
L’EFFACEMENT réalisé par Karim Messaoui, disponible en DVD le 16 septembre 2025 chez Ad Vitam.
Acteurs : Sammy Lechea, Zar Amir Ebrahimi, Hamid Amirouche, Nassima Benchicou, Idir Chender, Fayçal Belamri, Nadia Kaci, Chawki Amari…
Scénario : Karim Messaoui & Maud Ameline
Photographie : Kristy Baboul
Musique : Florencia Di Concilio
Durée : 1h29
Date de sortie initiale : 2025
LE FILM
Réda vit chez ses parents dans un quartier bourgeois d’Alger. Il occupe un poste dans la plus grande entreprise d’hydrocarbures du pays dirigée par son père, un homme froid et autoritaire. Sous tous ces vernis apparents, Réda dissimule un mal-être profond. Un jour, le père meurt et un événement inattendu se produit : le reflet du fils disparaît du miroir.

Nous arrivons quasiment à la fin du mois de septembre et donc nous pouvons annoncer que L’Effacement est d’ores et déjà un des meilleurs films de l’année. Ce deuxième long-métrage du réalisateur Karim Moussaoui, découvert avec En attendant les hirondelles, considéré comme le renouveau du cinéma algérien et loué par la critique, confirme bel et bien l’émergence d’un nouveau cinéaste sur lequel il faudra désormais compter. À travers cette libre adaptation du roman de Samir Toumi (publié en 2016), Karim Moussaoui, qui a coécrit avec la talentueuse Maud Ameline (Juliette au printemps, Camille redouble, Amanda) se penche sur le sujet de la génération dite sacrifiée dans son pays, celle de l’Algérie postcoloniale, celle des fils dont les pères ont été portés aux nues toute leur existence, « au nom de la construction nationale ». Si le personnage principal du film a été rajeuni par rapport au livre original, tandis que le fait d’étendre le syndrome de l’effacement aux autres fils d’anciens combattants ait été retiré de cette transposition, ce drame psychologique, pour ne pas dire existentiel, prend aux tripes du début à la fin. En flirtant avec le film de genre, Karim Moussaoui dresse le portrait d’un jeune homme qui se retrouve sans repères à la disparition de son père. Une quête d’identité s’ensuit pour Réda, qui était déjà quelque peu discret dans sa vie d’avant, mais qui devient encore plus effacé, littéralement, quand il découvre un matin que son reflet est manquant dans le miroir dressé devant lui. Il part alors à la découverte de lui-même, ce qui ne sera pas sans conséquences. L’Effacement lorgne du côté du thriller, flirte avec le film de guerre par moments, avant de conclure son récit sur un dernier acte extrêmement violent, sans doute l’un des plus percutants de 2025. In-dis-pen-sa-ble.


C’est l’histoire de Réda, qui erre, tourmenté, à la recherche de quelque chose, de quelqu’un aussi peut-être, d’une oreille à qui confier son mal-être. Si seulement il comprenait ce qui lui arrivait. Réda ne peut pas voir la vérité en face, tout simplement parce qu’il ne peut plus s’observer dans une glace. Le service militaire, auquel il avait échappé, sera un catalyseur quant à la suite des événements et sa prise de conscience. D’où l’apparition de scènes militaires, qui n’étaient pas présentes dans le roman de Samir Toumi, mais qui rendent compte de la transformation, de la mutation de Réda, qui va non seulement arriver à un carrefour de sa vie, mais aussi franchir le point de non-retour, jusqu’à l’implosion, pour ne pas dire l’explosion de violence finale, sèche, inattendue.


En questionnant le rapport intergénérationnel en Algérie, Karim Moussaoui prolonge un thème déjà abordé dans son précédent film, tout en prolongeant cette fois encore le sujet de l’errance, en suivant son personnage, présent dans toutes les scènes, de tous les plans. Réda est incarné par l’intense et jusqu’alors inconnu Sammy Lechea (vu dans le téléfilm Les Rives du fleuve de Guillaume Nicloux), véritable révélation, que l’on devrait en toute logique revoir souvent dans les années à venir. Il porte magnifiquement le film sur ses épaules, parvient à rendre attachant Réda et ce même durant sa brutale évolution. Superbe interprétation aussi de Zar Amir Ebrahimi, qui après les exceptionnels Les Nuits de Mashhad – Holy Spider d’Ali Abbasi et Tatami d’elle-même et Guy Nattiv, n’en finit plus de subjuguer à chaque apparition. Elle campe ici Malika, restauratrice, divorcée, indépendante, généreuse, qui offrira à Réda un espoir de rédemption, un avenir, la possibilité de devenir quelqu’un.


Mais c’était sans compter sur cette rébellion inévitable, qui prend possession de Réda, introverti, qu’une force empêchait alors d’exister pour lui-même et qui n’arrivait pas à désobéir. Une fois son père disparu, Réda subit de son côté la rancune de ceux qui en voulaient à son père (avec lequel il entretient une relation quasi-toxique), qui l’avaient parachuté sur un poste stratégique dans son entreprise, dans l’espoir qu’il fasse quelque chose d’autre qu’attendre que les journées passent tranquillement dans leur immense demeure bourgeoise, tout en le sermonnant sur le fait qu’à son âge il était déjà père de famille. Si le départ de son frère, parti à Paris dans l’espoir d’y devenir DJ, l’avait déjà déstabilisé (ce dernier l’encourageant d’ailleurs à foutre le camp), ce qui lui restait de pilier (branlant) s’effondre à son tour quand son père décède. Quand soudain, Réda se rend compte de ses capacités physiques et de la violence qu’il est capable de rendre


Avec quelques références explicites, mais néanmoins bien digérées, de Full Metal Jacket de Stanley Kubrick à Taxi Driver de Martin Scorsese, Karim Massoui livre un fabuleux objet de cinéma, hypnotique, oppressant, divertissant, bouleversant, passionnant.


LE DVD
Sorti au cinéma début mai 2025, L’Effacement arrive dans les bacs, uniquement en DVD, chez Ad Vitam. La jaquette reprend le visuel de l’affiche d’exploitation. Le menu principal est quant à lui animé et musical.

La section bonus se constitue de la bande-annonce, du dossier de presse (en partie ROM) et surtout d’un entretien avec Karim Moussaoui et de Sammy Lechea (15’). Une interview assez rapide, mais qui aborde tout de même posément les thèmes du film, à savoir la transmission et les relations intergénérationnelles, sujets déjà traités par le réalisateur précédemment. L’adaptation du livre de Samir Toumi, les partis-pris, le casting et la psychologie du personnage principal sont aussi les points analysés.

L’Image et le son
Ad Vitam signe un sans-faute avec ce master SD immaculé. Tout d’abord, c’est la clarté et le relief des séquences diurnes qui impressionnent et flattent la rétine. Les couleurs sont chatoyantes, le piqué vigoureusement acéré, les détails abondent aux quatre coins du cadre, restituant admirablement les partis pris de la photo signée Kristy Baboul et les contrastes affichent une densité remarquable. Ajoutez à cela une profondeur de champ fort appréciable, des ambiances tamisées séduisantes. Un transfert très élégant.

Le mixage Dolby Digital 5.1 est réellement bluffant. Le spectateur est happé dans le quotidien de Réda. Le soutien des enceintes latérales est constant, avec de multiples ambiances naturelles. Les dialogues sont solidement ancrés sur la centrale, la balance frontale est dynamique. D’une précision sans faille, dense, dynamique, le confort acoustique est largement assuré. Les sous-titres français pour les spectateurs sourds et malentendants sont également disponibles, ainsi qu’une piste Audiodescription et une Stéréo de fort bon acabit.


Crédits images : © Ad Vitam / Les Films Pelléas / Captures DVD : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr