MIDI, GARE CENTRALE (Union Station) réalisé par Rudolph Maté, disponible en DVD et Blu-ray le 18 février 2020 chez Sidonis Calysta.
Acteurs : William Holden, Nancy Olson, Barry Fitzgerald, Lyle Bettger, Jan Sterling, Allene Roberts, Herbert Heyes, Don Dunning…
Scénario : Sydney Boehm d’après le roman de Thomas Walsh
Photographie : Daniel L. Fapp
Musique : Heinz Roemheld
Durée : 1h17
Date de sortie initiale : 1950
LE FILM
Lorna Murchison, dont le père possède une immense fortune, est enlevée par des kidnappeurs qui espèrent obtenir, en échange de la jeune fille, qui est aveugle, une importante rançon. Mr Murchison est prêt à obéir aux ordres des ravisseurs mais la police découvre le drame. La gare centrale est dès lors sous une constante surveillance…
Avant de passer à la mise en scène, le polonais Rudolf Mayer, plus connu sous le nom de Rudolph Maté (1898-1964) avait fait ses classes en tant que directeur de la photographie en travaillant avec Carl Theodor Dreyer sur La Passion de Jeanne d’Arc, Louise Brooks sur Prix de beauté, Fritz Lang sur Liliom, Leo McCarey sur la première version de Elle et lui, sans oublier Alfred Hitchcock sur Correspondant 17, René Clair sur Le Dernier Milliardaire et La Belle ensorceleuse, Ernst Lubitsch sur To Be or Not To Be, Charles Vidor sur Gilda, jusqu’à La Dame de Shanghai d’Orson Welles en 1947. Réalisé en 1950, Midi, gare centrale – Union Station, demeure un de ses films les plus célèbres, au même titre que Le Souffle de la violence – The Violent Men (1955). Très prolifique, Rudolph Maté enchaînera trois films en 1950, Mort à l’arrivée – D.O.A., La Flamme qui s’éteint – No Sad Songs for Me et Midi, gare centrale, immense polar, bien sec, nerveux et brutal, qui réunit William Holden et Nancy Olson, qui venaient de tourner Boulevard du crépuscule – Sunset Boulevard, chef d’oeuvre de Billy Wilder.
Quand son train s’arrête dans petite gare, Joyce Willecombe remarque le comportement suspect de deux passagers, dont l’un est armé. Elle le signale au contrôleur, qui prévient alors à la police ferroviaire. On découvre quelque temps plus tard que la fille aveugle d’un milliardaire a été kidnappée. Joe Beacom, qui l’a enlevée, demande une rançon considérable en échange de sa libération. Son père se dit prêt à en payer le montant, mais la police de la gare décide de poursuivre son enquête. Elle met au point une formidable souricière, afin de piéger Joe Beacom lorsqu’il viendra chercher l’argent.
Si le travail de Rudolph Maté en tant que metteur en scène reste moins connu que ses merveilleuses photographies réalisées pour les autres cinéastes, Midi, gare centrale reste pourtant un sacré tour de force. Tendu du début à la fin, durant 77 minutes qui ne laissent aucun répit aux personnages et donc aux spectateurs, Union Station demeure un thriller exemplaire et n’a absolument rien à envier à un film contemporain. Dès le départ, l’audience est embarquée dans cette affaire d’enlèvement, puis participe à la mise en place du stratagème de cette police ferroviaire méconnue, bien décidée à mettre la main sur les kidnappeurs. Avec son unité de temps, de lieu (le hall grouillant d’une gare) et d’action, Midi, gare centrale créé une tension permanente, passant l’incroyable décor de la gare au peigne fin, dans ses moindres recoins.
Au-delà de cette impressionnante technique, les personnages ne sont pas oubliés et les comédiens sont tous exceptionnels. 1950 est une grande année pour William Holden, qui sort donc de Boulevard du crépuscule et se prépare à rejoindre George Cukor pour Comment l’esprit vient aux femmes – Born Yesterday. Il est impeccable ici dans un rôle pourtant peu attachant au premier abord, mais qui se révèle par strates, l’être humain apparaissant progressivement derrière le grand flic professionnel, qui sera prêt à tout pour retrouver cette jeune femme aveugle, quitte à plonger pour cela – littéralement – dans les ténèbres. Sa partenaire de Sunset Boulevard, Nancy Olson, vue également dans Le Portrait de Jennie de William Dieterle, est également bien mise en valeur, loin des habituels rôles de potiches qui pullulaient à l’époque. Mais celui qui tire surtout son épingle du jeu est Lyle Bettger, qui campe un véritable salopard, qui n’hésite pas à s’en prendre violemment à une jeune aveugle, à la frapper, à l’insulter, avec une rare brutalité pour l’époque. Ce qui aura d’ailleurs rebuté une bonne partie de la critique à la sortie du film. Après cette seconde apparition au cinéma, le comédien recevra moult propositions et apparaîtra devant la caméra de Cecil B. DeMille (Sous le plus grand chapiteau du monde), John Sturges (Règlement de comptes à O.K. Corral) ou bien encore Douglas Sirk (La Première légion, All I Desire). Les cinéphiles reconnaîtront également Barry Fitzgerald, figure incontournable du cinéma de John Ford.
D’après une histoire de Thomas Walsh (Du plomb pour l’inspecteur de Richard Quinbe) et un scénario en béton de Sydney Boehm (La Rue de la mort d’Anthony Mann), Midi, gare centrale est un polar qui ne cesse d’impressionner 70 ans après sa sortie par son réalisme cru (les méthodes policières n’ont rien à envier à celles des malfrats), la rigueur de la mise en scène (la séquence de la filature dans le métro aérien est ahurissante) et par sa suprême élégance.
LE DVD
Anciennement disponible dans le coffret dédié au film noir américain, Midi, gare centrale fait aujourd’hui son apparition en DVD et en Blu-ray, toujours chez Sidonis Calysta. Visuel très soigné. Le menu principal est animé et musical.
Trois présentations sont au programme !
Bertrand Tavernier (33’) n’allait sûrement pas manquer d’évoquer le film de Rudolph Maté, qu’il affectionne tout particulièrement et qu’il se souvient être allé voir durant son adolescence, dans un petit cinéma près de la Gare du Nord et en version française. Le cinéaste-critique revient sur chaque aspect de ce film qui l’a marqué. Du roman de Thomas Walsh, qui n’était d’ailleurs pas encore publié à la sortie de Midi, gare centrale, en passant par le scénariste Sydney Boehm, les lieux de tournage et l’utilisation du décor par le réalisateur, sans oublier le casting (largement développé), la violence et la brutalité de certaines scènes (Tavernier loue l’interprétation de Lyle Bettger, « un méchant qui fout les jetons et qui bénéficie d’une des meilleures répliques de l’histoire du film noir »), la grande réussite technique des transparences, ainsi que la représentation de la police, tous ces éléments sont abordés avec une passion toujours contagieuse. Bertrand Tavernier clôt cet entretien en indiquant que le film tient encore rudement bien la route et que la séquence de la filature dans le métro aérien a probablement inspiré William Friedkin pour French Connection.
Chez Homepopcorn.fr, on adore François Guérif. Le critique de cinéma, éditeur et directeur de la collection Rivages/Noir était tout indiqué pour évoquer Midi, gare centrale (7’). Le roman de Thomas Walsh est bien évidemment abordé dans une première partie, puis François Guérif dissèque le décor principal de l’intrigue et son utilisation par Rudolph Maté, le casting, le rythme soutenu, la violence des criminels, mais aussi celle des policiers avec notamment cette scène où les flics menacent de jeter un truand sous un train lancé à grande vitesse s’il ne répond pas à leurs questions. « Un univers impitoyable, de monstres, où tous les moyens sont permis et où les flics et les criminels abandonnent et oublient les frontières morales. Où le monde qu’ils fréquentent les façonne à son image » dit François Guérif dans une parfaite conclusion.
Enfin, c’est au tour de Patrick Brion de donner son avis sur Midi, gare centrale (9’). C’est toujours difficile de passer après ses petits camarades et donc les propos tenus ici font irrémédiablement redondance avec ce qui a pu être entendu dans les modules précédents. Mais le critique-journaliste passe en revue certains détails de ce « polar très dense, construit comme un huis clos dans une gare ». Précisons tout de même que Patrick Brion s’étend plus sur la carrière de Rudolph Maté.
L’interactivité se clôt sur la bande-annonce.
L’Image et le son
La restauration du film est indéniable, même si certaines scories, tâches, poussières et rayures verticales font sporadiquement leur apparition. Le piqué manque parfois de mordant, la gestion du grain original demeure solide et bien gérée. Le N&B est de très belle tenue avec des noirs suffisamment denses, des blancs lumineux et des contrastes solides. Mention spéciale à certains gros plans, nets et précis, bien détaillés. La copie 1.33 affiche une remarquable stabilité.
L’éditeur nous propose les version anglaise et française de Midi, gare centrale. Passons rapidement sur cette dernière, plus étouffée et sourde. Notre préférence va pour la version originale, plus homogène et naturelle, très propre, sans souffle parasite. Le confort acoustique est largement assuré.
Une réflexion sur « Test DVD / Midi, gare centrale, réalisé par Rudolph Maté »