MISS réalisé par Ruben Alves, disponible en DVD et Blu-ray le 17 février 2021 chez Warner Bros. Entertainment France.
Acteurs : Alexandre Wetter, Pascale Arbillot, Isabelle Nanty, Thibault de Montalembert, Stéfi Celma, Quentin Faure, Moussa Mansaly, Hedi Bouchenafa…
Scénario : Elodie Namer, Ruben Alves & Cecilia Rouaud
Photographie : Renaud Chassaing
Musique : Lambert
Durée : 1h43
Année de sortie : 2020
LE FILM
Alex, petit garçon gracieux de 9 ans qui navigue joyeusement entre les genres, a un rêve : être un jour élu Miss France. 15 ans plus tard, Alex a perdu ses parents et sa confiance en lui et stagne dans une vie monotone. Une rencontre imprévue va réveiller ce rêve oublié. Alex décide alors de concourir à Miss France en cachant son identité de garçon. Beauté, excellence, camaraderie… Au gré des étapes d’un concours sans merci, aidé par une famille de cœur haute en couleurs, Alex va partir à la conquête du titre, de sa féminité et surtout, de lui-même…
Chaque année, le cinéma français présente – forcément à un moment ou à un autre – un film qui surfe sur les questions politico-sociales qui font bouillir la marmite des journalistes et des journaleux (ou journal-haineux, c’est selon), en se donnant bonne conscience, en pensant dénoncer les préjugés, les amalgames, les discours extrémistes, etc, dans l’espoir de faire évoluer les mentalités, tout en se défendant d’être militant. Révélé avec son premier long-métrage, La Cage dorée, un « feel-good movie » sans prétention qui avait su attirer plus d’1,2 millions de spectateurs dans les salles en avril 2013, Ruben Alves a pris son temps pour écrire et mettre en scène son deuxième film. Mais là où La Cage dorée faisait passer un bon moment aux spectateurs et les faisait rire avec des personnages simples, très attachants, auxquels ils pouvaient s’identifier, le réalisateur tombe dans le piège du film « à message », en livrant un long-métrage qui contredit constamment ce qu’il souhaite véhiculer, autrement dit énumérer les clichés et les caricatures, tout en s’y vautrant comme des cochons dans la gadoue, à l’instar de la séquence désormais inévitable de la danse en boite de nuit filmée au ralenti, ou celle où le personnage marche sur les trottoirs de Pigalle, avec en fond Clara Luciani (on échappe de peu à Christine and the Queens) qui miaule sa chanson Drôle d’époque. Forcément soutenu par une presse bien pensante ou à côté de la plaque (du style 20 minutes où de toute façon on aime tous les films, du moment que le buffet est bon ou que les comédiens posent pour un selfie avec le/la journaliste), Miss n’est rien d’autre qu’un ramassis d’effets éculés sur le sujet qu’il aborde, mais aussi sur ce qu’il est supposé fustiger (le besoin de genrer et de juger ceux qui échappent à la norme) et de rebondissements improbables, où l’orientation/identité sexuelle est dépeinte de telle manière qu’elle ferait passer le Pédale dure (2004) de Gabriel Aghion pour du Michelangelo Antonioni. Et mention spéciale au comédien Alexandre Wetter, à la base mannequin androgyne, qui campe un personnage aussi neurasthénique qu’agaçant à force de multiplier les mimiques de chaton. Bref, Miss est franchement déconseillé, d’une part aux allergiques habituels du cinéma français (pour une fois, ils sont excusés), d’autre part pour tous les autres. On appelle ça un Almodovar de chez Wish.
« Je ne suis pas un homme monsieur. Faut pas confondre identité de genre et expression de genre. La frontière de nos propres stéréotypes, elle est à mon avis beaucoup plus fluide que ce qu’on peut penser ! » (un grand moment sur internet).
On ne va pas refaire le débat, mais le cinéma français s’est toujours acharné à vouloir faire entrer dans les consciences les quelques questions qui font déjà les choux gras d’une presse elle aussi que l’on pourrait donc qualifier de non-binaire, autrement dit qui se contente de répéter ce que le voisin a dit ou pensé, en espérant que la news sera relayée sur les réseaux sociaux et partagée à l’infini. Miss, c’est comme qui dirait un film Modem où Ruben Alves incarnerait François Bayrou. Quelqu’un qui voudrait se mouiller, tout en restant au sec, qui n’est pour, ni contre, bien au contraire. En fait, rien n’a changé depuis La Cage aux folles d’Édouard Molinaro, l’adaptation de la pièce de Jean Poiret sortie en 1978 et qui avait connu un succès international. Si les lesbiennes, les gays, les bisexuels, les trans, les queers, les intersexes, les androgynes et les asexuels (attention, il y a peut-être des synonymes dans cette liste) sont représentés de façon plus « sobre » que dans les aventures de Renato et de Zaza Napoli, les cinéastes semblent pendre un malin plaisir à vouloir faire rire ou émouvoir avec les mêmes ficelles grossières. Toutefois, comme c’est le cas de Ruben Alves, cela ne fait que desservir leurs intentions. Ainsi, Miss peut dénoncer le fait qu’un homme qui arpente le Bois de Boulogne au volant de sa voiture, s’en prenne verbalement à un travesti (excellent Thibault de Montalembert, l’un des seuls à sauver de ce marasme), mais n’hésite pas à montrer ce dernier mettre doucement sa main dans le dos d’un serveur, tout en lui indiquant qu’il/elle chaud(e) comme la braise, tout cela parce que c’est « amusant », puisque ce personnage haut en couleurs est amical et peut donc tout se permettre. Et puis les dialogues du style « Vous voulez devenir quelqu’un, vous êtes en train de devenir personne » ZZZzzz ZZz ZZZzzz…
Et des exemples comme cela il y en a à la pelle dans Miss, qui d’ailleurs se prend les pieds dans le tapis ou en dressant le portrait d’un jeune inintéressant au possible, sans charisme, qui confond féminité et minauderie. Certes, l’apparence (attention, cela peut choquer d’utiliser ce mot aujourd’hui) d’Alexandre Wetter (vu dans Emily in Paris) est à s’y méprendre, surtout quand Alex se trouve au milieu d’autres miss, dont la superbe Stéfi Celma, malheureusement peu aidée par un personnage détestable et dont le revirement est complètement invraisemblable. Rien ne se dégage du personnage, aucune sympathie, aucun naturel, juste de la mollesse, ce qui finit par irriter, surtout au quinzième regard de biche ou au trentième fish gape. La pauvre Isabelle Nanty, qui a dû garder ses costumes des Tuche, possède les meilleures répliques du film (sans trucage), « Je me demande vraiment ce que je fous là ! » ou « Je me fais chier ! », qui pour le coup font écho aux états d’âme des spectateurs. Quant à l’émotion, on repassera.
Produit par Hugo Gélin (l’excellent Comme des frères, l’agaçant Demain tout commence), qui avait déjà financé La Cage dorée, écrit au marteau-piqueur et platement réalisé, Miss ou ce qu’on pourrait appeler La Cage aux Folles Dorée, est nommé aux Césars 2021 dans la catégorie Meilleur espoir masculin. Si Alexandre Wetter devait remporter la compression, on entend déjà le discours destiné à l’Académie du cinéma de créer le César du meilleur « acteur/rice non-genré » avec la standing ovation de rigueur, un gros plan sur Roselyne Bachelot, les pleurs de Juliette Binoche et le regard fiévreux de Philippe Torreton, avant de passer à l’hommage des disparus en 2020. Mais en ce qui concerne Miss, passez votre chemin, surtout que Jean-Pierre Foucault n’y apparaît même pas pour qu’on puisse rigoler de son fond de teint appliqué à la truelle.
LE DVD
La situation sanitaire n’a pas fait de cadeau pour Miss, qui sera resté à peine dix jours dans les salles avant la nouvelle fermeture de celles-ci. Warners Bros. Propose désormais le film de Ruben Alves en DVD et en Blu-ray. Le visuel reprend celui de l’affiche d’exploitation. Le menu principal est animé et musical.
Sur ce DVD, vous trouverez cinq scènes coupées (6’), qui prolonge le quotidien de la maison de Yolande ou la séquence des pré-sélections. Ensuite, l’éditeur présente une large galerie de photos, ainsi qu’une minute de bêtisier (pas drôle).
L’Image et le son
Warner ne nous a pas confié l’édition HD de Miss. Il faudra donc nous contenter de cette édition standard, mais heureusement la qualité est là. Les couleurs sont à la fois froides et chatoyantes, le piqué est suffisamment affûté (mais pas trop ceci-dit), la clarté de mise et les contrastes élégants. Les détails ne manquent pas sur le cadre large, les noirs sont denses. Que demander de plus ?
Le mixage Dolby Digital 5.1 instaure un excellent confort acoustique en mettant la musique en avant, tout en délivrant les dialogues avec ardeur, sans jamais oublier les effets et ambiances annexes. Des basses soulignent quelques séquences. La piste Stéréo s’en donne à coeur joie, se révèle dynamique et même percutante dans son genre. Les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant sont également disponibles, ainsi qu’une piste Audiodescription.