MON DIEU, COMMENT SUIS-JE TOMBÉE SI BAS ? (Mio Dio come sono caduta in basso !) réalisé par Luigi Comencini, disponible en DVD et Blu-ray le 28 mai 2020 chez LCJ Editions.
Acteurs : Laura Antonelli, Alberto Lionello, Michele Placido, Jean Rochefort, Ugo Pagliai, Rosemarie Dexter…
Scénario : Luigi Comencini, Ivo Perilli
Photographie : Tonino Delli Colli
Musique : Fiorenzo Carpi
Durée : 1h51
Date de sortie initiale : 1974
LE FILM
Sicile, début du XXe siècle. Eugenia Maqueda et Raimondo Corrao, marquis de Maqueda découvrent lors de leur nuit de noces qu’ils sont frère et soeur. Il leur est donc impossible de consommer le mariage. Pour des questions d’apparences à sauvegarder et aussi d’héritage et ils décident de ne rien dire à personne et de vivre dans la chasteté absolue comme un frère et une soeur. Mais les besoins de la belle Eugenia sont de plus en plus pressants…
Comme beaucoup de ses confrères italiens, Luigi Comencini (1916-2007) a eu plusieurs carrières en une. Femmes dangereuses – Mogli pericolise (1958), son douzième long métrage marquait déjà un premier tournant dans la filmographie du mythique réalisateur de Pain, amour et fantaisie, Mariti in città, À cheval sur le tigre, Le Commissaire, La Ragazza, L’Incompris, Casanova, un adolescent à Venise, L’Argent de la vieille et bien d’autres chefs-d’oeuvre. A la fin des années 1950, Luigi Comencini souhaite sortir du carcan du réalisateur de « comédies simples » dans lequel il était enfermé malgré-lui suite au triomphe de Pain, amour et fantaisie (1953) et de sa suite Pain, amour et jalousie (1954). Il commence tout d’abord par refuser le troisième volet, Pain, amour, ainsi soit-il, finalement confié à son confrère Dino Risi. Le cinéaste désirait alors montrer ses capacités techniques en se dirigeant vers une mise en scène plus sophistiquée. Dans ce même objectif, Luigi Comencini, cinéaste moraliste, voulait enfin fignoler ses scénarios et dresser le portrait de ses compatriotes, en révéler les moeurs, les coutumes, les comportements et les rapports de classes. Après La Bella di Roma (1955) avec Alberto Sordi et le drame Tu es mon fils (1957), il entame une trilogie basée sur le couple et ses difficultés, le mariage et ses valeurs, en usant de la comédie pour mieux refléter les éléments dramatiques. Sur le tournage de Mariti in città (1957), il rencontre Giorgia Moll et Renato Salvatori. Enthousiasmé par cette collaboration, il les engage à nouveau dans Femmes dangereuses. C’est à partir de ce film que Luigi Comencini commence à se servir des préjugés sur l’homme italien, dragueur et « quelque peu cavaleur », pour s’en amuser, sans forcément les atténuer. Il en sera de même pour ses films suivants. Luigi Comencini ne cessera jamais d’alterner les films de commande avec les œuvres plus personnelles. Mon Dieu, comment suis-je tombée si bas ! – Mio Dio come sono caduta in basso ! date de 1974. Après Un vrai crime d’amour – Delitto d’amore, une œuvre méconnue, pudique, immense de sensibilité et divinement interprétée par le couple Stefania Sandrelli et Giuliano Gemma, Luigi Comencini accepte de mettre en scène Mon Dieu, comment suis-je tombée si bas ! avec la star du moment, Laura Antonelli. Considéré à sa sortie comme un film mineur, le film se place bien au-dessus de la prolifique production transalpine. Plastiquement irréprochable, grinçant à souhait envers la vieille aristocratie italienne, Mon Dieu, comment suis-je tombée si bas ! exploite la beauté de la comédienne, cette fois encore peu avare de ses charmes, mais lui offre aussi et surtout l’occasion de montrer ses véritables capacités d’actrice, qualités qu’elle allait prouver immédiatement après en collaborant par la suite avec Luchino Visconti (L’Innocent), Mauro Bolognini (Black Journal) et Ettore Scola (Passion d’amour).
Au moment où, tout juste sortie du couvent, la ravissante Eugenia de Maqueda épouse par amour le « plébéien » et riche Raimondo Corrao, elle reçoit de son père un télégramme qui lui apprend qu’elle n’est point sa fille et que son nouvel époux est en même temps son frère. Une séparation ne saurait être envisagée, dans cette Sicile de la fin du XIXe siècle, sans donner prise à d’abominables médisances. Le couple décide donc de vivre chastement le reste de son existence. Mais les tentations se multiplient : au cours de son voyage de noces, Eugenia est activement courtisée par un Français, le baron Henry de Sarcey (apparition cocasse de notre Jean Rochefort national), lequel s’enfuit en découvrant la virginité de sa proie. Eugenia va alors perdre la raison avec son jeune et beau chauffeur Silvano (Michele Placido) à plusieurs reprises dans une cabane de la campagne sicilienne ensoleillée. Lorsque le mari et frère part à la guerre en Libye, Eugenia rêve d’avoir un enfant de l’écrivain célèbre Gabriele d’Annunzio puis entretient une relation éphémère intime avec une amie étrangère, Evelyn. Raimondo revient d’Afrique couvert de gloire et l’honneur. Enivré par la prose du poète D’Annunzio en accord avec Eugenia, il va goûter aux plaisirs interdits d’une relation incestueuse avec sa sœur et femme, quand le curé du village lui apprend par téléphone que les deux époux ne sont en réalité pas parents de sang. Les voilà rassurés mais aussi étrangement contrariés.
Il existe plusieurs niveaux de lectures de Mon Dieu, comment suis-je tombée si bas ?, comédie-érotique doublée d’une sérieuse réflexion socio-politique sérieuse, sans oublier le côté grivois apporté par les formes offertes et voluptueuses de Laura Antonelli, par ailleurs récompensée par le Globe d’or de la meilleure actrice en 1975. C’est ainsi souvent le cas dans les films du maître italien, dans les drames ou dans les comédies. Si le réalisateur se plie à quelques concessions, notamment sur les séquences à caractère érotique qui ont peut-être d’ailleurs desservi le film et l’intérêt général à sa sortie, Mon Dieu, comment suis-je tombée si bas ? reste non seulement une merveille pour les yeux avec ces sublimes décors signés Dante Ferretti, cette photographie vaporeuse et sensuelle de Tonino Delli Colli, mais aussi une étude sur l’état de la société italienne contemporaine vue à travers un film d’époque. Entre son église sclérosée, engluée dans ses traditions inamovibles et archaïques, sa bourgeoisie faussement puritaine et hypocrite, mais décadente, sans oublier la montée du fascisme, le film brasse des sujets sensibles, pour ne pas dire tabou.
Mio Dio come sono caduta in basso ! est un film qui mérite d’être réévalué à nouveau aujourd’hui et qui connaît d’ailleurs un regain d’intérêt depuis ses ressorties diverses au cinéma et en DVD, surtout depuis la disparition de Laura Antonelli en 2015, sex-symbol des années 70, actrice fantasmée par des millions de spectateurs à travers le monde, mais surtout comédienne confirmée dont la fragilité a su être mise en valeur par les plus grands réalisateurs italiens. Luigi Comencini lui proposait ici un écrin dans lequel elle se lovait avec naturel et autant de grâce que de talent.
LE BLU-RAY
Quasiment dix ans après sa première édition en DVD chez M6 Vidéo, Mon Dieu, comment suis-je tombée si bas ! revient dans les bacs en édition standard, mais aussi pour la première fois en Haute-Définition chez LCJ Editions. Le Blu-ray se présente sous la forme d’un boîtier classique de couleur noire. La jaquette arbore un visuel attractif provenant d’une des affiches d’exploitation. Le menu principal est animé et musical.
Essayiste, historien du cinéma et professeur des universités, Christian Viviani présente Mon Dieu, comment suis-je tombée si bas ? (19’) et répond aux questions (peu inspirées) d’Henry-Jean Servat. L’invité de LCJ Editions aborde la carrière de Luigi Comencini, la prestation de Laura Antonelli et ses collaborations avec les plus grands réalisateurs italiens, indiquant également que le film, bien qu’il s’agisse d’une commande, se place pour lui parmi les plus grandes réussites du cinéaste.
L’éditeur reprend ensuite les mêmes suppléments que sur son édition du Sexe fou. Nous reprendrons donc le même texte :
On reste dubitatif quant à l’interview de Philippe Labro (38’30). S’il a effectivement fait tourner Laura Antonelli dans le formidable Sans mobile apparent (sur lequel il revient largement et donne une impression de hors-sujet), le cinéaste semble étonné qu’on lui ait demandé de participer à ces bonus. Henry-Jean Servat, n’aide pas son interlocuteur avec ses questions redondantes et sans fond, d’autant plus qu’il n’évite pas les redondances en dirigeant son entretien vers ce qu’il affectionne le plus, le people, ce qui est totalement déplacé ici et pour ainsi dire vulgaire. Ce qui l’intéresse surtout c’est de faire bifurquer les propos de Philippe Labro vers le scabreux, Laura Antonelli ayant eu son lot de malheurs jusqu’à la fin de sa vie. Heureusement, Philippe Labro, toujours élégant, semble avoir compris ce petit jeu et répond avec courtoisie, tout en comprenant que l’homme en face de lui attendait sans doute des arguments plus croustillants. Tout cela pour dire qu’Henry-Jean Servat n’était indéniablement pas la personne à qui confier les suppléments de Sexe fou, du Fanfaron et de Mon Dieu, comment suis-je tombée si bas !, ce qui se vérifie largement dans le bonus suivant.
Bon courage à celles et ceux qui écouteront le portrait de Laura Antonelli dressé par Henry-Jean Servat (28’30). Comme un frère jumeau de Jean-Marc Morandini, « l’ami des stars » présente la carrière de la comédienne, comme un scribouillard de Voici. Le « destin sublime et tragique » de l’actrice, les films qui l’ont révélés et son explosion en tant que sex-symbol sont rapidement évoqués, puis la présentation laisse place aux redondances (on ne sait combien de fois l’adjectif capiteuse est utilisé), aux propos déplacés, irrespectueux et vulgaire (« elle ressemblait à la fille de Quasimodo à la fin de sa vie »), bref, au secours ! Rendez-nous Jean A. Gili !
L’Image et le son
Mon Dieu, comment suis-je tombée si bas ! a été restauré à partir du négatif 35mm. Les couleur retrouvent une fraîcheur qui faisait défaut au DVD M6 Vidéo, ce qui permet de mieux apprécier la composition des plans de Luigi Comencini, les décors et les costumes de Dante Ferretti, ainsi que la photographie de Tonino Delli Colli (Il était une fois dans l’Ouest, Le Nom de la rose). Le master restauré est quasi-irréprochable, dénué de toutes scories et de poussières, subtilement contrasté et très lumineux. D’emblée, la stabilité ne fait aucun doute, la définition demeure solide et le piqué étonnamment tranchant sur certains gros plans. Evidemment, le grain cinéma est conservé, sans aucun fourmillement, la palette chromatique est naturelle, riche et chatoyante. Du très bon travail.
Les pistes italienne et française proposées ont subi un petit lifting. Un dépoussiérage bienvenu, d’autant plus que l’écoute sur l’ancien DVD était quelque peu limité. Sans surprise, la version italienne apparaît plus fluide et naturelle que son homologue française, certes dynamique et au volume plus élevé, mais marquée par un léger souffle. Les sous-titres français sont imposés.
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