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THE APPRENTICE réalisé par Ali Abbasi, disponible en DVD & Combo Blu-ray + DVD – Édition Limitée le 13 février 2025 chez Metropolitan Film & Video.
Acteurs : Sebastian Stan, Jeremy Strong, Iona Rose MacKay, Maria Bakalova, Martin Donovan, Catherine McNally, Charlie Carrick, Ben Sullivan, Mark Rendall…
Scénario : Gabriel Sherman
Photographie : Kasper Tuxen
Musique : Martin Dirkov, David Holmes & Brian Irvine
Durée : 2h02
Date de sortie initiale : 2024
LE FILM
Véritable plongée dans les arcanes de l’empire américain, The Apprentice retrace l’ascension vers le pouvoir du jeune Donald Trump grâce à un pacte faustien avec l’avocat conservateur et entremetteur politique Roy Cohn.
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Il fallait bien que cela arrive ! Si Donald Trump a fait quelques panouilles à la télévision (Le Prince de Bel-Air, Une nounou d’enfer) et au cinéma, dont la plus célèbre demeure peut-être son apparition Maman, j’ai encore raté l’avion ! – Home Alone 2: Lost in New York de Chris Colombus, sans oublier une apparition chez Woody Allen (Celebrity) et Ben Stiller (Zoolander), il avait jusqu’à présent surtout inspiré plusieurs personnages. Daniel Clamp de Gremlins 2: La nouvelles génération et bien sûr Biff Tannen, devenu milliardaire dans le futur alternatif dans Retour vers le futur 2, ou bien encore dernièrement le Maxwell Lord de Wonder Woman 1984 sont comme qui dirait des ersatz du golden boy, puis du 45è et 47è président des États-Unis. Mais jamais encore Donald Trump n’avait été « incarné » sur le grand écran. C’est désormais chose faite avec The Apprentice, premier long-métrage américain d’Ali Abbasi, ancien étudiant de l’Université Polytechnique de Téhéran et depuis installé en Suède, réalisateur de Border et de l’exceptionnel Les Nuits de Mashhad – Holy Spider, qui avait valu à Zar Amir Ebrahimi d’être récompensée par le Prix d’interprétation féminine à Cannes. Le moins que l’on puisse dire, c’est que le cinéaste ne s’est pas facilité la tâche et livre un merveilleux objet de cinéma, aussi passionnant sur le fond que sur la forme. Dans le rôle de Donald Trump, on retrouve Sebastian Stan, jusqu’à présent essentiellement connu pour son rôle de James « Bucky » Barnes dans l’Univers cinématographique Marvel. Celles et ceux qui s’intéressent de près à sa carrière auront noté ses apparitions chez Jonathan Demme (Rachel se marie), Darren Aronofsky (Black Swan), Ridley Scott (Seul sur Mars), Steven Soderbergh (Logan Lucky) ou Craig Gillespie (Moi, Tonya). Alors qu’il vient d’être récompensé par l’Ours d’argent du meilleur acteur à Berlin et par le Golden Globe du Meilleur acteur dans un film musical ou une comédie pour A Different Man de Aaron Schimberg, Sebastian Stan vient de recevoir sa première nomination aux Oscars pour son incroyable prestation dans The Apprentice et se place en principal concurrent d’Adrien Brody, favori dans la course à la statuette dorée convoitée. À ses côtés, tout aussi magistral, Jeremy Strong, échappé de la série Succession, interprète l’avocat Roy Cohn, conseiller juridique de Donald Trump et de son père pendant une dizaine d’années, son mentor, celui qui a senti le potentiel de ce jeune arriviste très vert et pas encore orange. The Apprentice, ou quand l’élève dépasse le maître, est une magistrale leçon de cinéma, qui combine à la fois le format 16mm pour représenter les années 1970, et le format VHS pour la décennie suivante (magnifique photographie de Kasper Tuxen, Julie (en 12 chapitres), Riders of Justice, comme si la caméra avait capté sur le vif les étapes qui ont fait de Trump ce qu’il est devenu. On peut y voir une relecture de Frankenstein, où le monstre finit par échapper à son créateur, à tout contrôle, prêt à tout écraser comme un rouleau compresseur. Si l’on pourra reprocher au film d’être un peu bavard (cela n’arrête pas une seconde pendant deux heures), The Apprentice impressionne du début à la fin.
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En 1973, le jeune Donald Trump rencontre dans un restaurant new-yorkais l’avocat Roy Cohn, célèbre à travers tous les États-Unis après avoir poursuivi en justice le couple Rosenberg. Trump se plaint de l’enquête menée par le gouvernement contre son père, un grand promoteur immobilier, pour discrimination envers ses locataires afro-américains. Cohn accepte de les défendre. L’avocat menace le procureur chargé de l’affaire de révéler son homosexualité. Ce dernier met fin au procès malgré les nombreuses preuves réunies contre les Trump. Donald se réjouit de la nouvelle, et se rapproche de Cohn, qu’il considère comme un meilleur mentor que son père. Cohn apprend à Trump comment s’habiller et comment maintenir de bonnes relations avec les médias, puis lui édicte ses « trois règles » : toujours attaquer, ne jamais admettre ses fautes et toujours revendiquer la victoire même si l’on a perdu. Trump souhaite rénover le Commodore Hotel, situé près du Grand Central Terminal, afin d’en faire un hôtel de luxe. Cohn a une nouvelle fois recours au chantage afin d’obtenir un abattement fiscal de 160 millions de dollars pour Trump. Ce dernier ne demande pas l’autorisation de son père afin de commencer les travaux ; leur relation s’envenime à nouveau lorsque Donald Trump construit la Trump Tower, qui fait de l’ombre aux constructions de son père.
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Bien sûr, ce sont des partis-pris. Car qui peut se targuer de connaître Donald Trump à ce point ? S’il y a moult images d’archives, ouvrages, reportages qui ont pu inspirer The Apprentice, il est « facile » de dépeindre ce personnage ainsi. Mais Donald Trump, hors norme, convient parfaitement au cinéma et il y a tant à dire. Le mieux est donc de revenir à ce moment de bascule, quand âgé d’une trentaine d’années, Donald devient Trump en quelque sorte. Si l’on pense à d’autres biopics du genre, Nixon et W. : L’Improbable président d’Oliver Stone surtout, The Apprentice se démarque en dressant non seulement le portrait de Donald Trump, mais aussi celui de Roy Cohn, montré dans le film comme une figure tout droit sortie d’un film d’horreur, où la tronche de Jeremy Strong fait son effet à chaque apparition, comme si l’avocat véreux (euphémisme) s’effaçait à vue d’oeil, à mesure que son poulain prend de l’ampleur, au sens propre comme au figuré.
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Ali Abassi, sur un scénario de Gabriel Sherman, avant tout journaliste politique, passe tout en revue. Les fréquentations et donc les rencontres déterminantes de Donald Trump, sa famille (dont le frère Fred Jr. qui malmené par son père et même par Donald, tombera dans l’alcoolisme et finira par mourir prématurément d’une crise cardiaque), Donald qui tente de profiter de la sénilité de son père afin de mieux contrôler la fortune familiale, sa rencontre et sa relation avec la mannequin tchèque Ivana Zelníčková (attention, une scène de viol est déconseillée aux âmes sensibles), son addiction aux amphétamines, ses problèmes dans la gestion de ses casinos à Atlantic City…Et voilà l’ère Reagan qui arrive. Une voie rapide pour notre Donald, qui plonge dans la cupidité, en critiquant les syndicats et les bénéficiaires d’aides sociales, affirmant que les États-Unis doivent être plus puissants sur la scène internationale, avant d’abandonner toute morale. Puis c’est aussi les dernières entrevues avec Roy Cohn, ce dernier étant de plus en plus rongé par le sida, ce qui effraie Donald Trump.
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The Apprentice (qui tire son titre d’une émission de télé-réalité présentée par Donald Trump lui-même) se clôt sur la phase finale de la mutation de Trump, au sens littéral, quand refusant de se rendre aux funérailles de Cohn, il subit une intervention chirurgicale destinée à faire disparaître sa calvitie grandissante (en gros, son cuir chevelu est découpé au niveau de la tonsure, puis agrafé), avant de se faire aspirer la graisse abdominale. Ou comment la créature que l’on connaît aujourd’hui a pris forme. Dernier regard sur la skyline de New York, le drapeau américain flottant au vent. L’Histoire de Donald Trump est en marche.
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Si The Apprentice emprunte donc parfois au film d’horreur, il n’est jamais dénué d’humour, à l’instar de cette rencontre improbable (quoique) entre Donald et Andy Warhol (« Et vous, vous êtes dans quoi ? »). Ce qui fait passer la pilule et nous rappelle au passage que si Trump est un monstre, il est avant tout humain, aimé, acclamé, qu’il n’est sûrement pas arrivé (à deux reprises) par hasard à la Maison-Blanche. Si comme l’ensemble (ou presque) de la presse politique (ou pas d’ailleurs) s’amuse à l’écrire, Trump est le diable en personne, les Américains ont volontairement signé avec lui de leur sang un pacte et c’est sans doute cela qui est le plus passionnant à disséquer.
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LE COMBO BLU-RAY + DVD
Sorti sur les écrans français en octobre 2024, The Apprentice aura réussi à attirer 270.000 spectateurs. Quatre mois plus tard, le film d’Ali Abbasi arrive dans les bacs en DVD, ainsi qu’en Combo Blu-ray + DVD en édition limitée. Le visuel reprend celui de l’affiche d’exploitation hexagonale. Le menu principal est animé et musical.
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Nous démarrons la section des suppléments avec trois interviews, celles des acteurs principaux, Sebastian Stan (9’35), Jeremy Strong (9’) et Maria Bakalova (10’). Ceux-ci s’expriment sur leur préparation, sur les documents d’archives mis à leur disposition, ainsi que sur les partis-pris, leur collaboration avec Ali Abbasi et les thèmes du film (un plongeon dans la faille du système américain, la formation d’une vision du monde, une histoire à la Frankenstein, l’exploration du rêve américain).
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Ces propos (promotionnels) sont ensuite complétés par ceux, plus intéressants il est vrai, du réalisateur Ali Abbasi. Ce dernier s’exprime sur sa passion pour tout ce qui touche à la politique américaine, avant d’en venir à son premier long-métrage réalisé en langue anglaise et sur ses motivations. Ses intentions (« ne pas faire un biopic, mais montrer les personnages réels et non l’image que l’on s’en fait, tout en faisant délibérément un pas de côté quant à la réalité historique », à vous de démêler tout cela), les partis-pris (« reprendre le langage spécifique des médias qui ont façonné l’image de Donald Trump », ce qui pouvait refléter la superficialité et les faux-semblants de l’époque), le travail sur l’image et sa texture, son inspiration première (Barry Lyndon de Stanley Kubrick pour le traitement du personnage principal) et l’analyse du plan final, le cinéaste revient sur tous ces éléments de façon passionnante.
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Pas de making of à l’horizon, ce qui est bien dommage, mais un lot de bandes-annonces pour terminer cette exploration des bonus.
L’Image et le son
Que dire si ce n’est que nous nous trouvons devant une remarquable édition HD du film d’Ali Abbasi. Dès la première séquence, ce Blu-ray en met plein la vue et permet d’apprécier la superbe photographie du chef opérateur Kasper Tuxen, qui suit l’évolution de Trump et donc l’époque à laquelle se situe l’action. À ce titre, le directeur de la photographie et le cinéaste ont opté pour le 16mm, pour symboliser les années 1970, tandis que le format vidéo (ou VHS si vous préférez) représente les années 1980 et l’essor économique très médiatisé de Donald Trump. Le piqué est donc aléatoire, mais globalement ciselé, la texture du grain palpable dans la première partie, la luminosité chronique et les détails omniprésents aux quatre coins du cadre. Les contrastes affichent également une solidité à toutes épreuves sur les scènes nocturnes et diurnes, le relief est indéniable et la colorimétrie chatoyante.
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En français, comme en anglais, les mixages DTS-HD Master Audio 5.1 conviennent parfaitement à un film comme The Apprentice, où les spectateurs sont systématiquement plongés au milieu d’ambiances naturelles ou musicales. Les effets latéraux sont probants, les dialogues sont solidement plantés sur la centrale (en version originale surtout), le confort acoustique est indéniable, la balance frontale saisissante. Pour finir, nous disposons d’une piste Audiodescription ainsi que des sous-titres français destinés au public sourd et malentendant.
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Crédits images : © Metropolitan FilmExport / APPRENTICE PRODUCTIONS ONTARIO INC. / PROFILE PRODUCTIONS 2 APS / TAILORED FILMS LTD / DCM / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr