Test DVD / La Dernière balle à pile ou face, réalisé par Piero Pierotti

LA DERNIÈRE BALLE À PILE OU FACE (Testa o croce) réalisé par Piero Pierotti, disponible en DVD le 7 juillet 2020 chez Artus Films.

Acteurs : John Ericson, Spela Rozin, Franco Lantieri, Daniela Surina, Dada Gallotti, Loris Gizzi, Maria Teresa Piaggio, Pinuccio Ardia…

Scénario : Piero Pierotti

Photographie : Fausto Zuccoli

Musique : Carlo Savina

Durée : 1h35

Année de sortie : 1969

LE FILM

Accusée du meurtre d’un banquier, la chanteuse Shanda manque de se faire lyncher par les membres d’une ligue de vertu. Alors que les autres filles du saloon se font passer à tabac, le shérif fait mettre Shanda à l’abri en dehors de la ville. Mais les deux hommes chargés de la mission la violent et la laisse pour morte dans le désert. Un hors-la-loi va la recueillir.

Aux manettes de La Dernière balle à pile ou faceTesta o croce (1969), on retrouve un certain Piero Pierotti (1912-1970), parfois crédité sous le nom de Peter E. Stanley, ancien journaliste, passé à la mise en scène après avoir suivi les cours du prestigieux Centra Sperimentale du Cinematografia, d’où il sort diplômé à la fin des années 1930. Il se spécialisera dans les films d’aventure et les péplums, genres dans lesquels il évoquera quelques grands noms de l’histoire et de la mythologie comme Marco Polo (1962), Cléopâtre, une reine pour César (1962) et Goliath et le Cavalier masqué (1963). Ancien scénariste de Mario Bava (La ruée des VikingsGli invasori) et de Riccardo Freda (Maciste en enferMaciste all’inferno), Piero Pierotti suivra les modes et les goûts des spectateurs au fil des ans. C’est le cas de ce western, La Dernière balle à pile ou face, qu’il réalise à la fin des années 1960 alors qu’il est déjà diminué par la maladie. Ce sera d’ailleurs son avant-dernier film, son ultime opus La Grande avventura di Scaramouche étant sorti après son décès prématuré à l’âge de 58 ans. Testa o croce est un western atypique, peu aimable, placé sous le signe de la vengeance. Avec sa partition étonnante signée Carlo Savina, le réalisateur livre un film désabusé, noir, pessimiste, qui laisse une belle place aux rôles féminins parmi lesquels se distingue la sublime Edwige Fenech dans l’une de ses premières apparitions au cinéma, avant de devenir une icône du cinéma d’exploitation.

Un bled perdu, un saloon où les filles distraient les hommes et un banquier amoureux de la plus belle des filles du saloon : Shanda. Le banquier est retrouvé mort dans le lit avec cette dernière, évanouie à ses côtés. Tout le monde la croit coupable, y compris les femmes du village, bonnes chrétiennes, qui veulent brûler vive cette « sorcière » qui éloigne les hommes du droit chemin. Le shérif, pour la protéger, l’envoie dans la ville la plus proche subir son procès, mais les deux assistant chargés de l’escorter et un bûcheron de passage décident de la violer et de la laisser pour morte. Elle est recueillie par un bandit recherché dans plusieurs états, surnommé Black Talisman, qui va la venger en punissant ses assaillants et recherchant le coupable du meurtre du banquier.

La Dernière balle à pile ou face est un film étrange dans le sens où peu de comédiens et donc de personnages émergent vraiment de cette histoire qui s’apparente à un vieux roman de western aux pages jaunies et cornées qui sentiraient la poussière. Cependant, on plonge volontiers dans ce récit classique, mais solide et efficace, mené par l’acteur John Ericson (1926-2020), qui aura surtout écumé toutes les séries télévisées durant ses soixante ans de carrière. Apparu devant la caméra de Fred Zinnemann, de Richard Thorpe, de John Sturges, de Samuel Fuller et de Robert Stevenson, mais aussi dans quelques films de série B et de série Z (Super femmes contre Chiens Jaunes, Mission finaleThe House of the Dead), le comédien est alors dans sa période western quand il tourne La Dernière balle à pile ou face, après quelques apparitions dans Le Virginien, Gunsmoke, Les Aventuriers du Far-West, Bonanza et Rawhide. Dans le film de Piero Pierotti, il incarne un héros peu empathique, mais dont la quête obstinée, celle de venger une femme victime d’un viol collectif, le rend plus humain que ne le laissent supposer ses premières apparitions. La femme en question est interprétée par l’actrice yougoslave Spela Rozin, dont la beauté d’Europe de l’Est, qui contrastait avec celles des brunes transalpines ténébreuses, avait déjà été remarquée dans Hercule l’invincibleErcole l’invincibile (1964) d’Alvaro Mancori, Maciste et les filles de la valléeLa valle dell’eco tonante (1964) de Tanio Boccia et Avec Django, la mort est làJoko invoca Dio… e muori (1968) d’Antonio Margheriti. Mention spéciale également à la belle Daniela Surina, qui interprète la veuve Sybille Burton, quelque peu dépassée par ses pulsions sexuelles.

Piero Pierotti, également scénariste, montre la violence de l’Ouest qui provient également des bigotes qui s’en prennent aux chanteuses et danseuses de bastringue, qui attisent le feu dans le bas ventre de ces messieurs, qui passent bien trop de temps au saloon à mater les jolies jambes apparaissant sous les robes à froufrou, tout en buvant un verre de whisky et à taper le carton, plutôt qu’à lire la Bible. Le cinéaste démontre d’ailleurs que ces Quakers sont bien plus dangereuses que les cowboys enivrés. La scène où l’assemblée décide de passer à l’acte et de virer ces « filles de mauvaise vie » pour « moraliser » la ville et la purifier de ses péchés est un des grands moments de ce film complètement méconnu, mais qui vaut le détour pour son portrait cynique, brutal et sec du Far West américain.

LE DVD

La Dernière balle à pile ou face intègre tout naturellement la collection « Western Européen » chez Artus Films. Très beau visuel. Le menu principal est fixe et musical.

Curd Ridel (20’30), c’est comme qui dirait le bon pote sur lequel on peut compter pour en savoir plus sur le film que l’on va voir ou que l’on vient de visionner. Comme il en a l’habitude, l’invité fidèle d’Artus Films passe en revue le casting de La Dernière balle à pile ou face, tout en précisant qu’il s’agit d’un film rare, original, avec un final étrange.

L’interactivité se clôt sur un Diaporama et un lot de bandes-annonces de westerns disponibles chez Artus Films.

L’Image et le son

Le master de La Dernière balle à pile ou face a été restauré. Rares sont les poussières qui demeurent et l’ensemble bénéficie d’une nouvelle clarté. Cependant, on constate des fourmillements présents du début à la fin et le grain cinéma est un peu trop lissé à notre goût. Divers plans flous nous paraissent d’origine. Les couleurs sont également bien rafraîchies.

Sans surprise, la version italienne s’en sort mieux que la piste française, aux dialogues sensiblement plus sourds et aux bruitages plus confinés (certains ne peuvent plus blairer ce mot, mais c’est pas grave). Dans les deux cas, la musique de Carlo Savina est bien servie avec un bon report dynamique.

Crédits images : © Artus Films / Captures DVD : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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