SHOWING UP réalisé par Kelly Reichardt, disponible en DVD et Blu-ray le 5 septembre 2023 chez Diaphana.
Acteurs : Michelle Williams, Hong Chau, André 3000, Todd-o-Phonic Todd, Lauren Lakis, Denzel Rodriguez, Jean-Luc Boucherot, Ted Rooney…
Scénario : Jonathan Raymond & Kelly Reichardt
Photographie : Christopher Blauvelt
Musique : Ethan Rose
Durée : 1h43
Date de sortie initiale : 2023
LE FILM
À quelques semaines du vernissage de son exposition, le quotidien d’une artiste et son rapport aux autres. Le chaos de sa vie va devenir sa source d’inspiration…
C’est toujours un plaisir de parler de Kelly Reichardt (née en 1964), l’une des réalisatrices les plus singulières et passionnantes du cinéma indépendant américain. Showing Up est son huitième long-métrage mis en scène en près de trente ans de carrière et s’il n’est assurément pas le meilleur et demeure même sans doute mineur dans la filmographie de la cinéaste, cet opus n’en reste pas moins bien au-dessus de la mêlée et mérite qu’on s’y attarde. Merveilleuse directrice d’acteurs, Kelly Reichardt retrouve Michelle Williams, sa comédienne fétiche, pour la quatrième fois et lui offre un nouveau rôle atypique, diamétralement opposé à ceux qu’elle interprétait dans le sublime Wendy et Lucy (2008), La Dernière piste (2011) et Certaines femmes (2016). Dans Showing Up, on reconnaît ce minimalisme propre au cinéma de Kelly Reichardt, que certains pourront trouver cette fois trop épuré ou tout du moins asséché. Car il ne se passe pas grand-chose (en apparence) dans Showing Up, qui tente de percer et de capturer le bouillonnement créatif qui anime une artiste, loin de l’image de l’exubérance qu’on leur prête et associe souvent. Encore et toujours à contre-courant du septième art y compris celui catalogué d’auteur, la réalisatrice signe avec Showing Up l’un de ses films les plus étranges.
Lizzy est sculptrice et assistante administrative dans une école d’art tenue par sa mère à l’Oregon College of Art and Craft. Elle travaille également à une exposition de ses œuvres, des sculptures en argile représentant des femmes. Joe est la propriétaire et voisine de Lizzy, une artiste rivale. Pendant des jours, Lizzy rappelle continuellement à Jo de réparer sa chaudière, mais Jo donne la priorité à tout le reste, comme accrocher une balançoire dans le jardin et ses deux prochaines expos. Pour avoir suffisamment de temps pour terminer ses sculptures, Lizzy prend congé le mardi. Au milieu de la nuit, le chat de Lizzy mutile un pigeon. Elle finit par le jeter dehors, mais Jo le découvre et le sauve le lendemain matin, avant de le confier à nouveau à Lizzy. Celle-ci éprouve d’abord du ressentiment avant de commencer à créer des liens avec l’oiseau, au point de l’emmener chez le vétérinaire. Quand Jo vient enfin chercher l’oiseau, Lizzy lui fait savoir que cela l’a distraite et éloignée de son travail. Puis, Lizzy rend visite à son père, qui se met à héberger des vieux hippies squatteurs, qui selon elle sont des escrocs qui profitent de sa gentillesse. Lizzy découvre qu’il n’a plus eu de contact avec son frère Sean depuis six mois. Inquiète, Lizzy va voir Sean. Elle découvre un homme devenu solitaire, perdu dans ses délires, persuadé que ses voisins sont responsables du dysfonctionnement de son antenne TV.
Showing Up avance par petits pas, feutrés pourrait-on dire. La caméra scrute les mains à l’oeuvre de Lizzy, avant de revenir à son visage fermé, concentré, qui contraste avec les doigts qui sculptent, peaufinent, lissent, caressent l’argile, qui donnent vie. Parfois, on ne sait ou on ne comprend pas vraiment où Kelly Reichardt souhaite en venir en montrant le quotidien morne et sans véritable relief de Lizzy (autre que celui de ses créations), dont le déroulé habituel de son quotidien va être perturbé par l’arrivée inopinée d’un simple pigeon. Car à côté de son activité artistique, la vie de Lizzy, femme qui semble ne pas avoir d’âge, habillée sans goût, le regard éteint et bas, n’est guère palpitante. Elle aussi rencontre des problèmes avec sa proprio, qui ne se bouge pas pour réparer l’arrivée d’eau chaude qui déconne depuis quinze jours, ou avec sa famille déglinguée entre un père irresponsable, une mère avec laquelle elle bosse et n’entretient que des rapports sans intérêt, un frère qui serait un « génie incompris », livré à lui-même et qui s’enfonce au sens propre comme au figuré, en creusant une immense fosse dans son jardin, en insistant sur le fait qu’il entend des voix que sa soeur et d’autres choisissent de ne pas entendre. Si on ajoute à cela la dernière pièce (et la plus réussie) de Lizzy qui brûle malheureusement trop dans le four, l’apaisement n’est pas vraiment au rendez-vous avant l’exposition…
Il y a incontestablement de l’art contemporain chez Kelly Reichardt, qui a d’ailleurs vu son œuvre être célébrée au Centre Pompidou en 2021, qui lui avait consacré une rétrospective intégrale. Chaque spectateur pourra voir et ressentir des sentiments différents et aléatoires devant Showing Up, qui n’est pas le film le plus accessible de son auteure et qui demande autant d’attention que de s’en remettre totalement à l’univers doux-amer de la cinéaste.
LE DVD
Hormis Certaines femmes, tous les autres longs-métrages de Kelly Reichardt sont disponibles sur support physique en France. Showing Up débarque chez Diaphana, en Blu-ray et en DVD, la galette reposant dans un élégant Slim Digipack, qui reprend le visuel de l’affiche d’exploitation. Le menu principal est animé et musical.
Dans le cadre de la Collection « Où en êtes-vous ? » du Centre Pompidou, Kelly Reichardt a été invitée à réaliser deux courts-métrages, Bronx, New York, November 2019 (8’) et Cal State, Long Beach, Janvier 2020 (9’30). Deux essais qui apparaissent comme étant à la fois une matrice et un prolongement de Showing Up, ou l’art de capter la création, par les mains, par la concentration, le silence. Le premier se concentre sur Michelle Segre (dont les grandes installations ont été reprises dans Showing Up pour l’exposition de Jo), tandis que le second montre le travail d’Alexander Demetriou et Jessica Jackson Hutchins.
L’interactivité se clôt sur la bande-annonce.
L’Image et le son
Cette édition SD restitue admirablement les éclairages naturalistes de la superbe photo signée Christopher Blauvelt (First Cow). Toutefois, si les quelques séquences tournées en extérieur profitent d’un encodage solide, les quelques scènes en intérieur apparaissent moins définies, s’accompagnent d’un piqué moindre ainsi que d’une perte de détails. L’image reste tout de même immaculée et élégante, les contrastes corrects, les textures flagrantes et palpables. Grain argentique prononcé et divers moirages.
Seule la version originale est disponible. Deux choix possibles, une écoute frontale riche et dynamique en Stéréo, ou alors une spatialisation concrète et un plus grand confort acoustique en Dolby Digital 5.1. Dans tous les cas, l’écoute demeure ardente, fait une large place aux dialogues. Les effets latéraux et ambiances naturelles pointent habilement le bout de leur nez.
Crédits images : © Diaphana / Crazed Glaze / Centre Pompidou / Gentle Fuzz / Captures DVD : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr
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