MAXIME réalisé par Henri Verneuil, disponible en édition Digibook – Blu-ray + DVD + Livret le 4 septembre 2020 chez Coin de Mire Cinéma.
Acteurs : Michèle Morgan, Charles Boyer, Arletty, Felix Marten, Jane Marken, Micheline Luccioni, Meg Lemonnier, André Brunot, Geneviève Morel, Jacques Dufilho, Fernand Fabre, Van Doude, Jean-Marie Proslier…
Scénario : Henri Jeanson, Albert Valentin, Henri Verneuil d’après le roman d’Henri Duvernois
Photographie : Christian Matras
Musique : Georges Van Parys
Durée : 1h58
Date de sortie initiale : 1958
LE FILM
Jacqueline Monneron, une riche et élégante célibataire, mène une vie brillante et mondaine dans ce Paris de la fin de la Belle Epoque. Elle est courtisée par Hubert, un jeune homme mal élevé qu’elle rejette et évite. Celui-ci charge Maxime, son homme à tout faire, de lui « arranger » une entrevue avec Jacqueline.
Après six films avec Fernandel tournés en trois ans, La Table-aux-crevés, Le Fruit défendu, Le Boulanger de Valorgue, Carnaval, L’Ennemi public numéro un et Le Mouton à cinq pattes et après autant de succès dans les salles avec près de 21 millions de spectateurs cumulés, sans compter le film à sketches Brelan d’as en 1952 (1,7 million d’entrées), Henri Verneuil connaît un premier virage avec Les Amants du Tage, adapté de Joseph Kessel. Un coup d’essai dramatique que le cinéaste transformera en coup de maître dès l’année suivante avec Des gens sans importance, tourné dans la foulée et avec lequel Henri Verneuil prendra définitivement son envol. Le réalisateur revient à la comédie avec Paris, Palace Hôtel, puis aborde le registre policier avec Une manche et la belle. En 1958, Henri Verneuil décide d’adapter un roman d’Henri Duvernois, Maxime (publié en 1927), avec le scénariste Albert Valentin, mais aussi et surtout avec Henri Jeanson. Et c’est un festival. Toujours à mi-chemin entre la comédie caustique (aux dialogues étincelants) et le drame social, Maxime se déguste comme une pâtisserie de grand luxe, un macaron de chez Dalloyau, composé de plusieurs couches, certaines douces, d’autres beaucoup plus amères, mais qui prises ensemble laissent un goût inimitable en bouche. Merveilleusement réalisé par l’un des plus grands metteurs en scène français du vingtième siècle, Maxime reste une de ses œuvres les plus méconnues, qui mérite largement d’être redécouvert.
1914. Hubert Treffujean, jeune célibataire riche, cynique et un peu ivrogne, mène la vie à grandes guides. Pour lui éviter les bévues, les rebuffades des femmes délicates, il a auprès de lui une sorte de factotum supérieur, Maxime, vieux Parisien spirituel, ironique et philosophe que les femmes et les chevaux ont ruiné et qui vit au jour le jour des « cadeaux » d’Hubert et des commissions des fournisseurs. Hubert est tombé amoureux d’une femme belle, élégante et hautaine, Jacqueline Monneron. Il charge Maxime de lui « arranger » un rendez-vous. Maxime rencontre Jacqueline. La jeune femme ne veut pas entendre parler d’Hubert, dont le seul nom la hérisse mais, par contre, elle n’est pas insensible au charme de Maxime et tous deux ne tardent pas à s’avouer leur amour et à devenir amants. Maxime a caché à Jacqueline qu’il vit d’expédients et, devant faire face à des obligations sans nombre pour garder la jeune femme, il voit fondre rapidement ses maigres ressources. Un jour, voulant surprendre Maxime chez lui, Jacqueline a la révélation de sa pauvreté. Elle prend pour un surcroît de passion son premier mouvement de pitié mais le jour vient où elle ne voit plus en Maxime qu’un monsieur d’âge mûr, charmant mais incapable de lui assurer la vie brillante à laquelle elle ne peut renoncer. Et Hubert, qui, depuis des mois, s’efforçait de profiter des leçons de Maxime, est devenu un garçon sobre, sérieux, aimable. Il a 35 ans. Il est beau. Et surtout, Hubert est riche.
Quelle leçon ! Aussi bien du point de vue de la réalisation, de la direction d’acteurs, de l’interprétation, de la beauté des décors et surtout du scénario, Maxime peut encore aujourd’hui servir d’exemple aux aspirants cinéastes. Michèle Morgan, Charles Boyer et Arletty trônent de façon impériale sur le douzième long métrage d’Henri Verneuil. Le premier est magnifique dans la peau de ce quinquagénaire sans fortune, mais toujours irréprochablement distingué, qui enseigne les belles manières à l’un de ses « élèves », Hubert (Félix Marten, impeccable, vu dans Ascenseur pour l’échafaud de Louis Malle), jeune insouciant qui s’éprend des charmes d’une femme du monde. Agé de près de 60 ans au moment où il tourne Maxime, Charles Boyer reste l’un des comédiens les plus chics et les plus talentueux du cinéma français. Il est ici tour à tour drôle et tragique, surtout dans la dernière partie du film quand son personnage préférera ne rien laisser paraître de son amour, probablement le dernier qu’il connaîtra, avant de se mettre en retrait, tel le grand seigneur qu’il a toujours été.
La même année que le chef d’oeuvre absolu d’André Cayatte, Le Miroir à deux faces, Michèle Morgan foudroie de sa lumineuse beauté le film d’Henri Verneuil dans la peau de Jacqueline Monneron, une femme qui n’est certes pas de première jeunesse et qui se révèle beaucoup plus ambiguë au fur et à mesure du récit. Il est évident que Jacqueline, croyant Maxime fortuné, ne reste pas insensible à ses avances, jusqu’au jour où elle découvre que Maxime s’est ruiné pour satisfaire ses caprices. Si le couple star est somptueux, le troisième sommet du triangle est incarné par la grande Arletty, qui crève l’écran et vole chaque scène où elle apparaît dans le rôle de Gazelle, ancienne « cocotte » à la voix haut perchée et à l’accent inimitable, qui a eu une aventure avec Maxime dans sa jeunesse. Vingt ans après Hôtel du Nord, Arletty retrouve la gouaille et le charme de Mme Raymonde, la prostituée qu’elle interprétait dans le chef d’oeuvre de Marcel Carné. Son duo avec André Brunot, qui interprète l’impayable général Édouard Le Questin, résume le film. Autrement dit une oeuvre attachante, teintée d’une vraie mélancolie, pour ne pas dire d’une tristesse évidente, surtout quand le temps qui a passé est évoqué.
Mais au-delà de cette gravité qui parcourt tout le film, Maxime est une comédie volontiers sarcastique qui flirte avec l’humour noir, et ce dès l’introduction avec ce triple pré-générique qui compile les visites à Paris d’Elisabeth d’Angleterre en 1957, puis de son père George VI en 1938, puis de son grand-père George V en avril 1914. Le tout sur une voix-off qui indique ironiquement que « l’Europe est calme et la France heureuse »…Puis, Maxime sera constamment ponctué par les diverses nominations et chutes des ministères à la veille de la Première Guerre mondiale, la plupart du temps indiquées sur la une des journaux. Le film se clôt d’ailleurs sur un faux happy-end, sur l’annonce de l’assassinat de l’archiduc d’Autriche à la fin juillet 1914 et sur la proclamation de Jules Guesde selon laquelle « Jamais, jamais, jamais » l’Allemagne ne déclarera la guerre à la France.
Maxime est un faux vaudeville qui triture les composantes du genre et en détourne les codes, pour dresser le portrait d’un monde déjà en voie de disparition et que l’Histoire s’apprête à balayer définitivement. Un très grand film.
LE DIGIBOOK
Nous avons été parmi les premiers à parler de Coin de Mire Cinéma il y a de cela près de deux ans. Depuis, nous avons chroniqué les 25 titres sortis sous la bannière de l’éditeur, dont le travail et la passion ont immédiatement séduit les cinéphiles et les adeptes du support physique que nous sommes. Nous voici donc rendu à la cinquième vague de Coin de Mire Cinéma, qui a d’ores et déjà annoncé une trentaine de titres à venir, avec pêle-mêle La Chartreuse de Parme de Christian-Jaque, La Table aux crevés, Le Grand chef et Le Mouton à 5 pattes de Henri Verneuil, Chiens perdus sans collier de Jean Delannoy, Les Liaisons dangereuses de Roger Vadim, Classe tous risques de Claude Sautet, Le Jardinier d’Argenteuil de Jean-Paul le Chanois, Le Rapace et Dernier domicile connu de José Giovanni, Ho ! de Robert Enrico, La Veuve Couderc et Le Chat de Pierre Granier-Deferre, La Poudre d’escampette et Chère Louise de Philippe De Broca ou bien encore Les Granges brûlées de Jean Chapot…Pour l’heure, cette nouvelle vague comprend Maigret tend un piège (Jean Delannoy, 1958), Maigret et l’Affaire Saint-Fiacre (Jean Delannoy, 1959), Maigret voit rouge (Gilles Grangier, 1963), Les Evadés (Jean-Paul Le Chanois, 1955), Maxime (Henri Verneuil, 1958) et Le Diable et les 10 commandements (Julien Duvivier, 1962). Maxime était jusqu’à présent disponible en DVD chez TF1 Studio. Pour connaître toutes les spécificités de ces éditions dites de « La Séance », nous vous renvoyons à notre premier article consacré à Coin de Mire Cinéma https://homepopcorn.fr/test-blu-ray-archimede-le-clochard-realise-par-gilles-grangier/ . Tous les titres de cette collection sont édités à 3000 exemplaires.
L’édition prend la forme d’un Digibook (14,5cm x 19,5cm) suprêmement élégant. Le visuel est très recherché et indique à la fois le nom de l’éditeur, le titre du film en lettres d’or, le nom des acteurs principaux, celui du réalisateur, la restauration (HD ou 4K selon les titres), ainsi que l’intitulé de la collection. L’intérieur du Digibook est constitué de deux disques, le DVD et Blu-ray, glissés dans un emplacement inrayable. Une marque est indiquée afin que l’acheteur puisse y coller son numéro d’exemplaire disposé sur le flyer volant du combo, par ailleurs reproduit dans le livret. Deux pochettes solides contiennent des reproductions de dix photos d’exploitation d’époque (sur papier glacé) et de l’affiche du film au format A4. Le livret de 24 pages de cette édition contient également la filmographie de Henri Verneuil avec le film qui nous intéresse mis en surbrillance afin de le distinguer des autres titres, de textes préventifs pour la presse, d’une large revue de presse, d’extraits de plusieurs numéros de Cinémonde, l’ensemble étant merveilleusement illustré. Le menu principal est fixe et musical.
Si vous décidez d’enclencher le film directement. L’éditeur propose de reconstituer une séance d’époque. Une fois cette option sélectionnée, les actualités Pathé du moment démarrent alors, suivies de la bande-annonce d’un film, puis des publicités d’avant-programme, réunies grâce au travail de titan d’un autre grand collectionneur et organisateur de l’événement La Nuit des Publivores. Le film démarre une fois que le salut du petit Jean Mineur (Balzac 00.01).
Que se passait-il en cette 45è semaine de l’année 1958 ? Le journal des actualités est là pour vous parler de la présence française dans le monde, au cinéma avec Brigitte Bardot devenue un sex-symbol international, mais aussi dans le domaine de la métallurgie avec notamment la fabrication des gazoducs, sans oublier le champagne qui coule à flots et la voiture fabriquée dans l’Hexagone qui s’arrache dans tous les pays. Place ensuite au jeune Lucien Grüss, 6 ans et fils du célèbre Alexis Grüss, qui présente un numéro impressionnant de dressage de chevaux. Entre les élections en France, la grève des étudiants et bien d’autres événements, les informations sont chargées !
Place à la détente avec les réclames publicitaires de l’année 1958 (7’30) où se succèdent les spots pour Miko, les bonbons Mint’Ho, le dentifrice Colgate, le café Flip, les assurances L’Union, le chewing-gum Hollywood, la gaine Peter Pan et le savon Camay !
L’interactivité se clôt sur un lot de bandes-annonces.
L’Image et le son
Un panneau en introduction indique que Maxime a été restauré en 4K à partir du négatif original, par le laboratoire VDM. Si l’on compare ce nouveau master HD avec le DVD TF1 Studio sorti en 2015, le piqué est sans nul doute renforcé, ainsi que les détails sur les gros plans et le relief des textures. La superbe photographie de l’immense Christian Matras (La Grande Illusion de Jean Renoir, L’Aigle à deux têtes de Jean Cocteau, La Ronde, Madame de… et Lola Montès de Max Ophüls, Fanfan la Tulipe de Christian-Jaque, Les Espions d’Henri-Georges Clouzot) est lumineuse, mais la clarté semble avoir été très poussée sur cette copie, au point que les blancs paraissent parfois brûlés. Les plans sur les comédiennes, en particulier sur Michèle Morgan, sont de temps en temps éthérés, ceci étant dû sans doute à l’usage de filtres. La définition s’en trouve forcément amoindrie. Il n’empêche qu’en dehors de ces menus défauts, ce Blu-ray flatte souvent les rétines, notamment en ce qui concerne la propreté indéniable et impressionnante de la copie, ainsi que sa stabilité et son élégance.
La piste mono bénéficie d’un encodage en DTS HD-Master Audio, le tout ayant été restauré à partir du négatif son. Quelques saturations demeurent inévitables surtout sur les dialogues aigus ou la musique de Georges van Parys. L’écoute est parfois aléatoire, mais s’en tire bien, surtout que l’ensemble est cette fois encore très propre. Les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant sont également disponibles.