
STEEL FLOWER (Seutil peullawo) réalisé par Park Seok-Yeong, disponible en Blu-ray le 30 juillet 2025 chez Badlands.
Acteurs : Jeong Ha-Dam, Kim Tae-Hee, Park Myeong-Hoon, Choi Moon-Sook, An Yu…
Scénario : Park Seok-Yeong
Photographie : Park Hyeong Ik & Oh Tae-Seung
Musique : Kim Dong-Gi
Durée : 1h23
Date de sortie initiale : 2015
LE FILM
Une sans-abri se loge dans des maisons vides pour essayer de s’en sortir. Durant l’hiver, elle quitte Séoul pour aller chercher du travail sur Busan, mais elle ne parvient pas à grand-chose sans téléphone ni adresse. Par-dessus tout, elle se fait souvent duper par les gens et n’a personne à qui parler.

Au centre de sa trilogie dite des « Fleurs », constituée de Wild Flower (2014), Steel Flower (2015) et de Ash Flower (2017), le réalisateur Park Seok-Yeong (né en 1973) place au centre une comédienne unique, Jeong Ha-dam. Née en 1994, celle-ci se fond dans un personnage, que l’on pourrait définir comme étant proche de ce qu’elle est en réalité et qui s’appelle d’ailleurs Ha-dam. À la fois portrait dressé d’une jeunesse livrée à elle-même et constat implacable d’une nouvelle génération laissée sur le carreau, Steel Flower est une plongée immersive dans le quotidien d’une jeune femme. Ha-dam tente de survivre dans la société d’aujourd’hui, en se demandant constamment où elle va pouvoir dormir la nuit prochaine et comment elle pourra se nourrir, dignement, sans avoir recours à la mendicité, en recherchant constamment un petit job qui lui permettra de se remplir le ventre et de trouver un toit au -dessus de sa tête. On suit donc Ha-dam, sans-abri, quasi-muette, qui débarque à Busan dans l’espoir de trouver du travail, mais qui se heurte à un refus à chaque étape. Ha-dam est là sans l’être, ou plutôt la plupart ferait tout pour ne pas la voir, comme s’il s’agissait d’un spectre qui fait tâche dans la société coréenne trop bien réglée et où rien ne devrait dépasser. Par sa mise en scène heurtée, chaotique, avec une caméra portée, Park Seok-Yeong implique le spectateur du début à la fin, colle au plus près de son personnage principal, qu’on ne quittera pas une seconde, qu’on accompagne dans son périple de tous les jours. Steel Flower peut se voir indépendamment des deux autres opus « Flower ». L’auteur de ces mots ne les a pas vus, mais ce second opus donne sérieusement envie de découvrir les autres. Assurément une belle découverte sensorielle que ce cinéaste coréen et formidable révélation que son actrice principale.


Ha-Dam, une adolescente démunie, débarque à Busan. Errant avec sa valise cassée, elle n’a qu’une volonté : se sortir de la misère. Mais sans adresse ni téléphone portable, la quête d’un job, même modeste, devient un véritable chemin de croix. Face à une société individualiste, Ha-Dam va devoir se battre pour retrouver sa dignité.


Nous ne sommes pas prêts d’oublier cette jeune femme à la démarche rapide, qui traîne derrière elle une valise pleine à craquer et par ailleurs cassée, qui tient avec une sangle. Tout est question d’urgence dans Steel Flower, tant devant que derrière la caméra. La situation de Ha-dam renvoie aussi aux drastiques conditions de tournage, le film ayant été réalisé avec une petite équipe, réduite à six personnes. Ha-dam récupère des restes de repas laissés sur la table d’un restaurant qui n’avait pas encore été débarrassée. Puis elle regarde les très nombreuses petites annonces affichées un peu partout qui proposent une chambre (mais dont le prix reste souvent hors de portée pour elle), avant de parfois trouver refuge dans une habitation déserte ou abandonnée. Un détour par une école de claquettes, où elle dérobe une paire de chaussure prévues à cet effet, lui permet de « s’évader » un peu, de s’oublier quelques minutes.


Puis, Ha-dam propose ses services dans un pressing, mais se braque quand on lui demande un numéro de téléphone où on pourra la rappeler. Là aussi, les jobs disponibles sont à temps partiel. Ha-dam tombe ensuite sur une femme qui distribue des tracts dans la rue. Suite à un accord, elle la remplace, mais cela se passera mal une fois que celles-ci se retrouveront, car Ha-dam ne sera pas payée pour avoir livré ses prospectus publicitaires. Cela nous conduira à la scène centrale de Steel Flower, la plus célèbre, celle de l’altercation dans le restaurant, filmée en temps réel, sous tension, de façon organique, documentaire aussi, où Ha-dam pourrait littéralement exploser, mais qui parvient à rester décente. On est ici plus proche du Nouvel Hollywood que la Nouvelle vague française, la seconde ayant pourtant souvent été louée par des réalisateurs asiatiques. Cela ne semble pas être le cas pour Park Seok-Yeong, qui malgré quelques études de cinéma (avortées) aux États-Unis est quasi-autodidacte, a longtemps travaillé sur des scénarios, avant d’avoir l’opportunité de passer derrière la caméra.


Steel Flower donne envie de s’imprégner des deux autres « pétales » qui composent cette fleur unique dans le cinéma coréen. Depuis, le public a pu revoir l’incroyable Jeong Ha-Dam dans le magnifique Mademoiselle (2016) et Decision to Leave (2022) de Park Chan-wook, Entre deux rives (2016) de Kim Ki-duk, The Age of Shadows (2016) de Kim Jee-woon. Et il est fort à parier que nous l’admirerons à nouveau chez Park Seok-Yeong. En l’état, Steel Flower, aura contribué à la renommée de sa comédienne principale, récompensée à de multiples reprises, portée aux nues par Francis Ford Coppola lui-même. Un vrai bijou, à la fois viscéral et contemplatif.


LE BLU-RAY
Badlands a l’heureuse idée d’éditer deux films sud-coréens aux thèmes complémentaires, Second Life (2018) de Park Yeong-Joo et Steel Flower (2015) de Park Seok-Yeong. Nous nous penchons aujourd’hui sur le second. Celui-ci prend la forme d’un boîtier Scanavo, arborant une jaquette « full frame » réversible. Le menu principal est fixe et musical. À la fin du film, une fois le bonus également visionné, n’hésitez pas à lire le livret de 28 pages inclus dans cette édition. Ce petit ouvrage donne « la parole » à Jeong Ha-dam (et non pas « Ham-Dam » comme cela stipulé), qui évoque ses permier(s) casting(s) (vous comprendrez pourquoi l’usage du pluriel en lisant le livret), ses collaborations avec Park Seok-yeong, sa préparation pour Steel Flower, les conditions de tournage. Puis, place au réalisateur qui revient sur les étonnantes et diverses étapes de sa carrière, son parcours atypique, ses rencontres déterminantes, ses collaborations avec Jeong Ha-dam, ses thèmes récurrents, ses intentions et ses volontés artistiques, la trilogie Flower…


L’excellent et passionnant Bastian Meiresonne, spécialiste du cinéma asiatique, mais aussi consultant, programmateur, directeur artistique, intervenant, et maître-conférencier, rédacteur de cinéma, auteur et réalisateur propose « un complément après vision » de Steel Flower (« un des films favoris de Park Chan-wook » indique-t-il). Pendant plus de quarante minutes (43 pour être précis), l’invité de Badlands retrace le parcours de Park Seok-yeong, dissèque la trilogie Flower, dont Steel Flower est le second volet, avant d’en venir à la carrière de Jeong Ha-dam. Les conditions de tournage, l’association entre le réalisateur et sa comédienne principale (sur trois films), les scènes principales, le succès de Steel Flower dans les festivals, les thèmes explorés, faisant ainsi le pont avec Second Life, également disponible chez Badlands donc, qui traite aussi des questions de l’identité de la jeunesse coréenne dans les années 2010, sont évoqués dans la seconde partie.

L’interactivité se clôt sur un lot de bandes-annonces.
L’Image et le son
Peu de choses à dire sur ce master HD de Steel Flower qui ne déçoit pas avec un relief appréciable, un piqué forcément aléatoire (en raison de la mise en scène heurtée), des détails qui ne manquent pas, des couleurs vives et froides. Les contrastes sont soignés et l’ensemble restitue à merveille les partis pris des deux directeurs de la photographie, Tae-Seung Oh et Hyeong-ik Park. Le film est présenté dans son format original 1.85.

Le mixage coréen DTS HD Master Audio 5.1 crée un espace d’écoute suffisamment plaisant. Quelques ambiances naturelles percent les enceintes latérales sans se forcer mais avec une efficacité chronique. Une piste Stéréo est aussi au programme.


Crédits images : © Badlands / Indiestory/ Captures Blu-ray: Franck Brissard pour Homepopcorn.fr
