UNE VIE CACHÉE (A Hidden Life) réalisé par Terrence Malick, disponible en DVD et Blu-ray le 10 juin 2020 chez UGC.
Acteurs : August Diehl, Valerie Pachner, Maria Simon, Tobias Moretti, Bruno Ganz, Matthias Schoenaerts, Karin Neuhäuser, Ulrich Matthes…
Scénario : Terrence Malick
Photographie : Jörg Widmer
Musique : James Newton Howard
Durée : 2h53
Date de sortie initiale : 2019
LE FILM
Franz Jägerstätter, paysan autrichien, refuse de se battre aux côtés des nazis. Reconnu coupable de trahison par le régime hitlérien, il est passible de la peine capitale. Mais porté par sa foi inébranlable et son amour pour sa famille, Franz veut rester un homme libre et entreprend une correspondance avec sa femme Franziska, qui est restée au village.
Alors que 20 ans séparaient Les Moissons du ciel et La Ligne rouge, Terrence Malick a pris un nouvel envol depuis le triomphe de The Tree of Life (Palme d’or au Festival de Cannes en 2011) puisque seulement deux ans ont séparé les sorties de ce dernier et A la merveille, soit l’écart le plus court entre deux films pour le cinéaste. Premier opus d’une trilogie « sur la vie », le film reprenait les motifs merveilleusement installés dans The Tree of Life, sans jamais parvenir à retrouver la magie qui s’en dégageait. Sorti en 2015, Knight of Cups était encore plus hermétique et les fans du cinéaste de la première heure commençaient sérieusement à désespérer de le voir à nouveau inspirer. Certains avaient même commencé à lui tourner le dos et à prendre la poudre d’escampette. Après un documentaire intitulé Voyage of time : au fil de la vie, narré par Brad Pitt dans la version IMAX et par Cate Blanchett dans la version 35-millimètres, Song to Song arrivait dans les salles avec beaucoup d’appréhensions. Et là, le miracle ! La réaction chimique qui se créait en visionnant The Tree of Life, était là. Alors qu’A la merveille et Knight of Cups faisaient penser à un montage de « scènes coupées » de The Tree of Life, Song to Song semblait être le film que recherchait Terrence Malick à travers ses deux films précédents. S’il restait indéniablement lié sur le fond (la foi, le souvenir, la passion qui se délite, la solitude, la mélancolie) comme sur la forme aux deux films précédents, Song to Song retrouvait ce qu’il leur manquait, l’émotion. Deux ans plus tard, le cinéaste est de nouveau sur le devant de la scène avec Une vie cachée – A Hidden Life. Cette fois, Terrence Malick parvient non seulement à prolonger son dispositif visuel et narratif, mais il livre aussi en même temps son œuvre la plus accessible depuis Les Moissons du ciel, et pas seulement en raison de la linéarité de son récit.
Une vie cachée est non seulement une nouvelle expérience sensorielle, mais également un rollercoaster d’émotions, celles qui nous avaient tant subjugués dans The Tree of Life. Puzzle visuel, voix-off qui s’entrelacent, caméra en apesanteur, décors sublimes filmés en lumière naturelle, Une vie cachée respecte le cahier des charges établi par le cinéaste lui-même avec sa Palme d’Or, tout en s’affranchissant de toutes les autres règles, mais parvient enfin à faire exister ses personnages, dont on se désintéressait totalement dans A la merveille et Knight of Cups. Le nouvel essai entrepris avec Song to Song, est cette fois complètement transformé avec Une vie cachée. Terrence Malick reprend la même structure patchwork poétique, pudique, sensible et lyrique, ainsi que sa caméra légère, aérienne, qui virevolte et caresse les personnages. L’usage de plusieurs voix-off est enfin essentielle et justifiée – il s’agit d’une correspondance – et permet de lier ce couple magnifique, sublimement interprété par August Diehl (vu dans L’Empereur de Paris de Jean-François Richet) et Valerie Pachner (prochainement dans The King’s Man : Première mission de Matthew Vaughn). Une vie cachée foudroie du début à la fin pendant près de trois heures.
A travers ce drame psychologique, Terrence Malick livre un portrait personnel de Franz Jägerstätter, objecteur de conscience autrichien, béatifié et déclaré martyr par Benoit XVI en 2007. En 1938, après l’arrivée des troupes d’Hitler en Autriche, cet homme de 31 ans et père de trois enfants avait été le seul de son village, St. Radegund, à voter contre l’Anschluss. Il refusait ensuite catégoriquement de combattre pour le Troisième Reich. Il est alors emprisonné à Linz, avant d’être guillotiné en août 1943 à la Prison de Brandebourg, où les prisonniers étaient condamnés à mort pour des motifs politiques. Pendant 90 minutes, Terrence Malick pose son décor, ses personnages principaux, leur environnement, leurs relations, en montrant un paradis terrestre (extraordinaire photographie de Jörg Widmer, ancien opérateur Steadicam sur les quatre derniers films du cinéaste), où la nature luxuriante et le ciel azur se confondent, les montages semblant flotter en toile de fond. Puis cet Eden est parasité, gangrené, par l’arrivée du nazisme. Rattrapé par l’Histoire, le fermier autrichien est enrôlé de force, mais indique très vite être en désaccord avec le régime hitlérien. Les 90 minutes suivantes se focalisent sur son emprisonnement, les brimades, les tentatives d’endoctrinement par les autorités pour lui faire entendre raison. Mais Franz reste sur ses positions, tandis que sa femme Fani subit les foudres des habitants de son village.
Chez Terrence Malick, l’amour absolu existe et transcende tout, y compris les lois de la physique, comme un Big Bang. L’amour est synonyme d’élévation et rapproche l’homme de Dieu, même si la barbarie règne sur Terre. Osmose parfaite, phénoménale et organique entre la mise en scène, la musique de James Newton Howard, le montage et la photographie, sans oublier des acteurs filmés comme des astres qui éclairent la galaxie personnelle de son auteur, Une vie cachée est un chef d’oeuvre absolu et envoûtant.
LE BLU-RAY
Changement de crèmerie pour le dernier bébé de Terrence Malick, puisqu’Une vie cachée est cette fois disponible chez UGC. Le visuel de la jaquette reprend celui de l’affiche d’exploitation. Boîtier classique de couleur bleue. Le menu principal est animé et musical.
Aucun supplément sur l’édition classique. Pour en savoir plus sur le film, reportez-vous à l’édition Spéciale Fnac qui contient une longue analyse d’Une vie cachée par Philippe Rouyer.
L’Image et le son
L’univers visuel de Terrence Malick sied à merveille au support Blu-ray, d’autant plus que le cinéaste a utilisé la caméra Red Epic armée d’objectifs divers qui se marient comme par magie. UGC livre un magnifique master HD. Les partis pris esthétiques du chef opérateur August Diehl passent remarquablement le cap du petit écran et les détails foisonnent aux quatre coins du cadre large. Les contrastes affichent une densité impressionnante, le piqué est tranchant comme un scalpel y compris sur les scènes sombres habituellement plus douces. La profondeur de champ est abyssale, les détails se renforcent et abondent en extérieur jour, la colorimétrie est vive, bigarrée et étincelante dès la première séquence, le relief demeure palpable tout du long. Un transfert estomaquant de beauté, une clarté voluptueuse, le tout conforté par un encodage AVC solide comme un roc, voilà un nouveau Blu-ray de démonstration.
Expérience cinématographique sensorielle et hypnotique, la palette d’émotions est aussi instaurée par le son dans Une vie cachée. Autant dire que les mixages DTS-HD Master Audio 5.1 multilingue et français remplissent aisément leur contrat, même si la version originale l’emporte sur son homologue du point de vue homogénéité des dialogues, effets (de la nature principalement, mais aussi les cloches d’églises, les vaches et les moutons, la scierie, la faux dans les champs) et musique (plus perçante en v.o.), ainsi que du point de vue spatialisation et ardeur. En multilingue, l’immersion se fait plus palpable avec une intégration plus limpide des voix, tandis qu’en français les échanges des comédiens prennent souvent le dessus par rapport aux effets annexes. Dans les deux cas, le confort acoustique est largement assuré et la balance frontales-latérales demeure brillante. Les sous-titres français sont imposés sur la version originale.