VIRUS CANNIBALE (Virus) réalisé par Bruno Mattei, disponible en combo Blu-ray + DVD le 12 décembre 2020 chez Rimini Editions.
Acteurs : Margit Evelyn Newton, Franco Garofalo, Selan Karay, José Gras, Gaby Renom, Josep Lluís Fonoll, Piero Fumelli…
Scénario : Claudio Fragasso, José María Cunillés & Bruno Mattei
Photographie : John Cabrera
Musique : Goblin
Durée : 1h40
Année de sortie : 1980
LE FILM
En Nouvelle-Guinée, un accident dans une centrale nucléaire provoque de nombreuses victimes…qui reviennent mystérieusement à la vie. A Londres, deux journalistes couvrant une prise d’otages par des militants écologistes découvrent que cette centrale abritait d’étranges expériences. Ils se rendent sur place.
Que vous soyez amateurs de cinéma Bis ou non, vous avez forcément déjà entendu parler ou croiser le nom de Bruno Mattei (1931-2007) dans votre vie de cinéphile/phage. Tout d’abord monteur – comme l’était son père – chez Nick Nostro (Spartacus et les dix gladiateurs), Sergio Salima (Agent 3S3, passeport pour l’enfer, Agent 3S3, massacre au soleil) et Jesús Franco (Les Brûlantes, Les Nuits de Dracula), Bruno Mattei passe derrière la caméra en 1970 avec Armida, il dramma di una sposa, qu’il réalise sous le pseudonyme de Jordan B. Matthews. Suivront une cinquantaine de films mis en scène en près de quarante ans, principalement des séries B, ou Z plutôt, qui inonderont les salles transalpines et au-delà. Quelques titres doux pour les oreilles ? Hôtel du plaisir pour SS, Le Sexe interdit, Cicciolina amore moi, Les Novices libertines, Caligula et Messaline, Les aventures sexuelles de Néron et de Poppée, Pénitencier de femmes, Les Rats de Manhattan et bien d’autres. Mais s’il y a un film qui reste et restera emblématique de la carrière prolifique de Bruno Mattei et qui demeure chéri par les spectateurs, c’est bel et bien Virus, plus connu en France sous le titre plus explicite, L’enfer des morts vivants ou bien encore Virus cannibale. Immense série Z que l’on peut voir et revoir sans jamais se lasser, cette œuvre fantastique et d’horreur (le premier du réalisateur) à l’italienne enchaîne les morceaux de bravoure comme des perles sur un collier, de façon complètement décomplexée, sans aucun recul sur l’aspect catastrophique de l’ensemble. Il en résulte encore aujourd’hui un nanar monumental, hilarant du début à la fin, un colossal divertissement pour lequel on ne peut avoir qu’une extrême sympathie.
Des morts reviennent à la vie et deviennent cannibales peu de temps après leur décès à la suite d’un accident dans une centrale nucléaire en Papouasie-Nouvelle-Guinée. En relatant une prise d’otages faite par des écologistes, une journaliste et son cameraman apprennent par ces derniers que des expériences étranges devant régler le problème de la surpopulation ont lieu dans cette centrale. Ils se rendent alors sur place accompagnés de quelques soldats d’élite en mission secrète afin de découvrir ce qui se passe réellement là-bas…
Virus cannibale n’est pas un film que l’on peu raconter, mais que l’on doit avant tout vivre, car il s’agit d’une expérience cinématographique à part entière. A l’instar de certains « classiques » du genre, comme T’aime (2000) de Patrick Sébastien, il y a un avant et un après Virus cannibale, car après avoir visionné le film, le spectateur n’aura qu’une hâte, le revoir à nouveau, si possible en version française pour l’apprécier encore plus. A ce titre, nous vous conseillons si vous le pouvez d’enclencher les sous-titres français en même temps, afin de vous rendre compte de « l’adaptation » réalisée dans nos contrées et de voir qu’une très grande partie a été purement et simplement improvisée dans la langue de Molière. Pour une plus large exploitation, Bruno Mattei signe son film sous le nom de Vincent Dawn, dont le patronyme provient bien sûr du titre Dawn of the Dead, autrement dit le Zombie de George A. Romero, dont le montage européen avait été supervisé par Dario Argento. D’ailleurs, le metteur en scène ne se gène pas pour en reprendre une bonne partie de la composition originale des Goblin, ainsi que celle de Blue Holocaust ! Alors qu’une vague de morts vivants commence à déferler dans les cinémas du monde entier, Bruno Mattei s’est dit « et pourquoi pas moi ? » après avoir vu un documentaire sur la Nouvelle-Guinée. Devant ces images, le réalisateur y a sûrement vu la matière, autrement dit des tonnes d’images qu’il pourrait piller allègrement – sa spécialité – pour ensuite construire une pseudo-histoire de contamination qui ravagerait une partie de la population.
S’il est aujourd’hui difficile de savoir qui est responsable de quoi au niveau du scénario pour lequel ont collaboré le fidèle Claudio Fragasso (Troll II, c’est lui !), pour lequel on dit souvent qu’il était bien plus qu’un simple assistant-réalisateur et qui remplaçait même parfois au pied-levé un comédien absent au dernier moment, José María Cunillés (futur co-producteur de Marquise de Véra Belmont) et Bruno Mattei lui-même, force est de constater que le récit devait vraisemblablement être imaginé au jour le jour. Rien, absolument rien ne fonctionne dans Virus cannibale et c’est là que le miracle se crée, puisque le film est pourtant génial dans son genre, dans son refus de cohérence, d’être crédible, et surtout d’être sérieux. Car qui pourrait croire que Virus cannibale ait été tourné avec réflexion, attention et rigueur ? Ce qui semble importer à Bruno Mattei semble être avant tout d’offrir aux spectateurs une récréation de 90 minutes, durant lesquelles ils oublient tous leurs soucis et la morosité du quotidien, à travers une histoire (mal) racontée, mais sincère dans sa démarche et qui possède surtout une âme d’artisan. A la fin, le produit fini ne correspond pas du tout à ce que l’audience espérait, mais n’en demeure pas moins satisfait car Virus cannibale agit comme une petite attraction délabrée d’une fête foraine, qui à première vue ne paye pas de mine, mais qui remplit largement son contrat d’émotions, ici en l’occurrence la joie et le bonheur communiqués à travers le rire. Le cinéma de genre populaire, au sens le plus noble du terme.
Avec ses dialogues tordants, sa photo misérable, son montage aux pâquerettes (constitué d’une tonne de stock-shots, de nombreux provenant de La Vallée de Barbet Schroeder), ses séquences nawak (un plan-boobs totalement gratos, mention spéciale à la prise d’otages et à celle de l’assaut dans la maison où un des soldats douteux habillés comme des plombiers revêt un tutu vert et se met chanter Chantons sous la pluie), ses personnages aux motivations invraisemblables, ses figurants improbables (certains se marrent même entre eux, d’autres imitent les zombies et marchent comme des robots mécaniques, le visage passé au fond de teint verdâtre), sans oublier ses effets gores sympathiques et son mauvais casting porté par la pitoyable Margue Newton (vue la même année dans Héros d’apocalypse – L’ultimo cacciatore d’Antonio Margheriti) flanquée d’un clone de Gérard Blanc comme partenaire et le frappadingue Franco Garofalo («J’AI DIT QU’IL FALLAIT VISER LA TÊÊÊÊÊTE !!!! ») dans le rôle de Zantoro, Virus cannibale est aussi incontournable qu’indispensable pour tous les amoureux du cinéma d’exploitation et de comédies involontaires. Un grand spectacle !
LE COMBO
Rimini Editions inaugure la collection 100 % culte ! On accueille les bras ouverts ce premier titre, Virus cannibale, disponible en combo Blu-ray+DVD. Les deux disques – à la sérigraphie identique – reposent dans un boîtier classique de couleur noire, glissé dans un fourreau cartonné au visuel forcément trèèès attractif. Le menu principal est animé et musical.
L’excelleeeent Christophe Lemaire nous fait une longue et brillante présentation de Virus cannibale (28’). Un très bon moment durant lequel le journaliste de cinéma revient notamment sur « ce film à part dans le cinéma Bis italien, une sorte de choc, une œuvre nonsensique, absurde, surréaliste » qu’est Virus cannibale, qui découle des succès de Zombie de George A. Romero (dont il s’agit d’un copier-coller) et de L’Enfer des zombies de Lucio Fulci. Puis, Christophe Lemaire en vient à parler plus précisément de Bruno Mattei, dont il dresse le portrait et dont il relève quelques motifs récurrents que l’on retrouve à travers ses films, à savoir l’utilisation massive de stock-shots (issus d’autres films ou de documentaires), une direction d’acteurs « particulière » (avec des personnages souvent serrés dans un plan, un surjeu éhonté) et d’autres. L’invité de Rimini Editions évoque également l’autre « chef d’oeuvre » du réalisateur, à savoir Les Rats de Manhattan, sa collaboration avec Claudio Fragasso, ainsi que sa propre découverte du film au cinéma en mars 1983 avec l’équipe de Starfix. Un souvenir indélébile et que nous vous laisserons découvrir.
Au cours de son intervention sur Virus cannibale, Christophe Lemaire signale l’existence d’un livre, que l’on pourrait qualifier d’ultime, sur Bruno Mattei, écrit par l’indispensable David Didelot et intitulé Bruno Mattei, itinéraire Bis (Artus Films, 2016). Rimini Editions propose dans un petit livret de 20 pages glissé dans le boîtier, un entretien de David Didelot, mené par Maxime Lachaud (àVoir-àLire, 29 juin 2016). L’occasion pour le créateur du fanzine Vidéotopsie de revenir en long en large, et toujours avec une grande sensibilité et une passion contagieuse, sur Bruno Mattei, pour lequel il a toujours eu une immense affection. Après avoir lu cette interview, vous ne verrez plus le réalisateur de la même façon et vous n’aurez qu’une envie, celle de vous procurer (comme vous le pourrez) quelques-unes de ses pépites !
L’Image et le son
Voilà un très beau master HD. La propreté est au rendez-vous, tout comme la stabilité. Le générique est en langue anglaise. L’aspect est parfois sensiblement voilé, l’éclairage luminescent, tandis que certaines scènes (très peu) paraissent légèrement grisâtres ou moins définies avec des visages blafards. Les plans flous sont d’origine, mais les contrastes sont au beau fixe. Evidemment, les stock-shots se voient comme le nez au milieu de la figure avec un grain argentique complètement différent (pour ne pas dire grumeleux), quand ce n’est pas carrément le format de l’image ! Toujours est-il que nous étions loin d’imaginer que nous verrions un jour Virus cannibale dans d’aussi belles conditions.
En italien (aux sous-titres non imposés) comme en français (largement conseillé pour une projection plus amusante), le confort acoustique est conséquent – même si plus convaincant en version originale – avec une excellente restitution des dialogues et de la musique de Goblin. Pas de souffle constaté, c’est fluide et dynamique.