LES APPARENCES réalisé par Marc Fitoussi, disponible en DVD le 27 janvier 2021 chez M6 Vidéo.
Acteurs : Karin Viard, Benjamin Biolay, Lucas Englander, Laetitia Dosch, Pascale Arbillot, Evelyne Buyle, Martine Schambacher, Catherine Davenier…
Scénario : Marc Fitoussi & Sylvie Dauvillier, d’après une histoire originale de Karin Alvtegen
Photographie : Antoine Roch
Musique : Bertrand Burgalat
Durée : 1h46
Date de sortie initiale : 2020
LE FILM
Vienne, ses palais impériaux, son Danube bleu…Et sa très privilégiée communauté d’expatriés français. Couple emblématique, Ève et Henri ont tout pour être heureux. Lui est un prestigieux chef d’orchestre, elle travaille à l’Institut Français. Une vie apparemment sans fausse note jusqu’au jour où Ève voit son univers protégé se fissurer et ses certitudes s’effondrer. Prête à tout pour ne pas perdre la face et maintenir les apparences, elle va se révéler totalement diabolique.
Les Apparences est le sixième long métrage de Marc Fitoussi (né en 1974) après La Vie d’artiste, Copacabana, Pauline détective, La Ritournelle et Maman a tort. Après ce dernier, le réalisateur avait participé au film collectif Selfie, ainsi qu’aux saisons 3 et 4 de la série à succès Dix pour cent. Depuis 2007, le réalisateur a su prouver la singularité et la sensibilité de son univers. Depuis La Vie d’artiste, Marc Fitoussi a toujours marqué ses films, pourtant souvent ancrés dans une réalité sociale, d’une douce folie. Ses œuvres possèdent également un décalage qui fait l’âme de son cinéma, toujours marquées par des dialogues subtils et d’une remarquable intelligence. Maman a tort, ne dérogeait pas à la règle et apparaissait même comme un film-somme. Pour Les Apparences, Marc Fitoussi change une fois de plus de registre et aborde le thriller paranoïaque. Si beaucoup ont loué sa ressemblance aux films du genre de Claude Chabrol, le cinéaste s’en éloigne et s’en approprie les codes à travers un humour cinglant et décapant, qu’il distille au compte-gouttes, dans la tradition d’Alfred Hitchcock auquel on pense dans une séquence qui évoque celle du concert de L’Homme qui en savait trop. Les Apparences est une très grande réussite, à la fois vénéneuse, grinçante et caustique, inquiétante et cynique, drôle et amorale, où trône l’impériale Karin Viard qui après Jalouse de David et Stéphane Foenkinos, Les Chatouilles d’Andréa Bescond et Éric Métayer et Chanson douce de Lucie Borleteau, prouve une fois de plus qu’elle n’a de cesse de se réinventer, de se mettre en danger et qu’elle demeure l’une de nos plus illustres comédiennes.
Henri Monlibert, chef d’orchestre de l’opéra de Vienne et Eve, sa femme qui travaille à l’Institut français, semblent former le couple parfait. Ce ne sont que des apparences car Henri entretient une liaison avec Tina, l’institutrice de son fils Malo. Eve découvre la vérité et est bien décidée à mettre fin à cette histoire. Elle veut garder Henri à tout prix et ne pas perdre la vie confortable qu’elle s’est construite. Elle piège Tina : via un email, tous les parents d’élèves réalisent que l’enseignante est la maîtresse de l’un des pères de l’école. Elle croise Jonas, qui pourrait bien mettre son plan à mal…
Les Apparences est l’adaptation d’un livre écrit par la suédoise Karin Alvtegen. C’est d’ailleurs la première transposition à l’écran d’un roman réalisée par Marc Fitoussi, qui habituellement écrivait ses propres histoires. Après avoir envisagé d’adapter un livre de Patricia Highsmith, dont les droits étaient finalement détenus par Sydney Pollack, le cinéaste découvre le roman Trahie et décide de se l’approprier librement. Ceux qui attendaient une adaptation fidèle risquent donc de voir leurs espoirs déçus. Marc Fitoussi déplace ainsi l’action de Stockholm à Vienne et cible la communauté d’expatriés français grands bourgeois et plus spécialement un couple composé d’un mari issu d’un milieu aisé et chef d’orchestre de renommée mondiale, et de son épouse, qui s’occupe de la bibliothèque de l’Institut français et dont les origines sociales sont diamétralement opposées à celles de son époux. Ces éléments sont totalement inventés par le metteur en scène et s’éloignent de l’habituelle bourgeoisie de province hexagonale. Les dialogues peuvent tout d’abord paraître forcés, mais ce serait déjà oublier le titre du film et finalement Marc Fitoussi montre immédiatement ses protagonistes (dont l’excellente Pascale Arbillot) comme s’ils étaient en constante représentation, avec des phrases toutes faites qui seraient leurs répliques échangées au quotidien.
Ève apparaît encore plus décalée, comme si elle n’était pas à sa place et le savait. Du coup, quand elle découvre l’infidélité de son mari tellement convoité auquel Benjamin Biolay apporte son charisme massif et une suffisance délicieusement irritante, Ève perd pied car entraperçoit son retour à une vie « normale », caractérisée dans le film par l’institutrice Laetitia Dosch, tandis que d’autres personnages satellites interprétés par Lucas Englander et Evelyne Buyle représentent le quotidien (et la chute) d’Ève. Elle n’est pas prête à laisser s’échapper Henri et va user de stratagèmes qu’elle-même n’aurait pas envisagé.
Les Apparences sont multiples dans le film, qui embarque d’ailleurs les spectateurs là où il ne l’imaginait pas en croisant les genres avec une réelle virtuosité. Si les évènements qui se déroulent à l’écran sont difficiles, voire machiavéliques, les spectateurs jubilent de voir cette réaction en chaîne dans laquelle les protagonistes s’observent mutuellement, se trompent, se perdent et se confrontent, le tout dirigé avec maestria par le maestro Fitoussi. Ce dernier affiche avec Les Apparences un nouveau bijou à son palmarès.
LE DVD
A l’instar de Maman a tort, le dernier film de Marc Fitoussi se voit priver d’une sortie en Haute-Définition et n’est disponible qu’en DVD chez M6 Vidéo. Le visuel reprend celui de l’affiche d’exploitation. Le menu principal est animé et musical.
Et du point de vue des suppléments, c’est aussi décevant, car nous ne trouvons que la bande-annonce du film…Rappelons par exemple que le DVD de La Ritournelle (également sorti chez M6 Vidéo) comprenait un commentaire audio du réalisateur et des interviews. Rien de cela ici…
L’Image et le son
Pour Les Apparences, Marc Fitoussi s’est associé avec le talentueux Antoine Roch, directeur de la photographie qui avait déjà collaboré avec le réalisateur sur la série Dix pour cent, mais aussi avec Yann Gozlan sur l’excellent Burn Out, Alain Monne sur L’Homme de chevet, et qui avait fait ses classes auprès de Pierre Lhomme sur Le Sauvage de Jean-Paul Rappeneau. Dommage de ne pas bénéficier de ses très élégants partis-pris en HD, même si cette édition Standard s’en tire bien avec un cadre large superbe. Néanmoins, le piqué apparaît quelque peu émoussé et la gestion des contrastes semble aléatoire. Mais les détails ne manquent pas et les gros plans sont très beaux.
Les Apparences offre un petit spectacle acoustique plaisant savamment pris en main par l’éditeur au moyen d’une piste Dolby Digital 5.1 de haute volée. Les enceintes latérales ne manquent jamais l’occasion de distiller de solides ambiances naturelles, la musique de Bertrand Burgalat profite également d’une spatialisation constante (y compris le Der Kommissar de Falco !), les dialogues sont fermes et la balance frontale demeure riche et équilibrée. La piste Stéréo contentera largement ceux qui ne seraient pas équipés sur les arrières. L’éditeur joint également les sous-titres destinés au public sourd et malentendant, ainsi qu’une piste en Audiodescription.