MAMAN A TORT réalisé par Marc Fitoussi, disponible en DVD le 5 avril 2017 chez M6 Vidéo
Acteurs : Jeanne Jestin, Emilie Dequenne, Camille Chamoux, Sabrina Ouazani, Nelly Antignac, Annie Grégorio, Grégoire Ludig, Jean-François Cayrey…
Scénario : Marc Fitoussi
Photographie : Laurent Brunet
Musique : Pascal Mayer
Durée : 1h48
Date de sortie initiale : 2016
LE FILM
Anouk, 14 ans, a hâte d’effectuer son stage d’observation de troisième dans la compagnie d’assurances où travaille sa mère Cyrielle. Mais dès le premier jour, l’adolescente se voit confier le rangement d’un placard rempli de dossiers. Une tâche qu’elle trouve ingrate et sans aucun intérêt. Pire, au fil de cette semaine d’immersion, Anouk découvre brutalement un autre visage de sa mère, celle d’une femme froide et insensible à la détresse d’une jeune mère de famille endettée qui risque d’être expulsée du jour au lendemain. La jeune fille est alors confrontée au monde adulte de l’entreprise, avec ses petits arrangements et ses grandes lâchetés.
Maman a tort est déjà le cinquième long métrage de Marc Fitoussi après La Vie d’artiste, Copacabana, Pauline détective et La Ritournelle. Depuis dix ans, le réalisateur a su prouver la singularité et la sensibilité de son univers, en jouant souvent avec certains codes, à l’instar de Pauline détective qui mélangeait habilement la comédie policière avec des références au cinéma hollywoodien (Charade notamment), mais aussi les romans de la Bibliothèque rose ou verte à l’instar de Fantômette et du Club des cinq, et même les oeuvres d’Agatha Christie. Depuis La Vie d’artiste, Marc Fitoussi a toujours marqué ses films, pourtant souvent ancrés dans une réalité sociale, d’une douce folie. Ses œuvres possèdent également un décalage qui fait l’âme de son cinéma, toujours marquées par des dialogues subtils et d’une remarquable intelligence. Le dernier-né de Marc Fitoussi, Maman a tort, ne déroge pas à la règle et apparaît même comme un film-somme.
En haut de l’affiche la toujours parfaite et lumineuse Emilie Dequenne donne la réplique à la révélation du film, la jeune comédienne Jeanne Jestin, vue dans Le Passé d’Asghar Farhadi et La Vie domestique d’Isabelle Czajka. Cette dernière, à la fois solaire et grave, magnétique et promise à une belle carrière, porte littéralement le film sur ses épaules puisque le réalisateur adopte le point de vue de son personnage. Jeanne Jestin interprète Anouk. Ses parents sont divorcés. Elle voit son père de temps en temps (l’excellent Grégoire Ludig, très touchant). Alors qu’elle devait passer son stage de troisième dans la petite entreprise d’un ami de son père, le plan tombe à l’eau au dernier moment. Du coup, Anouk n’a d’autre recours que de réaliser cette semaine de stage dans la société d’assurance de sa mère Cyrielle Lequellec (Emilie Dequenne, dix ans après La Vie d’artiste). Remisée à des tâches subalternes par des employées indélicates et hypocrites (Nelly Antignac et Camille Chamoux, qui font penser aux terribles sœurs de Cendrillon) ou trop légères (Annie Grégorio, toujours géniale), elle ne tarde pas à s’ennuyer. Un jour, elle assiste à une plainte d’une assurée, Nadia Choukri (sublime Sabrina Ouazani), qui ne comprend pas pourquoi elle ne reçoit pas l’assurance-vie de son mari après son décès. Anouk constate que sa mère Cyrielle étudie le dossier de Nadia avec peu d’attention et de complaisance. Choquée par l’injustice faite à cette femme, elle va mener sa petite enquête pour essayer de lui venir en aide, car elle la sent menacée de se retrouver SDF avec ses deux enfants. Elle accède subrepticement au dossier et fait des découvertes sur les pratiques de la société d’assurance et de sa mère.
Récit initiatique, adieu à l’enfance et perte de l’innocence, Maman a tort montre la première plongée d’une adolescente dans le monde terrible et très violent des adultes et celui du travail avec ses règles établies. Malgré ses bureaux colorés et chaleureux (Marc Fitoussi a toujours apporté une grande importance aux couleurs), l’entreprise pourtant nommée Serenita est montrée comme un univers impitoyable, où ceux qui détiennent même une petite autorité n’hésitent pas à s’en prendre aux subalternes, puisque ceux-ci n’oseront pas répliquer. Anouk constate que même sa mère est victime de ce rapport de forces. Mais il n’y a pas que ça, puisqu’elle se rend compte également que sa mère n’est pas innocente et qu’elle est obligée de prendre des décisions importantes, même si cela doit détruire une ou plusieurs familles, pour pouvoir conserver son poste bien placé. Une situation inespérée pour Cyrielle, devenue cadre sans détenir de diplômes. Sans transition, Anouk se perd du jour au lendemain dans ces couloirs où les petites mesquineries sont quotidiennes, où les secrétaires se permettent de l’accuser d’avoir volé les chocolats du calendrier de l’Avent, sans avoir de preuves. Un « vol inqualifiable » puisque cela chamboule les quelques rituels qui « animent » la vie de bureau. Anouk observe (et quel regard ! ) et écoute. Son stage de troisième devient donc celui de la vie.
Marc Fitoussi filme l’entreprise et ses employés, comme des rats lâchés dans un labyrinthe étriqué, impression renforcée par l’usage du cadre 1.55 dans lequel les personnages semblent enfermés. Le personnage d’Emilie Dequenne est complexe, à la fois empathique mais aussi impitoyable et pathétique, la comédienne s’en acquittant encore une fois parfaitement. L’alchimie avec Jeanne Jestin est évidente et participe – entre autres – à la très grande réussite de Maman a tort, comédie-dramatique sociale élégante, bourrée de charme et très attachante, maline et dont le désenchantement progressif du personnage d’Anouk prend aux tripes jusqu’au générique de fin. On le savait déjà, probablement depuis son premier film, Marc Fitoussi est devenu l’un de nos plus précieux cinéastes.
LE DVD
Le test du DVD de Maman a tort, disponible chez M6 Vidéo, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est animé sur la jolie musique du film. Le visuel de la jaquette reprend celui de l’affiche du film.
En 2005, Marc Fitoussi réalise L’Education anglaise, un documentaire de 52 minutes, présent sur le DVD, sur le séjour linguistique à Bristol de jeunes Français. « Un tournage que j’avais adoré et au cours duquel j’avais eu la chance de capter des choses qu’il me semblait difficile de restituer sous forme de fiction. » indique le cinéaste. Pour parfaire leur anglais, les adolescents âgés de 13 à 16 ans sont envoyés en Angleterre par leurs parents. Le programme concocté par l’organisme a été conçu selon une stratégie pédagogique imparable : logement en famille d’accueil, cours intensifs d’anglais, activités sportives et culturelles. Pourtant, les adolescents se révèlent assez peu sensibles à l’efficacité linguistique du séjour. Enfin affranchis de la tutelle parentale, ils se soucient surtout de nouer de nouvelles amitiés et de vivre pleinement une liberté tant désirée. Un film durant lequel Marc Fitoussi parvient à s’immiscer dans le quotidien de ces jeunes, venus des quatre coins de l’Europe, « obligés » de cohabiter durant un été, pour se perfectionner dans la langue de Shakespeare, mais pas seulement. Entre les discussions laborieuses avec les familles d’accueil et les cours obligatoires, les jeunes se rencontrent et se confrontent, s’attirent, flirtent pour certains. Les amours passagères, les amitiés qui dureront, ou inversement, sont capturées par la délicate caméra de Marc Fitoussi. Le documentaire se clôt sur la dernière fête organisée, le soir avant que les jeunes soient séparés.
La section des suppléments propose également 14 minutes de scènes coupées au montage, dont une fin alternative. Si rien n’est dit sur l’éviction de ces séquences, probablement pour une question de rythme, il serait dommage de passer à côté puisqu’elles s’avèrent très réussies.
L’Image et le son
Dommage de ne pas bénéficier de ce titre en Blu-ray. Néanmoins, l’éditeur soigne le transfert du film de Marc Fitoussi. Soutenu par une solide définition, le master est parfaitement propre. La copie est exemplaire et lumineuse tout du long, les couleurs excellemment gérées, avec une prédominance de teintes bleues, tout comme les contrastes très élégants.
Ne vous attendez pas à un déluge d’effets surround si votre choix s’est portée sur la Dolby Digital 5.1 qui se contente seulement de faire entendre de légères ambiances naturelles ou tout simplement d’offrir une spatialisation épisodique de la musique du film. Maman a tort ne se prêtant évidemment pas aux exubérances sonores, le principal de l’action se trouve canalisé sur les frontales où les dialogues ne manquent pas d’intelligibilité. N’hésitez pas à sélectionner la stéréo, ardente et dynamique, amplement suffisante avec un parfait confort acoustique. L’éditeur joint également les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant.
Crédits images : © SND/ Captures du DVD : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr