PENDEZ-LES HAUT ET COURT (Hang’Em High) réalisé par Ted Post, disponible en DVD et Blu-ray chez Sidonis Calysta le 12 avril 2024.
Avec : Clint Eastwood, Inger Stevens, Ed Begley, Pat Hingle, Ben Johnson, Charles McGraw, Ruth White, Bruce Dern, Dennis Hopper…
Scénario : Leonard Freeman, Mel Goldberg
Photographie : Richard H. Kline
Musique : Dominic Frontiere
Durée : 1h54
Date de sortie initiale : 1968
LE FILM
Sauvé de justesse après avoir été lynché par une bande d’aventuriers qui l’accusaient à tort de voler du bétail, Jed Cooper, reconnu innocent par le juge Fenton, devient marshal. Énergique et habile, il remplit ses fonctions avec une redoutable efficacité et réussit à mettre sous les verrous les pires criminels de l’Oklahoma, espérant secrètement retrouver un jour les auteurs de sa pendaison manquée.
Rétrospectivement, Pendez-les haut et court – Hang’Em High (1968) est le film du retour de Clint Eastwood sur la terre de l’Oncle Sam après son triomphe dans la trilogie de Sergio Leone Pour une poignée de dollars (1964) – Et pour quelques dollars de plus (1965) – Le Bon, la Brute et le Truand (1966). Auréolé de ces trois succès essentiellement européens, l’ancien comédien de la série Rawhide revient donc à Hollywood et lance sa maison de production Malpaso. Quelque peu réticent, il accepte tout de même la proposition – opportuniste – de la United Artists de retrouver le genre qui a fait de lui une star sur le Vieux Continent, en espérant ainsi surfer sur sa popularité. Libre de choisir le sujet de son choix, le réalisateur et le casting, Clint Eastwood propose alors à Sergio Leone de réaliser Pendez-les haut et court, sur un scénario de Mel Goldberg et Leonard Freeman, mais le cinéaste italien est pris sur Il était une fois dans l’Ouest. Clint Eastwood choisit alors Ted Post, ami et réalisateur qui l’avait dirigé sur Rawhide. Souvent oublié, Pendez-les haut et court est pourtant un film essentiel dans l’immense filmographie du comédien, mais aussi pour les futurs westerns qu’il réalisera lui-même.
En 1873, dans l’Oklahoma, sauvé de justesse par le marshal Dave Bliss, après avoir été lynché par une bande d’aventuriers qui l’accusaient à tort de voler du bétail, Jed Cooper, est reconnu innocent par le juge Fenton. Celui-ci le nomme marshal, afin de remplacer Bliss tué peu après en service commandé, mais aussi pour éviter que Jed ne se livre à des actes de vengeance personnelle contre les auteurs du méfait. Le juge le charge alors de ramener vivants les hommes responsables de son lynchage pour qu’ils soient jugés en bonne et due forme. Énergique et habile, Jed parcourt l’Oklahoma, et remplit ses fonctions avec une redoutable efficacité. Hormis l’un de ses accusateurs qu’il est contraint d’abattre, il réussit à les mettre presque tous sous les verrous ; seul le « chef » de la bande, le capitaine Wilson, court toujours. En parallèle, Jed se laisse prendre aux charmes d’une jeune et séduisante veuve qui examine chaque prisonnier avec une insistance qui l’intrigue. Elle lui apprend qu’elle cherche le bandit qui a tué son mari.
Alors que la trilogie de Sergio Leone était critiquée aux Etats-Unis, Pendez-les haut et court est étonnamment apprécié par la presse, notamment par le New York Post. Le film est également un gros succès au box-office et rentabilise son budget en moins de deux semaines. La légende de Clint Eastwood est définitivement lancée et ne s’éteindra jamais. Hang’Em High est une œuvre hybride, qui plagie ouvertement le style Leone à de très nombreuses reprises, tout en reprenant la figure de l’Homme sans nom que Clint Eastwood interprétait auparavant. Cependant, Ted Post et ses scénaristes mélangent cela au Nouvel Hollywood en y apportant une violence sèche et frontale, à l’instar des diverses pendaisons du film. De plus, le personnage principal est comme qui dirait le « préquel » de ceux que Clint Eastwood interprètera dans L’Homme des Hautes Plaines (1973), Josey Wales hors-la-loi (1976) et Pale Rider, le cavalier solitaire (1985), tous les trois mis en scène par Eastwood lui-même. Un cowboy accompagné d’une aura mystérieuse, au corps marqué de cicatrices (dont celle autour du cou qu’il dissimule sous un foulard), presque à la lisière du fantastique où le personnage revient souvent d’entre les morts pour assouvir une vengeance personnelle.
Alors oui, la réalisation de Ted Post ne se prive pas pour reprendre certains partis pris chers à Sergio Leone et même la composition de Dominic Frontiere rappelle furieusement les compositions d’Ennio Morricone, mais Pendez-les haut et court reste un excellent et étrange western. La première partie quasi-muette, où l’on suit le personnage principal qui revient littéralement des enfers, pour finalement sortir du Purgatoire armé et l’étoile épinglée est un vrai modèle du genre. Le nouveau marshal en quête de vengeance profite de son nouveau statut, on apprend même qu’il avait été un homme de loi avant de devenir éleveur, pour aller à la recherche de ceux qui l’ont pendu sans preuves et sans ménagement. De ce fait, quelle forme de justice adopter ? Vous pensez à L’Inspecteur Harry ? Le dernier acte est plus classique, avec d’un côté Cooper qui compte fleurette à la belle actrice suédoise Inger Stevens, et de l’autre Cooper qui règle ses comptes une bonne fois pour toutes dans un affrontement sans véritables surprises.
Néanmoins, la réalisation, la photographie de Richard H. Kline, le montage nerveux, la performance des comédiens, dont Pat Hingle, véritable tronche de juge du Far West qui allait retrouver Clint Eastwood sur L’Epreuve de force et Le Retour de l’Inspecteur Harry, sans oublier un Bruce Dern hargneux et un Dennis Hopper frappadingue, contribuent à faire de Pendez-les haut et court un savoureux western qui a bien vieilli et que l’on a plaisir à revoir.
LE BLU-RAY
Pendez-les haut et court fait un comeback inattendu en Blu-ray, puisque le film de Ted Post avait déjà connu une sortie HD en France, sous la bannière de Movinside en octobre 2017. Sidonis Calysta a pu mettre la main sur ce titre, pour l’inclure désormais dans sa collection Silver. Beau visuel qui devrait plaire aux aficionados de Clint Eastwood. Le menu principal est animé et musical. Présence également sur cette édition d’un livret de 60 pages écrit par Patrick Brion.
Si l’éditeur n’a pas repris l’excellente présentation du film par Mathieu Macheret, Sidonis en a produit deux nouvelles, qui se complètent parfaitement. La première est réalisée par Jean-François Giré (27’), qui a visiblement beaucoup de plaisir à revenir sur ce « film très intéressant à plus d’un titre, qui à l’époque n’a pas été apprécié à sa juste valeur, qui marque l’évolution du western, mais qui est injustement considéré comme mineur ». L’intervenant décortique habilement le film de Ted Post en le replaçant également et surtout dans la carrière de Clint Eastwood, qui sortait alors de la fameuse Trilogie du Dollar. Jean-François Giré passe donc en revue, sur le fond comme sur la forme, ce western de transition et à la croisée des genres et des influences, sur lequel Clint Eastwood – qui venait de refuser L’Or de MacKenna – a quasiment eu les pleins pouvoirs, étant pour la première fois de sa vie producteur et ayant choisi lui-même Ted Post (avec lequel il avait tourné plusieurs dizaines d’épisodes de la série Rawhide) pour réaliser Pendez-les haut et court. Les points communs avec le cinéma de Sergio Leone sont évoqués, tout comme la position du film réalisé à l’aube du Nouvel Hollywood.
Place ensuite à Olivier Père, décidément très demandé par Sidonis Calysta depuis quelques temps (26’35). À son tour donc d’aborder la production de Pendez-les haut et court, « qui occupe une place importante et même historique dans la carrière de Clint Eastwood ». Si des éléments font forcément écho avec ceux déjà entendus chez Jean-François Giré, cette intervention demeure toujours intéressante, animée par une passion contagieuse pour ce western et les propos sur le traitement de la violence dans le film sont forcément pertinents. Le casting, les scènes marquantes, les partis-pris et la dimension quasi-documentaire du film sont aussi analysés.
Le gros morceau de ces nouveaux bonus est l’indispensable et formidable documentaire réalisé en 2006 par le génial et regretté Michael Henry Wilson, Clint Eastwood, le franc-tireur (1h20), produit par Arte. Dans son fief de Carmel, la légende reçoit le journaliste et historien du cinéma, avec lequel il accepte de revenir sur l’ensemble de son illustre carrière. Alors âgé de 76 ans, Clint Eastwood venait de terminer le tournage de Lettres d’Iwo Jima, tout en supervisant le montage de Mémoires de nos pères. Des images provenant du plateau, dont une rencontre avec Steven Spielberg (producteur à ses côtés), y compris sur les plages de sable noir en Islande viennent illustrer les propos à la fois pudiques et déterminés de Clint Eastwood. Ce dernier évoque tour à tour son mandat de maire de Carmel dans les années 1980, son éternelle position d’outsider au sein de l’industrie Hollywoodienne, la raison pour laquelle il a entrepris ce diptyque, l’évolution du statut de star (« on confère la célébrité à des gens qui n’ont encore rien fait »), ses parents et son enfance, ses débuts à la télévision, ses rencontres déterminantes (Sergio Leone et Don Siegel), l’envie et le besoin de prendre des risques pour sans cesse se renouveler, ses personnages marquants (l’inspecteur Harry, William Munny, Robert Kincaid, Red Stovall, Bronco Billy…), indiquant pour finir qu’il se sent sans doute plus libre que jamais, mais qu’il n’a pas envie d’arrêter le cinéma pour autant, bien au contraire. En 2024, à l’aube de ses 94 ans, Clint Eastwood est en ce moment en train de réaliser ce qui sera d’après-lui son ultime long-métrage, Juror #2.
L’interactivité se clôt sur la bande-annonce.
L’Image et le son
Si Pendez-les haut et court ne bénéficiera pas du même prestige que d’autres westerns de Clint Eastwood, ce master HD permet aux spectateurs de revoir le film de Ted Post dans de très bonnes conditions techniques. Les volontés artistiques du grand chef opérateur Richard H. Kline (Le Mystère Andromede, L’Etrangleur de Boston, Le Flingueur), sont respectées, tout comme le grain original heureusement conservé et élégant. Les noirs sont concis, la clarté étonnante, le piqué vif et acéré (plus probant sur les gros plans), la restauration appréciable (même si datée), tout comme les détails. Les contrastes sont pointus, y compris sur les séquences en intérieur. Les gammes chatoyantes sont harmonieuses, certaines couleurs comme le rouge sont ravivées (voir les credits en ouverture). Un beau lifting. Signalons tout de même que la scène du pique-nique suivi de l’orage est plus abîmée avec des couleurs fanées, un aspect plus grumeleux, ainsi que des griffures et des points qui n’ont pas été supprimés. Blu-ray au format 1080p.
Les versions anglaise et française sont disponibles en DTS-HD Master Audio mono 2.0. Passons rapidement sur la version française (au doublage sympathique) dont l’écoute demeure correcte, mais qui ne vaut évidemment pas la piste originale riche, vive, propre et aérée. Dans les deux cas, le souffle se fait discret et la musique de Dominic Frontiere bénéficie d’une jolie restitution. Les sous-titres français (qui étaient absents sur le DVD jusqu’alors dispo chez MGM !) ne sont pas imposés sur la version originale. Plus anecdotique, l’éditeur joint également un remixage 5.1 qui n’apporte rien ou pas grand-chose par rapport à la Stéréo, si ce n’est quelques ambiances extérieures.