MOTHER’S DAY réalisé par Charles Kaufman, disponible en Édition Collector Blu-ray + DVD + Livret le 15 octobre 2020 chez Rimini Editions.
Acteurs : Nancy Hendrickson, Deborah Luce, Tiana Pierce, Holden McGuire, Michael McCleery, Beatrice Pons, Robert Collins, Peter Fox…
Scénario : Charles Kaufman, Warren Leight
Photographie : Joseph Mangine
Musique : Phil Gallo, Clem Vicari Jr.
Durée : 1h27
Année de sortie : 1980
LE FILM
Trois copines de fac partent chaque année à l’aventure. Cette année, elles installent leur tente près d’une maison où vivent une mère et ses deux fils simples d’esprit. Or, ceux-ci ont pour habitude de massacrer les promeneurs égarés. Les trois jeunes femmes vont en faire les frais, mais tout ne va pas se passer comme prévu pour les ravisseurs.
Quel délire ! Dans la famille Kaufman je voudrais…le frère ! Autrement dit Charles et non pas Lloyd, le célèbre fondateur de la Troma Entertainment à qui l’on doit entre autres The Toxic Avenger et Tromeo and Juliet. Moins connu, mais tout aussi frappadingue, Charles Kaufman a fait ses classes en tant que gagman pour le compte de Bob Hope, mais aussi comme assistant auprès de son frère sur Squeeze Play (1979), ainsi qu’en tant que réalisateur de film pornographique avec Liberté des sens – The Secret Dreams of Mona Q (1977) que les plus coquins parviendront à trouver sur Xhamster, leur site préféré après Homepopcorn.fr. Anyway, Charles Kaufman a de la suite dans les idées et décide de se lancer dans l’écriture d’un slasher, genre alors en pleine explosion. Produit avec un budget dérisoire de 115.000 dollars, dans une vieille bâtisse abandonnée et avec quelques comédiens payés au lance-pierre, Mother’s Day est pourtant devenu un grand classique et un modèle de comédie noire horrifique, un rape & revenge qui parvient à faire rire, à mettre mal à l’aise et à faire réfléchir. Aujourd’hui, s’il s’est reconverti en tant que gérant d’une grande boulangerie à San Diego, Charles Kaufman peut être fier d’avoir signé un fleuron du genre, qui a même connu un (très mauvais) remake en 2010, réalisé par Darren Lynn Bousman (le responsable des opus II, III et IV de la saga Saw) et produit par Brett Ratner. Mais oublions ça et concentrons-nous sur le seul et véritable Mother’s Day !
Lors d’une remise de diplômes où sont récompensées les personnes prônant l’amour et la bonne entente entre voisins, une vieille femme propose l’hospitalité à un jeune couple de hippies, Terry et Charlie, dans sa maison perdue dans les bois environnants. L’homme et la femme y voient une opportunité pour détrousser cette grand-mère en apparence douce et fragile. Soudain, la voiture s’arrête et deux tueurs apparaissent et les attaquent. Charlie est décapité avec une machette sur la banquette arrière tandis que Terry est brutalement agressée avant d’être garrottée par la vieille dame qui sourit à en perdre son dentier. Les deux tueurs nommés Ike et Addley sont en réalité les fils de la vieille dame qui admire cette attaque avec un grand sourire. Pendant ce temps, trois femmes, amies depuis l’université – Trina, Abbey et Jackie – se préparent pour un voyage annuel, leur «week-end mystère», où l’une d’elles organise une escapade dans un endroit inconnu des deux autres. Jackie, qui vit à New York, a prévu de les faire camper dans les Deep Barons, une zone boisée de la campagne du New Jersey. Trina, une mannequin glamour vivant à Los Angeles, et Abbey, qui est revenue à Chicago après l’université pour s’occuper de sa mère malade, se rendent dans le New Jersey, où Jackie les récupère. Elles arrivent à destination et commencent à dresser leur campement, puis explorent les lieux. À leur insu, elles sont traquées par Ike et Addley. Au milieu de la nuit, les frères attaquent les femmes, les ligotent et les bâillonnent. Les trois sont emmenées dans leur maison délabrée dans les bois où les attend leur mère dérangée, qu’ils impressionnent en torturant les gens de passage. Les frères attachent les femmes pour faire de l’exercice à l’intérieur de la maison, mais Jackie est rapidement choisie par la mère pour être la première victime des frères. Elle est emmenée à l’extérieur où Addley la viole pendant que Ike la photographie. Pendant ce temps, « maman » regarde le spectacle d’un air encourageant.
Soyez les bienvenus dans les Deep Barons où une bonne famille américaine sera là pour vous aider ou pour vous accueillir en cas de besoin ! Charles Kaufman n’y va pas de main-morte dans sa représentation de l’American Way of Life avec ses deux rejetons arriérés et leur mère aussi siphonnée, qui passent leur temps devant la télé, présente et allumée dans toutes les pièces de la maison, à picoler, à violer les donzelles devant leur mère admirative, tout en se tapant sur la tronche dans leur chambre, un vrai taudis recouvert d’objets en tous genres, symbole du consumérisme à outrance. Le plus dingue, c’est qu’on ne peut s’empêcher de rire devant la connerie de ces deux frères azimutés, « victimes » d’un pays qui a toujours rejeté ou oublié les plus démunis, nourris et abreuvés par la petite lucarne qui continue de leur vendre du rêve 24 heures sur 24. La mère est génialement interprétée par Beatrice Pons, grande actrice de théâtre, qui a peu tourné au cinéma, mais que certains pourraient avoir aperçu dans Le Gendarme à New York (si si). Sous le pseudonyme de Rose Ross, elle trouve probablement ici le rôle de sa vie et livre une prestation sensationnelle, aussi ambiguë que réellement flippante. Son personnage ne vit que pour ses rejetons et fera donc tout pour les préserver du monde extérieur, malsain pour eux et qui de toute façon n’a rien à leur offrir.
Alors, telles des bêtes enragées, « Mother » donne du mou à la laisse (ou le cordon ombilical, c’est selon) qui les relie pour ainsi dire à la maison et les laisse s’amuser comme ils le désirent. Ou quand les simples d’esprit, magistralement interprétés par Frederick Coffin (Ike) et Michael McCleery (Addley) deviennent les victimes de l’Oncle Sam. Leurs « invitées » sont également campées par les trois actrices Nancy Hendrickson (Abbey), Deborah Luce (Jackie) et Tiana Pierce (Trina), qui ne feront pas du tout carrière, mais qui s’en sortent très bien, surtout quand Abbey et Trina deviennent de vraies Rambo au féminin pour sauver et venger Jackie. Tous les coups sont permis et c’est encore mieux quand une hache aiguisée traîne dans le coin, quand un couteau électrique est à portée de main ou quand un bidon de Destop est disponible pour être versé dans le gosier d’un des deux tarés. Mais n’oublions pas la « présence » maléfique d’une vieille tante décédée, qui pourrait surgir à tout moment pour se venger…
Mother’s Day est un digne représentant des rednecks movies, subversif, trash, sadique, corrosif, intelligent et surtout très drôle. Vive la Troma !
LE COMBO
Nous l’attendions avec une grande impatience, Mother’s Day débarque chez Rimini Editions, dans sa collection désormais incontournable des classiques des films d’épouvante et fantastique ! Soit une édition DVD + Blu-ray + Livret contenant également des bonus inédits. Superbe packaging à trois volets, reposant dans un fourreau cartonné au visuel démentiel. Le menu principal est animé et musical.
Un seul supplément est à la fois disponible sur le DVD et le Blu-ray, le making of (9’30) composé d’images en Super 8 retrouvées et commentées par le réalisateur Charles Kaufman. Il s’agit surtout de tests maquillages filmés, concernant le personnage énigmatique de Queenie, mais aussi d’essais pour la séquence de décapitation et pour trouver la bonne couleur du sang. Diverses images des répétitions s’enchaînent alors, comme les essais des actrices.
Le reste des bonus se trouve sur le Blu-ray :
Tout d’abord, ne manquez pas l’introduction de Charles Kaufman (2’), qui bien installé dans sa grande boulangerie Bread & Cie de San Diego, dont il est le fondateur et le gérant depuis 1994, parle de son « passé » dans le monde du cinéma. Pince sans rire et forcément décalé, il déclare que le sang et la violence sont désormais derrière lui (« maintenant que je suis un membre respecté de la société de San Diego »), avant de s’emparer d’un couteau électrique…
S’ensuit une interview de Charles Kaufman réalisée au Comic Con de 2010 par Darren Lynn Bousman (8’). Le second, qui venait de réaliser et de présenter le remake du film du premier, revient avec Charles Kaufman sur le tournage de l’original Mother’s Day, tout en faisant une belle promo pour sa nouvelle mouture avec Rebecca De Mornay dans le rôle de la mère (cherchez l’erreur). Pendant l’entretien, Lloyd Kaufman fait son apparition et vient embêter son frangin.
Enfin, l’éditeur joint une intervention du toujours passionnant Eli Roth (13’), seul devant la caméra et qui explique en long en large à quel point il vénère Mother’s Day, un des films qu’il a probablement vu le plus dans sa vie et ce depuis l’âge de 12 ans. Le réalisateur explique que le film de Charles Kaufman l’a beaucoup influencé pour Cabin Fever (2002), Thanksgiving (la fausse bande-annonce dans Grindhouse en 2007) et Hostel, chapitre II (2007), même inconsciemment explique-t-il, avant d’analyser les thèmes de Mother’s Day et d’étudier la psychologie des personnages « délicieusement ignobles, monstrueux et attachants à la fois » de ce film « intelligent et subversif comme Zombie de George A. Romero ».
Et n’oublions pas le livret de 20 pages rédigé par Marc Toullec, qui revient sur la production et la sortie du film.
L’Image et le son
Minuscule production Troma (pléonasme), Mother’s Day bénéficie d’une édition Haute-Définition ! Le master ne semble pas de première jeunesse avec ses points, tâches et autres griffures qui apparaissent à l’écran du début à la fin, sans être gênants, toutefois, ce Blu-ray s’en sort grâce à ses couleurs rafraîchies, notamment des teintes rouges, jaunes et vertes éclatantes. Le piqué est forcément aléatoire, souvent d’un plan à l’autre, tout comme le grain argentique et la gestion des contrastes. Il est toujours difficile de juger une image HD d’un film fauché, puisque les couacs techniques, les scories et autres poussières diverses participent finalement à l’atmosphère et proposer un master immaculé n’aurait non seulement eu aucun sens, mais aurait aussi dénaturé les partis pris originaux. La première bobine est peut-être la plus marquée par ces accrocs. Après, cette édition trouve un équilibre convenable.
La piste française s’en sort étonnamment mieux que la version originale. Disons en fait qu’elle s’avère plus rentre-dedans avec des dialogues plus élevés, ainsi qu’un rendu plus percutant des effets annexes et de la musique. Mais la piste anglaise (aux sous-titres français non imposés) apparaît plus équilibrée et forcément plus naturelle, même s’il est parfois nécessaire de monter un peu le volume pour un meilleur confort.