LE CIEL ROUGE (Roter Himmel) réalisé par Christian Petzold, disponible en DVD le 20 février 2024 chez Blaq Out.
Acteurs : Thomas Schubert, Paula Beer, Enno Trebs, Langston Uibel, Matthias Brandt, Jennipher Antoni, Ralph Barnebeck, Esther Esche…
Scénario : Christian Petzold
Photographie : Hans Fromm
Durée : 1h43
Année de sortie : 2023
LE FILM
Une petite maison de vacances au bord de la mer Baltique. Les journées sont chaudes et il n’a pas plu depuis des semaines. Quatre jeunes gens se réunissent, des amis anciens et nouveaux. Les forêts desséchées qui les entourent commencent à s’enflammer, tout comme leurs émotions. Le bonheur, la luxure et l’amour, mais aussi les jalousies, les rancœurs et les tensions. Pendant ce temps, les forêts brûlent. Et très vite, les flammes sont là.
Les films de Christian Petzold sont toujours des événements et des présents pour les cinéphiles. Après l’enivrant et hypnotique Ondine, le réalisateur retrouve sa nouvelle muse, la magnétique Paula Beer, pour Le Ciel rouge –Roter Himmel. Le cinéaste délaisse l’eau de son précédent long-métrage pour s’attaquer à un autre élément, le feu, celui qui dévaste les forêts qui environnent la mer Baltique, mais aussi celui qui embrase le personnage principal, Leon, incarné par l’autrichien Thomas Schubert, révélé en 2011 dans le percutant Nouveau souffle – Atmen de Karl Markovics, vu par la suite dans The Dark Valley –Das finstere Tal d’Andreas Prochaska, dans lequel jouait déjà Paula Beer. Si le comédien a particulièrement le vent en poupe avec rien de moins que cinq films et séries à son actif en 2023, espérons que Le Ciel rouge lui apporte une petite renommée auprès du public français. Celui-ci s’impose par son impressionnante carrure (il a pris du poids exprès pour le rôle), surtout face au mètre 67 de Paula Beer, Leon tombant instantanément amoureux (et on le comprend) de Nadja, au cours d’un été qui sera alors symbolique du premier carrefour de son existence. Christian Petzold, chef de file du nouveau cinéma d’auteur allemand, s’écarte de ses récurrents portraits de femmes, même si Nadja est tout de même bien présente au coeur du récit, mais se concentre cette fois sur un jeune homme mal dans sa peau, aspirant écrivain, sur les nerfs en permanence, dont l’équilibre déjà fragile à ce stade de sa vie va être encore plus ébranlé lors de l’apparition de cette femme lumineuse. S’il n’atteint pas la réussite de ses œuvres passées, Yella, Jerichow, Barbara, Phoenix pour ne citer que ceux-là, Christian Petzold demeure un metteur en scène exceptionnel, un fabuleux directeur d’acteurs, qui rend ici un vibrant hommage au cinéma d’Éric Rohmer, puisque Le Ciel rouge est à voir comme un véritable conte d’été.
Leon et Felix se rendent dans une maison située sur la côte allemande de la mer Baltique et appartenant à la famille de Felix. En chemin, leur voiture tombe en panne, et ils doivent terminer le chemin à pied en portant leurs bagages. Lorsqu’ils arrivent, ils se rendent compte que la maison, perdue au milieu d’une clairière, est déjà occupée, par une dénommée Nadja, nièce d’une collègue de travail de la mère de Felix. Ils vont devoir se serrer, et l’humeur de Leon devient encore plus exécrable. Pour Leon et Felix, il s’agit de vacances studieuses : Leon, écrivain, veut travailler à son nouveau roman. Felix doit quant à lui préparer un dossier pour le concours d’entrée d’une école d’art. Mais cela ne l’empêche pas de profiter de la plage, alors que Leon déclare vouloir se concentrer sur son travail, mais procrastine en fait beaucoup. Le thème du concours auquel doit participer Felix étant l’eau, il décide de photographier la mer, puis des personnes regardant la mer, de dos face à la mer, puis de face. Leurs relations avec Nadja sont inexistantes les premiers jours, et celle-ci se signale surtout par ses ébats amoureux assez bruyants qui exaspèrent Leon. Contrairement à ce que pensait Leon, Nadja n’est pas Russe. Elle vend des glaces sur la plage. Son ami, Devid, maître-nageur sauveteur, s’invite rapidement dans le groupe. Et au grand étonnement de Leon, il entame une relation homosexuelle avec Felix. La région est ravagée par des incendies hors contrôle. Mais Devid se veut rassurant : ils sont à quelques dizaines de kilomètres, et le vent souffle de la mer vers la côte. Le ciel rouge qu’ils aperçoivent la nuit au loin est tout de même angoissant. Nadja demande à Leon si elle peut lire son manuscrit, et lui donne son point de vue. Le texte est mauvais. Leon, vexé, réagit par le mépris : l’avis d’une simple vendeuse de glaces sans compétences littéraires n’a aucune valeur.
Paula Beer est une fois de plus l’astre qui illumine le film de Christian Petzold et dont le personnage devient le phare qui va aiguiller Leon pour aller de l’avant. Moins romanesque sans doute, mais tout aussi épuré, Le Ciel rouge témoigne du désir de son auteur pour évoquer le feu des sentiments, combustion qui prend aussi ici la forme de flammes qui ravagent le littoral au cours d’un été caniculaire, marqué par les teintes claires du chef opérateur Hans Fromm, fidèle directeur de la photographie. S’il n’y a rien à redire sur la prestation de Langston Uibel (Felix), Enno Trebs (Devid, déjà présent dans Ondine et vu dans Le Ruban blanc) et l’excellent Matthias Brandt (le chef de la Police politique dans la série Babylon Berlin), nous n’avons d’yeux que pour le couple principal.
Les regards, les intentions et les non-dits sont au coeur du Ciel rouge, même si cette fois la colère et les frustrations s’expriment souvent verbalement. Les plus grands moments du film demeurent incontestablement les affrontements entre Leon et Nadja, qui parlent fort, mais dont les silences entre deux reproches en disent plus longs et sont en complète contradiction avec ce qu’ils peuvent se dire. Comme un moment suspendu, une respiration, un interlude, Le Ciel rouge foudroie au moment où on s’y attend le moins. Christian Petzold a mis dans le mille et s’est vu récompenser par le Grand Prix du jury au festival de Berlin. Ah oui, on vous a dit déjà que Paula Beer était fascinante et envoûtante ? Oui ? On le redit alors.
LE DVD
Après Ondine, Christian Petzold voit son nouveau film être pris en charge par Blaq Out. Le DVD (pas d’édition HD pour ce titre), repose dans un boîtier Amaray classique transparent, glissé dans un surétui cartonné. Le visuel reprend celui de l’affiche d’exploitation. Le menu principal est fixe et bruité.
Aucun supplément, ce qui est vraiment dommage…
L’Image et le son
Christian Petzold et son chef opérateur Hans Fromm (Barbara, Jerichow, Yella) collaborent une fois de plus pour Le Ciel rouge. Si nous aurions préféré redécouvrir ce beau film en Blu-ray, le master SD se révèle impeccable et révèle une gestion solide des contrastes. Certes, quelques sensibles fourmillements s’invitent à la partie et le piqué manque parfois de mordant, mais la réussite technique est au rendez-vous, la colorimétrie est lumineuse et les détails appréciables.
Seule la version originale allemande est disponible sur ce DVD. Le mixage Dolby Digital 5.1 restitue admirablement les dialogues, spatialise et délivre des ambiances naturelles. Quelques petites basses soulignent allègrement l’ensemble et les silences olympiens donnent le frisson. La piste Stéréo devrait suffire à ceux qui ne seraient pas équipés d’enceintes à l’arrière.