ÉCORCHÉS VIFS (Scorticateli vivi) réalisé par Mario Siciliano, disponible en DVD le 3 novembre 2020 chez Artus Films.
Acteurs : Bryan Rostron, Mario Novelli, Giuseppe Castellano, Pier Luigi Giorgio, Ettore Pecorari, Antonio Diana, Stefano Cedrati, Giulio Lucatelli…
Scénario : Amedeo Mellone, Mario Siciliano
Photographie : Gino Santini
Musique : Stelvio Cipriani
Durée : 1h32
Année de sortie : 1978
LE FILM
Rudy, un petit voyou sans envergure, part pour l’Afrique retrouver son frère. Celui-ci exploite une mine de diamants qui l’aiderait bien à éponger ses dettes. Rudy débarque en pleine révolution, son frère étant à la tête d’un commando de blancs contre les noirs.
Si vous avez déjà vu ou venez de voir (sur nos conseils) Les Sept Bérets rouges – Sette baschi rossi (1969) de Mario Siciliano, alors vous risquez d’être quelque peu décontenancés à la découverte d’Ecorchés vifs – Scorticateli vivi, réalisé en 1978 par le même cinéaste. Quasiment dix ans après son premier long-métrage, Mario Siciliano décide purement et simplement d’en recycler près d’une heure et de réutiliser ces images pour en construire un autre, suite au succès international des Oies sauvages – The Wild Geese d’Andrew V. McLaglen. Un récit et un casting principal différents, mais un décor identique, et pour cause…Dans Ecorchés vifs, le réalisateur se contente de filmer ses acteurs dans des décors dépouillés, parfois même sur un fond blanc, les images étant ensuite bidouillées au montage avec celles tirées des Sept Bérets rouges, souvent dans un simple champ-contrechamp. Les deux films semblent ainsi se répondre, et on ne peut s’empêcher de rire devant cette immense supercherie, surtout durant le dernier acte, celui du train, qui reprend presque tout l’affrontement de la population africaine avec les soldats. Une arnaque pareille il fallait oser. Et pourtant Ecorchés vifs apparaît plus sympathique que Les Sept Bérets rouges, et encore plus quand on connaît les conditions de tournage. Alors n’hésitez pas à vous faire les deux films dans la foulée, même si l’impression de déjà-vu est forcément inévitable, mais cet écho vaut le coup d’oeil.
Accablé de dettes, battu et menacé par les créanciers, l’aventurier Rudy obtient un million de lires de sa petite amie, la prostituée Evelyn, pour rejoindre son demi-frère Franz Kubler qui, en tant que colonel mercenaire, se bat dans un pays d’Afrique. L’intention de Rudy n’est pas de rejoindre Franz, mais d’arracher au moins une partie des diamants dont il est un collectionneur bien connu. Arrivé sur place, Rudy peut assister à de nombreuses opérations de guerre qui déciment les mercenaires et placent le féroce colonel entre les mains des soldats nationalistes. Marcel, l’officier qui a pris la place de Franz, se retrouve face à une sorte de révolte de ses camarades, organise une expédition pour libérer Kubler.
Film bâtard ou dégénéré, comme une copie d’une copie qui est « toujours moins nette que l’originale » (revoyez donc Mes doubles, ma femme et moi – Multiplicity, chef d’oeuvre souvent oublié d’Harold Ramis), Ecorchés vifs ne s’emmerde pas et n’a pas dû être trop difficile à tourner, autant pour le metteur en scène que pour les acteurs d’ailleurs. On imagine très bien Mario Siciliano en train de revoir Les Sept Bérets rouges et de noter quelles scènes ou les bouts de séquences qu’il allait pouvoir reprendre pour Scorticateli vivi. En passant, contrairement à ce que le titre le laissait supposer, n’attendez aucune torture sanglante dans le film. La seule chose qui semble avoir été dépiauté, dépouillé et pelé reste Les Sept Bérets rouges.
En ce qui concerne le casting, tous les comédiens sont inconnus au bataillon. Dans le rôle principal, Bryan Rostron, vu dans Le Désert des Tartares (1976) de Valerio Zurlini et Emanuelle et les filles de Madame Claude (1978) de Joe D’Amato, livre son ultime prestation avant de disparaître complètement des écrans. Ce qui ne l’empêchera pas de devenir un écrivain et un journaliste renommé. Citons en vrac Mario Novelli (qui interprète Barney), acteur et cascadeur qui avait commencé sa carrière dans le péplum, Giuseppe Castellano, habitué des westerns italiens et vu aussi dans L’Oiseau au plumage de cristal (1970) et Le Continent des hommes poissons (1979), et surtout Stefano Cedrati, génial dans La Dernière maison sur la plage – La Settima donna (1978) de Francesco Prosperi. Entre certains comédiens qui connaissaient ici leur heure de gloire en faisant leur unique apparition au cinéma, ou d’autres qui complétaient leur filmographie qui aurait pu illustrer la rubrique « On ne sait jamais comment ils s’appellent », Ecorchés vifs mélange tout ce « beau » monde, avec les figurants africains issus des Sept Bérets rouges, pour au final livrer un honnête divertissement.
Le film est tourné comme un téléfilm érotique, à l’instar de la scène « d’amour » en début de film, dans laquelle le maquillage de Bryan Rostron (le personnage est alors amoché après s’être fait passer à tabac) coule sur le menton de la fadasse et inexpressive Karin Well. D’ailleurs, Marco Siciliano ne perd pas de temps, car en quatre minutes montre en main, on a déjà eu droit à un enlèvement, une agression et des seins exposés à la caméra. Une entrée en matière pour le moins efficace, qui sera très vite suivie par une scène de viol. Dès son arrivée en Afrique, Rudy fait face à son demi-frère Franz (qui est peut-être son père, on n’a pas très bien compris en fait), un fou du chalumeau interprété par Charles Borromel (Hercule contre les mercenaires, Le Gladiateur de Rome), qui vole la vedette à ses partenaires à chaque apparition, avec lequel les relations sont quelque peu tendues. Quand ils se retrouveront à la fin du film, leur affrontement inévitable, qui sera arbitré par un cobra, reste un bon moment. Quant à l’épilogue, il s’avère absurde et rigolo au possible.
Avec ses acteurs qui en font des caisses et qui rivalisent de grimaces, son recyclage éhonté d’un autre film, sa musique redondante, ses raccourcis narratifs décomplexés, ses dialogues recherchés (« Bastardo ! BASTARDO !!!! »), Ecorchés vifs s’apparente à une succession de scènes coupées au montage des Sept Bérets rouges, où aurait été vaguement esquissée l’histoire d’un personnage secondaire. Il en résulte une œuvre hybride amusante et un collage artisanal plaisant.
LE DVD
A l’instar des Sept Bérets rouges, Ecorchés vifs est proposé en DVD par Artus Films et intègre la collection Guerre de l’éditeur. Le visuel, très efficace, est repris d’une des affiches d’exploitation, qui s’inspire là aussi de l’affiche du premier film de Mario Siciliano ! Le menu principal est fixe et musical.
Comme il l’avait indiqué dans sa présentation des Sept Bérets rouges, Curd Ridel est de retour et indique pourquoi il fallait voir Sette baschi rossi en premier (22’). Comme le fidèle collaborateur d’Artus Films avait largement abordé la carrière de Mario Siciliano dans le bonus précédent, il se penche ici sur le casting d’Ecorchés vifs en évoquant la carrière de chaque comédien, avant de disséquer les conditions de tournage, où il n’y avait aucune vedette, ni de budget, mais où le réalisateur avait réussi à s’en sortir avec ingéniosité, en réutilisant plus de la moitié des images des Sept Bérets rouges. « Quelque part, c’est du génie » dit l’excellent Curd Ridel. On ne saurait mieux dire.
L’interactivité se clôt sur un Diaporama de photos et d’affiches d’exploitation.
L’Image et le son
Ecorchés vifs est « réalisé » dix ans après Les Sept Bérets rouges et cela se voit. L’image est plus belle, claire, stable et les couleurs sont plus prononcées. Du coup, le patchwork se voit souvent comme le nez au milieu de la figure, puisque les images provenant du premier film apparaissent plus délavées, parfois plus grumeleuses (l’assaut final à 1h09’’08)) et marquées par diverses poussières. Quelques rayures verticales (sur le plan du train à 1h01’’12), mais dans l’ensemble, ce master restauré 2K s’en sort mieux que celui des Sept Bérets rouges, qui était déjà de bonne facture.
Les version italienne et française sont disponibles en Dolby Digital 2.0. La première s’en sort mieux avec un meilleur report des dialogues, beaucoup plus naturels et aérés, ainsi qu’un report plus dynamique de la musique. La piste française apparaît plus sourde, mais le doublage vaut le coup. Les sous-titres français ne sont pas imposés.