PORTRAIT DE LA JEUNE FILLE EN FEU réalisé par Céline Sciamma, disponible en DVD et Blu-ray le 18 février 2020 chez Pyramide Vidéo.
Acteurs : Adèle Haenel, Noémie Merlant, Luàna Bajrami, Valeria Golino, Christel Baras, Armande Boulanger, Guy Delamarche, Clément Bouyssou…
Scénario : Céline Sciamma
Photographie : Claire Mathon
Musique : Jean-Baptiste de Laubier, Arthur Simonini
Durée : 2h01
Année de sortie : 2019
LE FILM
1770. Marianne est peintre et doit réaliser le portrait de mariage d’Héloïse, une jeune femme qui vient de quitter le couvent. Héloïse résiste à son destin d’épouse en refusant de poser. Marianne va devoir la peindre en secret. Introduite auprès d’elle en tant que dame de compagnie, elle la regarde.
Depuis Bande de filles en 2014, qui avait quelque peu déçu surtout après l’immense réussite du superbe Tomboy (2011), Céline Sciamma a remporté en 2017 le César de la meilleure adaptation pour le long métrage d’animation Ma vie de Courgette de Claude Barras, puis écrit Quand on a 17 ans d’André Téchiné. On attendait de pied ferme son grand retour derrière la caméra et le moins que l’on puisse dire, c’est que notre patience est largement récompensée avec le sublime Portrait de la jeune fille en feu, indéniablement son plus grand film et même son premier chef d’oeuvre. Lauréate du Prix du scénario au Festival de Cannes en 2019, Céline Sciamma aurait pu remporter la Palme d’or pour ce film, ou voir ses deux comédiennes principales, Adèle Haenel et Noémie Merlant, être récompensées par le Prix d’interprétation. Merveilleusement photographié, divinement écrit, passionnant, sensuel, Portrait de la jeune fille en feu est un drame doublé d’une histoire d’amour au rythme languissant, qui foudroie le coeur et ravit les sens. Assurément le plus grand film français de l’année 2019.
À la fin du dix-huitième siècle, Marianne, une jeune artiste peintre, dirige une leçon de peinture. L’une de ses étudiantes l’interroge sur l’un de ses tableaux intitulé Portrait de la jeune fille en feu. Des années auparavant, Marianne débarque sur une île bretonne. Une comtesse (Valeria Golino) lui a commandé un portrait de sa fille Héloïse, jeune aristocrate, qu’elle projette de marier à un noble milanais. On informe Marianne qu’Héloïse refuse de poser pour un portrait car elle ne souhaite pas se marier. Marianne est donc faussement engagée comme dame de compagnie d’Héloïse, qui l’accompagne quotidiennement lors de ses sorties afin d’analyser de mémoriser ses traits pour les recopier sur une toile. Marianne finit le portrait à la dérobée, mais refuse de trahir la confiance d’Héloïse et lui dévoile donc le tableau ainsi que la vraie raison de sa venue.
Ecrit par Céline Sciamma pour Adèle Haenel, Portrait de la jeune fille en feu est une ode à la comédienne née en 1989, qui cristallise leur relation personnelle et professionnelle, et qui résume les douze années qui séparent Naissance des pieuvres (prix Louis-Delluc du premier long métrage), leur premier film en commun, et ce film. S’il faut un certain temps d’adaptation pour accepter l’actrice dans un rôle en costume, avec un physique qui ne s’y prête pas forcément, l’immense sensibilité et la force d’Adèle Haenel l’emportent finalement et apportent une vraie modernité à cette histoire qui entre d’autres mains aurait pu tomber dans un classicisme poussiéreux et austère. Il n’en n’est rien. Chaque séquence agit comme une séance d’hypnose du début à la fin, sans ennui, sur un tempo lent, mais toujours maîtrisé. Néanmoins, si Adèle Haenel est comme d’habitude impressionnante, sa partenaire, la magnifique Noémie Merlant, grande révélation du Ciel attendra (2016) de Marie-Castille Mention-Schaar et vue depuis dans la comédie de Laurent Tirard, Le Retour du héros (2018), aux côtés de Jean Dujardin et de Mélanie Laurent, crève littéralement l’écran une fois de plus. Son regard perçant qui rappelle celui d’Ana Torrent dans L’Esprit de la ruche (1973) de Victor Erice et Cría cuervos (1976) de Carlos Saura, transperce l’âme des spectateurs, quand son personnage le pose sur ses toiles (réalisées par Hélène Delmaire), observe ses modèles, ou bien encore regarde et admire celle dont elle doit peindre le portrait en dissimulant ses intentions. Les deux personnages se cherchent, s’apprivoisent, se frôlent, se découvrent, pour finalement se rapprocher dans une explosion de sentiments menacés et interdits par les conventions et par le statut social.
Si Portrait de la jeune fille en feu est également un vibrant hommage aux arts et notamment à la peinture, le film prend aussi la forme d’une succession de tableaux extraordinairement photographiés par Claire Mathon (La Reine des pommes, Polisse, L’Inconnu du lac) avec ses partis pris à la fois lumineux qui exacerbent la couleur du ciel, de la mer et des falaises, et ambrés, chauds, intimistes et tamisés des intérieurs, en particulier quand les protagonistes se réunissent dans la cuisine en compagnie de la servante Sophie, incarnée par Luàna Bajrami, révélation de L’Heure de la sortie de Sébastien Marnier.
L’ombre du cinéma de Jane Campion plane sur Portrait de la jeune fille en feu, on pense bien évidemment à La Leçon de piano (1993) et Portrait de femme (1996), références évidentes et par ailleurs revendiquées par Céline Sciamma, avec un petit clin d’oeil à Titanic (1997) de James Cameron. Mais avec ce quatrième long métrage, à voir comme un film miroir à Call Me by Your Name (2017) de Luca Guadagnino, la réalisatrice vient de franchir une nouvelle étape dans sa carrière, en atteignant la quintessence du septième art, en touchant à l’universel et en bouleversant les repères d’une audience devenue difficile à conquérir. Le rapt émotionnel est alors entier et subjugue de la première à la dernière image.
LE BLU-RAY
A l’instar de Tomboy et de Bande de filles, Portrait de la jeune fille en feu fait son apparition dans les bacs, en DVD et en Blu-ray, chez Pyramide Vidéo. Superbe menu principal, animé sur la séquence qui donne au film son titre.
Nous vous conseillons vivement de visionner Portrait de la jeune fille en feu avec le commentaire audio de la réalisatrice Céline Sciamma, auquel participent les comédiennes Adèle Haenel et Noémie Merlant, ainsi que la directrice de la photographie Claire Mathon.Seules les deux actrices ont été enregistré ensemble. C’est vers ce supplément qu’il faudra vous tourner afin d’en savoir plus sur Portrait de la jeune fille en feu, puisque l’interactivité ne propose aucun making of proprement dit, ni aucune interview, en dehors de celle de l’artiste-peintre Hélène Delmaire. Si Adèle Haenel et Noémie Merlant reviennent essentiellement sur leur travail avec Céline Sciamma et leur préparation, la réalisatrice dissèque les thèmes du film et ses inspirations, qui convoquent à la fois le cinéma de Jane Campion, Ingmar Bergman, avec même une référence à Dark Vador ! La genèse du film, les intentions, les partis pris, les lieux de tournage, le travail sur le son, sur la couleur, sur la profondeur de champ, les costumes, les peintures d’Hélène Delmaire, la construction des personnages, le montage et bien d’autres sujets sont abordés. Un commentaire très pointu, intelligent et surtout passionnant.
Nous en parlions précédemment, la peintre Hélène Delmaire intervient face caméra et dans son atelier situé à Lille afin de parler de son superbe travail sur Portrait de la jeune fille en feu (11’). Celle-ci revient sur sa collaboration avec Céline Sciamma, sur son parcours, sur son travail avec Adèle Haenel et Noémie Merlant, ainsi que sur ses œuvres réalisées spécialement pour le film.
Afin de prolonger l’interview d’Hélène Delmaire, l’éditeur a eu la bonne idée de proposer quatre séances de peinture filmées en plan fixe et en plan-séquence (33’30 au total), durant lesquelles la peintre réalise les œuvres principales de Portrait de la jeune fille en feu. Des bonus muets, qui témoignent des différentes étapes de création. Superbe.
L’interactivité se clôt sur la bande-annonce de Portrait de la jeune fille en feu et celle de Tomboy.
L’Image et le son
Pyramide Vidéo livre un superbe master HD de Portrait de la jeune fille en feu qui restitue les magnifiques volontés artistiques de l’excellente chef opératrice Claire Mathon (Comme un avion, Les Deux amis, Mon roi, L’Inconnu du lac). L’apport Haute Définition est loin d’être négligeable sur les incroyables paysages, les éclairages sont d’une suprême élégance, la colorimétrie riche et chaude. La définition est solide comme un roc, même sur les séquences nocturnes, le cadre large n’est pas avare en détails, les noirs sont denses et le piqué fort agréable. L’une des plus belles éditions HD du mois de février 2020.
La piste DTS-HD Master Audio 5.1 riche et dynamique sur les enceintes frontales, instaure une spatialisation largement convaincante. Les dialogues sont solidement plantés sur la centrale, l’ouverture des enceintes avant laisse pantois et les arrière soutiennent l’ensemble avec des ambiances naturelles frappantes (le vent, la mer). L’immersion acoustique est donc très convaincante, même s’il n’y a aucune musique pendant le film, hormis la chanson sur la plage et le concert final, qui s’accompagnent inévitablement de frissons. L’éditeur joint également les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant, ainsi qu’une piste en Audiodescription et une piste Stéréo, forcément plus « plate », mais qui instaure également un fabuleux confort phonique.