
RECHERCHE SUSAN DÉSESPÉRÉMENT (Desperately Seeking Susan) réalisé par Susan Seidelman, disponible en Édition Collector Blu-ray + 2 DVD + Livre + Goodies depuis le 20 décembre 2024 chez Bubbel Pop’ Édition.
Acteurs : Rosanna Arquette, Madonna, Aidan Quinn, Mark Blum, Robert Joy, Laurie Metcalf, Anna Thomson, Will Patton, Peter Maloney, Steven Wright, John Turturro, Giancarlo Esposito….
Scénario : Leora Barish
Photographie : Edward Lachman
Musique : Thomas Newman
Durée : 1h39
Date de sortie initiale : 1985
LE FILM
Roberta, jeune bourgeoise un peu coincée du New Jersey, s’ennuie ferme dans sa luxueuse maison. Et quand elle découvre dans les petites annonces « Recherche Susan désespérément », elle décide d’enquêter pour savoir qui est cette fameuse Susan…

Aujourd’hui, quasiment quarante ans après sa sortie, le film Recherche Susan désespérément – Desperately Seeking Susan est étonnamment moins connu que son titre qui « claque », qui renvoie immédiatement à une période particulière, au mitan des années 1980, quand Madonna n’était pas encore une star planétaire, mais était sur le point d’exploser aux yeux du monde. En fait, on redécouvre sans cesse Recherche Susan désespérément, second long-métrage de la réalisatrice Susan Seidelman, trois ans après le très remarqué Smithereens, qui n’est pas vraiment une comédie, encore moins un drame, mais un triple portrait, celui de deux femmes distinctes et qui se complètent comme les deux faces d’une même pièce, mais aussi celui d’une ville, New York, alors en pleine mutation, marqué par l’esprit post-punk. Irrigué par un spleen qui traverse la Grosse Pomme comme le Styx sépare les Enfers du monde terrestre, Desperately Seeking Susan se focalise sur des personnages qui gardent le sourire, en dépit d’une vraie mélancolie qui les accompagne, montrant qu’il est important de garder le moral et ce même si le monde part en sucette. Magistralement interprété par Rosanna Arquette et Madonna, les deux têtes d’affiche, les deux formidables comédiennes, les deux bombes, Recherche Susan désespérément est un bijou beaucoup plus profond qu’on a bien voulu l’admettre pendant des années, qui a des choses à dire sur la condition féminine et qui le fait sans livrer son message à l’aide d’un marteau piqueur ou quelques pseudo-féministes qui ont une haine viscérale de la gent masculine. Car, et c’est là toute la virtuosité du scénario écrit par Leora Barish (oui oui, la même qui sera responsable bien plus tard de l’infâme Basic Instinct 2), le récit, inspiré par le film Céline et Julie vont en bateau (1974) de Jacques Rivette, demeure universel et intemporel, prend l’apparence d’un conte (Alice au pays des merveilles entre autres), afin de mieux renforcer son propos (le désir d’émancipation, de liberté, de s’extraire de sa cage dorée, de briser ses chaînes), tout cela avec une énergie dévastatrice et une portée intergénérationnelle. Un vrai bijou, bourré de charme, marqué par une B.O. (Into the Groove) et un casting irrésistibles (John Turturo à ses débuts), un « film-médicament » qui revigore, ressource et rebooste, tout en flattant les sens.


Mariée à un homme d’affaires, Roberta Glass s’échappe de sa vie aisée et morne, en lisant des petites annonces aux sous-entendus mystérieux, telle que celle-ci : « Recherche Susan, désespérément ». Intriguée, Roberta se rend au rendez-vous, afin d’épier les retrouvailles entre ces inconnus. Fascinée par Susan, elle suit la jeune femme délurée, possédant de coûteuses boucles d’oreilles volées à un amant de passage, assassiné peu après. En achetant à un fripier la veste de Susan, elle entre en possession d’une clef de consigne que de patibulaires truands entendent bien récupérer. Dez, un projectionniste de cinéma, se porte heureusement à son secours…


Quand elle tourne Recherche Susan désespérément, Rosanna Arquette sort d’After Hours de Martin Scorsese (qui ira jusqu’à déclarer qu’elle est la meilleure actrice de sa génération) et sa carrière est sur le point d’exploser. Silverado de Lawrence Kasdan ne va pas tarder à sortir dans les salles et un certain Luc Besson va, comme tout le monde, craquer pour la belle blonde, au point de lui offrir le rôle principal féminin dans Le Grand Bleu. Si sa partenaire Madonna, avec laquelle elle n’a que quelques minutes à l’écran, lui volera pour ainsi dire la vedette, Rosanna Arquette est pourtant merveilleuse dans Desperately Seeking Susan et obtiendra le BAFTA de la meilleure actrice…dans un second rôle (!), ainsi qu’une nomination aux Golden Globes.


Son personnage est celui auquel on se raccroche le plus, qui aspire le plus d’empathie, qui reste notre vecteur par lequel on entre d’un univers à l’autre, entre celui aseptisé (pour ne pas dire sans âme) de Roberta et celui de Susan, coloré (sublime photographie signée Edward Lachman), flashy, sauvage, underground. Cette dernière, c’est donc Madonna, qui entre le premier jour de tournage, où elle officiera en toute discrétion dans les rues de New York et le dernier, où elle sera accompagnée de gardes du corps (Like a Virgin est passé par là), deviendra celle que l’on connaît encore quatre décennies plus tard. Si elle n’a jamais vraiment trouvé le rôle de sa vie, elle affiche une spontanéité, un charisme hors-norme et magnétique, un sex-appeal, une gouaille, une énergie, un naturel confondant dans Recherche Susan désespérément. C’est en la voyant dans le rôle-titre qu’on se rend compte à quel point celle-ci en avait sous le capot comme comédienne, ce que peu de cinéastes ont finalement vu, à part sans doute Alan Parker, qui lui confiera dix ans plus tard le rôle d’Eva Perón dans Evita.


Comme si elle le pressentait, Susan Seidelman, qui l’a d’ailleurs choisie, la met en valeur dès sa première apparition, dans ses postures, ses regards à la fois tendres et provocants, ses tenues vestimentaires (ou comment lancer plusieurs modes, dont le splendide soutien-gorge transparent, admirablement porté il faut dire), quand elle se sèche les aisselles sous le souffle chaud du sèche-cheveux.


Succession ininterrompue de quiproquos sur l’usurpation (involontaire ici) d’identité, sur la recherche de soi, sur l’envie de dire au monde d’aller se faire voir et de se débarrasser de ceux qui nous polluent l’existence, Recherche Susan désespérément met aussi certes les femmes en avant, mais n’en délaisse pas moins les hommes, en particulier Dez, impeccablement campé par un Aidan Quinn au début de sa carrière et qui sera l’un des déclencheurs de la prise de conscience (ou d’inconscience, puisque l’amnésie est tout de même présente) de Roberta quant à sa situation. Ou comment le reboot d’un cerveau est parfois nécessaire, pour s’affranchir, pour recommencer, pour enfin éclore et s’épanouir.


C’est peu dire qu’on tombe amoureux des deux actrices en fait, ce qui a été le cas pour tous, pour les hommes comme pour les femmes d’ailleurs (même hétéros) et participé au grand succès critique et commercial du film. Recherche Susan désespérément engendrera plus de 27 millions de dollars au box-office en cette année dominée par Rambo 2, Retour vers le futur, Rocky IV, tandis qu’en France près de deux millions de spectateurs répondront présent, le plaçant ainsi le film à la vingtième place du classement cinéma 1985, entre L’Année du dragon de Michael Cimino et Police de Maurice Pialat, excusez du peu !


L’Édition Collector Blu-ray + 2 DVD + Livre + Goodies
Bubbel Pop’Edition deuxième ! Action ! Et l’on moins que l’on puisse dire, c’est que l’éditeur apparu sur la scène du support physique fin 2024, n’a pas fait les choses à moitié. Et s’il y a bien quelque chose qui transpire par tous les pores de cette édition ultra-Collector, c’est bel et bien la passion de Rania Griffete, celle de la grande instigatrice de ce magnifique objet de collection, qui a réalisé tous les suppléments et qui a également conçu et écrit le livre de 96 pages intitulé Une histoire de femmes. Celui-ci rend compte de la passion pour Madonna qui anime l’auteure depuis toujours, c’est évident à chaque page, mais aussi pour ce long-métrage dont elle a pu acquérir les droits, afin de lui offrir un écrin aussi inespéré que convoité. On retrouve la griffe de ce qui a fait le succès de La Plume par le (proche) passé et donc la (nouvelle) marque de fabrique de Bubbelpop, dans la conception, mais aussi dans l’âme.

Merveilleusement illustré par des photos de plateau et promotionnelles, ce livre revient abondamment sur l’origine du film de Susan Seidelman (avec aussi un retour sur son parcours), la production, le casting, le directeur de la photographie Ed Lachman, un parallèle entre Recherche Susan désespérément et Céline et Julie vont en bateau de Jacques Rivette, les thèmes, les conditions de prises de vue, le contexte social et économique de New York, le triomphe au box-office à sa sortie, la pérennité du film et bien sûr, sur le phénomène Madonna (sa carrière, son look vestimentaire), la création du tube Into the Groove, qui allait alors exploser durant le tournage.. L’épais boîtier cartonné de cinq centimètres d’épaisseur contient aussi une reproduction de l’affiche française d’exploitation (42 x 29 cms) signée Herb Ritts, un lot de cinq cartes postales (grand format), trois badges à l’effigie de Rosanna Arquette, Madonna et Aidan Quinn, sans oublier bien sûr le Digipack à deux volets, contenant les trois disques (le Blu-ray et le DVD du film, le DVD Bonus). Le menu principal est animé et musical. Notons que RSD (ça va plus vite) avait déjà connu en France une première édition en DVD, il y a de cela un bon quart de siècle, chez MGM, avant d’être réédité (pour la dernière fois) en 2006, dans les mêmes conditions et chez la même crémerie. Pour cette édition collector, Bubbelpop n’a pas repris les bonus de cette ancienne mouture, à savoir la bande-annonce (il est toujours appréciable de l’avoir), les commentaires audio de la réalisatrice (quel dommage, d’autant plus qu’il s’agit du bonus le plus prisé par les cinéphiles) et la fin alternative (un supplément toujours original). Il ne s’agit donc pas de l’édition « ultime », mais on s’en rapproche tout de même.

On démarre le disque de supplément (étrange initiative de ne pas les proposer sur le Blu-ray et donc uniquement en SD…) par la rencontre la plus intéressante et celle que nous attendions le plus, celle avec Susan Seidelman (26’35). La réalisatrice replace Recherche Susan désespérément dans sa carrière, se souvient de sa découverte du scénario dont elle est « tombée amoureuse », indiquant que l’histoire lui rappelait Céline et Julie vont en bateau de Jacques Rivette, qui était une source d’inspiration pour Leora Barish. Susan Seidelman aborde ensuite les conditions de tournage à New York, le casting, ses intentions, les partis pris du directeur de la photographie Edward Lachman, les références à Alice au pays des merveilles (où Madonna serait en fait l’équivalent du Lapin Blanc suivie par Roberta-Rosanna Arquette). Puis, elle en vient au phénomène Madonna, qui allait exploser durant le tournage du film, ce qui allait précipiter la sortie au cinéma (qui était prévue bien après la date finalement retenue, histoire de surfer sur la nouvelle star « du moment »). Le tube Into the Groove, la musique de Thomas Newman, ainsi que la création de l’affiche d’exploitation sont aussi les sujets abordés.


Place à l’immense Edward – Ed – Lachman (20’). Dark Waters, Le Musée des merveilles, Erin Brockovich, seule contre tous, Virgin Suicides, Light Sleeper, L’Ami américain, La Soufrière et La Ballade de Bruno (deux chefs d’oeuvres de Werner Herzog), pour ne citer qu’une petite poignée de monuments auxquels a participé le directeur de la photographie. Celui-ci, jamais avare pour partager ses souvenirs, se penche sur son travail pour Recherche Susan désespérément, sur son parcours, sur ses recherches stylistiques destinées à illustrer le monde de Roberta et celui de Susan, qui entraient alors en collision, tout en capturant l’esprit de New York. Cette rencontre se clôt sur une analyse pertinente et forcément passionnante, sur l’opposition entre le numérique et l’argentique.


On s’attendait sans doute à mieux concernant l’intervention de Rosanna Arquette (12’). Si celle-ci a répondu présente pour cette édition française, la comédienne paraît parfois non pas gênée, mais bloquée à l’idée d’évoquer le film qui a tout de même contribué à sa renommée internationale. On attendait plus de cette rencontre, qui repose essentiellement sur l’aventure « féminine » du film, écrit, interprété, réalisé et même produit par des femmes. Rosanna Arquette évoque rapidement, trop sans doute, le scénario « amazing » et oublie volontairement de parler des conditions de tournage, qu’on imagine frustrantes, dans le fait que Madonna, devenue une star sur le plateau, est sûrement devenue l’objet de toutes les convoitises, au point de lui voler la vedette. La création de l’affiche par Herb Ritts (que Rosanna a donc présenté à Madonna) est aussi abordée. Quelques digressions, à l’instar de celles que nous avions noté sur le Blu-ray de Stay Hungry et qui auraient sans doute mérité d’être coupées au montage.


L’intervention de Sarah Pillsbury est plus intéressante (22’). La productrice du Fleuve de la mort – River’s Edge (1986) de Tim Hunter et donc de Recherche Susan désespérément, revient dans un premier temps sur son parcours, ainsi que sur sa collaboration avec sa collègue Midge Sanford, avant d’aborder plus précisément le film de Susan Seidelman. Si on n’évite pas certaines redites à ce stade du DVD, le point de vue de la productrice demeure indispensable. On apprend entre autres que Louis Malle, Jonathan Demme, Hal Hashby et George Roy Hill avaient été approchés pour réaliser Desperately Seeking Susan, avant que Susan Seidelman soit finalement repérée grâce à son premier long-métrage. Le gros plan est ensuite essentiellement fait sur la sortie et le très grand succès rencontré par le film.

Il y a toujours à boire et à manger dans les présentations de Samuel Blumenfeld et celle-ci ne déroge pas à la règle. Pendant un peu plus de vingt minutes, le journaliste au Monde et historien du cinéma passe souvent du coq à l’âne, en voulant évoquer trop de sujets en même temps. De plus, les arguments avancés font souvent écho avec ceux déjà entendus et même lus dans le livre de Rania Griffete. Les conditions et les lieux de tournage à New York, les éléments féminins devant et derrière la caméra, le casting et l’explosion de Madonna, qui verra son statut muté de petite vedette à star de la chanson au fil des semaines de prises de vue sont les points analysés. Olivier Père aurait été le parfait candidat pour nous présenter le film.


L’autre bonus pertinent reste celui proposé par Olivier Cachin (19’). Le « spécialiste des musiques urbaines », aborde Recherche Susan désespérément, par le prisme de Madonna, chanteuse, vedette, qui sait que le film de Susan Seidelman peut être un sacré tremplin pour sa carrière. Elle ne croit pas si bien dire, puisqu’elle deviendra une star, avant même que le tournage soit bouclé ! Olivier Cachin dresse un bon et complet portrait de Madonna, en passe de devenir une icône planétaire. Mais il n’oublie pas d’analyser aussi le film qui nous intéresse, se permettant même d’être plus complet et intéressant que Samuel Blumenfeld. Entre l’utilisation de bande-démo d’Into the Groove, qui deviendra un autre tube de Madonna, le tournage à New York, les caméos, le grand succès du film, l’accueil critique et la suite de la carrière de la chanteuse, voilà des sujets fort bien traités.

On termine sur un supplément qui laisse dubitatif…Pacôme Thiellement, essayiste, vidéaste, qui propose son interprétation de Recherche Susan désespérément (24’). En toute honnêteté, vous n’apprendrez absolument rien de nouveau sur le film de Susan Seidelman et ce module intitulé L’exégèse de Susan reste complètement facultatif. Le dictionnaire indique que l’exégèse est une « Interprétation philologique et doctrinale d’un texte dont le sens, la portée sont obscurs. ». On se demande constamment la raison d’être de ce supplément, dont l’intervenant s’écoute souvent parler, pour au final paraphraser ce qui se passe dans le film, et pour livrer que des arguments standards et – manque de chance pour lui – redondants, du fait que ce supplément soit placé en fin de disque.


L’Image et le son
C’est franchement pas mal. Ce master HD de Recherche Susan désespérément, qui avait quelque peu disparu des radars depuis son édition en DVD, permet de redécouvrir le film de Susan Seidelman sous un angle différent et de se rendre compte de la beauté de la photographie, en particulier des séquences de nuit. La propreté est évidente (même si diverses poussières subsistent), tout comme la stabilité, tandis que le grain argentique a été préservé. Ce Blu-ray (au format 1080p) remplit son contrat, autrement dit instaurer un confort de visionnage, où les couleurs sont suffisamment rafraîchies (entre la chaleur du monde de Roberta et les teintes acidulées caractérisant Susan), les contrastes solides, le piqué à l’avenant et les détails éloquents.


En anglais Stéréo comme en français Mono, au doublage forcément culte avec à la barre Emmanuèle Bondeville, Élisabeth Wiener et d’autres cadors (cela aurait été super de les interviewer aussi au passage), les mixages DTS-HD Master Audio contenteront les puristes. Ces options acoustiques s’avèrent dynamiques et limpides, avec une belle restitution des dialogues (peut-être trop en français d’ailleurs) et de la belle musique du film. Les effets sont solides et le confort assuré. Pas de souffle constaté. Les sous-titres français (dont il aurait été judicieux de réduire la police et de la baisser) ne sont pas imposés sur la version originale.



Crédits images : © MGM / Orion / Bubbel Pop’ Édition / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr