VIGILANTE – JUSTICE SANS SOMMATION (Vigilante) réalisé par William Lustig, disponible en combo Blu-ray/DVD chez Le Chat qui fume
Acteurs : Robert Forster, Fred Williamson, Richard Bright, Rutanya Alda, Don Blakely, Joseph Carberry, Willie Colón, Joe Spinell, Carol Lynley, Woody Strode, Vincent Beck…
Scénario : Richard Vetere
Photographie : James Lemmo
Musique : Jay Chattaway
Durée : 1h29
Année de sortie : 1983
LE FILM
Après le meurtre de son fils et les violences faites à sa femme, un modeste électricien rejoint la milice de son quartier à laquelle il avait toujours refusé sa participation.
« Je ne sais pas pour vous les gens, mais moi j’en ai jusque-là ! »
William Lustig démarre sa carrière en réalisant quelques films pornographiques sous le nom de Billy Bag. Hot Honey (1977) et The Violation of Claudia (1978) ne resteront pas dans les mémoires, ou uniquement dans celles de ceux qui auront côtoyé les salles spécialisées dans quelques quartiers mal famés de New York. Maniac, son premier véritable long métrage devient un phénomène mondial. Son comédien, scénariste et producteur Joe Spinell devient une icône de l’épouvante et le film lance le cinéaste. Il faudra toutefois attendre 1983 pour que William Lustig livre son deuxième film. Ce sera Vigilante, plus connu en France sous le titre Vigilante, justice sans sommation, qui sera un gigantesque succès dans les vidéoclubs hexagonaux. L’action se déroule toujours à New York et le cinéaste s’intéresse cette fois à l’autodéfense apparue dans les rues devenues mal famées (plus de deux millions d’armes illégales sont en circulation), où les habitants avaient fini par s’entraider, ne pouvant plus compter sur les forces de l’ordre pour les défendre face à la criminalité toujours en hausse. Les new-yorkais avaient créé leur propre police de quartier, n’hésitant pas à avoir recours à quelques méthodes expéditives. Un sujet qui revenait de droit à William Lustig, qui signe ici un de ses meilleurs films, peut-être le plus grand de sa carrière.
Pour s’être interposée dans une station-service contre des voyous qui maltraitaient un vieil homme, Vickie Marino se fait sauvagement agresser à son domicile par la bande de délinquants. Durant l’assaut, son petit garçon est tué et elle-même grièvement blessée. Écœuré par l’incompétence des instances judiciaires, l’impuissance de la police et la corruption qui gangrène la ville de New York, son mari, Eddie Marino, finit par rejoindre un groupe de justiciers pratiquant l’autodéfense, agissant contre les proxénètes, les gangs et les trafiquants de drogue.
Western urbain inspiré par le néo-polar italien, Vigilante permet à William Lustig de rendre hommage au cinéma qu’il affectionne depuis des années. Le Vieux fusil (1975) de Robert Enrico, L’Agression (1975) de Gérard Pirès, Un justicier dans la ville (1974) de Michael Winner, Rolling Thunder (1977) de John Flynn ont déjà prouvé que le sujet exerce une fascination auprès des spectateurs. A l’instar de Légitime violence de Serge Leroy, le film de William Lustig n’est pas un vigilante où le personnage principal décide de faire justice lui-même en supprimant ceux qui ont détruit sa vie, mais qui se sent poussé à le faire par ses fréquentations. Bien plus dramatique et surtout intelligent qu’on ne le suppose au premier abord, le thriller de William Lustig ne fait pas l’impasse sur le traumatisme du personnage principal, merveilleusement incarné par le grand et regretté Robert Forster, qui essaye tout d’abord de repousser cette idée qu’il trouve inimaginable, avant de se retrouver seul, face à lui-même.
Le récit interroge constamment sur le libre-arbitre et le passage à l’acte. Les hommes politiques sont corrompus, les flics sont dépassés par les événements, manquent à la fois de budget et de personnel. Chose étonnante, le protagoniste ne tombe pas dans la solution « facile » de prendre la pétoire et de décimer ceux qui ont tué son enfant (une séquence aussi osée que difficile) et agressé sa femme, mais cherche avant tout à comprendre comment les truands peuvent repartir libres après quelques parodies de procès. Le poliziottesco parcourt les veines de Vigilante, le néo-polar italien qui fleurissait dans les salles transalpines où la violence des rues était montrée de façon brutale avec leurs conséquences sur les petites gens.
Depuis Règlement de comptes – The Big Heat (1953) de Fritz Lang avec Glenn Ford et Lutte sans merci – 13 West Street (1962) de Philip Leacock avec Alan Ladd, deux des premiers vigilantes de l’histoire du cinéma, le genre a évolué en même temps que la situation économique, sociale et politique du pays. Au début des années 1980, New York est l’enfer sur terre et William Lustig, né dans Le Bronx en 1955, connaît ce terrain de chasse, éminemment cinégénique. Alors que Maniac était tourné en 16mm, le réalisateur bénéficie ici du 35mm et du CinémaScope. Vigilante est un film qui a de la gueule, qui n’embellit pas la crasse, mais qui trouve cet équilibre entre volonté documentaire et spectacle cinématographique. La photographie signée James Lemmo (L’Ange de la vengeance d’Abel Ferrara, autre vigilante) est très élégante, la musique de Jay Chattaway entêtante, le cadre large excellemment exploité comme à la grande époque du cinéma des années 1970. A ce titre, la poursuite finale tient encore rudement bien le coup.
Outre Robert Forster, qui crève littéralement l’écran et dont la prestation marquera le jeune Quentin Tarantino qui lui offrira plus tard l’un des plus beaux rôles de sa carrière dans Jackie Brown (1997), mentionnons également le prolifique et légendaire Fred Williamson. Habitué des films d’exploitation (Les Guerriers du Bronx, Black Caesar, le parrain de Harlem), le comédien étonne ici par la sobriété de son jeu. La séquence d’ouverture durant laquelle son personnage s’adresse à des individus prêts à rejoindre son « équipe » en exposant les faits (« la rue appartient à la racaille dès le crépuscule ») et ce qui l’a conduit à avoir recours à l’autodéfense est un des grands moments du film. Sans oublier la participation toujours indispensable du grand Joe Spinell.
C’est tout cela Vigilante. Parvenir à rester efficace – les scènes brutales restent très violentes – malgré les années qui passent, demeurer un formidable et jubilatoire moment de cinéma.
LE COMBO DVD/BLU-RAY
A l’instar de Fair Game et de Next of Kin dont nous parlions dernièrement, Vigilante est disponible chez Le Chat qui fume, dans une édition limitée à 1000 exemplaires, composée du DVD et du Blu-ray du film de William Lustig. Les deux disques sont disposés dans un Digipack à trois volets, reprenant deux très beaux photogrammes de Vigilante. L’ensemble est glissé dans un fourreau cartonné du plus bel effet, liseré bleu, reprenant un des célèbres visuels du film. Le menu principal est animé et musical.
Déjà invité par Le Chat qui fume sur ses éditions de Tropique du cancer et La Longue nuit de l’exorcisme, le scénariste Fathi Beddiar propose une large présentation de Vigilante de William Lustig, mais également un portrait de la ville de New York à la fin des années 1970 et du début des années 1980 (50’), « un asile de fous à ciel ouvert ». Connaissant par coeur le sujet, Fathi Beddiar commence ce module en indiquant que les termes justicier et auto-défense ne sont pas les traductions de « vigilantism ». Le scénariste avance des arguments, longuement et finement détaillés, indiquant par exemple que « vigilantism » indique « une sociopathie déguisée en altruisme » et « n’a absolument rien d’héroïque ». Quelques titres de films sur ce se thème sont avancés, comme L’Homme aux colts d’or (1959) d’Edward Dmytryk, Un Justicier dans la ville (1974) de Michael Winner, ou bien encore le formidable et méconnu L’Incident (1968) de Larry Pierce. Après avoir brillamment présenté le contexte social et politique de New York qui a conduit à l’autojustice dans certains quartiers de la ville, Fathi Beddiar en vient plus précisément au film qui nous intéresse. Les références de William Lustig sont également passées en revue (le cinéma italien), ainsi que les partis pris, la musique, la photographie, le casting. Fathi Beddiar précise que si le film reste un excellent film d’action, le récit n’est jamais réaliste et ne tient pas debout, contrairement à Serpico de Sidney Lumet. Quelques séquences du film sont analysées, tout comme les conditions de tournage. Enfin, Fathi Beddiar clôt ce bonus en revenant sur la carrière de William Lustig (on apprend que Quentin Tarantino désirait lui confier les rênes de True Romance) et sur ses propres souvenirs liés à la location en VHS des films du cinéaste dans quelques vidéoclubs de quartier.
Enchaînez directement avec le commentaire audio (vostf) du réalisateur William Lustig, accompagné par les comédiens Robert Forster, Fred – « le marteau » – Williamson et Frank Pesce. Les trois complices partagent leurs souvenirs liés au tournage de Vigilante, un film qui a visiblement marqué tout ce beau monde. Les thèmes, les conditions des prises de vues, le casting, les partis pris, les références (Lustig évoque les films de Castellani, Sollima, Lenzi), sont abordés, tout comme leur ami Joe Spinell et le grand succès du film. A ne pas manquer.
L’interactivité se clôt sur quatre films-annonces, le teaser américain (reprenant la première scène du film), la bande-annonce française (« les flics s’en foutent ! » , « Criminels attention ! Nous sommes armés ! Nous sommes prêts ! ») le film-annonce italien, la bande-annonce allemande (sous le titre Street Fighters), plus des bandes-annonces de films déjà ou prochainement disponibles chez Le Chat qui fume.
L’Image et le son
Le Chat qui fume nous gratifie d’un master HD (1080p, AVC) impressionnant, présenté dans son format original 2.35 (16/9, compatible 4/3). La propreté de la copie est indéniable, la restauration ne fait aucun doute, les contrastes sont très beaux, les noirs sont denses, le cadre large fourmille de détails avec un piqué très pointu. Le grain est très bien géré, l’ensemble stable sans bruit vidéo, les couleurs concoctées par James Lemmo sont agréables pour les mirettes, souvent rutilantes. Hormis divers plans plus doux, le charme opère et l’on (re)découvre Vigilante avec ses partis pris esthétiques originaux.
La version originale bénéficie d’un remixage DTS-HD Master Audio 5.1 et même 7.1 ! Au premier abord on pouvait craindre le pire. Il n’en est rien, bien au contraire. Ces options acoustiques séduisantes permettent à la composition de Jay Chattaway d’environner le spectateur pour mieux le plonger dans l’atmosphère du film. Les effets latéraux ajoutés ne tombent jamais dans la gratuité ni dans l’artificialité, à l’instar des bruits de la circulation dans les rues encombrées de New York, les ambiances naturelles sont immersives, tandis que le caisson de basses rugit aux moments opportuns comme lors de la séquence de fusillades ou la poursuite finale. De plus, les dialogues ne sont jamais noyés et demeurent solides, la balance frontale assurant de son côté le spectacle acoustique, riche et dynamique. Mais que les puristes se rassurent, un excellent mixage DTS-HD Master Audio 2.0 est également disponible. Cette piste se révèle d’ailleurs très percutante et propre, la version française disposant également d’un encodage DTS-HD Master Audio 2.0 au doublage soigné avec Bernard Murat et Med Hondo qui prêtent leur voix à Robert Forster et Fred Williamson.