Test DVD / Le Tigre des mers, réalisé par Luigi Capuano

LE TIGRE DES MERS (La Tigre dei sette mari) réalisé par Luigi Capuano, disponible en DVD le 6 juillet 2021 chez Artus Films.

Acteurs : Gianna Maria Canale, Anthony Steel, Maria Grazia Spina, Andrea Aureli, Carlo Ninchi, John Kitzmiller, Ernesto Calindri, Carlo Pisacane…

Scénario : Luigi Capuano, Arpad DeRiso & Ottavio Poggi, d’après une histoire originale de Nino Battiferri

Photographie : Alvaro Mancori

Musique : Carlo Rustichelli

Durée : 1h25

Date de sortie initiale : 1962

LE FILM

Le Tigre, un vieux pirate, organise un combat pour désigner celui qui prendra sa suite. Le lieutenant William sort vainqueur, mais est ensuite défié par Consuelo, qui termine victorieuse. La nuit suivante, le Tigre est retrouvé mort, le poignard de William planté dans le dos…

Laissons momentanément de côté les cowboys, les vampires, les tueurs à l’arme blanche et les flics pourris et concentrons-nous un petit peu aujourd’hui sur les pirates, qui eux aussi ont eu leur heure de gloire durant l’âge d’or du cinéma d’exploitation italien ! Alors que les flibustiers paraissaient déjà dans le cinéma hollywoodien depuis plus de quarante ans, on peut citer en vrac L’Île au trésor Treasure Island de Maurice Tourneur, Le Pirate noir The Black Pirate d’Albert Parker, Le Corsaire masqué The Eagle of the Sea et Les Révoltés du Bounty Mutiny of The Bounty de Frank Lloyd, L’Île au trésor Treasure Island de Victor Fleming, L’Aigle des mers The Sea Hawk de Michael Curtiz, le genre explose véritablement dans les années 1950, durant lesquelles les grosses productions s’enchaînent et remplissent les salles du monde entier. Les films de Raoul Walsh (Capitaine sans peur, Barbe-Noire le pirate), Jacques Tourneur (La Flibustière des Antilles), Robert Siodmak (Le Corsaire Rouge) et Fritz Lang (Les Contrebandiers de Moonfleet) donnent évidemment envie aux investisseurs italiens de réaliser des films mettant en scène des pirates ! Les transalpins s’y attaquent dès 1957 avec des ersatz comme La Belle et le Corsaire Il Corsaro della mezzaluna de Giuseppe Maria Scotese, Le Pirate de l’épervier noir Il Pirata dello sparviero nero de Sergio Grieco, Le Fils du corsaire rouge Il Figlio del corsaro rosso de Primo Zeglio, et consorts. La décennie suivante, les italiens mettent les bouchées doubles et les plus grands représentants du cinéma Bis s’y collent comme Umberto Lenzi (Mary la rousse, femme pirate Le Avventure di Mary Read, Les Pirates de la Malaisie I Pirati della Malesia). Méconnu en France, Luigi Capuano (1904-1979) prend lui aussi le train en marche. Le réalisateur de La Terreur du masque rouge Il terrore della maschera rossa, La Vengeance d’Ursus La vendetta di Ursus et de Zorro l’intrépide Zorro alla corte di Spagna se voit confier les manettes du Tigre des mers La tigre dei sette mari, également connu sous le titre Le Tigre des Caraïbes, film d’aventures et donc de pirates, entièrement tourné dans les Alpes italiennes, sur le lac de Garde. Si à première vue rien ne distingue cet opus du tout-venant, celui-ci n’en demeure pas moins bourré de charme, mené sur un rythme soutenu, joli à regarder et surtout porté par Gianna Maria Canale, divine créature au regard félin, que l’on suivrait aveuglement dans chacun de ses abordages.

« Tigre », un vieux pirate , aimerait prendre sa retraite. Comme il n’a pas d’héritier mâle, mais seulement une fille, Consuelo, son successeur doit être désigné lors d’un duel. Au cours de celui-ci, le loyal William gagne facilement contre son rival Robert, mais se laisse ensuite vaincre par Consuelo, par galanterie. C’est donc elle qui va prendre le commandement du vaisseau et des pirates…

Jeter un œil sur la filmographie de Gianna Maria Canale, c’est comme qui dirait suivre l’évolution du cinéma italien. Elle rencontre Riccardo Freda, qui lui donne son premier rôle au cinéma en 1946 dans L’Aigle noir, qu’elle épousera et avec lequel elle tournera une douzaine de longs-métrages dont Le Fils de d’Artagnan (1950), La Vengeance de l’Aigle noir (1951), Spartacus (1953), Théodora, impératrice de Byzance (1954) de Riccardo Freda et Les Vampires (1957). Parallèlement, la comédienne devient une star du péplum, du film de cape et d’épée, ainsi que du film d’aventures, tournant aussi bien chez Sergio Corbucci (Maciste contre le fantôme Maciste contro il vampiro, Le Fils de Spartacus) que chez Carlo Ludovico Bragaglia (La Muraille de feu), sans oublier le cinéma plus « traditionnel » comme dans le merveilleux Il Boom de Vittorio De Sica. En 1962, deux ans avant qu’elle mette fin à sa carrière, elle démontre une fois de plus toute l’étendue de son talent, aussi bien dramatique qu’au maniement de l’épée, dans Le Tigre des mers, dans lequel sa présence érotique et sensuelle fait merveille au milieu de pirates bourrus et machos. On ne peut pas en dire autant de son partenaire, le britannique Anthony Steel (Les Quatre plumes blanches de Zolta Korda et Terence Young, Le Secret des tentes noires de Brian Desmond Hurst, Histoire d’O de Just Jaeckin), quelque peu monolithique et surtout trop rigide durant ses affrontements à l’épée.

De son côté, sur une histoire de Nino Battiferri (producteur de Superargo contre Diabolikus de Nick Bostro), Luigi Capuano emballe joliment son récit d’aventures en utilisant quelques stockshots afin de faire quelques économies. Le Tigre des mers est une production modeste, mais qui a de la gueule, qui fleure bon le divertissement léger et insouciant des sixties, empli de couleurs (belle photo d’Alvaro Mancori), de rebondissements, de décors exotiques, de costumes élégants, d’humour (mention spéciale au grand duc Inigo Cordoba d’Aragona y Castilla interprété par Ernesto Calindri), d’amour et de combats rudement menés de la première à la toute dernière image. Que demander de plus ?

LE DVD

Le Tigre des mers débarque (à l’abordage !) chez Artus Films dans la collection Piraterie de l’éditeur, en même temps que Le Lion de Saint-Marc, également réalisé par Luigi Capuano et interprété cette fois encore par la belle Gianna Maria Canale. Le disque repose dans un slim Digipack à deux volets, coloré et dont la patine vintage fait toujours son petit effet. Le menu principal est fixe et musical.

Outre le générique français du film (2’), un Diaporama de photos et d’affiches d’exploitation, et du film-annonce en anglais (« The Tiger of the Seven Seas »), Artus Films confie une fois de plus la présentation (16’30) de son nouveau-né à Christian Lucas, qui devient une figure récurrente et que l’on apprécie toujours autant. Le chroniqueur chez Ciné Forever Vidéo propose tout d’abord un très large panorama des films de piraterie et ce depuis les années 1920, en passant par l’âge d’or du cinéma d’exploitation transalpin, jusqu’au bide fracassant de L’Île aux pirates Cutthroat Island de Renny Harlan et au triomphe international de Pirates des Caraïbes : La malédiction du Black Pearl Pirates of the Caribbean: The Curse of the Black Pearl de Gore Verbinski. Il pointe du doigt le fait qu’en Italie, les personnages principaux des films du genre étaient très souvent féminins. Ce qui lui donne l’occasion d’énumérer plusieurs véritables femmes corsaires qui ont écumé les mers, des femmes bagarreuses et sans pitié, qui ont ensuite inspiré des romans, des bandes dessinées et bien sûr le cinéma, comme Mary Read et Anne Bonny (voir le livre Femmes pirates de Daniel Defoe). A mi-temps de ce module, Christian Lucas en vient au Tigre des mers en parlant du casting (on le soupçonne d’en pincer pour Gianna Maria Canale, comme tout le monde c’est vrai), du réalisateur Luigi Capuano, des lieux de tournage, avant de défendre « ce très beau film, rempli de qualités, que Gianna Maria Canale illumine de sa beauté et de sa présence ».

L’Image et le son

Artus Films a mis la main sur un master allemand, comme l’indiquent les credits en ouverture. La copie présente quelques fils en bord de cadre, ainsi que des flous sporadiques. Les plans vraisemblablement empruntés ailleurs se voient nettement par rapport au reste avec un grain plus appuyé et des couleurs étonnamment plus affirmées. Dans l’ensemble, le confort est assuré avec une propreté certaine, des contrastes corrects, même si aléatoires, une texture argentique palpable.

La version originale italienne est clairement au-dessus du lot avec ses dialogues dynamiques, une très bonne restitution de la musique et des effets annexes. VF anecdotique, mais qui conserve un certain charme.

Crédits images : © Artus Films / Captures DVD : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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