AU-DELÀ DES APPARENCES (Last Moment of Clarity) réalisé par Colin & James Krisel, disponible en DVD le 17 février 2021 chez AB Vidéo.
Acteurs : Zach Avery, Brian Cox, Udo Kier, Samara Weaving, Karl E. Landler, Nicole Ansari-Cox, Alex Fernandez, Carly Chaikin…
Scénario : Colin & James Krisel
Photographie : Andrew Wheeler
Musique : Benjamin Patrick
Durée : 1h30
Date de sortie initiale : 2020
LE FILM
Trois ans après avoir été témoin du meurtre de sa fiancée, un homme se retrouve à la dérive, jusqu’au jour où, dans un cinéma parisien, il voit une actrice qui ressemble trait pour trait à son amour mort. Il va alors découvrir une terrible vérité…
Au-delà des apparences – Last Moment of Clarity est un premier long-métrage et cela se voit d’entrée de jeu. Cela se ressentira tout du long. Comment l’expliquer ? Dans la façon de filmer et de vouloir épater les spectateurs en voulant donner une ampleur à un cadre limité, non seulement par un budget restreint, mais aussi par un bagage technique, certes convaincant, mais scolaire. Les frères Krisel, James et Colin, sont les scénaristes et les metteurs en scène d’Au-délà des apparences, thriller néo-noir qui repose sur une esthétique léchée et soignée, ainsi que sur des comédiens bien dirigés. Pour leur coup d’essai, les réalisateurs ont également voulu rendre hommage au cinéma et à la littérature qu’ils aiment, leur film étant sans cesse imprégné par une âme hitchcockienne doublée d’un parfum fané typique d’un Pulp Magazine, sensiblement rétro, mais honnête, sincère et maîtrisée. Certes, le récit a tendance à partir dans toutes les directions, le montage est d’ailleurs le point faible du film, mais les Krisel parviennent à accrocher l’attention de leur audience du début à la fin, sur un rythme lent, mais contrôlé. Au-delà des apparences est une série B, qui ne le dissimule pas, qui transpire d’amour pour le cinéma, avec laquelle les Krisel sont visiblement heureux de s’exprimer et de démontrer ce qu’ils ont sous le capot.
Après que sa petite amie Georgia fut assassinée par des gangsters européens, Sam s’enfuit à Paris pour se cacher. Des années plus tard, il voit une femme dans un film hollywoodien dont il est certain qu’elle est sa Georgia. À nouveau à Los Angeles pour enquêter, il rencontre l’énigmatique Kat, qui décide impulsivement de l’aider dans sa quête. Mais quand Sam rencontre l’actrice mystère qu’il pense être sa petite amie défunte, sa vie devient vite hors de contrôle…
Dans Au-delà des apparences, il y a du Vertigo – Sueurs froides et du Fenêtre sur cour – Rear Window, mais aussi du Jim Thompson, du Donald Westlake – Richard Stark, du David Goodis, une odeur de pages jaunies issues d’un livre à la couverture élimée. Toutes ces références sont évidentes, assumées, pas obligatoirement digérées, puisque en voulant épater la galerie, les frères Krisel oublient quelque peu d’insuffler leurs propres personnalités à ce premier film. Force est de constater qu’ils savent filmer une ville, de jour comme de nuit, française (Paris) et américaine (Los Angeles), en bichonnant les angles de prises de vue et en bénéficiant du soutien de leur directeur de la photographie Andrew Wheeler (l’excellent Cheap Thrills d’E.L. Katz). Au-delà des apparences est un film qui a de la gueule et qui vaut le coup d’oeil.
Du point de vue interprétation, c’est pas si mal que ça, même si on pourra reprocher au comédien principal, Zack Avery, entraperçu dans le Fury de David Ayer, d’être un peu monolithique. C’est surtout le casting féminin qui s’en sort très bien ici, avec d’un côté l’australienne Samara Weaving (nièce du célèbre Hugo), vue dans les séries Ash vs. Evil Dead et Hollywood, ainsi que dans les films Monsters Cars et 3 Billboards: Les panneaux de la vengeance, et de l’autre l’américaine Carly Chaikin, à la filmographie plus obscure et où seule se distingue la série Mr Robot. Blonde et Blonde s’opposent dans ce film qui emmène les spectateurs d’un très chic café parisien (tenu ici par le grand Brian Cox) aux tapis rouges et ruelles noires de Los Angeles, en passant par les salles de cinéma (encore fermées malheureusement) du Champo, temple du septième art parisien qu’affectionne probablement les frères Krisel, au point d’en faire où le destin de leur protagoniste va basculer.
On est beaucoup plus convaincu par la forme que par le fond, somme toute banal et inutilement alambiqué, puisqu’il s’agit ni plus ni moins que d’une histoire d’un type de tous les jours, qui a vu quelque chose qu’il n’aurait pas dû voir, ce qui lui vaut finalement d’être menacé par la mafia locale (et issue de l’Europe de l’est) tenue par le légendaire Udo Kier. Le montage s’évertue à donner à quelques bribes aux spectateurs, à les induire en erreur un petit bout de temps, pour finalement révéler les faits à mi-parcours et à jouer avec l’empathie de certains personnages. Nous ne reviendrons pas sur le fait que [SPOILERS ALERT] Georgia, qui essaye de se cacher de la mafia, change juste de couleur de cheveux et devient une petite vedette montante du cinéma où son visage est souvent exposé dans les tabloïds [FIN DES SPOILERS], un élément dramatique que l’on peut aisément qualifier d’absurde. Dommage aussi que les frères Krisel n’aient pas mis la pédale douce sur l’utilisation de la musique de Benjamin Patrick, omniprésente et qui pèse sur de nombreuses scènes.
Néanmoins, Au-delà des apparences demeure un thriller sympathique, pour lequel on peut avoir beaucoup d’affection, qui est bien fait, qui nous emmène jusqu’au bout sans ennui.
LE DVD
Pas d’édition HD pour Au-delà des apparences, qui apparaît dans les bacs en DVD chez AB Vidéo. Jaquette sobre, au visuel intrigant. Le menu principal est animé et musical.
Les cinq séquences coupées (15’) présentées ici, montrent que les frères Krisel ont visiblement repensé la structure de leur intrigue au cours du montage. Cela est d’autant plus vraisemblable quand on découvre les scènes montrant le quotidien de Sam et Georgia, la seconde passant du temps (même en pleine nuit) à observer ce qui se passe dans l’immeuble d’en face, à l’aide du zoom de son appareil photo. Nous voyons également Sam au travail, apparemment dans le bureau d’une grande compagnie au sein de laquelle il exerce un poste bien placé. Même chose, alors qu’il s’agit d’un flashback rapide dans le montage final, la séquence où Ivan Demisovski aperçoit Sam en train de l’observer, était bien plus longue et détaillée, tout comme celle où les hommes de main d’Ivan Demisovski débarquent au domicile du jeune couple pour mettre la main sur les photos compromettantes et se débarrasser d’eux par la même occasion. Enfin, une scène montrait que Sam et Kat couchaient ensemble dès leur première nuit.
Le making of (7’) est en réalité une compilation d’interviews croisées des frères Krisel, du comédien Zach Avery, ainsi que des producteurs Stephen Israel et Andrew Levitas. Pas d’images de tournage, juste des propos promotionnels qui reviennent sur les conditions de tournage à Norfolk en Virginie, sur le casting et sur la genèse du film.
L’interactivité se clôt sur la bande-annonce en version française.
L’Image et le son
Pas de Blu-ray donc, ce qui est bien dommage puisque la photo est l’un des points forts d’Au-delà des apparences. Néanmoins, ce master SD s’en sort avec tous les honneurs et fait honneur au cadre large. Les couleurs sont très belles, les noirs denses, le piqué acéré, les contrastes affirmés. C’est très beau, soigné, le relief est appréciable.
Du côté acoustique, les mixages français et anglais Dolby Digital 5.1 créent un espace d’écoute suffisamment plaisant en faisant la part belle à la musique et à quelques effets latéraux. Des ambiances naturelles percent les enceintes arrière sans se forcer mais avec une efficacité chronique. Les sous-titres français sont imposés et le changement de langue impossible pendant le visionnage nécessite le recours au menu pop-up. Deux pistes Stéréo sont disponibles.