MONTCLARE: RENDEZ-VOUS DE L’HORREUR (Next of Kin) réalisé par Tony Williams, disponible en combo Blu-ray/DVD chez Le Chat qui fume
Acteurs : Jacki Kerin, John Jarratt, Alex Scott, Gerda Nicolson, Charles McCallum, Robert Ratti, Vince Deltito, Tommy Dysart, Debra Lawrance…
Scénario : Tony Williams & Michael Heath
Photographie : Gary Hansen
Musique : Klaus Schulze
Durée : 1h29
Année de sortie : 1982
LE FILM
Non contente de décéder, la mère de Linda lègue à sa fille une maison de retraite d’allure vaguement victorienne. L’héritière débarque sur place, retrouve le journal intime de sa mère, tombe sur ces quelques lignes : « Il y a quelque chose de diabolique dans cette maison, quelque chose qui y vit et respire le même air que nous ». De fait, les morts mystérieuses commencent à s’y multiplier.
Plus connu en France sous le titre Next of Kin, cousins de sang, ou bien encore Montclare: Rendez-vous de l’horreur (pour sa sortie en VHS), Next of Kin est l’une des rares incursions au cinéma du réalisateur néo-zélandais Tony Williams. Venu du montage, également directeur de la photographie, il se lance dans la mise en scène au début des années 1970 avec la série Survey, avant de se spécialiser dans le domaine du documentaire (The Hum, Lost in the Garden of the World). Il signe son premier long métrage Solo en 1978, puis enchaîne avec Next of Kin, thriller mystérieux sous tension teinté d’horreur et de suspense, largement influencé par le cinéma européen. Si l’on se laisse emporter par son rythme languissant, alors Montclare: Rendez-vous de l’horreur est une belle expérience cinématographique emblématique de la Ozploitation, qui vaut notamment le détour pour l’impeccable interprétation de son actrice principale, Jacki Kerin.
Linda Stevens hérite du domaine de Montclare à la mort de sa mère. Ce vaste manoir aux allures gothiques, perdu dans le bush australien, fut transformé, en 1950, en maison de retraite par la mère et la tante de Linda. Une trentaine d’années plus tard, Linda prend donc les rênes de l’établissement. Peu à peu, la jeune femme est troublée par divers événements : un pensionnaire retrouvé noyé, des cauchemars liés à sa petite enfance, et la sensation oppressante qu’un intrus rôde dans les lieux. Trouvant le journal intime de sa mère, Linda découvre que celle-ci était en proie aux mêmes troubles… Montclare serait-il le théâtre de phénomènes étranges ou un tueur s’est-il invité dans la maison ?
Il y a du Psychose d’Alfred Hitchcock dans Next of Kin, avec quelques clins d’oeil aux Diaboliques d’Henri-Georges Clouzot. Deux films qui avaient déjà influencé la Hammer au début des années 1960 dans une nouvelle vague de thrillers en N&B, où se distinguaient les formidables Hurler de peur – Taste of Fear de Seth Holt et Paranoïaque – Paranoiac ! de Peter Graham Scott. Tony Williams emporte le spectateur dans son sillage dès la première séquence, qui rappelle quelque part l’introduction de The Offence de Sidney Lumet avec ce ralenti troublant et cette ambiance musicale étrange et dissonante. Une voix-off plante ensuite le décor, le personnage principal, l’atmosphère. Il est évident que Les Diaboliques a marqué le cinéaste. Tony Williams filme sa demeure comme Clouzot filmait son école, sauf que l’âge des pensionnaires diffère ici. Ce cadre de la maison de retraite et des personnes âgées entourant la protagoniste inspirera également Raphaël Delpard pour La Nuit de la mort sorti en 1980. De là à dire que le cinéma de genre français a inspiré celui de Tony Williams, il y a un pas que nous ne franchirons pas. Point de cannibalisme ici, Next of Kin demeure bien plus réaliste et d’ailleurs beaucoup plus maîtrisé.
Entre journal intime, ciel orageux, apparitions mystérieuses, poids de l’héritage (la mère de Linda était jugée peu fiable, imprévisible, voire folle), et phénomènes paranormaux (les robinets s’ouvrent seuls, les lampes s’allument), Next of Kin enchaîne les séquences intrigantes sur un rythme lent, mais toujours contrôlé. On s’attache très vite au personnage de Linda, excellemment incarnée par Jacki Kerin. Les spectateurs découvrent les évènements à travers ses yeux. Les morts énigmatiques s’accumulent, le metteur en scène brouille les pistes sur la véritable nature de la présence maléfique qui rôde dans cette vaste demeure et qui empêche Linda de trouver le sommeil. Un comble pour une maison de repos ! Linda décide de mener son enquête. Les suspicions s’accumulent, les doutes également, mais les apparences sont peut-être trompeuses…
Tout cela conduit à un dernier acte d’une redoutable efficacité, qui fait penser à un cauchemar éveillé. Tony Williams soigne sa mise en scène en privilégiant la steadycam, le cadre est élégant, la photographie de Gary Hansen participe au sentiment claustrophobique distillé du début à la fin, tout comme la composition de Klaus Schulze, membre fondateur de Tangerine Dream. Récompensé par la Licorne d’Or au Festival du Film fantastique de Paris en 1982, Montclare: Rendez-vous de l’horreur – Next of Kin est une œuvre insolite qui joue avec les nerfs des spectateurs, avec intelligence et humour noir.
LE COMBO BLU-RAY/DVD
L’attente a été longue pour certains, mais ça y est, Next of Kin est enfin disponible en France chez Le Chat qui fume, dans une édition limitée à 1000 exemplaires, comprenant le DVD et le Blu-ray. Un Digipack à trois volets qui spoile quelque peu deux séquences du film, est glissé dans un fourreau cartonné au visuel clinquant. Le menu principal est animé et musical.
Comme sur l’édition de Fair Game, nous retrouvons une fois de plus Eric Peretti, aux commandes d’une présentation de Next of Kin (19’). Le programmateur au Lausanne Underground Film et Music Festival, ainsi qu’aux Hallucinations collectives de Lyon, analyse tout d’abord le système de financement du cinéma australien au début des années 1980. Quelques arguments que nous avions déjà pu entendre sur l’édition de Fair Game, sont ici plus détaillés. Ensuite, Eric Peretti en vient à la genèse de Next of Kin, aux différents scénarios successifs de Michael Heath (L’Epouvantail de la mort) et de Tony Williams, l’influence du cinéma européen, les conditions de tournage (l’utilisation de la steadycam), la musique de Klaus Schulze, les problèmes de distribution du film, sa sortie et son triomphe dans les festivals, ainsi que bien d’autres sujets sont abordés au cours de cet exposé mené à cent à l’heure !
Nous trouvons ensuite deux commentaires audio, non sous-titrés et réservés aux plus anglophones.
Le premier est réalisé par le cinéaste Tony Williams et le producteur Tim White. Beaucoup de silences sont à déplorer au fil de ce commentaire dans lequel le cinéphile aura bien du mal à glaner quelques informations intéressantes. Largement dispensable.
Quant au second, nettement plus intéressant et conseillé, il donne la parole aux comédiens Jacki Kerin, John Jarratt et Robert Ratti, le tout conduit par Mark Hartley. Les acteurs partagent leurs souvenirs de tournage, le travail avec le réalisateur Tony Williams et le directeur de la photographie de Gary Hansen, etc.
Place à un montage de photos de scènes inédites (4’30). Un carton reprenant des propos de Tony Williams, indique que ces séquences ont sûrement été détruites. Ces photographies de tournage ou des scènes proprement dites reflètent les choix opérés au montage par Tony Williams pour accélérer le rythme, notamment lors de l’affrontement final, qui était bien plus sanglant et trash à l’origine.
Un autre module met en parallèle les lieux de tournage avant/après (10’30).
Plus anecdotique, l’éditeur joint également le montage de la scène de danse – diffusée à la télévision dans Next of Kin – filmée par Tony Williams (2’30) et proposée dans son intégralité.
L’interactivité se clôt sur une large galerie de photographies (10’30) composée de jaquettes, d’images de tournage, de storyboards, de feuilles de tournage, de pages du scénario et une revue de presse. Sans oublier la bande-annonce originale, la bande-annonce allemande, ainsi que d’autres trailers de titres déjà ou prochainement disponibles chez Le Chat qui fume.
L’Image et le son
L’éditeur reprend le même master disponible chez Umbrella Entertainment. Un master HD (Blu-ray au format 1080p) qui s’en sort pas trop mal, hormis quelques peaux tantôt diaphanes, tantôt rose-orangées. Rien de bien méchant. La copie provient d’un scan 4K du négatif original, et voit sa luminosité revue à la hausse, ses contrastes approfondis (parfois trop diront certains) et la propreté assurée. Une Haute-Définition évidente qui renforce également le piqué et les détails sur les séquences diurnes (c’est plus brouillon sur les scènes nocturnes), notamment du point de vue des gros plans et du relief des textures. Bonne gestion de la texture argentique, en dehors d’une introduction sensiblement plus grumeleuse.
La version originale bénéficie d’un remixage DTS-HD Master Audio 5.1. Cette option acoustique séduisante permet à la composition de Klaus Schulze de mieux plonger le spectateur dans l’atmosphère du film. Le reste des ambiances naturelles est bien restitué sur le reste des enceintes et sait rester naturel. La balance frontale assure de son côté le spectacle acoustique, riche et dynamique. Mais que les puristes se rassurent, un excellent mixage anglais DTS-HD Master Audio 2.0 est également disponible. Cette piste se révèle d’ailleurs plus percutante que son homologue. La version française s’en sort également très bien. Les sous-titres français sont imposés sur la version originale et le changement de langue est verrouillée à la volée.