TOUS LES DIEUX DU CIEL réalisé par Quarxx, disponible en Édition Collector Blu-ray + DVD le 18 février 2020 chez Extralucid Films.
Acteurs : Jean-Luc Couchard, Melanie Gaydos, Thierry Frémont, Zélie Rixhon, Albert Delpy, Loïc Houdré, Xavier Mussel, Chryssa Florou…
Scénario : Quarxx
Photographie : Antoine Carpentier
Musique : Kevin Simon
Durée : 1h42
Année de sortie : 2018
LE FILM
Simon, trentenaire, travaille à l’usine et vit reclus dans une ferme décrépite. C’est un homme solitaire, en charge de sa sœur Estelle, lourdement handicapée à la suite d’un jeu qui a mal tourné dans leur enfance. Malgré ses remords et l’agressivité du monde environnant, Simon garde au plus profond de sa chair le secret espoir de sauver sa sœur en la libérant de la pesanteur terrestre. Et si leur salut venait des cieux ?
Quarxx. Retenez-bien ce nom car vous risquez d’en entendre parler ces prochaines années. C’est ce qu’on se dit après avoir visionné Tous les dieux du ciel, le premier long-métrage d’Alexandre Claudin (qui se dissimule derrière cet étrange pseudo), version « étendue » de son court-métrage Un ciel bleu presque parfait. Ayant du mal à trouver les financements pour son long-métrage, Quarxx décide de tourner ce qui correspond à un tiers de son scénario, pour en tirer un court-métrage de 36 minutes, en espérant que celui-ci soit remarqué, afin d’obtenir le budget nécessaire pour aller au bout de son projet initial. Bien lui en a pris, car Un ciel bleu presque parfait a été un triomphe partout où le film a été projeté, de Sundance à Hollywood, en passant par Paris, Columbus, San Diego, Montréal, Clermont-Ferrand…Récompensé à de multiples reprises pour son film, Quarxx a réussi son pari et a pu obtenir les fonds nécessaires pour mettre en scène son premier long-métrage. Il en résulte un vrai coup de maître, une œuvre coup de poing, terrifiante et dérangeante qui nous serre les entrailles durant 1h35, qui nous effraie certes à plusieurs reprises en jouant sur la notion de l’horreur au quotidien, mais surtout qui n’oublie jamais l’émotion. C’est d’ailleurs sur ce dernier point où l’on ne s’attendait pas à être littéralement cueilli, car Tous les dieux du ciel a beau avoir l’apparence d’un (superbe) film fantastique et d’épouvante, le film de Quarxx est avant tout un vrai drame familial et psychologique, un conte macabre magistralement interprété par Jean-Luc Couchard et l’incroyable Melanie Gaydos.
Simon vit dans une ferme isolée avec sa soeur Estelle, alitée dans un état végétatif. Suite à son licenciement, Simon rompt encore plus le ban avec la société et se replie sur ses obsessions paranoïaques, en quête éperdue d’un contact avec un autre monde.
Tous les dieux du ciel est un film sur le trauma, sur la culpabilité, sur le sacrifice, sur la folie, sur l’amour fraternel, sur la solitude. Et l’on pourrait continuer longtemps ainsi tant le récit renferme des thèmes, des sentiments, des non-dits. Une richesse insoupçonnée se révèle, strate par strate, au fur et à mesure que les personnages principaux se dévoilent, surtout après la séquence de l’accident survenu pendant l’enfance de Simon et Estelle. Une scène qui joue sérieusement avec les nerfs des spectateurs, dont on se doute de l’issue, mais qui parvient quand même à nous surprendre. Simon est interprété par Jean-Luc Couchard, comédien belge aperçu brièvement en 2001 dans Grégoire Moulin contre l’humanité du regretté Artus de Penguern, puis réellement découvert dans Calvaire de Fabrice Du Welz en 2004, avant d’enchaîner avec le formidable (et culte) Dikkenek (2005) d’Olivier Van Hoofstadt. S’il s’est ensuite perdu dans quelques obscures comédies (Taxi 4, Les Dents de la nuit, Le Baltringue, Babysitting 2, Les Visiteurs : La Révolution), Jean-Luc Couchard revient sacrément en force dans Tous les dieux du ciel, dans lequel il fait preuve d’une réelle gravité, mais toujours teintée d’humour noir, et surtout d’une vraie présence à l’écran. C’est aussi le cas de sa partenaire, Melanie Gaydos, qui interprète Estelle. Pour incarner la sœur alitée et défigurée de Simon, Quarxx aura cherché pendant un an celle qui pourrait incarner « un mal-être visuel immédiat, une sensation instantanée de réalisme et de malaise », voulant également ne pas avoir recours à quelques prothèses qui auraient sans doute créé une distance avec le spectateur. Quarxx est alors tombé sur Melanie Gaydos, mannequin atypique atteinte depuis sa naissance d’une dysplasie ectodermique, un trouble génétique rare qui affecte le développement de ses dents, ongles, cheveux ainsi que ses os et son cartilage. Un physique pour le moins atypique, qui marque effectivement les spectateurs. Mais ce qui frappe surtout les esprits et ce bien après le visionnage, c’est l’immense sensibilité qui se dégage du regard ahurissant de la comédienne, dont la présence impériale est une des grandes composantes de la réussite de Tous les dieux du ciel. A mesure de l’histoire, le personnage se déploie, se redresse, renaît, subit, se relève, pleure et se révèle, avec une émotion foudroyante. Notons l’autre grande découverte du film, celle de la très jeune Zélie Rixhon, qui fait preuve autant de charisme que de maturité pour une pré-ado de 13 ans, et qui a déjà confirmé son talent précoce au cinéma dans L’Incroyable Histoire du facteur Cheval de Nils Tavernier et Les Parfums de Grégory Magne, ainsi qu’à la télévision dans la série Mytho réalisée par Fabrice Gobert (Simon Werner a disparu…, K.O.).
Au-delà du rollercoaster émotionnel où nous convie Quarxx, Tous les dieux du ciel se double d’une très grande réussite plastique et formelle avec tout d’abord la sublime photographie d’Antoine Carpentier, qui subjugue du début à la fin, un montage percutant et des effets maquillages saisissants concoctés par le génial David Scherer (Les Garçons sauvages, Laissez bronzer les cadavres, Le Serpent aux mille coupures). N’oublions pas l’envoûtante composition de Kevin Simon, qui enveloppe délicatement l’ensemble, comme l’écrin pour un diamant.
En dépit de sa fascinante réussite, Tous les dieux du ciel n’a pas connu la carrière qu’il aurait dû avoir au cinéma, notamment en raison d’une sortie confidentielle dans une combinaison de sept salles en France. Heureusement, l’engouement des spectateurs adeptes de cinéma de genre, mais aussi celui d’un public plus « traditionnel », ainsi que la magnifique édition collector concoctée par Extralucid Films ont su déjà insuffler une deuxième vie au premier long-métrage de Quarxx, qui mérite tous les louanges et dont on attend le second avec une grande impatience !
L’ÉDITION COLLECTOR BLU-RAY + DVD
C’est avec ce titre que l’aventure a commencé pour l’éditeur Extralucid Films dont nous avons désormais rattrapé les cinq premiers opus sortis dans les bacs ! Pour ce premier titre édité en février 2020 peu avant le premier confinement, l’éditeur a réalisé un objet splendide, qui prend la forme d’un Digipack à trois volets, glissé dans un fourreau cartonné au visuel à la fois élégant et recherché. Cette édition renferme trois disques, le Blu-ray du film (avec l’intégralité des suppléments) et deux DVD (le film d’un côté, les suppléments de l’autre). Vous trouverez aussi un livret de 28 pages, contenant la reproduction du dossier de presse original (avec une note d’intention et une interview de Quarxx, les biographies du réalisateur, de Jean-Luc Couchard et de Melanie Gaydos). Le menu principal est animé et musical.
C’est parti pour quelques heures de suppléments ! On commence immédiatement avec l’excellent commentaire audio de Quarxx et de Jean-Luc Couchard. Les deux collaborateurs et amis reviennent sur chaque point essentiel du film, en parlant du casting, du titre, des conditions de tournage (du court-métrage Un ciel bleu presque parfait au long-métrage Tous les dieux du ciel), des partis-pris et des intentions. Le réalisateur croise habilement le fond avec la forme de son film, en détaillant le travail de chacun de ses techniciens, l’évolution des personnages, tandis que Jean-Luc Couchard partage de nombreuses anecdotes liées au tournage.
Tous les propos tenus dans ce commentaire audio sont ensuite peu ou prou repris dans l’entretien avec Quarxx (14’30), puisque le réalisateur revient cette fois encore sur la genèse de Tous les dieux du ciel, qui découle du court-métrage Un ciel bleu presque parfait (2015). Ses intentions (« tourner une histoire sombre et difficile qui se déroule dans un milieu laid, mais de belle façon »), le triomphe du court-métrage dans les festivals du monde entier qui a permis le financement de la version long-métrage, le soutien de son équipe, le casting (dont la rencontre avec Melanie Gaydos après un an de recherches), ses premiers films (trois sont proposés sur cette édition) et bien d’autres éléments sont abordés par le metteur en scène, au fil de cette interview qui complète finalement le supplément précédent.
Place au créateur des effets spéciaux de maquillages David Scherer (12’30), que nous évoquions dans la critique du film et qui revient sur quelques étapes de son parcours déjà conséquent. Un fou de fantastique à la passion contagieuse, qui parle ici de son travail avec Quarxx sur Tous les dieux du ciel, qui a demandé beaucoup de préparation, notamment pour ce qui touche aux aliens.
L’éditeur propose une version allongée (4’) de la scène dite « des voisins » avec Albert Delpy (qui observe Simon à l’aide de ses jumelles), tandis que l’agriculteur (Alvaro Lombard) et sa femme Irina (Tatiana Gontcharova) s’affrontent à table dans un langage fleuri, alors que le fils débarque et s’incruste pour le petit déjeuner.
Place aux trois courts-métrages de Quarxx évoqués plus haut, souvent violents, trashs, frontaux, trois films qui remuent les tripes :
Rasta Kamikaze Bang Bang (2009, 25’) : Quand Bob le producteur les a viré du tournage, Youri et Tomo se sont posés une seule question… Comment pouvoir continuer à réaliser leur film quand on a ni argent ni talent? La réponse allait de soi… Engager les Rasta Kamikaze, kidnapper Bob et le manger !
Nuit noire (2013, 29’) : Un homme qui se coupe salement en se taillant les ongles des orteils, une rencontre avec une prostituée, une overdose, d’autres confrontations, tout cela en l’espace d’une nuit. Une réaction en chaîne d’évènements très sombres et poisseux, sexuels et insoutenables, qui se clôt ironiquement sur la chanson Mr Sandman de The Chordettes. Réservé à un public averti.
Un ciel bleu presque parfait (2016, 36’30) : Ceux qui auront vu Tous les dieux du ciel avant ce court-métrage, ne seront pas surpris d’en retrouver comme qui dirait une version Reader’s Digest, puisque Un ciel bleu presque parfait a été repris dans son intégralité dans le montage « long ». Le montage est évidemment différent (le reflet de Simon dans le miroir apparaît en outre très tôt), le personnage de Zélie Rixhon n’apparaît pas ici, tout comme l’épilogue dans le monastère.
Attendez, ce n’est pas encore terminé ! Il reste encore le grand making of de près d’une heure, qui reprend pour ainsi dire tout ce qui a été dit, abordé et analysé dans les bonus précédents, mais illustrés cette fois en images, puisque ce documentaire suit le réalisateur Quarxx, chez lui en avril 2017, à quelques mois du tournage de Tous les dieux du ciel, jusqu’à la sortie dans les salles françaises en mai 2019 ! Un parcours du combattant qui avait déjà commencé lors de la recherche des financements, qui s’était avérée infructueuse pour la version long-métrage, et qui avait poussé Quarxx à mettre en scène un court-métrage, Un ciel bleu presque parfait, présenté quasiment comme un teaser de ce qui sera plus tard Tous les dieux du ciel. Outre les propos de Quarxx (ainsi que des producteurs, du chef opérateur, du monteur, des acteurs…) sur la genèse et les conditions de prises de vue, on y voit l’évolution de la production, le travail avec les comédiens, les débuts du tournage (en septembre 2017), les prises de vue en studio et bien d’autres éléments.
L’interactivité se clôt sur deux bandes-annonces.
L’Image et le son
Signalons d’emblée que le Blu-ray est au format 1080i…ce qui pourra en énerver certains avec sa vitesse de défilement légèrement accélérée, faisant passer la durée du film de 100 à 97 minutes sur le Blu-ray…Mais bon, il faudra s’en contenter, surtout que Tous les dieux du ciel était pour ainsi dire inespéré en Haute-Définition et même en support physique ! Malgré ces 25 images par seconde, la définition ne déçoit pas avec un cadre large excellemment exploité, un piqué acéré comme la lame d’un scalpel, des couleurs chatoyantes et des détails à foison. Mention spéciale aux contrastes, denses à souhait, dont la gestion rend honneur au travail du chef opérateur Antoine Carpentier.
Vous pouvez compter sur la piste DTS-HD Master Audio 5.1 pour vous plonger directement dans l’ambiance étrange et inquiétante de Tous les dieux du ciel ! Les latérales font le boulot avec une efficacité chronique, le caisson de basses intervient à bon escient et les frontales vous scotchent souvent à votre fauteuil. Les sous-titres anglais sont également disponibles, mais pas ceux destinés aux spectateurs sourds et malentendants. Cela est d’autant plus dommage que le film n’est pas proposé en Stéréo et que ceux qui ne seraient pas équipés sur la scène arrière, pourraient parfois tendre l’oreille pour saisir tous les dialogues, qui peuvent avoir du mal à se détacher des ambiances diverses.
Une réflexion sur « Test Blu-ray / Tous les dieux du ciel, réalisé par Quarxx »