Test Blu-ray / Zig Zig, réalisé par László Szabó

ZIG ZIG réalisé par László Szabó, disponible en Edition limitée Blu-ray & DVD le 26 mars 2025 chez Pathé.

Acteurs : Catherine Deneuve, Bernadette Lafont, Walter Chiari, Jean-Pierre Kalfon, Yves Afonso, Georgette Anys, Stéphane Shandor, Jean-Pierre Maud…

Scénario : László Szabó

Photographie : Jean-Pierre Baux

Musique : Karl-Heinz Schäfer

Durée : 1h26

Date de sortie initiale : 1975

LE FILM

Marie et Pauline sont deux chanteuses de cabaret, qui rêvent de s’offrir un chalet à la montagne. Pour ce faire, les deux femmes se prostituent. Marie se trouve mêlée à une affaire concernant l’enlèvement de la femme d’un de ses clients. De plus, elle découvre que Pauline est dans le coup. Un policier retraité résout l’affaire.

László Szabó (né en 1936), c’est tout d’abord une tronche de cinéma croisée chez Claude Chabrol, Jean-Luc Godard, Costa-Gavras, François Truffaut, Éric Rohmer, Arnaud Desplechin, un nom souvent rattaché à la Nouvelle vague. Hongrois de naissance, arrivé en France quand il avait vingt ans, László Szabó, cinéphile fréquentant la Cinémathèque d’Henri Langlois, où il rencontre la bande des Cahiers du cinéma. Quand les membres de celle-ci se lancent dans le cinéma, ils n’hésitent pas à faire tourner leur ami, qui apparaîtra aussi bien dans À double tour que dans Pierrot le fou, dans L’Aveu et plus tard dans Le Dernier métro. C’est tout naturellement qu’il se lance également dans la mise en scène avec un court-métrage, Le Voyage du Lieutenant Le Bihan (1969), suivi de près par un premier long-métrage, Les Gants blancs du diable (1973), tous les deux interprétés par Bernadette Lafont et Yves Afonso. Ces deux œuvres imposent un ton singulier, un univers original et témoignent de la prédilection du réalisateur pour le côté sombre de l’existence. Il enchaîne avec Zig Zig, qui transforme l’essai et avec lequel László Szabó donne libre cours à sa fantaisie toujours teintée de noirceur, en se focalisant sur le monde de la nuit dans le quartier de Pigalle. Il réunit alors deux des plus grandes comédiennes du cinéma français, Catherine Deneuve et (cette fois encore) Bernadette Lafont, dont l’alchimie fait des étincelles à l’écran. Seulement voilà, au mi-temps des années 1970, le public se désintéresse de la première (son dernier grand succès remonte à Peau d’âne), tandis que la seconde est plongée dans le cinéma d’auteur depuis quelques années (Michel Drach, Jacques Rivette, Jean Eustache…). Résultat des courses, la barre des 300.000 spectateurs n’est même pas franchie pour Zig Zig, qui s’évapore immédiatement de la mémoire de ceux qui l’ont découvert dans les salles. Un demi-siècle après sa sortie, nous déterrons cet ovni du septième art hexagonal, qui rappelle étonnamment le cinéma de Rainer Werner Fassbinder, tout en convoquant le spectre des comédies musicales de Jacques Demy, avec une Catherine Deneuve qui chante et qui danse avec sa virevoltante partenaire. Quasiment inclassable, Zig Zig enchaîne les scènes comme s’il s’agissait d’une chronique du Paris interlope, en jouant avec les genres, en faisant perdre ses repères aussi bien aux personnages qu’à celui qui tente de suivre l’itinéraire de Pauline et Marie. C’est donc une sacrée curiosité, doublée d’une véritable expérience de cinéma.

Deux amies inséparables, Marie et Pauline, chanteuses dans une boîte de nuit de Pigalle n’ont qu’un rêve : faire construire une maison pour s’y retirer. Autour d’elles gravite un monde étrange et inquiétant et en particulier Walter, un ex médecin qui brûle d’amour pour Marie. La femme d’un ex-ministre vient d’être kidnappée et la police, en passant Pigalle au peigne fin, s’intéresse à Walter et donc aux deux filles. Pour leur malheur, Pauline se fera complice pour protéger Marie.

Chaque client a son utilité immédiate ! On baise pour construire !

Quand elle tourne Zig Zig, Catherine Deneuve vient de connaître d’importants revers au box office. Benjamin ou les mémoires d’un puceau de Michel Deville est déjà loin, tout comme Belle de jour de Luis Buñuel. Liza et Touche pas à la femme blanche de Marco Ferreri, L’Événement le plus important depuis que l’homme a marché sur la Lune de Jacques Demy et La Grande Bourgeoise de Mauro Bolognini n’ont guère déplacé les foules. Pour Zig Zig, elle accepte de devenir productrice, après avoir été convaincue par László Szabó, qui aura du mal à gérer son plateau durant tout le tournage, car très souvent sous l’emprise de l’alcool. Ce chaos ambiant se retrouve aussi à l’écran et Zig Zig a l’apparence d’un joyeux bordel (dés)organisé. Avec son aspect craspec, ses personnages hauts en couleur et ses décors qui suintent, on ne peut pas dire que cette comédie délurée soit reluisante et pourtant il s’en dégage un vrai charme propre à son époque. La photographie signée Jean-Pierre Baux (C’est pas parce qu’on a rien à dire qu’il faut fermer sa gueule de Jacques Besnard, Le Mâle du siècle de Claude Berri) participe à cette plongée on peut dire immersive dans les bas-fonds des nightclubs des quartiers chauds parisiens, dans les bars ouverts de jour comme de nuit et tenus par des gérants au sang chaud (Yves Afonso, explosif), dans les groupes de musiciens « baroques » (Jean-Pierre Kalfon, déchaîné et flippant), ou parmi les paumés vomis par la société, qui trouvent refuge auprès d’un verre de gros rouge qui tâche ou d’une pute aux bras aussi ouverts que leurs cuisses chaudes.

À ce titre, Bernadette Lafont est plus naturelle (car puant le sexe) que Catherine Deneuve, qui paraît toujours avoir une retenue dans le registre de la comédie, blocage qui n’apparaîtra plus après que la comédienne soit passée devant la caméra de Jean-Paul Rappeneau pour Le Sauvage, qui sortira quelques mois plus tard et qui la remettra d’ailleurs sur les rails. Si l’histoire avec Walter Chiari fait ralentir le film et n’a guère d’intérêt, on se délectera de la prestation du grand Hubert Deschamps, qui prend visiblement beaucoup de plaisir à être ballotté de Deneuve à Lafont, tout en couvant son œuf sous l’aisselle gauche.

Ne cherchez pas à comprendre, découvrez plutôt Zig Zig pour aussi comprendre la signification du titre (la question est d’ailleurs posée à plusieurs reprises dans le film) de ce film unique, pour ne pas dire poétique.

LE COMBO BLU-RAY + DVD

Complètement inédit en DVD et Blu-ray en France, Zig Zig apparaît dans les deux formats chez Pathé, dans la collection Pathé présente – Version restaurée. Les deux disques de ce Combo, le DVD (sur lequel apparaît Deneuve) et le Blu-ray (avec Bernadette Lafont), sont solidement harnachés dans un Digipack à deux volets très élégant, le tout glissé dans un fourreau cartonné au visuel clinquant. Le menu principal est animé et musical.

Le premier supplément est une interview croisée d’Esther Hoffenberg (réalisatrice du documentaire Bernadette Lafont : et Dieu créa la femme libre, 2016) et de Raphaëlle Bacqué (auteure en 2020 dans Le Monde d’une série en six épisodes sur Catherine Deneuve). Autant dire que les deux invitées de Pathé étaient sans doute les plus qualifiées pour nous parler non seulement des deux actrices principales de Zig Zig, mais aussi de la place de ce film étrange dans leur carrière. Deux portraits passionnants, aussi différents que complémentaires sont alors dressés durant un peu plus d’une demi-heure, chacune des intervenantes connaissant son sujet sur le bout des doigts. L’engagement politique (ou non) de l’une et de l’autre, leur notion personnelle du féminisme, les conditions de tournage de Zig Zig, le caractère indépendant des deux comédiennes, leur osmose sur le plateau (où elles deviennent les meilleures amies du monde et cela se ressent à l’écran) et bien d’autres sujets sont abordés au cours de ce module qui devrait combler les attentes de leurs fans respectifs.

L’autre bonus, tout aussi indispensable est présenté par Sébastien Le Pajolec (41’). Le maître de conférences en histoire et communication audiovisuelle à l’Université Paris 1 se focalise sur la figure de László Szabó, l’homme, le cinéphile, l’acteur, puis le réalisateur. Un grand et passionnant portrait dressé par cet expert qui livre une remarquable présentation et donne furieusement envie de découvrir ses autres mises en scène. Historien du cinéma, Sébastien Le Pajolec donne de très nombreuses informations sur les conditions de tournage de Zig Zig, qui recroise le film avec Les Gants blancs du diable, premier long-métrage de László Szabó sorti deux ans plus tôt. Le casting, l’influence du roman noir américain, les conditions de prises de vues, le montage chaotique (« avec ce refus du lien d’une séquence à l’autre sans aucune logique narrative »), l’accueil glacial de la presse, les partis-pris, les intentions du cinéaste et l’échec de Zig Zig sont les points longuement abordés. Un formidable aperçu de la « carrière dense et mystérieuse de cet artiste à la fois en retrait et pourtant très présent » qu’était (même s’il est encore en vie aujourd’hui) László Szabó.

L’Image et le son

Restauration 4K en 2024 réalisée par TransPerfect (Hiventy) à partir du négatif original. Un lifting de premier ordre, qui nous permet de (re)découvrir Zig Zig dans les meilleures conditions possibles. L’image est très propre, la stabilité est de mise grâce à un codec AVC de bon aloi, la clarté est très agréable, les contrastes équilibrés. Il en est de même pour le piqué, ciselé aux moments opportuns, le grain est relativement bien géré et la texture plutôt agréable. Notons tout de même que les séquences tournées en extérieur sont celles qui profitent le plus de cette élévation HD.

Le mixage DTS-HD Master Audio Mono instaure un réel confort acoustique. Les dialogues sont ici délivrés avec ardeur et clarté, la propreté est de mise, les effets riches et les silences denses, sans aucun souffle. La composition de Karl-Heinz Schäfer perce légèrement les tympans, mais rien de bien méchant, son nouvel écrin phonique est finalement agréable. L’éditeur joint également les sous-titres anglais français destinés au public sourd et malentendant, ainsi qu’une piste Audiovision.

Crédits images : © Pathé / Captures du Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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