Test DVD / La Cache, réalisé par Lionel Baier

LA CACHE réalisé par Lionel Baier, disponible en DVD le 19 juillet 2025 chez Blaq Out.

Acteurs : Michel Blanc, Dominique Reymond, William Lebghil, Liliane Rovère, Adrien Barazzone, Larisa Faber, Aurélien Gabrielli, Ethan Chimienti…

Scénario : Lionel Baier & Catherine Charrier, d’après le roman de Christophe Boltanski

Photographie : Patrick Lindenmaier

Musique : Diego, Lionel & Nora Baldenweg

Durée : 1h28

Année de sortie : 2025

LE FILM

Christophe, 9 ans, observe la vie de sa famille au travers de l’appartement de ses grands parents, rue de Grenelle à Paris, alors que nous sommes début mai 1968…

Pour l’auteur de ces mots, le réalisateur suisse Lionel Baier (né en 1975) est l’auteur d’un film devenu instantanément culte, Les Grandes ondes (à l’ouest), comédie géniale, road movie désopilant, tendre, à la fois réaliste et poétique, portée par l’explosive interprétation de Michel Vuillermoz et Valérie Donzelli. C’était déjà il y a plus de dix ans. Depuis, le cinéaste s’est penché sur le thème du suicide assisté (La Vanité, 2015), avant de bifurquer vers la télévision en 2018 avec le téléfilm Prénom: Mathieu, consacré à la dernière victime du sadique de Romont. 2022, il signe La Dérive des continents (au sud), troisième volet d’une tétralogie annoncée dès 2006 avec Comme des voleurs (à l’est). Ce qui nous amène à La Cache, adaptation personnelle et originale du roman autobiographique de Christophe Boltanski (Prix Femina 2015), qui lui permet d’aborder le thème de la Shoah (il est d’origine polonaise), sans recourir au film historique proprement dit. Un projet de longue date, que Lionel Baier a pu enfin concrétiser en trouvant l’approche qu’il recherchait alors, qui lui permettrait d’inclure également quelques éléments personnels liés à sa propre famille. Toutefois, si La Cache mérite d’être vu, c’est aussi parce qu’il s’agit de l’une des dernières apparitions de Michel Blanc au cinéma, mais surtout de son ultime film emballé avant sa disparition en octobre 2024. On regarde forcément La Cache avec un point de vue « faussé », avec sans doute plus d’empathie que de raison, quand bien même le comédien s’avère bouleversant. Qui plus est, la dernière scène du film, étant aussi la dernière à avoir été filmée par Michel Blanc, renvoie directement au Cirque, ou plutôt aux Temps modernes de Chaplin. Une très belle sortie de scène donc.

Un petit garçon prénommé Christophe, vit les événements de Mai 68, planqué chez ses grands-parents, dans l’appartement familial à Paris, entouré de ses oncles et de son arrière-grand-mère. Tous bivouaquent autour d’une mystérieuse cache, qui révélera peu à peu ses secrets.

« C’est très bien d’avoir de l’imagination. Ça permet d’en donner à la vie qui parfois en manque un peu. »

Au-delà du fait que La Cache soit le dernier baroud d’honneur de celui qui a incarné à la fois Jean-Claude Dusse et Monsieur Hire (on ne saurait faire aussi diamétralement opposé), on retrouve la sensibilité de Lionel Baier, qui cette fois encore ancre son long-métrage au milieu d’un événement historique et politique. Si Les Grandes ondes (à l’ouest) se déroulait au beau milieu de la Révolution des Oeillets, marquée par un sentiment de liberté et d’espoir propre aux années 1960-1970, La Cache s’avère beaucoup plus mélancolique, grave, mais toujours teinté d’humour et de légèreté, comme un conte plongé en plein mai 68. La Cache ne cesse de déjouer les attentes des spectateurs à travers un ton décalé, mais d’une justesse implacable quant au reflet que nous tend le cinéaste sur la société contemporaine.

Lionel Baier continue d’expérimenter le cadre et la narration, en ayant recours à certains partis-pris qui ne sont pas sans rappeler le cinéma de Roy Andersson (A Swedish Love Story, Chansons du deuxième étage, Un Pigeon perché sur une branche philosophait sur l’existence). C’est le cas de la rétroprojection, procédé déjà artificiel, rendu ici encore plus faux par l’arrêt de l’image diffusée en fond, au moment où les personnages stoppent leur action pour se parler.

La mise en scène n’est peut-être pas aussi emballante qu’à son habitude, mais Lionel Baier soigne particulièrement les dialogues et dirige de merveilleux comédiens, en très grande forme. Outre Michel Blanc, Dominique Reymond, William Lebghil, Liliane Rovère et Aurélien Gabrielli forment tous une famille bien perchée, attachante, marquée par l’Histoire et qui a malgré tout décidé de continuer à profiter de l’existence. On pense aussi beaucoup à Low Cost (Claude Jutra), superbe et étonnant moyen métrage de Lionel Baier remontant à 2010, dans lequel un réalisateur, depuis l’âge de neuf ans et suite à un rêve prémonitoire, enregistrait les derniers moments de sa vie au téléphone portable. Dans La Cache, on se focalise sur des êtres qui s’aiment passionnément et vivent ensemble, quasiment les uns sur les autres, le cinéaste choisissant une approche introspective (on entend même sa propre voix dès le prologue, durant lequel il expose ses intentions), qui impose d’emblée une sensibilité à fleur de peau, une réflexion sur le passage du temps, sur l’héritage, sur le devoir de mémoire, sur les origines.

Drôle, émouvant, élégant, La Cache surprend beaucoup au fil du visionnage. On pourra juste reprocher à Lionel Baier de s’éparpiller quelque peu dans la seconde partie, en passant d’un personnage à l’autre. Un capharnaüm qui peut parfois agacer, tant on aurait préféré que le réalisateur reste un peu plus focalisé sur différents sujets, qui paraissent éclatés. Mais la fantaisie, la tendresse et le charme l’emportent finalement.

LE DVD

158.000 spectateurs, c’est peu, rien à redire là-dessus. Malgré tout, La Cache est tout de même pris en charge par Blaq Out, qui propose le film de Lionel Baier en DVD. Le visuel reprend celui de l’affiche d’exploitation. Le menu principal est fixe et musical.

Le premier supplément est un montage réalisé par le réalisateur et son équipe, en hommage à Michel Blanc (13’). On y voit le comédien à l’oeuvre, « dans tous ses états » si on peut dire, puisqu’il apparaît dans l’exercice de ses fonctions, hésitant, râlant, exigeant, trébuchant sur certaines répliques, bloqué et bien sûr souriant avec ses partenaires, dialoguant avec le réalisateur. Des images et des prises de son aléatoires, qui montrent un immense artiste âgé de 72 ans qui pouvait avoir encore des doutes sur ses capacités, qui avait besoin d’être rassuré.

Ne ratez pas l’interview de Lionel Baier (40’), durant laquelle le réalisateur livre une véritable leçon de cinéma. Passionnante et passionnée, cette brillante analyse en dit long sur les partis pris de La Cache. Le cinéaste croise habilement le fond avec la forme, aborde le casting et la performance des comédiens. La genèse du film (à partir d’un livre jugé inadaptable), ses intentions de metteur en scène, l’évolution du scénario et les conditions de tournage sont aussi les autres points abordés.

L’Image et le son

Nous sommes ici en présence d’un superbe master SD qui n’a absolument rien à envier à une édition HD. Le rendu, même en DVD, demeure spectaculaire. Les contrastes affichent une densité ahurissante, la clarté est de mise, la colorimétrie brille de mille feux, le relief est omniprésent sur le cadre large et le piqué aussi acéré que si nous étions en présence d’un Blu-ray. De jour comme de nuit, en extérieur comme en intérieur, l’ensemble demeure flatteur pour les yeux.

Deux choix possibles, une écoute frontale riche et dynamique en Stéréo, ou bien une spatialisation solide et un plus grand confort acoustique en Dolby Digital 5.1. Dans les deux cas, l’écoute demeure ardente, fait une large place aux dialogues. Les effets latéraux et ambiances naturelles pointent habilement le bout de leur nez, le caisson de basses intervient aux moments opportuns. L’éditeur joint également une piste Audiodescription, ainsi que les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant.

Crédits images : © Blaq Out / Les Films du Losange / Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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