SI TU VAS À RIO…TU MEURS réalisé par Philippe Clair, disponible en Blu-ray le 25 septembre 2024 chez Gaumont.
Acteurs : Aldo Maccione, Roberta Close, Ze’ev Revach, Caroline Ohrner, Philippe Clair, Wilson Grey, Nico il Grande, Bruno Frydman…
Scénario : Philippe Clair & Ze’ev Revach
Photographie : Walter Carvalho
Musique : David Tygel
Durée : 1h42
Date de sortie initiale : 1987
LE FILM
Marco, le prêtre, et Aldo, le voyou, sont deux frères jumeaux et se trouvent tous les deux, sans le savoir, à Rio. Marco est en mission dans une favela tandis qu’Aldo est chargé d’écouler une importante quantité de drogue.
1982, Philippe Clair connaît l’un de ses plus grands succès avec Plus beau que moi, tu meurs, qui attire pas moins de 3,3 millions de spectateurs dans les salles. Par où t’es rentré ? On t’a pas vu sortir, dans lequel le réalisateur donne la réplique à Jerry Lewis, ne connaît pas le même engouement deux ans plus tard. Un sacré revers pour le film qui plafonne à 825.000 d’entrées. Mais le pire est à venir pour Philippe Clair, puisqu’en 1986, Si t’as besoin de rien… fais-moi signe n’attire que…82.000 spectateurs. Un bide monumental. Du coup, le cinéaste est obligé de se refaire et il s’agit pour lui de la dernière chance. Ravalant sa fierté, il planche sur la suite de Plus beau que moi, tu meurs, sur lequel les conditions de tournage avec Aldo Maccione avaient été peu reluisantes, les deux hommes s’étant même fâchés à la fin des prises de vue. Pour l’acteur, cela va plutôt bien, puisqu’il vient d’enchaîner plusieurs hits Le Bourreau des cœurs de Christian Gion et Aldo et Junior de Patrick Schulmann, même si Le Cowboy de Georges Lautner et Pizzaiolo et Mozzarel, également de Christian Gion, ont été deux déceptions au box-office. C’est donc cinq ans après que le public découvre Si tu vas à Rio… tu meurs, plusieurs années durant lesquelles l’humour et les attentes ont pu changer considérablement. L’accueil chaleureux voire triomphal rencontré par Les Compères, Papy fait de la résistance, Banzaï, Marche à l’ombre, Trois hommes et un couffin, Les Fugitifs et bien d’autres témoignent de la nouvelle orientation humoristique hexagonale. Philippe Clair tente le tout pour le tout. Et le résultat final sera décevant pour lui, puisque Si tu vas à Rio… tu meurs ne parvient pas à franchir la barre des 500.000 billets vendus. Pourtant, rétrospectivement, cette suite surpasse largement (pour ne pas dire sur tous les points) le premier opus et s’avère même une des comédies les plus sophistiquées de son auteur. Avec un beau cadre large et une photographie soignée, Philippe Clair livre une comédie frappadingue, dépaysante (la ville de Rio est bien filmée et les décors naturels mis en valeur), interprétée par des comédiens survoltés, sur lesquels trône évidemment Aldo Maccione, qui reprend avec bonheur son double-rôle Aldo/Marco. Sans doute l’un des meilleurs films de Philippe Clair.
Aldo le voyou est échoué depuis longtemps sur une île déserte, et vit tel Robinson Crusoé. Un jour, une bande de voyous débarque sur l’île pendant une pêche au requin. Ils découvrent avec Aldo que le requin pêché est rempli de sachets de cocaïne, probablement abandonnés par des contrebandiers. Pour échapper à la mort, Aldo leur fait croire qu’il a des contacts à Rio de Janeiro pour écouler la drogue. Le voilà donc embarqué vers la ville de la samba. Pendant ce temps, son frère jumeau Marco, prêtre, est en pénitence dans un monastère. À sa sortie on lui confie comme mise à l’épreuve d’officier dans la paroisse d’un bidonville de Rio. Les deux frères ne sont plus très éloignés l’un de l’autre, sans le savoir, avec les confusions et les quiproquos que cela peut engendrer. Aldo arrive à Rio avec les trafiquants de drogue. Afin de leur échapper, il parvient à se faire mettre en prison par les douaniers. C’est là qu’il rencontre Bruno, noceur pédéraste invétéré. Il va organiser une fête où se retrouveront Aldo, Bruno et Marco qui vient avec son nouvel Évêque et nièce Céleste.
C’est pas norrrrrrmal !
Le scénario, qui reprend là où s’arrêtait l’histoire de Plus beau que moi, tu meurs, est certes prétexte aux retrouvailles d’Aldo et de Marco (même s’ils ont peu de scènes « ensemble »), mais Philippe Clair voit un peu plus grand cette fois en parlant du trafic de cocaïne à Rio, plaque-tournante importante du monde criminel. Aldo Maccione est beaucoup plus sobre que dans Plus beau que moi, tu meurs et ses personnages sont cette fois nettement plus attachants. Certes, le réalisateur continue de se faire plaisir et filme les jolies donzelles en string sur la plage, leurs magnifiques postérieurs photographiés en CinemaScope, mais il s’octroie également un rôle très secondaire aussi, celui dit de l’Armateur, qui apparaît en décalage complet avec le reste, Philippe Clair étant essentiellement premier degré et même plutôt grave dans ce récit qui part dans tous les sens. Il est par ailleurs crédible et sa prestation emmène Si tu vas à Rio…tu meurs dans une direction intéressante.
Quelques séquences sortent du lot, à l’instar de l’immense réception, qui dure très longtemps et qui rappelle celle du premier long-métrage du metteur en scène, Déclic et des claques, tandis que la jubilatoire course-poursuite en voitures (et taxis) renvoie aussi à celle du Grand fanfaron. De là à dire que Si tu vas à Rio…tu meurs est un best-of des films précédents de Philippe Clair…Toujours est-il que cela fonctionne assez bien, surtout quand apparaît l’explosif Ze’ev Revach, qui vole toutes les scènes dans lesquelles il apparaît dans le rôle de l’évêque. On rit souvent, de bon coeur, les gags sont généreux, comme d’habitude chez le réalisateur, les filles sont superbes, même s’il y a fort à parier que quelques travestis et trans se sont glissés dans le lot (c’est le cas de Roberta Close), surtout durant la scène du carnaval, là encore élégamment filmée.
Aldo Maccione et Philippe Clair récidiveront une ultime fois deux ans plus tard, ultime baroud d’honneur pour le réalisateur derrière la caméra et suite auquel le comédien se fera extrêmement rare à l’écran. Ce sera L’Aventure extraordinaire d’un papa peu ordinaire, qui ne fera que 50.000 entrées.
LE BLU-RAY
C’est la fin de notre cycle Philippe Clair ! Cela fait plus de 25 ans, un bon quart de siècle oui, que les œuvres du réalisateur étaient attendues en DVD, puis en Haute-Définition. Ses films étant bloqués en raison de problèmes juridiques avec le producteur Tarak Ben Ammar, Philippe Clair ne les aura pas vus sortir de son vivant, puisqu’il nous a fait la mauvaise blague de nous quitter en 2020 à l’âge respectable de 90 ans. 2024, grande nouvelle ! L’éditeur Cinéfeel sort le 5 novembre un coffret 7 DVD intitulé Plus drôle que ça tu meurs !!! – 10 comédies cultes de Philippe Clair, comprenant, Déclic et des claques (1.66), La Grande Java (restauration 4K, 1.66), Le Grand Fanfaron (1.66), Comment se faire réformer (1.66), Les Réformés se portent bien (1.66), Ces flics étranges… venus d’ailleurs (1.66), Rodriguez au pays des merguez (1.66), Tais-toi quand tu parles (1.66), Plus beau que moi, tu meurs (2.35), Par où t’es rentré, on t’a pas vu sortir ! (2.35), que nous passerons évidemment tous en revue ! À noter que Plus beau que moi, tu meurs et La Grande java seront disponibles à l’unité en Blu-ray. Parallèlement, Gaumont sort Si tu vas à Rio… tu meurs en Haute-Définition, que nous passons en revue aujourd’hui et qui était encore inédit en HD, le DVD « Gaumont à la demande » étant sorti il y a une dizaine d’années. Les fans vont être aux anges, même s’il manque toujours Le Führer en folie ou bien encore L’Aventure extraordinaire d’un papa peu ordinaire. Le menu principal est fixe et muet.
Aux côtés de la bande-annonce, nous trouvons un entretien avec Gilles Botineau, biographe de Philippe Clair (33’). Une intervention riche et complète, où l’invité de Gaumont s’exprime sur sa rencontre avec le cinéaste, qu’il a côtoyé pendant une dizaine d’années, de l’âge de 80 ans jusqu’à ses derniers jours. Gilles Botineau dresse un très beau portrait de Philippe Clair, retrace son parcours, s’exprime sur son « univers », sa singularité, évoque ses films les plus célèbres, ainsi que ses collaborations avec Aldo Maccione, avec lequel le réalisateur allait se brouiller sur le tournage de Plus beau que moi, tu meurs. Le journaliste en vient plus précisément à Si tu vas à Rio…tu meurs, en indiquant que Philippe Clair n’envisageait pas cette suite, ni de retravailler avec Aldo Maccione, et a écrit le film « sans vraiment le vouloir et cela se ressent » dit-il. Gilles Botineau met en parallèle les deux épisodes, en mettant en valeur leurs grandes différences (« on oublie l’esprit déconneur du film original »), tout en replaçant Si tu vas à Rio…tu meurs dans le contexte cinématographique de 1987, qui n’était plus le même que cinq années auparavant. Le casting, l’échec relatif du film, la fin de carrière de Philippe Clair, ses démêlés avec le producteur Tarak Ben Ammar pendant une trentaine d’années (ce qui allait bloquer ses longs-métrages pour les éditer en DVD), ainsi que la pérennité de ses œuvres sont les sujets abordés au cours de ce formidable module.
L’Image et le son
Pour son arrivée en HD, le film de Philippe Clair a subi un sacré lifting. Si tu vas à Rio… tu meurs débarque en Blu-ray chez Gaumont dans un format 1080p, AVC. Cette galette bleue s’en sort pas mal du tout, la restauration est admirable et quasiment toutes les scories possibles et imaginables ont été nettoyées. L’élévation HD offre au film une belle cure de jouvence avec un grain cinéma très bien restitué et des contrastes denses. L’encodage consolide l’ensemble, les noirs sont concis, le piqué renforcé. Signalons tout de même une colorimétrie aux tons parfois trop pastels, une clarté qui bouffe un peu les détails, certains plans sensiblement plus altérés ainsi qu’une profondeur de champ parfois limitée et des visages un peu rosés.
Le mixage DTS-HD Master Audio Mono 2.0 instaure un très bon confort. Les dialogues sont ici délivrés avec ardeur et clarté, la propreté est de mise, les effets riches et les silences denses, sans aucun souffle. La musique jouit d’un très bel écrin. L’éditeur joint également les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant, ainsi qu’une piste 5.1 complètement facultative, il fait bien l’admettre.