SILENT NIGHT réalisé par John Woo, disponible en DVD & Blu-ray le 29 février 2024 chez Metropolitan Vidéo.
Acteurs : Joel Kinnaman, Catalina Sandino Moreno, Kid Cudi, Harold Torres, Vinny O’Brien, Yoko Hamamura, Anthony Giulietti, John Pollack…
Scénario : Robert Archer Lynn
Photographie : Sharone Meir
Musique : Marco Beltrami
Durée : 1h44
Date de sortie initiale : 2023
LE FILM
En couple avec Saya, Brian Godlock est un père de famille comme tout le monde. En cette veille des fêtes de fin d’année, son jeune fils est tué, victime collatérale d’une guerre des gangs. Godlock va alors décider de se venger. Ignorant tous les codes, il va devoir se rendre dans les bas-fonds de la pègre et dans ce monde qu’il ne connaît pas, pour tuer les responsables de la mort de son enfant.
Pourquoi tant de haine autour du dernier long-métrage en date de John Woo ? Vingt ans après Paycheck, le réalisateur chinois fait son retour à Hollywood pour un nouveau film d’action, qui présente pour particularité de ne comprendre aucun dialogue, si ce n’est en fond, par radio ou à la télévision. Même chose, on a beaucoup entendu qu’il s’agissait d’un opus au rabais, pourtant Silent Night n’a rien d’un « John Wish », même s’il est inévitable de penser à la saga avec Keanu Reeves. En fait, il s’agit ici d’un mix entre John Wick (avec les mêmes producteurs Erica Lee et Basil Iwanyk aux manettes) et Un justicier dans la ville et le maître hongkongais (né en 1946) ne s’en cache pas, il connaît bien sûr les clichés inévitables, qu’il n’évite pas, mais qu’il embrasse au contraire avec une totale décontraction. Évidemment, ceux qui s’attendent à retrouver la virtuosité du Syndicat du crime, The Killer, Une balle dans la tête et bien d’autres seront sans doute déçus, pourtant, le cinéaste renoue avec l’efficacité plus édulcorée dirons-nous qui avait fait ses preuves dans Chasse à l’homme, Broken Arrow, Volte-Face et Mission impossible 2. Il n’y a rien de déshonorant dans Silent Night, le film étonne même par son émotion et la belle installation des personnages dans le premier acte, malgré son absence quasi-totale de dialogues et qui repose entre autres sur l’intense prestation du suédois Joel Kinnaman. Un bon ride, un divertissement soigné, un spectacle haut de gamme.
La veille de Noël, un père de famille voit son jeune fils mourir, victime collatérale d’une fusillade entre deux gangs rivaux. Alors qu’il se remet progressivement de la blessure qui l’a rendu muet, il se lance dans un programme d’entraînement intensif afin de venger sa mort. Maniement des armes à feu et des armes blanches, dextérité au combat rapproché et à la conduite automobile, c’est un homme que rien ne semble pouvoir arrêter qui part sur le chemin ombrageux de la vengeance.
Alors oui il ne fait pas non plus attendre grand-chose de Silent Night, qui ne révolutionne pas le genre, d’ailleurs John Woo l’a déjà fait et inspire toujours le film d’action contemporain, mais il serait faux de dire que l’entreprise est ratée voire has-been. Nous retrouvons constamment la patte, la griffe du réalisateur, ne serait-ce que dans le traitement et la psychologie des personnages, la très large place accordée à leurs sentiments, un bouillonnement intérieur qui va crescendo, avant l’inéluctable explosion de violence. Certains « tics » sont reconnaissables entre mille (des ralentis, des oiseaux), même s’ils semblent avoir été placés ici pour faire plaisir aux fans purs et durs. On peut y trouver certains échos avec de précédents films de John Woo, on pense notamment à la scène d’ouverture de Volte-Face, même si le sort accordé au père de famille fait étrangement penser à celui de Murphy dans RoboCop (y compris la dernière balle qui est supposée mettre fin à ses jours, ici tirée dans la gorge), avant que celui « renaisse » dans la peau du flic en armure. Chose amusante, c’est aussi Joel Kinnaman qui campait le cyborg dans le remake de José Padilha sorti en 2014.
Ici, Godlock est exécuté par un salopard, mais la balle ne le tue pas. Elle lui ôte la possibilité de parler et même de hurler, d’extérioriser sa douleur après la mort de son fils. Après son « réveil », Godlock n’est plus le même homme. Il s’éloigne de son épouse Saya (magnifique Catalina Sandino Moreno, Maria, pleine de grâce), tout en préparant un plan d’attaque. Il se donne une année, jusqu’au premier anniversaire de la disparition de leur enfant, pour se remettre d’aplomb, apprendre le combat rapproché, le maniement des armes et la conduite rapide, pour enfin assouvir sa vengeance personnelle et débarrasser la ville de toute « cette bande de racailles ». Point de kärcher ici, mais du couteau, des flingues et tout ce qui présente sous la main.
Silent Night réussit son pari, parvenir à dresser le portrait d’un homme brisé, sans avoir recours à des répliques pathos, mais juste en se reposant sur le charisme et l’implication de son acteur principal. Aussi à l’aise dans l’exercice que dans les scènes brutales, Joel Kinnaman (Suicide Squad, Night Run, House of Cards, The Killing) trouve incontestablement l’un de ses meilleurs rôles et prendre de la bouteille lui sied bien. En l’état, ce polar sombre, musclé et violent qu’est Silent Night peut devenir un petit classique que l’on reverra volontiers pour les fêtes de fin d’année. En attendant le remake de The Killer, mis en scène par John Woo lui-même, avec Omar Sy et la sublime Nathalie Emmanuel.
LE BLU-RAY
Après Les 3 royaumes et Manhunt (chez HK Vidéo – Metropolitan), Silent Night débarque chez l’éditeur au cheval ailé. Visuel efficace, tout comme le menu principal animé et musical.
Un making of (17’) est disponible. Joel Kinnaman et John Woo (en anglais dans le texte) y prennent la parole, ainsi que le directeur de la photographie Sharon Meir, le compositeur Marco Beltrami, le monteur Zach Staenberg, les comédiens Scott Mescudi et Catalina Sandino Moreno, évoquent le concept du film (dépourvu de dialogues donc), les conditions de tournage (budget restreint, planning limité), le tout illustré par de nombreuses images de plateau. Le réalisateur et ses collaborateurs s’expriment en outre sur les partis-pris (se focaliser systématiquement sur les yeux de ses comédiens, « là où passent toutes les expressions »), sur le montage (voulu éloigné des canons hollywoodiens) et le sound-design.
L’Image et le son
On ne saurait faire mieux. Le cinéaste John Woo collaborr avec le talentueux chef opérateur Sharone Meir (Pay the Ghost, Whiplash). Les partis pris esthétiques originaux sont magnifiquement rendus à travers ce Blu-ray d’une folle élégance. Le piqué est affûté, les contrastes fabuleusement riches, les détails sont abondants aux quatre coins du cadre large, tandis que le codec AVC consolide l’ensemble avec fermeté, y compris sur les très nombreuses scènes se déroulant dans la pénombre ou en intérieur.
Les pistes française et anglaise DTS-HD Master Audio 5.1, logées à la même enseigne, instaurent d’excellentes conditions acoustiques et font évidemment la part belle à la musique, quasiment omniprésente pendant 1h45. Les basses ont souvent l’occasion de briller, les ambiances naturelles sont bien présentes, les effets sont toujours saisissants avec les nombreuses fusillades et poursuites. De quoi bien décrasser les frontales et les latérales. Les sous-titres français ne sont pas imposés.