir collector ! Pourquoi riez-vous ?

Afin de lui donner une seconde chance, la Paramount Pictures accompagne Monster Cars de suppléments sympathiques, environ 45 minutes au total.

Les trois premiers modules (Qui conduit les Monster Trucks ? – 7’, Le Monstre dans le 4X4 – 5’, Création du Monster Truck – 6’30) convient les comédiens, le réalisateur, les responsables des effets visuels, les animateurs, le scénariste et les producteurs pour promouvoir le film avec une bonne humeur innocente, sans penser à la galère monstre (c’est le cas de le dire) dans laquelle allait être précipité le film. Si rien n’est dit quant à la genèse du projet, on s’amusera de l’intervention de Danny Glover (« Ça va être palpitant ! »), les yeux éteints, qui semble crier intérieurement « Je suis une célébrité, sortez-moi de là ! ». Seuls les plus jeunes comédiens semblent y croire à fond, tandis que l’on nous présente l’histoire, les cascades et la création des images de synthèse. Des images du tournage et du plateau illustrent cet ensemble.

S’ensuit un journal de la production (10’) composé d’une dizaine de featurettes d’une minute. Celles-ci reprennent de nombreuses images issues des suppléments précédents avec les mêmes intervenants. Mais comme cela va très vite, ça peut passer.

En plus d’un bêtisier amusant (5’), l’éditeur joint enfin quelques scènes coupées (9’), qui prolongent essentiellement les cours de soutien en biologie de Meredith à Tripp (avec quelques sous-entendus à caractère sexuel, ce qui expliquerait l’éviction de cette séquence) et les diverses poursuites avec une mention spéciale pour le changement de roue réalisé à fond la caisse.

L’Image et le son

Si vous en avez la possibilité, découvrez Monster Cars en Haute définition. Les effets numériques sont magnifiquement incrustés dans les véritables paysages, le piqué est ciselé (surtout sur les scènes diurnes), les couleurs impressionnantes. Seules quelques séquences plus agitées apparaissent parfois moins nettes et occasionnent quelques pertes de la définition. Il n’empêche que les contrastes sont léchés, les noirs denses et la profondeur de champ omniprésente. Les détails sont légion à l’avant comme à l’arrière-plan, le relief ne cesse d’étonner et le rendu des textures, notamment des carrosseries des engins, est subjuguant. Une nouvelle réussite technique pour Paramount Pictures.

Le mixage français Dolby Digital 5.1 laisse pantois par sa pauvreté acoustique. Aucune dynamique, soutien classique des latérales, basses légères. Elle n’arrive évidemment pas à la cheville de l’explosive piste anglaise Dolby Atmos – ou Dolby TrueHD 7.1 pour les non équipés – avec ses dialogues remarquablement placés sur la centrale, les frontales saisissantes, les effets et ambiances riches et explosives (surtout lors de la poursuite finale), les enceintes arrière instaurent constamment un environnement musical, tout comme le caisson, mis à rude épreuve, qui n’en finit pas de marteler les séquences les plus mouvementées ou même quand les véhiculent ne font que rouler tranquillement. Un grand spectacle acoustique.

Crédits images : © Paramount Pictures. All Rights Reserved. / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

 

Test Blu-ray / A Monster Calls – Quelques minutes après minuit, réalisé par J.A. Bayona

QUELQUES MINUTES APRÈS MINUIT (A Monster Calls) réalisé par J.A. Bayona, disponible en DVD et Blu-ray le 9 mai 2017 chez Metropolitan Vidéo

Acteurs : Lewis MacDougall, Sigourney Weaver, Felicity Jones, Toby Kebbell, Ben Moor, James Melville

Scénario : Patrick Ness, d’après son roman « Quelques minutes après minuit » (A Monster Calls)

Photographie : Oscar Faura

Musique : Fernando Velázquez

Durée : 1h48

Date de sortie initiale : 2017

LE FILM

Conor a de plus en plus de difficultés à faire face à la maladie de sa mère, à l’intimidation de ses camarades et à la fermeté de sa grand-mère. Chaque nuit, pour fuir son quotidien, il s’échappe dans un monde imaginaire peuplé de créatures extraordinaires. Mais c’est pourtant là qu’il va apprendre le courage, la valeur du chagrin et surtout affronter la vérité…

Juan Antonio García Bayona est un génie et le mot n’est pas galvaudé. Ces dix dernières années, moult réalisateurs ont été qualifiés de « nouveau Spielberg », notamment Jeff Nichols, mais s’il y a bien un cinéaste, qui allie à la fois le coeur, l’âme et la virtuosité comme l’auteur d’E.T. l’extra-terrestre, c’est bel et bien le cinéaste et scénariste espagnol né en 1975 à Barcelone. Lauréat du Goya du meilleur nouveau réalisateur en 2008 pour son premier film, le chef d’oeuvre L’OrphelinatL’Orfanato, J.A. Bayona a ensuite confirmé avec son second long métrage The Impossible, pour lequel il bénéficiait des stars Naomi Watts et Ewan McGregor comme têtes d’affiche. Avec A Monster Calls – Quelques minutes après minuit, le réalisateur clôt une trilogie sur le rapport mère-fils avec des personnages pris dans une situation anxiogène et sur lesquels plane l’ombre de la mort.

Conor, 13 ans, souffre beaucoup de voir sa mère affaiblie par le cancer. Alors que celle-ci vient de commencer un nouveau traitement, l’adolescent redoute la nuit et ses cauchemars. Harcelé à l’école, délaissé par un père absent et habitant aux Etats-Unis, il subit également l’autorité de sa grand-mère. A minuit sept, un monstre, qui a l’apparence d’un if gigantesque, vient le voir. Grâce au monstre, Conor gagne en maturité, apprend le courage, à dépasser son chagrin et à affronter la cruelle vérité. A l’origine, A Monster Calls – Quelques minutes après minuit est un roman inachevé de l’auteure britannique Siobhan Dowd, décédée des suites d’un cancer en 2007. L’écrivain anglo-américain Patrick Ness, spécialisé dans la littérature pour enfants, s’est vu proposer de reprendre cette histoire. C’est d’ailleurs ce dernier qui adapte le récit pour le cinéma. Porté par un casting exceptionnel, de Sigourney Weaver (la classe absolue) en passant par Felicity Jones (sublime), Toby Kebbell, Liam Neeson, qui prête non seulement sa voix au monstre, mais également sa prestation physique grâce à la motion-capture, sans oublier la performance de la grande révélation du film, le jeune Lewis MacDougall, vu dans Pan de Joe Wright dans lequel il interprétait le personnage de Nibs, le troisième film de J.A. Bayona subjugue par sa beauté plastique et foudroie par son ouragan d’émotions.

Comment rester de marbre devant cette histoire universelle magnifiquement interprétée, réalisée, écrite, photographiée et narrée ? Le deuil est personnel, unique, propre à chaque individu. De quelle façon aborder ce sujet à travers les yeux d’un enfant qui n’est pas encore entré dans le monde adulte ? Grâce à la force et au pouvoir de l’imagination, du conte, de l’animation, du dessin, de la création. A Monster Calls – Quelques minutes après minuit use du fantastique pour faire avancer Conor lancé malgré lui dans son premier parcours initiatique. Refusant de voir la vérité en face, il préfère convoquer indirectement un monstre-arbre grâce à la pointe de son fusain. Débarquant un soir de la colline voisine sur laquelle il surplombe le cimetière d’une petite ville, cet if géant entreprend de lui raconter trois contes (superbe animation) afin de l’aider à affronter la réalité, la vérité, sa propre vérité : accepter de laisser partir sa mère, tout en disant adieu au monde innocent de l’enfance.

Avec ce drame intimiste sur la transmission, J.A. Bayona touche au sublime. Pudique et extrêmement délicat, complexe et psychologique, passionnant, envoûtant et déchirant, A Monster Calls – Quelques minutes après minuit fait oublier la semi-déception du Bon Gros Géant de Steven Spielberg en 2016 avec lequel il partage beaucoup d’éléments – décidément les deux metteurs en scène sont liés – et s’inscrit directement parmi les plus grandes réussites de ces quinze dernières années. Le final, bouleversant, vous fera pleurer toutes les larmes de votre corps et s’inscrira définitivement dans vos mémoires. Reste à espérer que le talent de J.A. Bayona ne soit pas trop parasité par Hollywood, puisque le cinéaste espagnol prépare actuellement Jurassic World 2 !

LE BLU-RAY

Le test du Blu-ray de Quelques minutes après minuit, disponible chez Metropolitan Vidéo et rebaptisé A Monster Calls – Quelques minutes après minuit pour sa sortie dans les bacs, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est sobrement animé et musical.

La section des suppléments s’ouvre sur un formidable commentaire audio du réalisateur J.A. Bayona, disponible en espagnol sous-titré en français. Pendant près de deux heures, le cinéaste aborde à la fois le fond et la forme de son œuvre, sans aucun temps mort. Malin, J.A. Bayona donne de nombreuses indications pour aider les spectateurs à mieux comprendre son film, tout en dissimulant quelques éléments afin de laisser leur imagination faire le reste. Le casting, le livre original et son adaptation par Patrick Ness lui-même, la mise en scène, les thèmes, les partis pris, le travail de Liam Neeson en motion-capture, les effets visuels, l’animation, la psychologie des personnages, la photo, la musique, tout y est posément analysé. Un commentaire indispensable.

Dommage que l’éditeur n’ait pas sous-titré le commentaire du scénariste et écrivain Patrick Ness ! Réservé uniquement aux plus anglophiles.

S’ensuivent diverses séquences coupées (6’), très réussies, mais qui s’avèrent sans doute redondantes ou inutiles au récit. C’est le cas de la scène de Connor et de son père qui partent de la fête foraine sous un ciel gris, ou bien celle de la grand-mère encore sous le choc après avoir découvert sa maison saccagée par Connor, et qui ne lui adresse plus la parole en l’emmenant à l’école. La plus belle scène laissée sur le banc de montage demeure celle de Connor avec sa mère, qui préparent le petit-déjeuner, avant que celle-ci lui indique sa grand-mère viendra habiter chez eux quelques jours.

L’éditeur joint également un making of traditionnel – en fait plusieurs featurettes mises bout à bout – composé de nombreuses images du tournage et d’interviews de toute l’équipe (20’). Nous en avions déjà appris beaucoup en écoutant le commentaire audio de J.A. Bayona et ce documentaire met ces propos en images.

Dans l’atelier des effets spéciaux et de la capture de mouvements, les animatroniques et les maquettes sont dévoilés, tandis que les comédiens, le scénariste, les producteurs et le cinéaste présentent le film et ses enjeux.

Avant de terminer par des liens internet et un lot de bandes-annonces, n’oubliez pas de visionner le module intitulé Le Dessous des contes (8’), un remarquable montage qui dissèque les différentes phases de l’animation créée par les studios GlassWorks, afin d’illustrer les contes narrés à Conor par le Monstre.

L’Image et le son

Tourné grâce aux caméras numériques Arri Alexa XT, A Monster Calls – Quelques minutes après minuit doit se voir ou se revoir en Haute définition. Les effets numériques sont ahurissants de beauté, le piqué est affûté comme la lame d’un scalpel, les couleurs impressionnantes, les contrastes léchés, les noirs denses et la profondeur de champ omniprésente. Les détails sont légion à l’avant comme à l’arrière-plan, de jour comme de nuit, le relief ne cesse d’étonner et le rendu des textures est subjuguant. Le nec plus ultra pour apprécier toute la richesse de la photographie du chef opérateur surdoué Oscar Faura, à qui l’on doit les images des précédents films de J.A. Bayona. Quant aux séquences réalisées en animation, elles sont tout simplement stupéfiantes et élèvent cette édition HD au rang de disque de démonstration. Nous l’avons déjà dit, mais nous le répétons, Métropolitan Vidéo demeure sur la première marche des éditeurs français.

Les versions française et anglaise sont proposées en DTS-HD Master Audio 5.1. Dans les deux cas, les dialogues y sont remarquablement exsudés par la centrale (la voix de Liam Neeson en particulier), les frontales sont saisissantes, les effets et ambiances riches (les grincements et craquements des branches de l’arbre), les enceintes arrière instaurent constamment un environnement musical, tout comme le caisson de basses qui se mêle habilement à l’ensemble, notamment quand le géant se déplace. Un grand spectacle acoustique !

Crédits images : © Metropolitan Vidéo / Captures du Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test DVD / Rocco, réalisé par Thierry Demaizière et Alban Teurlai

ROCCO réalisé par Thierry Demaizière et Alban Teurlai, disponible en combo DVD-Blu-ray le 4 avril 2017 chez TF1 Vidéo

Acteurs : Rocco Siffredi, Rozsa Tano, Gabriele Galetta, Kelly Stafford, Mark Spiegler, Abella Danger, John Stagliano

Photographie : Alban Teurlai

Musique : Pierre Aviat

Durée : 1h45

Date de sortie initiale : 2016

LE FILM

En trente ans de carrière, Rocco Siffredi reste la plus grand star masculine du cinéma pornographique. Ses amis disent qu’il a deux vies, celle de père de famille et celle de propriétaire d’un titre, d’un mythe. Lui-même dit avoir payé le prix fort dans sa vie personnelle. A 50 ans, il décide de mettre un terme à sa carrière avec un dernier long métrage. Alors que le film se prépare, le hardeur dévoile les raisons qui l’ont poussé à arrêter, les difficultés de sa vie de famille et le rôle ambigu que la nymphomanie a joué dans sa vie…

Né le 4 mai 1964 dans les Abruzzes, Rocco Tano alias Rocco Siffredi, pseudo venant du personnage incarné par Alain Delon dans Borsalino, est l’homme de tous les records dans le domaine de la pornographie. Depuis ses débuts en 1986, on lui prête plus de 5000 partenaires à l’écran et plus de 1500 films. Quant à la taille de, vous savez, cela oscille entre 23 à 25 cm, probablement en raison de la météo, et cela a largement contribué à sa réputation. Réalisateur, producteur et surtout acteur de films pornographiques, Rocco Siffredi est devenu une marque de fabrique. Spécialisé dans le style gonzo, qui inclut des scènes violentes avec gifles et même crachats à la tête de celle qui passe entre ses griffes, Rocco Siffredi est à la pornographie ce que Mike Tyson est à la boxe : une légende vivante. Sa mère aurait voulu qu’il soit curé, il est devenu acteur porno avec sa bénédiction, consacrant sa vie à un seul dieu : le Désir. En trente ans de métier, Rocco Siffredi aura visité tous les fantasmes de l’âme humaine et se sera prêté à toutes les transgressions. Hardeur au destin exceptionnel, Rocco plonge dans les abîmes de son addiction au sexe et affronte ses démons dans ce documentaire en forme d’introspection. Le moment est aussi venu, pour le monstre sacré du sexe, de raccrocher les gants. Pour tourner la dernière scène de sa carrière, Rocco a choisi ce documentaire. Une galerie de personnages – famille, amis, partenaires et professionnels du porno – l’accompagne jusqu’à cette sortie de scène spectaculaire. Des repas de famille à Budapest aux tournages de films pornographiques à Los Angeles, des ruelles italiennes d’Ortona aux villas américaines de la Porn Valley, le film déroule l’histoire d’une vie hantée par le désir et révèle en filigrane les coulisses du X, derrière le scandale et l’apparente obscénité. À l’heure où la pornographie sort de la clandestinité, envahit le cinéma traditionnel, la mode et l’art contemporain, c’est un univers à part entière, filmé au plus près, qui se dévoile à travers le parcours de Rocco Siffredi.

Après avoir tourné Relève : histoire d’une création, un documentaire sur le danseur et chorégraphe Benjamin Millepied, les réalisateurs Thierry Demaizière et Alban Teurlai se voient proposer un film sur la pornographie américaine. D’abord perplexes, les deux collaborateurs acceptent et prennent comme partis pris de se focaliser sur Rocco Siffredi et de suivre l’acteur porno pendant deux ans, avec son accord, dans sa vie privée, auprès de son épouse et de ses deux fils, mais également sur le plateau avec ses partenaires, sans oublier les moments où Siffredi se retrouve seul, face à lui-même. Si on l’a souvent vu à poil, c’est bien la première qu’il se met à nu. De son propre aveu, l’acteur traversait la pire période de sa vie, ce qui se reflète sur son visage émacié, usé, vieilli. C’est de là que proviennent la grande surprise et l’intérêt de ce documentaire. Il n’y a rien d’excitant dans Rocco, mais ce portrait dressé (nous parlons bien du portrait) ne brosse pas l’acteur dans le sens du poil et le montre dans ses contradictions. Fier de ce qu’il est devenu, confortablement installé en Hongrie, Rocco Siffredi est aussi un homme devenu esclave du monstre qu’il a créé (« ma sexualité est mon démon »), un super hardeur, un mâle alpha dominateur, un produit demandé aux quatre coins du monde, un phénomène de foire, un trépied que les jeunes actrices, fascinées par sa taille (1m85) et sa taille en centimètres, désirent monter pour l’inscrire sur leur C.V.

Parallèlement, on suit également son cousin Gabriele, qui a fait sa carrière, pour ne pas dire sa vie sur le vit de Rocco Siffredi en tant que caméraman et réalisateur. Parfaitement conscient de cette dépendance (« Qu’aurait été notre vie, si son sexe ne s’était pas dressé ? »), Gabriele se montre jaloux quand il « disparaît » derrière l’objectif pour filmer les ébats. Ce personnage quasi-tragique et pathétique interpelle, surtout lorsqu’il souhaiterait donner une touche un peu plus artistique à sa mise en scène, mais qui doit chaque fois revoir ses ambitions puisque Rocco lui indique que le porno implique d’aller directement à l’essentiel sans effusions techniques. Une vraie commedia dell’arte. En plus de ce double intérêt, Rocco donne la parole aux femmes. Celle qui partage la vie de Rocco, mais aussi toutes ses partenaires. On voit un Rocco attentionné, qui prend le temps de les connaître un peu mieux avant de passer à l’acte, leur demandant ce qu’elles aiment dans le sexe, jusqu’où elles peuvent aller et jusqu’où lui puisse se permettre d’aller avec elles. Rocco n’est pas moins un film sur l’industrie contemporaine de la pornographie que sur un acteur qui a dédié toute sa vie à son « art », au point de devenir prisonnier de son personnage. Mais le doute l’habite.

Au-delà du documentaire, Rocco peut se voir comme un vrai drame intimiste sur un homme d’une extrême complexité, touchant (avec les fantômes omniprésents de son frère et de sa mère décédés), parfois sombre et torturé, partagé entre le désir d’arrêter sa carrière quand il se rend compte que ses partenaires ont souvent l’âge de ses deux fils, mais frustré, malheureux et souffrant véritablement quand il admet que la pornographie fait partie de lui et qu’il ne pourra pas s’en passer. Très bien réalisé et photographié, sans plan « choc » et ni scènes de pénétration, pouvant parfois rendre mal à l’aise, loin des clichés et des idées reçues, c’est donc à la fois plusieurs portraits qui s’entrecroisent autour du thème du sexe dans ce documentaire. Celui de Rocco Siffredi donc, qui se livre corps et âme devant la caméra et qui se prépare à tourner sa dernière scène, de son cousin Gabriele et de toutes ces femmes, qui s’expriment librement sur leurs désirs et leur sexualité, notamment l’alter ego féminin de Rocco, Kelly Stafford, qui considère sa condition de star du porno comme un acte féministe.

Thierry Demaizière et Alban Teurlai se focalisent sur les mains, les visages usés, les crampes, les muscles, les ecchymoses, les corps avant et après « la bataille », tandis que les acteurs se remercient en se serrant la main, avant d’aller sous la douche. Des gladiateurs et lutteuses qui s’affrontent dans une guerre charnelle et de liquide séminal, mais dont la descente d’orgasme renvoie souvent à leur propre solitude. Rocco, captivant et fascinant documentaire existentiel ? Assurément.

LE DVD

Le test du DVD de Rocco, disponible chez TF1 Vidéo, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est animé et musical.

Si vous avez aimé le documentaire, alors n’hésitez pas à prolonger le programme avec les interviews proposées en bonus. Pendant une vingtaine de minutes, Rocco Siffredi s’exprime (en français) sur la genèse du projet, sur l’évolution du milieu pornographique, sur sa rencontre avec Thierry Demaizière et Alban Teurlai et ce qui l’a poussé à se dévoiler devant leur caméra. L’acteur évoque également ses dernières années en tant qu’acteur porno, sa dépression (« ils m’ont filmé au pire moment de ma vie »), sa dépendance au sexe et avoue avoir été très mal à l’aise en découvrant le film pour la première fois. Il clôt cette excellente interview en parlant de la sexualité des jeunes d’aujourd’hui et de son lien avec l’accès à la pornographie via internet.

C’est ensuite au tour de Thierry Demaizière et d’Alban Teurlai (12’) de s’exprimer sur la mise en route du projet (à l’origine une commande pour un documentaire sur la pornographie américaine) et leur rencontre avec Rocco Siffredi. Leurs propos prolongent leur travail, notamment quand les réalisateurs parlent de la personnalité complexe de leur protagoniste, « un personnage dense et intense », « Non pas le roi du porno confortablement installé sur son trône, mais un être tragique, sombre et tourmenté ». Les partis pris (« ni juger ni encenser le personnage »), leur collaboration avec Rocco Siffredi, mais aussi les femmes présentes dans le documentaire, sans oublier l’approche visuelle et sonore, Thierry Demaizière et d’Alban Teurlai mentionnent tous ces sujets passionnants en déclarant également que le film plaît – contre toute attente – plus aux femmes qu’aux hommes.

L’Image et le son

Tourné en numérique, Rocco bénéficie d’une très belle édition SD, qui rend justice aux images souvent stylisées des deux documentaristes et de leur chef opérateur Alban Teurlai, restituées avec une précision d’orfèvre. Le cadre est superbe, la colorimétrie élégante, entre couleur et N&B et le relief omniprésent. L’encodage consolide l’ensemble avec fermeté, le piqué est merveilleusement acéré, les noirs compacts et les contrastes denses.

La piste multilangue (osons le mot ici) 5.1 sous-titrée en français demeure au point mort pendant près de deux heures et il faut attendre l’accompagnement musical pour que les enceintes arrière se réveillent sensiblement. Les séquences demeurent essentiellement axées sur les frontales, les latérales se contentant d’un écho très lointain. Pour cause de tournage brut, l’enregistrement sonore varie selon les conditions des prises de vues et de la distance des documentaristes avec leur(s) sujet(s) filmé(s). Pour une meilleure homogénéité, la stéréo se révèle parfaite, percutante à souhait, cette piste donne finalement plus de corps à l’ensemble.

Crédits images : © Emmanuel Guionet / Mars Films / TF1 Vidéo / Captures du DVD : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Neruda, réalisé par Pablo Larraín

NERUDA réalisé par Pablo Larraín, disponible en DVD et Blu-ray le 31 mai 2017 chez Wild Side Video

Acteurs : Luis Gnecco, Gael García Bernal, Mercedes Morán, Diego Muñoz, Pablo Derqui, Jaime Vadell

Scénario : Guillermo Calderón

Photographie : Sergio Armstrong

Musique : Federico Jusid

Durée : 1h47

Date de sortie initiale : 2017

LE FILM

1948, la Guerre Froide s’est propagée jusqu’au Chili. Au Congrès, le sénateur Pablo Neruda critique ouvertement le gouvernement. Le président Videla demande alors sa destitution et confie au redoutable inspecteur Óscar Peluchonneau le soin de procéder à l’arrestation du poète. Neruda et son épouse, la peintre Delia del Carril, échouent à quitter le pays et sont alors dans l’obligation de se cacher. Il joue avec l’inspecteur, laisse volontairement des indices pour rendre cette traque encore plus dangereuse et plus intime. Dans ce jeu du chat et de la souris, Neruda voit l’occasion de se réinventer et de devenir à la fois un symbole pour la liberté et une légende littéraire.

Sélectionné pour représenter le Chili dans la course à l’Oscar du Meilleur film étranger en 2017, Neruda confirme le talent et la singularité de son réalisateur Pablo Larraín. Le metteur en scène de Tony Manero (2008), Santiago 73, post mortem (2010), No (2012) et El Club (2015) se penche cette fois sur la figure de Ricardo Eliécer Neftalí Reyes Basoalto, poète, écrivain, diplomate, homme politique et penseur chilien plus connu sous son nom de plume Pablo Neruda (1904-1973), Prix Nobel de littérature en 1971. Toutefois, le cinéaste ne signe pas un biopic, mais ce qu’on pourrait appeler un « anti-biopic », une évocation par la fiction d’un épisode de la vie de Neruda. Un acte « cinématographique » par excellence puisqu’il s’agit de la fuite du poète, durant laquelle son poème emblématique et épique de 15 000 vers, Canto General, verra le jour.

Présenté au 69e Festival de Cannes à la Quinzaine des Réalisateurs, Neruda n’a pas la prétention de brosser le portrait « réaliste » de l’écrivain puisque selon le réalisateur le défi serait impossible à relever en raison de la démesure du personnage. Le scénario de Guillermo Calderón (Violeta) est sans cesse inventif et s’inspire de la véritable histoire, mais parvient à s’inscrire dans le film de genre, notamment le film d’espionnage. Si Neruda s’avère le personnage principal, parfois montré sous son aspect calculateur, égocentrique et bon vivant, sans oublier ses escapades dans les bordels, celui qui retient également l’attention est celui campé par un excellent Gael García Bernal. Cinq ans après No, le comédien retrouve Pablo Larraín pour un de ses meilleurs rôles, celui d’Óscar Peluchonneau, le policier lancé aux trousses de Neruda. A l’instar d’un récit à la Spike Jonze mâtiné de Paolo Sorrentino, Pablo Larraín fait prendre conscience à Peluchonneau, qu’il n’est certes qu’un personnage secondaire dans l’histoire, mais qu’il a enfin l’occasion de briller dans cette traque, que Neruda n’hésite pas à mettre en scène afin de la rendre «sauvage», pour passer peut-être au premier plan. Peluchonneau devient un personnage tout droit tiré d’un film noir américain avec ses costumes tirés à quatre épingles, filmé à contre-jour, sa voix-off omniprésente et son appartement rempli d’affiches de cinéma.

De son côté, Neruda, brillamment campé par Luis Gnecco, s’amuse presque de cette situation en laissant même quelques indices derrière lui pour l’inspecteur Peluchonneau, en l’occurrence quelques romans policiers – dont Neruda était réellement friand – sur lesquels il laisse une petite dédicace. Si Peluchonneau peut enfin briller, il ne demeure pas dupe sur le fait que Neruda tire lui-même les ficelles pour ainsi nourrir sa propre légende. Et si le film n’était en réalité qu’une pure invention et raconté par Neruda lui-même ?

Le contexte politique et social est bel et bien présent, mais Pablo Larraín fait preuve d’ironie et d’humour noir pour narrer cette partie importante de la vie de Neruda. Ludique et inventif, le film est également un superbe objet cinématographique. Le décalage se fait à travers la sublime et sophistiquée photographie rosée du chef opérateur Sergio Armstrong, collaborateur fidèle de Pablo Larraín, qui magnifie les nombreux décors naturels. Neruda est également un road movie, avec des personnages insaisissables, en mouvement, perdus sur des pistes sans cesse brouillées, conscients de leur propre figure romanesque. Par ailleurs, les séquences tournées en voiture ou à moto sur fond de transparences visibles, renvoient à cette idée de fiction, Pablo Larraín appuyant le côté artificiel de son faux biopic inspiré de faits réels.

Oeuvre follement ambitieuse, Neruda subjugue du début à la fin. Le fond incroyablement intelligent, riche, vertigineux et abyssal et la forme virtuose d’une beauté à couper le souffle, font de ce film un vrai chaînon manquant entre le cinéma et la poésie. Neruda est inclassable et un incontournable de l’année 2017 au cinéma.

LE BLU-RAY

Le test du Blu-ray de Neruda, disponible chez Wild Side Video, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est animé et musical.

Passons rapidement sur les six premiers segments qui s’avèrent en réalité six mini-featurettes d’une minute en moyenne. Ces petits documents donnent rapidement la parole au scénariste, au réalisateur, aux producteurs, aux comédiens, qui présentent les personnages et l’histoire du film. Quelques images de tournage glanées ici et là sont essentiellement reprises du making of.

Le making of susmentionné (38’) compile donc tous les éléments précédents, mais en version longue et donc le supplément s’avère beaucoup plus intéressant, notamment les propos du réalisateur Pablo Larraín. Nous retrouvons les mêmes intervenants que dans les premiers bonus. De nouvelles images de tournage viennent illustrer ces propos souvent passionnants sur les intentions du réalisateur (un voyage à travers l’illusion), les partis-pris esthétiques (des vieux objectifs placés sur des caméras HD), la représentation de Neruda à l’écran, la reconstitution des années 1940, les aléas suite aux intempéries (fortes chutes de neige et pluie abondante), sans oublier un petit tour du côté des costumes et des véhicules.

Avant de conclure sur la bande-annonce en version française et les credits du disque, Wild Side livre également un entretien avec Alain Sicard, professeur émérite de littérature hispano-américaine à l’université de Poitiers (31’). Ce dernier raconte sa rencontre avec Pablo Neruda en 1965 (il se souvient être allé voir Goldfinger au cinéma avec lui et sa femme), qui allait devenir son ami, mais avec lequel il n’a jamais parlé de son œuvre ni même de littérature. Avant le mythe, Alain Sicard dresse avant tout le portrait de l’homme, tout en parlant de ses engagements politiques. Puis notre interlocuteur en vient au film qui nous intéresse et n’hésite pas à se montrer critique envers certains partis pris, tout en reprochant à Pablo Larraín de ne pas être empathique envers son personnage et de trop verser dans le grotesque. Alain Sicard défend plus la représentation faite par Michael Radford dans son film Le FacteurIl Postino (1994), dans lequel Philippe Noiret interprétait le poète aux côtés de Massimo Troisi.

L’Image et le son

Wild Side prend soin du film de Pablo Larraín et livre un master HD irréprochable au transfert immaculé. Respectueux des volontés artistiques originales, la copie se révèle un petit bijou technique alliant des teintes rosées et froides, le tout soutenu par un encodage AVC de haute volée. Le piqué, tout comme les contrastes, sont tranchants, les arrière-plans sont magnifiquement détaillés, la colorimétrie est joliment laquée, le relief omniprésent et les détails foisonnants sur le cadre large. Un service après-vente remarquable.

Neruda n’est pas vraiment le film avec lequel vous pourrez épater la galerie et faire une démonstration de gros son. Les versions française et espagnole sont certes proposées en DTS HD Master Audio 5.1, mais les latérales ne servent réellement qu’à instaurer quelques ambiances naturelles et à spatialiser la musique du compositeur Federico Jusid. Le changement de langue est verrouillé à la volée et les sous-titres français imposés sur la version originale.

Crédits images : © Wild Bunch / Captures du Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Le Cerveau d’acier, réalisé par Joseph Sargent

LE CERVEAU D’ACIER (Colossus : The Forbin Project) réalisé par Joseph Sargent, disponible en DVD et Blu-ray le 9 mai 2017 chez Movinside

Acteurs : Eric Braeden, Susan Clark, Gordon Pinsent, William Schallert, Leonid Rostoff, Georg Stanford Brown, Willard Sage

Scénario : James Bridges d’après le roman de D.F. Jones

Photographie : Gene Polito

Musique : Michel Colombier

Durée : 1h40

Date de sortie initiale : 1970

LE FILM

Scientifique de renom, Charles A. Forbin met au point un super-ordinateur baptisé Colossus, chargé de contrôler l’arsenal nucléaire des États-Unis ainsi que celui de ses alliés, afin d’éviter toute erreur humaine. Alimenté par son propre réacteur nucléaire et installé au coeur d’une montagne, Colossus, une fois activé, détecte un autre super-ordinateur. On apprend bientôt qu’il s’agit de l’homologue soviétique de Colossus, baptisé Guardian. C’est là que les ennuis commencent…

Attention, chef d’oeuvre ! Méconnu, pourtant sublime et précurseur, Le Cerveau d’acierColossus : The Forbin Project s’apparente au chaînon manquant entre Point Limite de Sidney Lumet (1965) et 2001 : L’Odyssée de l’espace de Stanley Kubrick (1968), rien de moins ! Ce film de science-fiction apocalyptique est réalisé par Joseph Sargent, de son vrai nom Giuseppe Danielle Sorgente (1925-2014), cinéaste éclectique à qui l’on doit L’Espion au chapeau vert (1966), deux épisodes en version longue mis bout à bout de la série Des agents très spéciaux, Les Pirates du métro (1974) ou bien encore l’inénarrable Dents de la mer 4 : La Revanche (1987). Le Cerveau d’acier est assurément son plus grand film et n’en finit pas d’impressionner par sa virtuosité, sa sécheresse de ton, son cadre, son intelligence et son interprétation, sans oublier la discrète et pourtant subtile composition de Michel Colombier.

Le docteur Charles Forbin a mis au point un super ordinateur qui va prendre en charge la gestion des défenses militaires américaines. Mais, seulement quelques minutes après sa mise en service dans des conditions réelles, la machine envoie un énigmatique message : «Il y a un autre système !». On apprend que Colossus fait allusion à un projet soviétique similaire : un superordinateur baptisé « Guardian » contrôlant l’armement nucléaire soviétique. Les deux ordinateurs demandent à être relié l’un à l’autre afin de pouvoir communiquer. Une connexion est établie et les ordinateurs commencent à échanger des messages utilisant un langage mathématique simple, chaque camp supervisant les communications à l’aide de moniteurs. Le contenu des messages finit par devenir de plus en plus complexe, jusqu’à présenter des principes mathématiques jusque là inconnus. Les deux ordinateurs finissent par adopter un langage binaire impossible à interpréter par les scientifiques. Alarmés, les chefs d’État américain et soviétique décident d’un commun accord d’interrompre la connexion. Colossus et Guardian exigent que la connexion soit rétablie, sinon « des mesures seront prises ». Leur demande étant ignorée, Colossus et Guardian décident l’un comme l’autre de lancer un missile nucléaire. Les deux pays rétablissent la connexion et Colossus intercepte à temps le missile soviétique. Toutefois, la connexion a été rétablie trop tard côté soviétique : le missile américain anéantit un complexe pétrolifère et une ville voisine. Impuissants, les scientifiques et responsables des deux camps assistent à un échange d’informations effréné entre les deux superordinateurs, lesquels annoncent ensuite avoir fusionné en une seule et unique entité infiniment plus performante, ayant choisi le nom de Colossus.

Sorti en 1970, Le Cerveau d’acier est adapté du roman de Dennis Feltham Jones écrit et publié en 1966. Film d’anticipation, Colossus : The Forbin Project se penche sur le sujet de l’intelligence artificielle si celle-ci devait échapper à l’homme qui l’a conçue. En prenant conscience de lui-même, l’ordinateur décide d’agir pour le bien de l’humanité, en ne tenant plus compte des avis de celui qui l’a créé, parfois en détruisant des milliers de vies pour en sauver des millions. Le Cerveau d’acier fait froid dans le dos avec ses décors grandioses et son caractère pessimiste.

Aujourd’hui mondialement connu pour sa participation aux Feux de l’amour depuis 1980, Victor Newman, Eric Braeden pardon, a certes peu tourné pour le cinéma, mais ses films demeurent marquants. Outre le Titanic de James Cameron, le comédien apparaît également dans Les 100 fusils de Tom Gries, Les Évadés de la planète des singes de Don Taylor, le sympathique La Coccinelle à Monte-Carlo de Vincent McEveety, ou bien encore L’Ambulance de Larry Cohen. Il est parfait et élégant dans Le Cerveau d’acier. Son charisme renvoie parfois à l’idée que l’on pouvait se faire d’un James Bond à la fin des années 1960. Ses confrontations (formidables et percutants dialogues) avec Colossus sont tendues du début à la fin, au départ protocolaires, puis de plus en plus intrigantes à mesure que l’ordinateur développe une personnalité, jusqu’à la fin quand Colossus ordonne d’installer des caméras (ses yeux) partout, y compris au sein même de l’habitat de Forbin. L’épilogue reste particulièrement sombre et désespéré, tandis que les merveilleux décors subjuguent dès la première séquence, celle où le spectateur fait connaissance avec Colossus et son complexe. Bien que froid en apparence, on s’attache également très vite au Dr Charles A. Forbin, ce concepteur d’un projet gouvernemental secret, très vite dépassé par les événements et qui doit se rendre à l’évidence : il a bel et bien créé un monstre qui lui a échappé, qui prend conscience de lui-même et qui s’est proclamé maître du monde. L’ordinateur est désormais prêt à tous les sacrifices, afin d’abolir la guerre et éradiquer la famine, la maladie et la surpopulation.

Cette relecture glaçante du mythe de Prométhée se nourrit des peurs engendrées par la Guerre Froide et la possibilité d’une Troisième Guerre mondiale et n’a souvent rien à envier aux grands films susmentionnés. D’autant plus que le film a sûrement inspiré James Cameron pour le Skynet de Terminator. Il est donc temps de réhabiliter ce Colossus : The Forbin Project, qui n’a absolument pas vieilli, à part peut-être dans les décors bien sûr, mais dont le sujet ambitieux et maîtrisé n’a jamais autant incité à la réflexion.

LE BLU-RAY

Le Blu-ray du Cerveau d’acier, disponible chez Movinside dans une collection dirigée par Marc Toullec et Jean-François Davy, repose dans un boîtier classique classe de couleur noire. L’élégante jaquette saura immédiatement taper dans l’oeil des cinéphiles passionnés de SF, et des autres, puisqu’elle reprend l’un des visuels originaux. Le menu principal est tout aussi classe, animé et musical.

A l’instar des autres titres de cette merveilleuse collection, Le Cerveau d’acier, cette édition HD ne contient qu’un seul supplément, une présentation du film par le journaliste Marc Toullec (13’). L’ancien co-rédacteur en chef de Mad Movies ne manque pas d’inspiration et d’arguments pour défendre ce bijou qu’il situe dans son contexte. Toullec évoque le sujet, le roman original de Dennis Feltham Jones, les similitudes avec les deux premiers Terminator de James Cameron, tout en donnant quelques indications sur les carrières du réalisateur Joseph Sargent, du scénariste James Bridges et des comédiens, en se focalisant bien sûr sur Eric Braeden. Le tout accompagné d’anecdotes sur la production du film et les tentatives avortées d’un remake envisagé par Ron Howard avec Will Smith dans le rôle principal.

L’Image et le son

Grâce à un codec AVC de haute tenue, le Blu-ray du Cerveau d’acier proposé au format 1080p, permet aux spectateurs de redécouvrir totalement les incroyables décors du film. Si l’on excepte quelques séquences plus douces que d’autres ou au grain plus appuyé nous nous trouvons devant une image qui ne cesse de flatter les rétines. Issue d’une restauration solide, cette copie HD, d’une stabilité à toutes épreuves, est absolument indispensable et superbe. La propreté est indéniable, les couleurs retrouvent une vraie vivacité, le piqué est joliment acéré et les détails sont probants sur le cadre large. Le découpage est net et sans bavure, l’ensemble est homogène et d’une indéniable élégance, comme les contrastes. Revoir Le Cerveau d’acier, oeuvre rare et malheureusement souvent oubliée, dans ces conditions était pour ainsi dire inespéré.

Les versions originale et française bénéficient d’un mixage Dolby Digital 2.0 Mono. Pas de HD ici donc. Cependant, le confort acoustique est malgré tout assuré dans les deux cas. L’espace phonique se révèle probant et les dialogues sont clairs, nets, précis, même si l’ensemble manque de vivacité sur la piste française. Que vous ayez opté pour la langue de Shakespeare (conseillée) ou celle de Molière, aucun souffle ne vient parasiter votre projection et l’ensemble reste propre. Les sous-titres français ne sont pas imposés sur la version originale.

Crédits images : © Movinside / Universal / Captures du Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Livre / Hollywood ne répond plus, par Olivier Rajchman (Editions Baker Street)

Si cela avait été Noël, Hollywood ne répond plus (Editions Baker Street), sorti le 18 mai 2017, se trouverait au pied du sapin de chaque cinéphile. Journaliste (Télé Star, Studio Ciné Live), auteur en 2010 d’une biographie croisée Delon / Belmondo : L’Etoffe des héros (Timée-éditions) et intervenant dans les suppléments de DVD/Blu-ray de Deux hommes dans la ville, Borsalino & Co, Trois hommes à abattre, Pour la peau d’un flic, Olivier Rajchman signe un vrai trésor pour les passionnés du septième art. 400 pages consacrées au tournage de Cléopâtre de Joseph L. Mankiewicz, comme l’indique une photo du couple Elizabeth Taylor / Richard Burton sur le visuel, mais aussi sur les derniers jours de Marilyn Monroe et le tournage colossal du Jour le plus long réalisé par Ken Annakin, Darryl F. Zanuck, Andrew Marton, Bernhard Wicki, Gerd Oswald…surtout produit par Zanuck. Le titre de l’ouvrage d’Olivier Rajchman est malin et reflète la débâcle de la production de Cléopâtre, qui aurait pu tout ravager et emporter Hollywood dans un vrai raz-de-marée.

Pourquoi ces trois récits entrecroisés ? Parce que c’est précisément à ce moment précis que le monde du cinéma a failli imploser. Entre Marilyn Monroe en prise avec les réalisateurs qui s’impatientaient devant son manque de confiance et sa vie personnelle chaotique, Darryl F. Zanuck réfugié en France qui souhaitait redorer son blason d’ancien grand manitou d’Hollywood en adaptant à l’écran le roman de Cornelius Ryan, et le chemin de croix en Italie de Mankiewicz, dans les studios de Cinecittà, pour mettre en boite un film déjà maudit avant qu’il en reprenne les rênes, Olivier Rajchman utilise les monstres du cinéma pour en tirer comme un véritable thriller. Des monstres sans doute, dans tous les sens du terme, mais Rajchman montre également et surtout des êtres humains pris dans la tourmente, dans leurs problèmes personnels, dans leur ego surdimensionné aussi. Les rebondissements sont distillés au fil de 44 chapitres indiquant le lieu et la date de l’action qui est en train de se dérouler.

Cléopâtre est le couronnement suprême pour Elizabeth Taylor, sublimée à chaque plan, tandis que Marilyn, en quête du rôle qui aurait pu montrer au monde entier qu’elle n’était pas qu’une poupée glamour, se perd dans l’alcool, les amants passagers et les médicaments, jusqu’à Something’s Got to Give, son dernier film resté inachevé…et son dernier sommeil. On lit Hollywood ne répond plus comme un polar avec des protagonistes que l’on connaît, enfin surtout de ce qu’on connaît d’eux via le grand écran, tout en découvrant l’autre facette, celle derrière le strass. A partir d’un travail documenté exceptionnel, y compris des extraits inédits du journal de Joseph L. Mankiewicz (le livre propose quelques extraits), réalisé avec l’accord et même l’amitié de la fille du cinéaste, Alex Mankiewicz, qui signe également la préface, le journaliste nous raconte ces histoires palpitantes, ces portraits dressés d’hommes et de femmes dont les destins ont failli avoir la peau du système hollywoodien. Les trahisons, les démêlés, les coups bas sont dévoilés au grand jour, sans jugement, sans emphase, mais avec un percutant sens du récit et le désir de partager de cinéphile à cinéphile. Ce que l’on retient le plus d’Hollywood ne répond plus, une véritable mine d’or d’informations et qui démontre que la réalité est parfois aussi fascinante pour ne pas dire tragique que la fiction, c’est la façon dont Rajchman retrace l’incroyable épopée du tournage de Cléopâtre, film de tous les excès.

A l’époque jugé lourd, étouffant et bavard, le film de Mankiewicz est aujourd’hui considéré à juste titre comme un puissant chef d’oeuvre. On admire encore plus de nos jours le culot du réalisateur qui au lieu de privilégier l’action et les scènes de batailles s’est surtout concentré sur la complexité des personnages. Ou le drame intimiste le plus cher de l’histoire du cinéma. L’ampleur de la mise en scène n’étant qu’un subterfuge pour ne retenir que les dialogues, admirablement écrits et typiques de la griffe Mankiewicz, et ressentir la dimension humaine de cette histoire dense et implacable. Elizabeth Taylor, l’actrice aux yeux de velours, demeurera dans les mémoires comme étant LA Cléopâtre la plus éblouissante et sensuelle qu’il nous ait été donné de voir. Le film épique de Mankiewicz est une merveille cinématographique d’une suprême élégance, qui plonge le spectateur dans l’Antiquité durant 4 heures sans jamais susciter l’ennui. Comme Hollywood ne répond plus, dont on devient accro dès les premières pages, qui nous fait voyager dans le temps et aux quatre coins du monde, qui nous donne une occasion unique de côtoyer celles et ceux que l’on admire et que l’on continue d’admirer, à la fois acteurs et victimes placés dans un mauvais alignement des astres. L’Armageddon cinématographique était alors très proche, certains n’ont pas survécu à ce chaos, d’autres au contraire en sont sortis plus grands que jamais ou allaient tout simplement revivre. Mais une chose est sûre, Hollywood avait changé et une nouvelle ère commençait. L’âge d’or s’éteignait en emportant Marilyn, son plus beau joyau.

Quelques extraits du journal de Joseph L. Mankiwicz disponibles et reproduits avec l’autorisation des Editions Baker Street :

« Me sens épuisé et ‘migraineux’ à l’extrême. Pris conscience d’avoir avalé aujourd’hui Ritonex, Vitamines, Demerol, Bufferin, Empirin, Codeine, et autres ! »

« Je continue de penser que Z [Zanuck] veut tout prendre en charge mais seulement après que j’en aurai terminé avec les trois vedettes. »

« Le pronunciamiento d’Elizabeth : après 5 mois, c’est soit Fisher, soit Burton, ou elle se tuera. »

HOLLYWOOD NE RÉPOND PLUS

Olivier Rajchman

Préface d’Alex Mankiewicz

Parution : 18 mai 2017 • ISBN : 978-2-917559-47-5 • Prix TTC France : 21€ • 154 x 240mm • broché 416 pages

Crédits images : © 20th Century Fox / Editions Baker Street / Getty Images

Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / L’Invasion des profanateurs, réalisé par Philip Kaufman

L’INVASION DES PROFANATEURS (Invasion of the body snatchers) réalisé par Philip Kaufman, disponible en DVD et Blu-ray le 25 avril 2017 chez Rimini Editions

Acteurs : Donald Sutherland, Brooke Adams, Leonard Nimoy, Jeff Goldblum, Veronica Cartwright, Art Hindle, Kevin McCarthy, Don Siegel, Tom Luddy

Scénario : W.D. Richter d’après le roman de Jack Finney

Photographie : Michael Chapman

Musique : Denny Zeitlin

Durée : 1h55

Date de sortie initiale : 1978

LE FILM

Elizabeth s’aperçoit un jour du comportement étrange de son ami. Puis, peu à peu, d’autres personnes se transforment ainsi bizarrement. Pendant leur sommeil, une plante fabrique leur double parfait, tandis que l’original disparaît.

L’Invasion des profanateursInvasion of the Body Snatchers de Philip Kaufman est bien plus qu’un simple remake du film culte réalisé par Don Siegel en 1956. C’est une fabuleuse relecture du livre original de Jack Finney paru en 1955 (mais publié en 1977 en France sous le titre Graines d’épouvante) qui s’inscrit dans le cinéma hollywoodien des années 1970 placé sous le signe de la paranoïa. De mystérieuses particules venues de l’espace arrivent sur la Terre. A San Francisco, Elizabeth Driscoll (Brooke Adams) cueille une fleur étrange sur un arbre de son quartier et tente de l’identifier, en vain. Intriguée, elle s’en ouvre à son compagnon, sans réussir à éveiller son intérêt. De plus en plus inquiète, Elizabeth se confie à Matthew Bennell (Donald Sutherland), son collègue de bureau au ministère de la Santé. Plus tard, lors d’une réception, Jack (Jeff Goldblum), un ami de Matthew, décide de rentrer chez lui se reposer. Quelques heures après, son épouse constate avec un légitime effroi qu’il s’est transformé en une énorme «cosse», semblable à un embryon.

Près de 40 ans après sa sortie, L’Invasion des profanateurs demeure une référence de la science-fiction. Anxiogène, sombre, le film malmène son audience du début à la fin. Le dénouement aura traumatisé plus d’un spectateur et fait toujours son effet, y compris sur celles et ceux qui connaissent pourtant l’épilogue du film. En transposant ce récit à San Francisco, le réalisateur Philip Kaufman, qui avait auparavant signé en 1972 La Légende de Jesse James avec Cliff Robertson et Robert Duvall (qui fait ici un étrange caméo au début du film dans le rôle du prêtre sur la balançoire), ainsi que le scénario de Josey Wales hors-la-loi de Clint Eastwood en 1976, étend la folie et le danger de son invasion éponyme. Paradoxalement, cela renforce l’enfermement des personnages qui tentent de s’échapper. Cette ville extraordinaire et l’une des plus belles filmées au cinéma, s’apparente alors à un terrain de jeu dangereux, où les derniers êtres humains doivent fuir dans des rues souvent désertées. La tension est maintenue tout du long, l’attachement envers les personnages est trouble puisque chacun peut avoir été « répliqué » à un moment ou à un autre.

Le scénario de W.D. Richter, futur réalisateur des Aventures de Buckaroo Banzaï à travers la 8e dimension (1984) et scénariste des Aventures de Jack Burton dans les griffes du Mandarin de John Carpenter (1986) est un bijou et réserve son lot de surprises. Du point de vue technique, outre la virtuosité de Philip Kaufman et la grande réussite des effets visuels, la photographie de Michael Chapman, l’un des plus grands chefs opérateurs de l’histoire du cinéma (Taxi Driver, Raging Bull, Le Fugitif), renforce cette impression de claustration qui se resserre à mesure que les personnages se voient obliger de courir sans cesse pour échapper aux griffes des envahisseurs. N’oublions pas la partition de Denny Zeitlin, la seule incursion au cinéma du compositeur, qui donne des frissons et envoûte toujours les spectateurs. Evidemment, nous retenons aussi et surtout la performance de comédiens immenses, dominés par un Donald Sutherland en état de grâce et qui passait de grands films en grands rôles, de M*A*S*H de Robert Altman, en passant par Klute d’Alan J. Pakula, Ne vous retournez pas de Nicolas Roeg, 1900 de Bernardo Bertolucci ou bien encore Le Casanova de Fellini de Federico Fellini. Cependant, sa prestation n’éclipse jamais celle de ses partenaires, notamment une Brooke Adams intrigante et débarquant des Moissons du ciel de Terrence Malick, un Jeff Goldblum âgé de 25 ans et déjà pince-sans-rire, une Veronica Cartwright affrontait déjà des aliens avant celui de Ridley Scott, et surtout un Leonard Nimoy froid comme la glace, qui impressionne à chaque regard ou réplique. Deux apparitions de premier choix sont également au programme, celle de Don Siegel en personne, dans le rôle d’un chauffeur de taxi ambigu, et celle de Kevin McCarthy, premier rôle du film original, qui fait ici le lien avec L’Invasion des profanateurs de sépultures.

A la fois thriller, film d’horreur et de science-fiction, L’Invasion des profanateurs est aussi un film politique angoissant et redoutablement pessimiste, parfait reflet d’une Amérique post-Watergate, en manque de repère et livrée à elle-même, alors que le Siegel reflétait plutôt la peur héritée du maccarthysme. Les derniers êtres humains sont ici les derniers représentants de l’individualité et du libre-arbitre, qui doivent lutter pour préserver ce qu’il leur reste de plus cher, pour ne pas être dupliqué et remplacé par un être programmé, sans haine et sans amour, né dans une cosse, métaphore de la standardisation. Après cette fabuleuse adaptation, Abel Ferrara y reviendra en 1993 avec Body Snatchers, ainsi qu’Oliver Hirschbiegel en 2007 avec Daniel Craig et Nicole Kidman dans Invasion. Les profanateurs feront sûrement leur retour un jour ou l’autre…

LE BLU-RAY

Le Blu-ray de L’Invasion des profanateurs, disponible chez Rimini Editions, repose dans boîtier classique de couleur noire. Le visuel de la jaquette est très élégant, jouant sur la duplicité du personnage joué par Donald Sutherland. Le menu principal est animé et musical. L’éditeur joint également un livret de 12 pages rédigé par Pascal Montéville et intitulé Invasion(s), que nous retrouvons au cours d’un des suppléments détaillés ci-dessous.

Nous commençons cette large interactivité par l’entretien avec Brooke Adams (9’-2016). Chaleureuse, drôle et visiblement ravie de partager ses souvenirs liés au tournage de L’Invasion des profanateurs, la comédienne entame cette interview en indiquant qu’elle ne connaissait pas le film de Don Siegel. La rencontre et le travail avec Philip Kaufman, la scène de nu, la psychologie des personnages, la collaboration avec ses partenaires de jeu, la photographie de Michael Chapman, Brooke Adams aborde tous ces sujets, sans oublier de nous refaire son « truc avec les yeux » qui a marqué tant de spectateurs.

Dans un module réalisé en 2007, le scénariste W.D. Richter, le réalisateur Philip Kaufman, le directeur de la photographie Michael Chapman, les comédiens Donald Sutherland et Veronica Cartwright reviennent à leur tour sur leur adaptation du livre de Jack Finney (15’). Ces intervenants mentionnent les thèmes du film, les partis pris, les différences avec le film de Don Siegel, le tournage à San Francisco et la surprise de la scène finale.

Ne manquez pas le segment intitulé Une invasion signée Jack Finney (28’), qui donne la parole à Pascal Montéville, enseignant en Sciences Politiques à School Year Abroad de Rennes et qui propose un formidable comparatif entre les films de Don Siegel et Philip Kaufman, mais également des films avec le roman original de Jack Finney, tout en évoquant rapidement les deux adaptations suivantes. Notre interlocuteur passe en revue les thèmes du livre et la façon dont les réalisateurs ont su chacun refléter le climat politique et social de leur époque. Vous en saurez beaucoup plus sur la publication de ce roman qui a su marquer l’histoire de la science-fiction des années 1950. Enfin, Pascal Montéville donne également son point de vue sur le film qui nous intéresse.

Les suppléments suivants sont uniquement disponibles sur l’édition Blu-ray :

On passe à l’interview du comédien canadien Art Hindle, l’interprète du Dr. Geoffrey Howell dans L’Invasion des profanateurs (25’). Aujourd’hui paumé dans les séries B et Z au cinéma et à la télévision, Art Hindle ne cache pas son enthousiasme à évoquer sa participation au film de Philip Kaufman, tout en rappelant qu’il avait également participé au classique Black Christmas (1974) de Bob Clark puis juste après dans Chromosome 3 de David Cronenberg (1979). Très attachant l’acteur parle de son amour pour la science-fiction depuis son enfance et se souvient également que sa mère cinéphile l’avait emmené voir la version de Don Siegel au cinéma. A son tour, Art Hindle aborde le travail avec Philip Kaufman, sa découverte du scénario, les partis pris, le travail du chef opérateur, son personnage, ses partenaires (avec un « Leonard Nimoy merveilleux », une « Brooke Adams formidable» et un « Donald Sutherland froid, distant et un peu dédaigneux »), tout en avouant que L’Invasion des profanateurs est le film sur lequel il a préféré travailler.

C’est ensuite au tour du scénariste W.D. Richter de se pencher sur son travail (16’). Comment transposer le roman original, sans copier le travail déjà effectué par Don Siegel dans sa version du livre de Jack Finney ? Comment le tournage s’est-il déroulé ? W.D. Richter répond à ces questions, tout en avouant que le script était modifié en permanence. Les thèmes, mais aussi les effets visuels, le choix des comédiens, l’apparition de Don Siegel et de Kevin McCarthy, ainsi que la fin tenue secrète jusqu’au dernier moment, y compris pour les acteurs, sont également passés au peigne fin.

Dernier bonus tout aussi indispensable de cette édition HD, celui de la rencontre avec le compositeur Denny Zeitlin (15’). Chose rare dans l’histoire du cinéma, notre interlocuteur, enseignant en psychanalyse n’a composé qu’une seule partition, celle de L’Invasion des profanateurs de Philip Kaufman ! L’intéressé explique comment il est arrivé sur ce projet et comment il a relevé le défi d’écrire la musique du film qui nous intéresse. S’il se dit toujours très fier d’avoir participé à L’Invasion des profanateurs, Denny Zeitlin revient sur la difficulté de cette tâche à laquelle il consacrait entre 18 à 22 heures par jour pendant 10 semaines. Ce documentaire se clôt sur une petite démo au piano, tandis que Denny Zeitlin indique avoir reçu de nombreuses propositions à la sortie du film, mais qu’il a poliment décliné pour se consacrer à sa véritable vie professionnelle.

L’interactivité se clôt sur la bande-annonce. Un très grand merci à Rimini Editions !

L’Image et le son

L’éditeur nous permet de redécouvrir L’Invasion des profanateurs dans de belles conditions techniques, même si les partis pris esthétiques du chef opérateur Michael Chapman, donnent constamment du fil à retordre au codec AVC. Quelques séquences nocturnes demeurent altérées avec des noirs poreux virant au bleu, une baisse de la définition avec des plans flous, un grain plus hasardeux et une gestion des contrastes déséquilibrée. En dépit de diverses scènes à la définition aléatoire et de sensibles fourmillements, la propreté est indéniable et le dépoussiérage conséquent, la copie demeure très appréciable, et l’apport HD (1080p) est loin d’être négligeable. Les séquences diurnes lumineuses sont bien restituées avec parfois un halo de lumière vaporeux fort plaisant. On découvre aussi un lot de détails inédits qui flatte la rétine, d’autant que le cadre est stable et superbement exploité.

Malgré ce qui est mentionné sur la jaquette, point de piste anglaise en 5.1 ! La version originale bénéficie d’un mixage Stéréo qui instaure un confort acoustique convaincant. Cette option séduisante permet à la composition enivrante de Denny Zeitlin de s’étendre convenablement afin de mieux plonger le spectateur dans l’atmosphère du film. Les effets annexes ne tombent jamais dans la gratuité ni dans l’artificialité. De plus, les dialogues ne sont jamais noyés, bien qu’ils auraient pu être un poil plus relevés. Même chose pour la balance frontale, qui assure correctement le spectacle, même si l’on pouvait cependant espérer un ensemble plus riche et dynamique. Les fans de la version française devront se contenter d’une piste mono qui fait ce qu’elle peut pour imposer ses ambiances, les dialogues et la musique. Dommage que les sous-titres français soient imposés sur la version originale. Le changement de langue est impossible à la volée et nécessite le retour au menu contextuel. Dans les deux cas, aucun souffle constaté.

Crédits images : © Rimini Editions / MGM / Captures du Blu-ray :  Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Le Souffle de la violence, réalisé par Rudolph Maté

LE SOUFFLE DE LA VIOLENCE (The Violent Men) réalisé par Rudolph Maté, disponible en DVD et Blu-ray le 9 mai 2017 chez Sidonis Calysta

Acteurs : Glenn Ford, Barbara Stanwyck, Edward G. Robinson, Dianne Foster, Brian Keith, May Wynn

Scénario : Harry Kleiner d’après le roman de Doland Hamilton

Photographie : W. Howard Greene, Burnett Guffey

Musique : Max Steiner

Durée : 1h36

Date de sortie initiale : 1955

LE FILM

Vétéran de la Guerre de Sécession, John Parrish met son ranch en vente acheté il y a trois ans afin de se remettre de ses blessures, bien décidé à s’installer avec sa fiancée dans l’Est des Etats-Unis. Si la puissante famille Wilkison lui fait une offre, il la refuse, l’estimant ridiculement basse. Mais les Wilkison ne sont pas des gens auxquels on dit « non ». Pour faire plier Parrish, ils emploient les grands moyens. Ce qu’ils vont bientôt regretter…

Avant de passer à la mise en scène, le polonais Rudolf Mayer, plus connu sous le nom de Rudolph Maté (1898-1964) avait fait ses classes en tant que directeur de la photographie en travaillant avec Carl Theodor Dreyer sur La Passion de Jeanne d’Arc, Louise Brooks sur Prix de beauté, Fritz Lang sur Liliom, Leo McCarey sur la première version de Elle et lui, sans oublier Alfred Hitchcock sur Correspondant 17, René Clair sur La Belle ensorceleuse, Ernst Lubitsch sur To Be or Not To Be, Charles Vidor sur Gilda, jusqu’à La Dame de Shanghai d’Orson Welles en 1947. Réalisé en 1955, Le Souffle de la violenceThe Violent Men, demeure un de ses films les plus célèbres.

Réunissant un casting prestigieux composé de Glenn Ford, Barbara Stanwyck, Edward G. Robinson, Dianne Foster, Brian Keith et Richard Jaeckel, ce western entre classicisme et film noir possède plusieurs atouts dans son jeu pour qu’on s’y attarde. En 1870, dans l’Ouest américain. Installé depuis 20 ans dans une vallée, un gros propriétaire terrien, Lew Wilkison, agrandit continuellement son domaine en ruinant les petits fermiers des environs et en leur rachetant leurs terres à des prix dérisoires. Ceux qui refusent de lui céder sont brutalisés et même abattus par ses hommes. Lew, resté infirme à la suite d’une blessure, est encouragé dans son orgueil et sa tyrannie par sa femme, Martha, ambitieuse et cupide. Il trouve un terrain d’entente avec John Parrish pour racheter son ranch mais quand l’ami de ce dernier, le shérif Martin Kenner, est tué par un homme de main de Wilkison, c’est le début d’une guerre entre ranchers.

Si le travail à la réalisation de Rudolph Maté est moins reconnu que sa période en tant que chef opérateur, il n’en demeure pas moins que Le Souffle de la violence s’avère une belle réussite. Glenn Ford demeure une des meilleures incarnations du cowboy à l’écran. Aussi à l’aise au maniement de la pétoire qu’à cheval, merveilleux comédien dramatique au charisme flamboyant, on ne regarde pas Glenn Ford, on l’admire. La magie opère une fois de plus dans Le Souffle de la violence, d’autant plus que son personnage, comme tous les autres, n’est au final pas si attachant que cela. Une gageure pour Maté de nous faire accepter un cowboy, ancien militaire donc, qui n’aspire qu’à être tranquille, au point de ne pas intervenir lorsqu’un shérif se fait tirer dans le dos devant lui. John Parrish se dévoile par strate et l’on comprend alors que l’homme a connu la violence extrême sur le front, qu’il en est revenu sain et sauf en apparence, mais que les combats résonnent encore dans sa tête et qu’il reste tourmenté. Alors quand ses projets de partir dans l’est se voient contrecarrés, Parrish ne va pas avoir d’autres choix que d’avoir recours à ses méthodes militaires – ancien stratège de la cavalerie sudiste – pour affronter ses adversaires. Un peu comme s’il s’agissait du grand-père de Liam Neeson dans Taken quoi. Mais face à lui se joue un double et trouble jeu.

Martha Wilkison est mariée à un riche propriétaire terrien paralysé. Malgré son visible dévouement et sa douceur, la jeune femme entretient une relation avec le frère de son époux. Ambitieux, ces deux derniers parviennent à manipuler le mari de Martha afin d’étendre la propriété, en vue de se l’accaparer ultérieurement. Martha parvient à monter son mari contre Parrish. Il y a du film noir dans Le Souffle de la violence, impression renforcée par le jeu moderne et même la figure de Barbara Stanwyck, sans oublier celle d’Edward G. Robinson. Dix ans auparavant, les deux comédiens tenaient l’affiche du mythique Assurance sur la mort de Billy Wilder. Le Souffle de la violence se pose à la croisée des genres.

Rudolph Maté ponctue son film de quelques fulgurances à l’instar du règlement de comptes entre Parrish et Wade Matlock (Jaeckel, venimeux à souhait) dans le saloon, ou bien encore l’exécution d’un des hommes de Parrish, écartelé au lasso par les sbires menés par Matlock, avant d’être froidement exécuté. L’homme est un loup pour l’homme et porte la violence en lui. Si elle parvient à s’atténuer, elle ressurgit à la moindre occasion.

Tournée dans les merveilleux décors naturels de l’Arizona et des Alabama Hills en Californie capturés par deux chefs opérateurs, W. Howard Greene (Une étoile est née, Le Livre de la jungle) et Burnett Guffey (Tant qu’il y aura des hommes), marquée par la partition inspirée du prolifique Max Steiner, cette adaptation du roman Smoky Valley de Donald Hamilton publié en 1954 est très plaisante, divertissante, aussi généreuse dans l’action sèche que dans ses inattendus affrontements psychologiques.

LE BLU-RAY

Le Blu-ray de Le Souffle de la violence, disponible chez Sidonis Calysta, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est animé sur la musique du film.

Pas moins de trois présentations au programme de cette édition !

On commence évidemment par la plus longue, la plus passionnée et passionnante, la plus complète, celle de Bertrand Tavernier (30′). Le cinéaste et historien du cinéma avoue d’emblée avoir réévalué Le Souffle de la violence avec un plaisir non dissimulé. S’il avait loué la qualité du scénario dans son ouvrage 50 ans de cinéma américain coécrit avec Jean-Pierre Coursodon, Bertrand Tavernier trouvait la mise en scène de Rudolph Maté très médiocre. Dans son mea culpa, l’historien évoque la beauté de la photographie, mais aussi celle du cadre, la violence sèche, les décors naturels, la musique de Max Steiner, la complexité des personnages, le casting, le décalage des archétypes. Encore une belle et grande leçon de cinéma.

Après cet entretien, les deux suivants font ce qu’ils peuvent pour apporter de nouveaux éléments qui pourraient intéresser les spectateurs. Comme d’habitude, Patrick Brion (9′), commence par réaliser un petit tour d’horizon du western l’année où le film qui nous intéresse est sorti sur les écrans. Cette manie commence à devenir bien redondante, d’autant plus que cette année avait déjà été passée en revue par l’intéressé sur d’autres titres, mais heureusement, nous arrivons à glaner quelques informations, notamment sur la psychologie des personnages. Comme bien souvent ces derniers temps, Patrick Brion évoque deux ou trois points “très intéressants” sans forcément les aborder et les approfondir, ce qui est un peu frustrant.

C’est ensuite au tour de François Guérif de présenter Le Souffle de la violence (9′). C’est sa spécialité, l’éditeur et critique de cinéma, directeur de la collection Rivages/Noir, nous parle tout d’abord du roman Smoky Valley et plus particulièrement de son auteur Donald Hamilton, créateur du personnage Matt Helm, plusieurs fois adapté au cinéma. Selon Guérif, ses westerns demeurent moins connus, malgré l’adaptation de The Big Country, Les Grands espaces par William Wyler. Cette analyse du film de Rudolph Maté est précise et complète bien celle de Bertrand Tavernier.

L’interactivité se clôt sur une galerie d’affiches.

L’Image et le son

Ce master HD s’avère de bonne qualité. Le générique reste cependant marqué par un grain beaucoup plus appuyé et des points blancs. La colorimétrie fait peur avec ses teintes délavées et ses fourmillements. Heureusement, cela s’arrange dès la fin des credits. Le piqué est soudain ferme, les détails appréciables sur le cadre large, les contrastes sont denses et le Technicolor retrouve une certaine vivacité. Seules les séquences sombres resteront moins définies avec quelques effets de pompage, des visages cireux et lisses. En dépit de décrochages sur les fondus enchaînés, du lissage parfois exagéré du grain original et d’une restauration qui semble datée, ce Blu-ray du Souffle de la violence tient ses promesses et de nombreuses scènes tirent profit de cette élévation HD. Signalons également que cette édition Blu-ray demeure pour l’instant une exclusivité mondiale !

L’éditeur ne propose pas un inutile remixage 5.1, mais encode la versions anglaise en DTS-HD Master Audio Stéréo et la piste française en Mono. Passons rapidement sur la version française au doublage old-school très réussi, mais dont les voix paraissent bien confinées et peu ardentes, sans parler de la pauvreté des effets annexes. Elle n’arrive pas à la cheville de la version originale, évidemment plus riche, vive, propre et aérée. Dans les deux cas, le souffle se fait discret et la musique bénéficie d’une jolie restitution. Les sous-titres français sont imposés sur la version originale et le changement de langue verrouillé à la volée.

Crédits images : © Sidonis Calysta / Columbia Pictures / Captures du Blu-ray :  Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Le Clan des irréductibles, réalisé par Paul Newman

LE CLAN DES IRREDUCTIBLES (Sometimes a Great Notion) réalisé par Paul Newman, disponible en DVD et combo Blu-ray+DVD le 2 mai 2017 chez Elephant Films

Acteurs : Paul Newman, Henry Fonda, Lee Remick, Michael Sarrazin, Richard Jaeckel, Linda Lawson

Scénario : John Gay d’après le roman « Sometimes a Great Notion » de Ken Kesey

Photographie : Richard Moore

Musique : Henry Mancini

Durée : 1h54

Date de sortie initiale : 1970

LE FILM

Les Stamper sont une famille de bûcherons vivant dans une petite ville de l’Oregon. Le village est en faillite et les autres bûcherons entrent en grève. Mais Hank Stamper pousse sa famille à poursuivre le travail, ce qui provoque l’animosité des autres…

En 1971, Paul Newman signe Le Clan des irréductibles, son deuxième long métrage en tant que metteur en scène après Rachel, Rachel (1968) et avant le merveilleux De l’influence des rayons gamma sur le comportement des marguerites (1972). Bien que le cinéaste l’ait ensuite renié après avoir remplacé Richard A. Colla qui avait commencé à réaliser le film, mais qui s’est désisté en plein tournage en raison de divergences artistiques avec l’acteur principal, Sometimes a Great Notion s’avère une véritable pépite cachée au sein de la filmographie déjà impressionnante de Paul Newman, également producteur avec son associé John Foreman.

Ce film magnifique est l’adaptation du livre engagé et militant de Ken Kesey, l’auteur de Vol au-dessus d’un nid de coucou. En mettant sa mise en scène au service de l’histoire et des comédiens, sans effets ostentatoires, Paul Newman réalise un très grand film mélancolique marqué par ses thèmes de prédilection, la jeunesse perdue, les idéaux qui se sont envolés, les rapports père/fils, le quotidien social tourmenté et la solitude d’une famille tout en dressant un constat amer social, économique et politique de l’entrée des Etats-Unis dans les années 70 après la guerre du Vietnam. Reposant sur un casting quatre étoiles (et aux yeux bleus), dont le cinéaste lui-même, Henry Fonda, Lee Remick, Richard Jaeckel, Michael Sarrazin, Le Clan des irréductibles démontre une fois de plus le grand directeur d’acteurs qu’était Paul Newman. Entre sensibilité à fleur de peau et bouillonnements intérieurs, le récit dévoile la richesse des personnages, leurs tourments, leurs secrets, à travers des non-dits, des regards, des conversations avortées. Mais Le Clan des irréductibles subjugue également par son ton quasi-documentaire du quotidien d’une famille de bûcherons sur le chantier d’abattage (ou symboles d’une Amérique qui s’effondre), de 4h30 du matin jusqu’à la tombée de la nuit.

Au milieu des immenses forêts de l’Oregon, les Stamper, bûcherons de père en fils, possèdent une entreprise indépendante d’abattage de bois. Henry (Henry Fonda), le chef de famille, décide, avec son fils Hank (Paul Newman) et son gendre Joe Ben (Richard Jaeckel, nommé à juste titre pour l’Oscar du meilleur second rôle masculin), de ne pas s’associer au mouvement de grève lancé par les bûcherons syndiqués de la ville de Wakonda pour défendre leur activité contre l’arrivée d’un conglomérat. Les Stamper se heurtent alors à l’hostilité de la population alentour. Lorsque Leeland (Michael Sarrazin, découvert dans On achève bien les chevaux), le second fils d’Henry, débarque dans la demeure familiale après dix ans d’absence (une séquence qui fait écho à l’ouverture du premier Rambo), il admet difficilement cette situation, d’autant plus que sa présence fait remonter à la surface de pénibles souvenirs familiaux. De son côté, Viv (Lee Remick, magnétique), la femme de Hank et sensible au charme de Leeland, supporte de plus en plus mal la domination brutale des hommes de la maison et pense peut-être quitter la maison. Malgré les épreuves et les menaces, les liens du clan Stamper se resserrent à travers la lutte qui l’oppose aux grévistes.

Paul Newman plonge ses personnages – qu’il ne ménage pas et qui n’inspirent pas forcément la sympathie – au milieu de paysages sublimes, les montre en plein travail à travers une mise en scène sans cesse inspirée, délicate, caressante. Soutenu par la magnifique photographie du chef opérateur Richard Moore (Virages), le metteur en scène instaure un spleen qui lui est propre et qui prendra tout son essor dans De l’influence des rayons gamma sur le comportement des marguerites. Il y a du John Ford chez Paul Newman – on pense alors à Qu’elle était verte ma vallée ou bien encore aux Raisins de la colère avec Henry Fonda qui fait le lien – qui montre également la violence et les risques du métier de manière frontale, à l’instar de cette séquence hallucinante où un arbre se fend et entraîne avec lui Henry et Joe Ben. Quand ce dernier, probablement empalé sur un tronc flottant, se retrouve à la merci de la montée des eaux et que Hank tente de l’en sortir, le suspense est à son comble. Cette scène très difficile est déconseillée aux âmes sensibles. Un extraordinaire moment de mise en scène et d’émotions. On se dit d’ailleurs que c’est peut-être une des plus grandes séquences dramatiques jamais tournées.

Sur la superbe composition d’Henry Mancini, la beauté et la violence des dialogues, ce diamant brut, pudique, psychologique, brutal, complexe et pourtant non dépourvu d’humour cynique et d’espoir, qui s’impose de minute en minute, de scène en scène, est à redécouvrir de toute urgence.

LE BLU-RAY

Le Clan des irréductibles est disponible en combo Blu-ray-DVD chez Elephant Films. Le test de l’édition HD a été réalisé sur un check-disc. Le menu principal est élégant, animé et musical.

En guise de suppléments, outre une galerie de photos, un lot de bandes-annonces et les credits du Blu-ray, Elephant Films convoque Sophie Serbinide, journaliste à SFR Sport, ainsi que son confrère Charles Alf Lafon de So Film. Dans ces entretiens croisés, les deux journalistes proposent un portrait de Paul Newman (15’). L’homme engagé, le mari, le père, l’acteur, le réalisateur, le sportif, toutes ces facettes sont abordées en un petit quart d’heure plutôt plaisant qui donne envie de se refaire une petite rétrospective consacrée à ce monstre hollywoodien.

L’Image et le son

Que dire si ce n’est que nous nous trouvons devant une remarquable restauration du film de Paul Newman. On oublie rapidement les deux ou plans plus flous ou grumeleux, car dès la première séquence, le master HD du Clan des irréductibles en met plein la vue et permet d’apprécier la sensationnelle photographie du chef opérateur Richard Moore ainsi que les extraordinaires paysages naturels de l’Oregon. Le piqué est constamment ciselé, la texture du grain toujours palpable, la luminosité chronique (mention spéciale aux scènes d’abattage) et les détails omniprésents aux quatre coins du cadre large. Les contrastes affichent également une solidité à toutes épreuves sur les scènes nocturnes et diurnes, le relief est indéniable, la colorimétrie est chatoyante et la profondeur de champ impressionnante. Un lifting de très grande classe.

Le Clan des irréductibles est disponible en version originale et française DTS-HD Master Audio 2.0. La première instaure un confort acoustique plaisant avec une délivrance suffisante des dialogues, des effets annexes convaincants et surtout une belle restitution de la musique. La piste française se focalise souvent sur les voix au détriment des ambiances environnantes, même si le doublage est particulièrement réussi. Les deux options acoustiques sont propres et dynamiques.

Crédits images : © Elephant Films / Universal / Captures du Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr